Connue pour son franc-parler, Ndèye Mour Ndiaye, artiste comédienne, a fait les beaux jours de «Daaray Kocc», troupe qu’elle a intégrée en 1980. Dans l’ombre, depuis longtemps, Ndèye Mour n’est pas pour autant restée les bras croisés puisqu’elle continue ses oeuvres dramatiques. Sortie de son silence, elle est revenue largement sur ce qui a marqué sa vie mais aussi sur les raisons de son retrait de la scène.
Ndèye Mour Ndiaye pouvez vous nous parler de vos études si vous en avez fait ?
J’ai fait mes études primaires à l’école de la Médina, puis j’ai été transférée à l’école Colobane 2, actuelle école Mame Thierno Birahim Mbacké. Mon cycle secondaire, je l’ai fait au Lycée Blaise Diagne. Puis, j’ai arrêté les études en classe de seconde. Cela, pas de mon propre gré, mais parce que j’avais des choses à faire, une mission à accomplir. J’ai dû assumer des responsabilités à bas âge, alors j’ai mis mes études en stand by. Je ne le regrette pas et si c’était à refaire, je vais le refaire.
Pour ce qui est de votre profession, quand êtes-vous entrée dans le monde de l’art dramatique ?
J’ai commencé mon métier à l’association de Santhiaba. C’est la première association sportive et culturelle qui a commencé à dispenser des cours de vacances. Comme, j’ai eu la chance d’habiter avec Cheikh Tidiane Diop, j’ai aussi eu la chance d’interpréter le premier scénario qu’il a écrit : ‘Ami Collé, la mission d’une jeune villageoise’. Il n’a malheureusement pas pu le réaliser. J’ai tellement bien interprété le rôle que je peux dire que je suis la seule comédienne qu’il n’a pas eu à auditionner. Le jour de la représentation il a dit, devant Tapha et Ibou Laye, qu’il veut me voir à ‘Daaray Kocc’. En ce moment - là, la troupe était à la recherche d’une jeune fille qui pouvait interpréter le roman de Mariama Ba, ‘Une si longue lettre’. C’est comme ça que j’ai commencé à ‘Daaray Kocc’.
Vous avez évolué pendant longtemps dans le monde du théâtre. Qu’est-ce que le théâtre vous a apporté ?
Je peux dire qu’il m’a tout apporté parce que j’ai eu beaucoup d’amis grâce au théâtre. Et dans le jargon de notre dialecte, on dit souvent que le comédien qui a beaucoup d’amis ne va rien perdre, car en cas de difficultés, tes amis seront à tes côtés pour te soutenir. Donc, sur ce plan, je suis satisfaite. Mais, pour parler de mon métier en tant que tel, je dirai que c’est clopin clopant. Je ne vais pas entrer dans les détails, retenez juste que je suis satisfaite de mon métier.
Mais est-ce que l’artiste que vous êtes, vit de son art ?
En tout cas, je remercie le bon Dieu et je lui rends grâce. Il y a certaines autorités qui m’appellent sans attendre que je demande une audience. Ce n’est pas pour me vanter que je le dis, mais j’ai fait quelque chose pour mon pays. J’ai marqué mes empreintes. Maintenant, j’attends que mon pays fasse quelque chose pour moi. D’ailleurs, je me demande pourquoi jusqu’à présent je n’ai reçu aucune distinction de mon pays. Est-ce que je ne mérite pas la médaille de l’Ordre national du mérite ou quelque chose du même genre ? Je ne le dis pas pour qu’on me le donne aujourd’hui, mais parce que si je mourrai demain, ils vont peut-être mettre cela sur mon cercueil. Ce ui n’est pas encourageant du tout. Les autorités doivent se souvenir qu’il y a des artistes qui ont beaucoup fait pour le théâtre. Pourquoi ces gens-là ne sont jamais décorés ? C’est injuste. Je ne le dis pas pour une décoration, mais c’est la vérité.
Mais on ne vous voit plus vous produire dans le monde du théâtre. Pourquoi ?
Je vais vous surprendre dans deux ou trois mois. J’avais pris du recul, mais ce n’était pour laisser l’art de côté. Je ne connais que ce métier, c’est ce que j’ai appris et ce que je fais depuis maintenant environ 30 ans. Je ne veux pas que les gens pensent que j’ai décroché. Heureusement, je suis une personne très curieuse, j’ai eu la chance d’apprendre et j’ai appris le batik, la teinture traditionnelle et moderne, j’ai appris le montage et beaucoup d’autres choses. Maintenant, je peux faire le montage moi-même, car j’ai été formée par des Espagnols. J’ai écrit des pièces de théâtre et elles seront bientôt sur le petit écran, je ne sais pas sur quelle chaîne de télévision mais vous verrez mes productions. J’ai une maison de production qui s’appelle ‘Mour Productions’. Je ne suis pas restée les mains croisées durant cette période. J’ai beaucoup travaillé et je ferai mon propre montage, je serai la réalisatrice.
