Un dealer sénégalais, soupçonné d’avoir vendu de l’héroïne au lieu de la coke, est poursuivi pour homicide par négligence

Berne a alerté les polices cantonales sur les risques de confusion. Trois trafiquants sont sous les verrous.
Un homme de 31?ans est décédé par overdose le 26 décembre après avoir sniffé de l’héroïne présentée et vendue comme de la cocaïne. Selon nos informations, l’homme suspecté de lui avoir remis la drogue a été arrêté le 1er janvier à la rue de Saint-Jean. En pleine transaction devant le Moulin Rouge à Plainpalais, il a pris la fuite en voyant les policiers, qui l’ont vite rattrapé. Il s’agit de D., un Sénégalais de 24?ans qui a aussitôt été inculpé d’infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants, voire homicide par négligence.

D’autres lots de fausse coke sont probablement en circulation en Suisse. La police fédérale a donc alerté ses homologues cantonaux dans ce sens. En effet, il y a deux mois, une mule a été interpellée au Tessin avec environ 400?grammes d’héroïne qu’elle croyait être de la cocaïne. La semaine dernière, le juge de permanence avait déjà fait interpeller J., un dealer malien qui avait l’habitude de vendre sa marchandise aux abords de l’Usine. On lui reproche d’avoir écoulé de la fausse cocaïne qui a provoqué des malaises graves chez plusieurs consommateurs. En outre, la Tribune a appris hier qu’un autre protagoniste, W., un Ivoirien en voie d’expulsion, a également été arrêté, pour les mêmes motifs, le 31 décembre, au foyer de requérants d’asile des Tattes.

A ce jour, au moins deux autres consommateurs ont dû être hospitalisés. Un des dealers, le ressortissant malien de 22?ans, a en effet vendu le 26 décembre deux boulettes de cocaïne à deux Genevois de 27 et 42?ans. Ces derniers ont été pris d’un malaise après avoir sniffé la drogue. L’un des deux était encore dans un état comateux en fin de semaine dernière. Les analyses effectuées par l’Institut universitaire de médecine légale ont montré que les deux clients avaient consommé non pas de la cocaïne mais de l’héroïne, d’aspect et de couleur inhabituels. Or, la prise d’héroïne par voie nasale implique un risque aigu d’arrêt cardio-respiratoire, ce qui peut mettre en danger la vie des consommateurs, précise la justice genevoise. C’est ce qui est arrivé au client décédé par overdose.

Par ailleurs, quatre autres malaises liés à la consommation de drogue ont été enregistrés au cours de ces derniers jours, dont deux ont nécessité une hospitalisation. Ils pourraient également être liés à une prise accidentelle d’héroïne, selon la juge d’instruction Gaëlle Van Hove, en charge des investigations : « C’est un comportement dangereux, potentiellement mortel et il y a chaque année des personnes qui décèdent d’overdose à Genève. Les dealers ne savent souvent pas eux-mêmes exactement ce qu’ils vendent et toutes sortes de produits à risque sont mélangés à la drogue pour la couper. Ce genre de cas extrême en est une triste illustration. »

Mule arrêtée au Tessin avec la mauvaise drogue Que faire pour éviter d’autres décès ? Premières Lignes, l’association genevoise de réduction des risques liés aux drogues, a entrepris d’informer par voie d’affichage et oralement les consommateurs. Outre avoir alerté ses collègues cantonaux sur les risques de confusion, la police fédérale signale également une pénurie actuelle sur le marché de la cocaïne.

Où sont les autres lots du genre en circulation ? Y a-t-il d’autres victimes ? D’autres dealers concernés ? Et où sont les commanditaires de ces mystérieuses livraisons ? L’enquête se poursuit mais la juge salue d’ores et déjà le travail de la Brigade des stupéfiants.

A ce jour, D., l’homme suspecté d’avoir remis la fausse cocaïne au consommateur décédé, conteste les faits. Les deux autres précisent qu’ils n’étaient pas au courant de la méprise.