ENTRETIEN : SUPER CEDDO - ABDOULAYE SECK ET KHAMDEL LO SUR LEURS RETROUVAILLES « On a réalisé qu'il nous fallait retravailler ensemble»

La rupture semblait consommée entre Abdoulaye Seck et Khamdel Lô du groupe Ceddo, qui avaient fini d'officialiser leur «divorce» en 2007. Aujourd'hui, 4 ans après, «Ceddo» renaît et devient le Super Ceddo. Surpris dans leur fief des Hlms, entre fous rires et regards complices, Khamdel et Abdoulaye rechantent à l'unisson et promettent un single et un album pour sceller de façon définitive leurs retrouvailles. Entretien.

Il y a 4 ans, le Ceddo faisait un break et chaque musicien est parti faire une carrière solo ; aujourd’hui, on vous retrouve (Khamdel Lô et Abdoulaye Seck) réunis. Pouvez-vous revenir sur les circonstances de vos retrouvailles ?

Khamdel : Je n'aime pas le mot «retrouvailles» car, c'est comme s'il y a eu une cassure. Certes, on est resté(s) un bon bout temps sans que le public ne nous voie prester ensemble mais, on se voyait dans d'autres circonstances. Que l'on joue ensemble ou pas, on a toujours maintenu le dialogue. On se fréquentait et on s'appelait souvent. Les gens parlent de réconciliation comme s'il y a eu une querelle.

Il n'y a peut-être pas eu de disputes, mais à un moment donné, on ne vous voyait plus jouer ensemble ?

Khamdel :Exact ! Mais malgré nos retrouvailles, si l'un de nous a envie d'aller faire ses affaires de son côté, il le fera. On est arrivé à une situation où chacun de nous a parfois envie d'aller faires ses propres affaires. Mais aujourd'hui, on a un projet en commun.

Donc chacun de vous va continuer à mener une carrière en solo ?

Khamdel : C'est probable, mais actuellement, tout ce que nous ferons à l'avenir intégrera des projets communs. Mais n'empêche, si l’un de nous a des engagements ailleurs, il les respectera et on se retrouvera après.

Qu'est-ce qui a motivé vos retrouvailles ?

Khamdel : On a réalisé qu'il nous fallait retravailler ensemble.

Qu'est-ce qui a pesé sur la balance ? Car, en plus de vos retrouvailles, même le nom de l'orchestre a changé et est devenu le «Super Ceddo»...

Khamdel : C'est le cas partout. Même pour une maison, cela se voit. On peut démarrer par un R+1 et au finish, se retrouver avec un R+3, Chacun aspire au progrès. Le changement de nom, c'est juste une continuité.

Pourquoi aviez-vous décidé à un moment donné de vous séparer professionnellement?

Khamdel : Il arrive un moment dans la vie de l'individu où il nourrit des ambitions qui n'agréent pas souvent le reste du groupe. J'avais envie de faire des choses qui n'intéressaient pas forcément le reste du groupe. J'ai préféré m'isoler pour pratiquer la musique qui me plaisait. Mais cela ne veut pas dire qu'il s'est passé des choses.

Est-ce à dire que vous ne vous retrouviez plus dans ce que faisait le Ceddo ?

Khamdel : Non ! Ce n'est pas cela. Mais à un moment donné, chacun ressent le besoin de faire ses propres affaires, de découvrir d'autres horizons.

Vous ne pouviez pas le faire ensemble ?

Khamdel : Bien sûr ! Mais il est parfois bon d'aller expérimenter d'autres choses.

N'y a-t-il pas eu un petit différend qui avait créé une cassure au sein du Ceddo ?

Khamdel : Nos maisons sont voisines et rien ne peut entacher nos relations. Nos parents sont des amis. Ablaye est mon grand-frère. Même dans un couple, il y a parfois de petites disputes qui n'aboutissent pas forcément à un divorce.
Abdoulaye Seck : Ce ne sont pas des différends personnels, mais on pourrait plutôt parler de différends professionnels. La musique est un métier de rotation et de synergie. Par exemple, vous pouvez voir un album avec plus de 65 nationalités différentes. Cela ne veut pas dire qu'elles constituent forcément un groupe. Tout se fait au feeling et selon les affinités que l'on développe au fil du temps. C'est un phénomène mondial, mais au Sénégal, c'est un fait nouveau et cela crée forcément un couac.

Vous parlez de différends professionnels. Est-ce une différence de style ?

Abdoulaye : Non. Ce n'était pas cela. Notre chance à nous, c'est qu'on pouvait rassembler un public qui n'avait pas toujours les mêmes goûts et de styles. Parce qu'il y avait de la diversité dans ce que nous faisions. C'est un acquis qui aide à mieux regrouper. C'était notre chance.

Quand avez-vous décidé concrètement que le groupe Ceddo devait se retrouver et qui a fait le premier pas ?

Abdoulaye : C'était l’idee de Khamdel. Il a fait le premier pas et m'a approché pour concrétiser un projet qu’il nourrissait. On en a discuté avec des tiers et cela a abouti à la refondation du groupe. Le projet en question est un single qui parle de la situation du pays. C'est une sorte de campagne de sensibilisation qui vise à éveiller les consciences citoyennes pour leur dire que nous allons au-delà des intérêts crypto-personnels. C'est un hymne à la paix que nous avons déjà enregistré.
Pour le titre, nous hésitons entre «,Jammi Rewmi», «Rewmi» ou «Kaddù Askanwi».
Khamdel : Ceddo a toujours fonctionné ainsi. On essaie toujours d'apporter notre contribution par rapport à la situation nationale.

