Kouthia : « Ma plus grosse déception, c’est quand j’ai quitté le groupe Walf-fadjri... »

Un Sédar spécial est un beau prétexte pour aller à la rencontre de l’humoriste le plus côté actuellement dans le paysage médiatique sénégalais. Kouthia, de son vrai nom Samba Sine n’est plus à présenter. Son émission, « Kouthia Show », retransmise sur la TFM tous les jours de la semaine, de 18h à 19h, est très suivie par les téléspectateurs. Il nous a reçus dans les locaux de la télévision, entre deux séances d’enregistrements. Lisez plutôt la réaction d’un homme comblé par un Spécial… Sédar, et dont l’humour après vingt ans de métier, n’a pas pris de rides.

Diasporamag : Kouthia, un Sédar Spécial n’est pas donné à n’importe qui ? Que représente cette distinction pour toi ?

C’est une belle récompense en effet pour ma carrière de comédien. En tout cas, c’est la première fois dans mon propre pays qu’on me distingue des autres par mon travail. Ce Sédar, c’est le fruit de mon travail et j’exhorte tous les autres à bien travailler pour mériter une récompense aussi prestigieuse ! Si c’était à recommencer, Kouthia deviendrait-il comédien ?

Oui ! Je choisirais encore et encore ce métier qui m’a propulsé au devant de la scène, ce métier qui m’a rendu célèbre et qui aujourd’hui me vaut tous les honneurs et la reconnaissance de mon pays. Et cela, malgré les difficultés que j’ai eu à rencontrer durant les vingt années que j’ai exercé ce métier. C’est un chemin que j’ai choisi sans pression, c’est une passion aussi.

Que conseilles-tu aux jeunes générations qui veulent se lancer dans la comédie ?

Je leur dis de faire d’abord des études ! Un comédien ne doit pas être un analphabète. Il doit au moins savoir lire, écrire, bien parler français et surtout maintenant, avec cette mondialisation, apprendre l’anglais. Parce que justement pour mieux vivre de son art, un artiste a besoin d’ouverture vers l’extérieur. Ce qui lui permettra de rentabiliser ses acquis par des spectacles bien fournis dans les festivals et autres grandes rencontres de la culture. C’est bien beau de faire rire les gens, mais arriver à vivre de son art, c’est encore mieux !

Justement, est t-il facile de faire rire les gens ?

C’est plus difficile que de faire de la musique, de la peinture et j’en passe. Surtout quand il s’agit du petit écran, tu veux faire rire des gens que tu ne vois pas, c’est vrai, tu ne vois pas en direct leurs réactions. Là c’est plus compliqué, des fois tu peux passer à côté de la plaque et le ridicule s’installe. Il faut savoir improviser, l’improvisation est la seule voie. Capter les informations autour et y ajouter une bonne dose d’humour sans friser la vulgarité. Voila la recette !

Est-ce un don ?

C’est un don en effet. Je n’ai suivi aucune formation allant dans ce sens. Depuis que je suis tout petit, j’arrive à imiter des personnes. J’ai mon propre style que je peaufine avec des improvisations.

Parlons du Kouthia-Show, tu détiens des informations explosives qui peuvent même tourmenter certaines personnalités et autres célébrités !

Tu sembles bien informé ?

Je suis les revues de presse chaque jour et j’en sors les bons morceaux que j’exploite ensuite. Puis, je fais comme les journalistes, je me déplace et pars à la recherche de l’info, à la source, vérifier la véracité, ensuite la traiter comme le font les journalistes encore une fois. Seulement, je ne m’attarde pas sur les détails, je donne l’info en bloc, c’est moins de problèmes.

Justement Kouthia n’a pas peur quand il raille certaines personnalités et surtout des membres du gouvernement pour ne pas dire le chef du gouvernement lui-même ?

Non, je n’ai pas peur ! Les journalistes n’ont pas peur non ? Si c’est vraiment un sujet sensible, je rajoute encore et encore de l’humour si bien que ça passe sans heurter les gens ! Mais il m’arrive de recevoir des coups de fil de gens qui n’ont pas apprécié ce que je dis ou fais. Comme une fois où je proposais des solutions pour les coupures intempestives de l’électricité. J’ai utilisé une métaphore qui na pas plu ! Le lendemain, Serigne Mbacké Ndiaye, porte-parole du gouvernement m’a appelé pour me réprimander. Ce que je n’ai pas apprécié, et je lui ai fait tout simplement comprendre que je faisais mon métier et que je ne reculerai pas dans ce que je considère comme un travail à part entière.

Il semblerait que Khouthia soit prêt à tout pour plaire et faire rire les téléspectateurs et ses fans ?

Je suis prêt à tout, sauf à me mettre tout nu évidement, à friser la vulgarité non plus. Je ne veux pas dérailler car je veux que mes émissions soient regardées par des jeunes comme des vieux. Je fais tout pour que les gens qui me regardent ne soient pas choqués. Sur le plan religion, je fais attention car avant, je m’amusais à employer des versets que j’inventais pour créer des histoires sans tête ni queue. Des notables et chefs religieux m’ont interpellé sur ces questions et m’ont prié de ne pas déraper, que la religion est quand même une affaire très sérieuse.

Tu ne penses pas au revers de la médaille, qu’en voulant trop te faire aimer, les gens risquent de te détester ?