Si vous faites une comparaison entre le théâtre d’avant et celui d’aujourd’hui, que direz-vous ?
En ce qui me concerne, quand je fais une chose, je la fais très bien, cela fait partie de mes principes. J’ai également comme principe de ne pas regarder une chose qui ne me plaît pas, je zappe si c’est le cas. Je n’aime pas critiquer mes pairs, aussi je préfère laisser le public sénégalais juger lui-même parce que personne n’est dupe. Nous sommes dans un pays où les téléspectateurs sont beaucoup plus professionnels que les gens qui sont à l’écran. Au Sénégal, tout le monde est artiste. Cela dépend du domaine, mais tout le monde est artiste. D’ailleurs, je regarde les chaînes de télévision sénégalaise très rarement. Je ne veux plus de problèmes avec qui que ce soit. Car, un jour, j’avais dit dans une de mes interviews que je suis une comédienne et non une prostituée. Il y a eu quelqu’un qui m’a répondu, mais je crois qu’il ne va plus le répéter. Il y a des choses qui ne se disent pas à travers les médias, mais c’était un homme. Je ne m’adressais pas à lui ni à personne d’ailleurs. Le journaliste m’a posé une question et je crois que j’ai le droit de dire que je ne suis pas une prostituée. Mais bon, qui se sent morveux se mouche.
On a aussi constaté que dans votre milieu, il y a beaucoup de mystiques, comment vivez-vous cela ?
Je suis musulmane et pratiquante, je suis éduquée d’une certaine manière donc, il y a des choses que je ne fais pas. J’ai quitté ‘Daaray Kocc’en 1993 et tous les jours, mes collègues me demandent pourquoi et je leur réponds toujours que c’est personnel.
Est-ce à dire que vous ne croyez pas à ces choses ?
Non ! Je n’ai pas dit que je ne crois pas aux choses mystiques. Parce que je suis née d’une mère Léboue et d’un père Sérère d’origine, mais il y a certaines choses dont je m’écarte de plus en plus, je préfère ne pas en parler.
Pour parler un peu de vous, on dit souvent que vous êtes coléreuse…
Vous voulez dire belliqueuse… (éclats de rire). C’est une chanson maintenant chez moi, j’ai l’habitude de l’entendre. C’est simplement une question de principe chez moi. Je ne suis pas une personne difficile. J’aime le calme, je peux même rester 72 heures sans sortir de chez moi. Et quand je sors, je fais ce que j’ai à faire et je retourne directement chez moi. Je ne suis pas du genre à dire des choses qui ne me concernent pas. Je n’aime pas dénigrer les gens, je déteste l’hypocrisie et le mensonge. J’ai mon franc parler, je suis née avec. Vous voyez cette photo accrochée au mur (elle pointe du doigt la photo de son père), je suis la fille d’un adjudant chef de police et j’ai eu la chance d’être éduquée par lui. Si j’ai quelque chose à dire, je le dis. Car je déteste tourner autour du pot ou dire des choses derrière la personne. Peut-être que c’est pour ça que je n’ai pas beaucoup d’amies. Ma meilleure amie c’est ma mère.
Donc, Ndèye Mour est véridique…
Oui ! Je n’ai pas de problème, je suis généreuse, mais je suis très casanière. Cela peut vous surprendre, mais je n’entre pas très vite dans le domaine d’autrui. Je ne m’attache pas très vite parce que j’ai peur d’être déçue. Je prends tout mon temps pour connaître la personne.
On a au Sénégal aujourd’hui un ministre de la Culture qui est du même milieu que vous, celui des arts, qu’attendez-vous de lui ?
Vous venez de soulever mon franc parler, j’ai parlé à Youssou Ndour. Nous avons formé un réseau des femmes entrepreneuses du secteur culturel dont je suis la trésorière. Il est venu nous voir au Centre culturel Blaise Senghor, je lui ai dit M. le ministre, vous êtes le seul ministre qui n’a pas droit à l’erreur. Je peux tolérer que les autres fassent des erreurs, mais vous non. Vous n’avez pas ce droit. Parce que pour la première fois, nous avons un ministre de la Culture qui est du milieu, qui sait tout. Quand, quelqu’un a une audience avec vous, il n’a pas besoin de vous exposer ce qui l’a amené chez vous, vous savez tout et ce n’est pas la peine qu’on vous explique quoi que ce soit. Donc, vous n’avez pas droit à l’erreur. Maintenant, qu’il sache qu’il n’est pas le ministre des musiciens seulement, il est le ministre de la Culture. Il est le ministre de tutelle de tous les acteurs culturels, à savoir les neuf secteurs culturels. Je sais qu’il est conscient de cela, mais je le lui rappelle. Ce n’est pas méchant et je crois qu’il sera à la hauteur.
