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Réécrire ou ne plus écrire

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Réécrire ou ne plus écrire

- Avons-nous le droit de commettre les mêmes erreurs que nos pères ?

En 1958, le General de Gaulle nous défiait de prendre l’Indépendance. L’histoire a retenu l’image des pancartes hostiles brandies par la jeunesse africaine d’alors.

Il me plaît de rappeler les symboles des héros de cette épique, « deux hommes du refus que l’histoire a séparés, au nom de la dignité » : Charles de Gaule et Valdiodio Ndiaye. L’un, ministre de l’Intérieur, descendant des Gelwaars du Saloum et fils de la Reine Sira Mbodj, l’autre, militaire chef d’Etat et noble de France; tous deux fiers de s’affronter d’égal à égal. J’imagine, plus tard, le Général de Gaule tenir ce langage à son alter ego, seule autorité sénégalaise ayant osé lui faire face…

 « Waly, toi et moi savons fort bien que la souveraineté ne n’arrache ni avec des pancartes ni avec une signature au bas d’un parchemin mais avec les larmes le sang et la sueur.  Mes compatriotes en ont  beaucoup répandu  pour chasser les Nazis de notre pays. Tes ancêtres, de même, en s’opposant aux miens. Nous avons vaincu et vous avons imposé notre langue, nos us et coutumes. Cela fait trois siècles, jour pour jour. Une autre page s’ouvre aujourd’hui et vous avez le choix entre la réécrire, selon vos propres termes ou nous laisser le soin de perpétuer notre œuvre civilisatrice».

Pour l’ancien maître, aussi longtemps que la langue française sera notre instrument de travail d’échanges et de promotion sociale, la lien tricentenaire demeurera, pour le meilleur et pour le pire. Par-dessus tout,  de Gaulle avait pressenti qu’il nous sera difficile de bâtir une nation, c’est-à dire un destin par et pour nous-mêmes.

Ainsi fallait-il entendre le  défi de prendre l’indépendance. Nos pères l’ont prise avec leurs propres arguments. Il appartient aux fils de la réécrire autrement.

 

Ce clin d’œil à l’histoire me sert  juste de prétexte pour énoncer la question qui me taraude les méninges : Comment réussir une parfaite émulsion des vertus de la tradition orale avec les concepts accoucheurs de la modernité ? En faisant d’abord le tri des vertus spécifiques à chaque groupe ethnique aux fins de les harmoniser ; ensuite, identifier les pollutions culturelles et idéologiques dont nous sommes également victimes. Ces pollutions sont telles que dans un pays comme le nôtre, le cousinage à plaisanterie, quoique facteur virtuel de cohésion du tissu social,  ne fonctionne, hélas, que chez ceux qui n’ont pas lu Bacon, Goethe Rousseau et les autres.

Internet qui aurait pu aider à adoucir les aspérités, contribue paradoxalement à  les hérisser.  La dernière chronique en offre un exemple saisissant. Il y était question, sans la moindre confusion, de dénoncer puis rétablir à notre avantage, « la détérioration des termes de l’échange » dont l’Afrique est victime  jusque dans ses biens  culturels. Sur plus de quatre mille lecteurs et une centaine de commentaires, cinq ont planché sur l’aubier du sujet; les trois quarts se sont rués sur les branches, machette au poing, chacun pour débiter et ramasser, au nom de son groupe ethnique, « le fagot qui lui plaît » ; les autres se sont disputés des antériorités ou préséances  linguistiques. Ce qui conduit à croire que communiquer est toujours source de malentendus. A moins que le locuteur s’adresse à un groupe miraculeusement homogène, partageant les mêmes intérêts, nourrissant les mêmes ambitions. Ecrire s’avère encore plus périlleuse, surtout dans un pays de tradition orale. Au point que je me demande souvent : - pourquoi, pour qui écrire ?

- « Pour ta famille », plaide le fils songeant sans doute à d’hypothétiques droits d’auteur posthumes. Pourvu que la famille s’arme plutôt de bâton ou de fusil pour perpétuer l’héritage… Suis-je tenté de lui répondre. A moins que la plume ne s’obstine à tremper dans l’encre du messianisme  de la colère ou de la vanité … Car tout cela semble parfois si futile, si vain. De quoi se convaincre de ranger la plume.

A moins d’écrire, juste pour soi et… « Autant en emporte le vent » !

 

Amadou Gueye Ngom

Critique social

 



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