[ ENTRETIEN ] SEYNABOU SY DITE BIJOU, ANIMATRICE : « Pour moi, c'était soit le divorce, soit l'enfer du mariage…»

Elle a fait les beaux jours de la défunte chaîne musicale MCM Africa, ancêtre de Trace Tv, avant de débarquer au Sénégal. Dans ses valises, ses talents d'animatrice, Seynabou Sy alias Bijou pour les intimes, produit et présente l'émission Dakar Feeling, diffusée sur la Rts1. Dans cet entretien, elle nous embarque dans son enfance dorée, sa jeunesse ardue et surtout son mariage éphémère...

 

On vous connaît à travers votre métier d'animatrice-télé. Qui se cache derrière le personnage ? 

 

Je me nomme Seynabou Sy. Ma famille est originaire de Podor mais mes deux parents viennent de Saint-Louis. Mon père est né à Kayes au Mali. J'ai 37 ans et je suis la directrice de Yacine Production, journaliste et présentatrice de l'émission Dakar Feeling sur la Rts. J'ai débuté à Radio nova, sur MCM Africa et Cfi. J'ai fait aussi un peu d'humanitaire avec une association, Africaware. 

 

Quel est le concept de Dakar feeling ? 

 

Dakar Feeling est une émission dynamique, qui envoie de l'énergie positive. Elle vise à apporter du sourire et de l'énergie aux gens. Elle passe tous les samedis sur la Rts1 à partir de 19h et est rediffusée le lundi. Notre ambition est de montrer tout ce qu'il y a de beau et de bon chez nous, à Dakar et environs, toutes les bonnes personnes, les bonnes initiatives et les projets qui valent la peine d'être mis en avant. Histoire de montrer que l’Afrique a autant à donner qu'à recevoir, car les Occidentaux ne montrent l’Afrique que lorsqu'elle a besoin d'aide ou quand elle va mal. Il est temps que cela change. Dakar Feeling est une œuvre de Yacine production. Tout est réalisé par nous. On donne à la Rts1 une émission prête pour la diffusion. 

 

Dakar, ce n'est pas une très grande ville, vous n'avez pas peur que l'émission s'essouffle très vite ? 

 

Non. Il y a des gens qui, tous les jours, créent des choses, ouvrent de nouveaux endroits à Dakar. Ensuite, Dakar Feeling n'est pas une émission consacrée uniquement à Dakar. On va dans les régions, on peut même aller au-delà, puisqu'on a déjà fait des émissions à Istanbul (Turquie). Donc l'émission agit comme un symbole : Dakar comme symbole de l’Afrique nouvelle et puis feeling comme quelque chose d'immatériel, sans frontières. 

 

Qu'est-ce qui a motivé votre retour au Sénégal ? 

 

Mon retour au bercail, je ne puis l'expliquer. J'ai juste senti qu'il était temps et cela s'est imposé à moi comme une évidence. Au début de ma carrière, je ne pensais pas qu'un jour je reviendrai en Afrique, ni même que j'allais y travailler. En 2006, j'ai su qu'il me fallait rentrer au bercail. 

Comment s'est déroulée votre enfance ? 

 

Une enfance cool. Je venais passer mes vacances entre Sor à Saint-Louis et Dakar. Mon père était ambassadeur est c'est ce qui expliquait nos fréquents déplacements. J'étais une enfant joyeuse, dynamique, qui aimait la vie. J'étais un peu garçon manqué et j'aimais beaucoup bouger et pratiquer du sport. On revenait tous les 2 ans à Dakar. 

 

Quels souvenirs gardez-vous de ces vacances ? 

 

De très beaux souvenirs. Je me souviens des balades au bord du fleuve, les chawarmas, les discussions autour du lait chaud et les jeux des enfants 

 

N'étiez-vous pas catégorisée comme une fille chichiteuse ? 

 

Je n'ai jamais fait attention à ce que les gens pouvaient dire ou penser de moi. Je n'y pensais même pas. Sinon, on ne vit plus. J'étais moi-même et basta. Si on s'attarde sur les réflexions des gens, on n'est plus soi-même, on perd notre essence. On est ce qu'on est et puis, on a notre valeur en tant qu'être humain. Ce que les gens pensent de moi n'est pas grave, car je me sens bien partout. 