Pour revenir un peu à «Daaray Kocc», quelles sont vos relations avec Seynabou Niang. Parce qu’on a constaté que vous êtes toujours des amies dans vos pièces. Est-ce que dans la vie réelle vous êtes comme ça ?
En tout cas c’est une amie à moi. On est très proche. Elle habitait à la rue 17 et moi je suis à la rue 19. Nos mères étaient des amies d’enfance. On s’est perdu de vue seulement parce qu’ils ont déménagé à Pikine. C’est une femme que je respecte(elle le répète trois fois). Je la répète parce que ce n’est pas de toutes les femmes que je dis cela, il y en a certaines que je respecte.
Quelle est sa particularité ?
C’est une battante. J’ai suivi ses débuts, elle est venue adhérer un peu après moi en 1984 à la troupe ‘Daaray Kocc’. En ce moment là, elle faisait ses études. Après, elle a décroché son Bfem et elle est devenue institutrice. Elle a tout fait pour satisfaire ses frères et soeurs.
Quelles sont vos relations avec Cheikh Tidiane Diop ?
Il est un parent à ma mère, c’est un oncle à moi. Son père est mon grand-père. Toute la famille léboue est liée, nous sommes tous des parents. Je suis née ici et c’est eux qui m’ont baptisée.
Et Pape Demba ?
Si j’ai pu entrer à ‘Daaray Kocc’ c’est grâce à lui. Je ne suis pas méchante et quand une personne fait quelque chose de bien pour moi je le reconnais. Le cas contraire également, je le dis. A Santhiaba, dans notre première pièce, nous avons joué ensemble les rôles principaux. Et c’est ce qui a fait que nous étions très proches. Je suis allée à Saint-Louis pour voir sa femme actuelle. J’étais avec Boubacar Kane et nous allions là-bas presque tous les mois, parce qu’il était en mission. On a dit des choses sur nous deux. Mais je crois que ceux qui parlent de cette manière entre lui et moi sont des arrivistes. Pape Demba est un ami et rien d’autre. Ces temps-ci, il ne m’appelle pas, car il fait des réalisations. Et je ne suis pas partie me présenter parce que je me dis qu’il n’a pas besoin de moi. Je ne vais jamais là où je ne suis pas appelée. Mais on n'a aucun problème.
Pensez-vous regrouper un jour tout ‘Daaray Kocc’ ?
C’est ce que je suis en train de faire. Loulou Diop qui est un grand-père, il a joué dans un des épisodes que je vais présenter sous peu. Je suis la seule à avoir cela et il y a d’autres que j’ai appelé pour qu’on travaille ensemble.
Quelles sont vos relations avec les autres artistes, surtout ceux d’aujourd’hui ?
Il y a nuance. Parfois je rencontre des artistes qui se présentent à moi, mais que je ne connais pas parce que je ne les regarde pas à la télévision. Je passe la plupart de mon temps à faire des mots fléchés ou à lire les journaux. Car j’aime la presse écrite, cela me soulage. Ils croient que je les snobe, alors qu’effectivement je ne les connais pas et je n’ai pas pour habitude de fréquenter des gens comme ça. Ce n’est pas par méchanceté, mais j’ai été éduquée de cette manière. A mon âge, je n’ose pas sortir sans dire à ma maman que je sors. Il y a peut-être des femmes qui le font, mais moi je n’ose pas le faire. Je peux même rester des jours sans aller rendre visite à certains membres de ma famille.
Et les anciens, est-ce que vous avez gardé le contact avec eux ?
Cela fait longtemps que je n’ai pas entendu parler d’eux. J’ai ma mère qui est malade, je fais la navette entre l’hôpital Principal et chez moi. Je me lève aux aurores pour m’occuper d’elle. Elle est ma petite princesse. Je n’ai pas pour habitude de me rendre chez les gens comme ça. Cela ne veut pas dire que je n’ai pas d’amis. J’ai des amis que je fréquente depuis plus de 30 ans, mais je suis casanière. Je dissèque la personne pour ne pas être déçue. J’ai aussi peur de blesser les gens, je ne sais pas si mon franc parler ne va pas gêner. A cause de tout cela, je préfère rester dans mon petit coin.