Non, je ne pense pas. Au contraire, je pense qu’on est en retard sur ce plan là ! Regardons un peu ce qui se passe en France avec les « guignols de l’info ». Ils caricaturent tout le gouvernement sans limites. Cela teste au contraire le degré de démocratie dans un pays, où la liberté d’expression est un droit ! Personne n’est épargné, même le Président de la République.

Quels sont tes rapports avec les autres comédiens ?

Il parait qu’il existe une association des comédiens du Sénégal (ARCOTS). Je n’adhère pas à cette association. Une association qui ne dispense pas d’ateliers de formations pour les comédiens qui veulent se surpasser ? Leur principale activité c’est « La nuit du rire » de Kaolack, initiée par un avocat qui n’est même pas un artiste ! Je ne suis pas dans ça ! La plupart de ces comédiens font du théâtre populaire ou sont sortis direct du théâtre des ASC. Ce qui fait que certains croient qu’ils font du théâtre alors que ce n’est pas le cas. Dans cette grande famille du théâtre sénégalais, il y a des bouffons, des clowns, qui n’arrêtent pas de ternir l’image du comédien. Je préfère créer une amicale avec des grands de l’humour comme Gallo Thiello, Kader…. Ceux là, ils arrivent à tenir en haleine les gens pendant des heures grâce à leur humour.

Que pense ta famille de ton métier ?

Ma famille me soutient évidemment ! Elle aime ce que je fais et elle m’encourage beaucoup. Je me rappelle que j’ai commencé quand j’avais entre 6 et 7 ans. Mais c’est véritablement en 1988 avec les événements de la Mauritanie que je suis passé devant en sortant ma première cassette avec des imitations. Ce sera plus tard en 1990 que j’ai pris la décision de me professionnaliser et depuis je ne m’arrête pas !

Que regrettes-tu le plus dans ta vie ?

L’admission très tardive de télévisions privées dans le paysage médiatique sénégalais. Je crois que cette situation a beaucoup joué sur le retard des comédiens ici au Sénégal. Personnellement, l’avènement de Walf-Fadjri et de la Tfm ont beaucoup contribué à mon succès, mon avancement, et ma promotion.

Que détestes-tu le plus ?

La méchanceté ! Ah ça, je ne supporte pas. Je déteste la personne qui n’admet jamais le talent des autres et qui essaie à chaque fois de jeter des peaux de bananes sur le chemin des autres. Des déceptions ?

Mon passage à Walf et la tournure des choses. Ma plus grosse déception en effet c’est quand j’ai quitté le groupe Walf-fadjri. Ça m’a fait mal, je reconnais !

De bons souvenirs ?

C’était en 1997, lorsque pour la première fois, j’allais me rendre en France, à Paris pour des raisons professionnelles. Je voyais en cela le résultat de tous mes efforts consentis pour la comédie et la reconnaissance de mes talents. Je me souviens que quand j’ai annoncé fièrement à mes amis que je me rendais en France, ils ne m’ont pas cru. Je me souviens, ils disaient qu’ils allaient y croire que lorsque j’aurai ramené des cheveux de toubab et une photo de moi sur la tour Eiffel. Ce serait la preuve que j’ai foulé réellement le territoire français. Ce que je fis évidemment ! Le lendemain de mon retour, je me promenais dans la cité avec des sandales et le doute s’est encore réinstallé dans leur tête…

Kouthia a-t-il du succès auprès des femmes ?

Bien sûr ! Les femmes me courent après ! Il y a presque (il hésite un moment…) 87 femmes qui sont prêtes à m’épouser. Il suffit que je dise oui. Néanmoins, je suis déjà marié avec une femme très compréhensive. Mais il me faut une seconde épouse. Ma femme le sait parfaitement, elle est d’ailleurs consentante.

Tu es plein aux as alors ?

Mais non, je ne suis pas riche ! « Ma ngui sant Yalla rek » ! Mais jusqu’à présent, je loue pour loger ma famille, je n’ai pas encore de maison à moi, ni de voiture ! C’est le minimum qu’un riche puisse posséder quand même !

Kouthia fera-t il un jour de la politique ?

Je pense que je n’y échapperai pas. Si pour être député à l’assemblée nationale, il faut dix mille voix, quelqu’un qui peut vendre plus de trente milles exemplaires, donc, trente milles voix, peut accéder à ce poste. Il nous faut un député culturel qui puisse défendre les intérêts du peuple et surtout des artistes. Moi Kouthia, je me lancerai tôt ou tard dans la politique ! Que penses-tu des marabouts ?

Je suis tout d’abord un musulman et je respecte tous les chefs religieux sans aucune exception. Mystiquement parlant, « damay taak di diiwou » comme tout bon sénégalais. Je sais aussi reconnaître les vrais marabouts, car moi-même je suis un marabout ! Je l’ai hérité de mon père qui arrivait à prédire l’avenir. Maintenant, je détiens des pouvoirs mystiques !

Est-ce que Kouthia est accessible ?

Je bois toujours du café Touba avec des beignets « dougoub », et on sait que ces deux denrées ne se vendent que dans la rue. Je n’ai pas de garde du corps et je continue à marcher seul quand cela m’enchante ! Je réponds à tous les coups de fil que je reçois sans distinctions ni filtres.

Source : http://www.diasporamagusa.com/sommaire/portrait/161-kouthia.html