Après ce single, les membres de Ceddo vont-ils continuer à cheminer ensemble ?

Khamdel : Nous projetons de sortir un album et nous allons y travailler d'ici au début de l'année. Ceddo, c'est pour la vie. Nous deux, c'est pour toujours.

N'avez-vous pas cédé à la sollicitation des fans qui vous appellent à des retrouvailles ?

Khamdel : Nous sommes des musulmans et dans tout acte, nous mettons en avant notre foi. Dieu avait décidé nos retrouvailles, comme vous le dites, pour maintenant. Le break aurait pu durer 4 mois mais il était écrit que cela durerait 4 ans.
Abdoulaye : Il y a une part de vérité dans ce que vous avez dit. Nous travaillons pour le public. Cela a toujours été leur souhait de nous revoir jouer ensemble.

N'avez-vous pas fait le constat que l'un ne pouvait pas aller sans l'autre ?

Khamdel : C'est tout à fait normal. Chacun de nous avait emporté son capital d'expérience.

N'avez-vous pas réalisé qu'à deux, vous étiez plus consistants et que chacun de vous comblait les lacunes de l'autre ?

Abdoulaye : Ce n'est pas une question de lacunes. Ma philosophie est que les forces regroupées valent mieux que les forces dispersées.

Pourquoi avoir senti, dans ce cas, la nécessité de vous séparer ?

Abdoulaye : La séparation est un mal nécessaire parce qu'elle permet d'acquérir un capital d'expérience.

Vous aviez décidé de reculer pour mieux sauter ?

Abdoulaye :Bien sûr !

Au finish, vous êtes donc inséparables ?

Abdoulaye : Inséparables ? Peut-être ! Surtout dans le cadre professionnel. Des groupes existaient partout dans le monde, comme les «Beatles», «Bob Marley et les Wailers»... Mais à un moment donné, les gens changent. C'est comme avec le Super Etoile, c'est Habib Faye qui faisait tout, mais avec l'arrivée d'Oumar Sow ou Ibou Ndour, les choses ont changé. Chacun a apporté son expérience pour créer la différence. Cela permet aussi à certains de souffler.

Est-ce à dire que vous étiez arrivés à une période d'essoufflement ?

Abdoulaye : C'est bien possible. N'empêche, nous étions le groupe le plus constant. Nous jouions chaque semaine dans des endroits bien précis et nous avons beaucoup voyagé. Maintenant, il est arrivé un moment où nous avons besoin de changement, d'acquérir d'autres connaissances. Pour ma part, ces 4 ans m'ont fait le plus grand bien, car j'ai acquis beaucoup de maturité. Ma façon d'aborder la musique n'est plus la même qu'avant.

Quelque part, n’avez-vous pas donné raison à ceux qui disaient que vous vous étiez séparés sur un coup de tête ?

Khamdel : C’est tout a fait normal que les gens spéculent sur notre séparation. Ils avaient l’habitude de nous voir ensemble et un beau jour, ce n'est plus le cas. Sauf que cela n'a pas été sur un coup de tête, étant donné que nous nous entendions toujours. On se fréquentait et on s'appelait souvent.

Khamdel, pourquoi avez-vous senti la nécessité de retrouver votre ancien compagnon ?

Khamdel : Abdoulaye et moi, avons toujours eu la même vision éducative de la musique. Je l’ai toujours soutenu haut et fort, la musique ne doit pas juste être une chanson. Elle doit éveiller les consciences, car de nos jours, ce sont les plus jeunes qui l'écoutent. Malheureusement, on constate que maintenant, les textes sont plus axés sur l'amour ou sur la lutte, alors qu'il y a bien d'autres choses à dire. Lorsque nous avons la chance d'être des porteurs de voix, notre parole doit être sensée. C’est en ce sens que j'ai ressenti le besoin de retrouver Abdoulaye.

N'aviez-vous pas également besoin de combler un vide laissé par votre ami ?

Khamdel : Evidemment ! Nous sommes restés séparés quatre ans, mais avant cela, il faut voir combien de temps nous sommes restés ensemble. C'est vous dire que j'avais l’habitude de jouer avec lui, entre autres choses que nous faisions ensemble. Si cela s'arrête un jour, c'est normal qu’Âbdoulaye me manque et que je ressente un vide.

Vous aviez pris des chemins séparés, comment chacun de vous appréciait-il la carrière solo de l'autre ?

Khamdel : Vous devez savoir une chose : il nous arrivait à l'un comme à l'autre de jouer ensemble parfois. Maintenant, s'il s'agit de juger sa carrière solo, ce n'est même pas la peine de chercher midi à quatorze heures, ce n'est que du positif. Je le connais pour l'avoir pratiqué, je sais ce dont il est capable, ainsi que ses lacunes.
Abdoulaye : Nous sommes issus de la même école, nous avons le même style de musique. Nous avons les mêmes idées. Avant de sortir son album, il me l’a fait écouter et je lui ai fait part de mes critiques, qu'il a prises en compte.

Qu'est-il advenu des autres membres de l'orchestre lorsque vous vous êtes séparés ?

Abdoulaye : Chacun est parti de son côté faire son bonhomme de chemin.
Khamdel : Il y en a certains qui ont intégré d'autres groupes.

La reconstitution de Ceddo ne concerne donc que Khamdel et Abdoulaye ?

Khamdel : Non, il y a d'autres membres qui sont toujours avec nous.