Parlons de choses beaucoup plus personnelles. Mour à quand le mariage ? Est-ce que vous avez au moins des prétendants ?
Non, je n’en ai pas. Les gens peuvent croire que je bluffe en disant cela, mais c’est la réalité. Je n’ai pas de prétendant. Quand on prononce mon nom, les gens disent ‘Aaah’ ou ‘Hiii’. Mais, encore une fois, je rends grâce à Dieu. Nous étions sept filles dans la famille, ma grande soeur est décédée, les autres sont toutes mariées. J’ai été mariée à l’âge de 27 ans, mais depuis mon divorce, je ne me suis pas remariée. C’est peut-être la volonté divine, mais je ne manque de rien. Parce que je suis en bonne santé, je n’attends personne, je ne tends la main à personne. Et pourtant, cela fait tellement longtemps qu’on ne me voit plus sur l’écran. Le mariage est une volonté divine et si Dieu dit que je ne me remarierai pas je n’y peux rien.
Votre dernier mot ?
Je souhaite à tous les Sénégalais beaucoup de bonheur et de paix surtout. Je souhaite aussi une bonne santé à ma mère pour que je puisse continuer mon travail. Il y a des choses que j’aimerai terminer, je n’ai pas encore fini. Malheureusement, elle ne pourra pas aller à la Mecque. Parce qu’elle est malade, elle est diabétique et elle est âgée. Je ne peux pas l’amener à la Mecque et c’est ce que je regrette. A dire vrai, c’est mon plus grand regret, ce qui me fait le plus mal… (elle observe une longue pause, puis fond en larmes).
41 Commentaires
Young Girl
En Octobre, 2012 (02:07 AM)Constat D'un Sénégalais
En Octobre, 2012 (02:10 AM)Ptitboudha
En Octobre, 2012 (02:11 AM)Fal
En Octobre, 2012 (02:12 AM)Ben Idriss
En Octobre, 2012 (02:14 AM)Dey Bakh
En Octobre, 2012 (02:21 AM)D
En Octobre, 2012 (02:45 AM)Mbeguel
En Octobre, 2012 (02:54 AM)Daraaykocc4ever
En Octobre, 2012 (03:12 AM)Conseil24
En Octobre, 2012 (03:15 AM)Patcha
En Octobre, 2012 (03:16 AM)Pa
En Octobre, 2012 (03:20 AM)Fans
En Octobre, 2012 (03:43 AM)D
En Octobre, 2012 (03:48 AM)Real
En Octobre, 2012 (03:51 AM)Mbok Mi
En Octobre, 2012 (03:52 AM)Kkk
En Octobre, 2012 (04:54 AM)Yuookj
En Octobre, 2012 (06:13 AM)Mamy
En Octobre, 2012 (08:10 AM)Khady123
En Octobre, 2012 (09:27 AM)Papmiko1
En Octobre, 2012 (10:56 AM)Vue Large
En Octobre, 2012 (11:43 AM)Fifi
En Octobre, 2012 (12:26 PM)Gfhsggf
En Octobre, 2012 (12:46 PM)BONNE CHANCE
Dekeundo
En Octobre, 2012 (13:10 PM)Nafitoo
En Octobre, 2012 (14:07 PM)Artiste Sn
En Octobre, 2012 (16:42 PM)@voisine
En Octobre, 2012 (17:31 PM)Negro Rrrrrrrrrr
En Octobre, 2012 (18:57 PM)Diop
En Octobre, 2012 (20:16 PM)Ndéye Mour je t ' admire beaucoup , ne tombe pas dans ces conneries . La plus part de ces hommes détruisent la vie d ' une femme . Alors garde ton intelligence et ta solitude pour mieux évoluer dans ta vie . Méfie toi des prédateurs crapuleux !
Médina
En Octobre, 2012 (12:22 PM)Fafa
En Octobre, 2012 (13:28 PM)Couz
En Octobre, 2012 (16:56 PM)Com 30 Satiotou Ndayy
En Octobre, 2012 (19:13 PM)Rasou
En Octobre, 2012 (06:22 AM)Ayou
En Octobre, 2012 (12:45 PM)Yaaye
En Octobre, 2012 (15:15 PM)Pap Njay Medina
En Octobre, 2012 (16:33 PM)NATURAL 4 EVER.
Fasse Maigre
En Octobre, 2012 (22:35 PM)Deug
En Octobre, 2012 (11:25 AM)Malick
En Octobre, 2012 (14:50 PM)Participer à la Discussion