 

Vous avez grandi plus avec la culture occidentale qu'avec celle africaine ? 

 

Disons que les deux étaient toujours présentes. Mais en termes de culture et d'apprentissage, j'ai une culture francophone et francophile. Mais à la maison, on mangeait sénégalais. J'entendais parler wolof, même si entre nous, on se parlait français. Je n'ai jamais douté de mon identité sénégalaise. 

 

Avez-vous vécu le racisme ? 

 

Le racisme, c'est d'abord le problème du raciste. J'ai eu à vivre le racisme. 

 

Comment ? Dés anecdotes ? 

 

Une fois, je suis allée dans un supermarché avec ma sœur. La caissière nous a dit : mais vous êtes noires et belles, comme si les deux n'étaient pas compatibles. Je n'ai jamais été blessée par le racisme. Je n'en ai pas souffert. 

 

Comment le métier d'animatrice est-il venu à vous ? 

 

J'avais envie de passer des disques, de partager ma passion de la musique avec les gens. Je me suis lancée dans des études de journalisme, après le Baccalauréat scientifique, car je voulais me rassurer sur mes propres capacités. Lorsque je sortais de la Faculté, ce n'était pas forcément pour travailler dans un organe de presse, mais plutôt dans une maison de disque pour assurer la communication des artistes. Par la suite, la télé est venue, à travers MCM Africa. Au début, je n'envisageais pas d'être présentatrice, j'ai intégré le groupe en tant que stagiaire. Mais un jour, alors qu'ils cherchaient une présentatrice pour animer une émission et qu'il n'arrivait pas à en trouver, ils m'ont intimé l’ordre de le faire, sans même me demander mon avis. 

 

Quel est votre style musical ? 

 

Une musique qui a une âme, qui porte ne certaine profondeur, quel que soit le style, peut me toucher. Aujourd’hui la musique est devenue très synthétique, tout le monde électrons un peu sa musique et dans ça, il y a du bon et du moins bon, mais c'est moins ma tasse de thé. J'aime aussi les musiques classiques comme le Jazz, ainsi que les musiques brésiliennes et les variétés françaises. S'agissant du Mbalax, il n'y a pas énormément de choses qui m'y plaisent vraiment. On connaît les trois ou quatre grands, Youssou Ndour, Omar Pène, Thione Seck, Baba Maal... En dehors d'eux, je peux aimer certains morceaux d'Abou Thioubalo, d'ldrissa Diop et de Naby, qui a des chansons très inspirées et douces. Les anciens titres de Viviane me plaisent également, mais moins les derniers. En gros, je trouve que certains artistes sénégalais font dans la facilité. Ils essaient plus de faire un tube qu'un album de qualité qu'on pourra écouter dans 10 ans. 

 

Côté jardin, comment est Seynabou en dehors des caméras ? 

 

Je suis la même. Mais mes amis me disent que je suis plus calme, plus posée en dehors des caméras. 

 

Quelle est votre situation matrimoniale ? 

 

Divorcée, sans enfant 

 

Combien de temps a duré votre mariage et qu'est-ce qui n'a pas marché ? 

 

Par respect pour mon ex-époux, je ne peux pas parler de notre relation passée. Mais je dirais que dans la vie, toute chose est une expérience et l'important, c'est qu'on y mette tout son cœur pour que cela réussisse. Toutefois, il y a des choses qui ne sont pas faites pour tenir. Quand on a fait le mauvais le choix, il faut l'accepter, l'assumer et s'en remettre à Dieu. Je connais beaucoup de femmes qui savent qu'elles ont fait le mauvais choix, mais ne l'assument pas et donc elles s'enferment dans une relation malheureuse. Moi, j'ai choisi de ne pas sauver les apparences pour être heureuse. Lorsque je me mariais, je pensais que cela allait être pour la vie, mais cela n'a duré qu'un an. Pourtant, j'avais fait ce choix de façon très sincère, très honnête. Pendant le mariage, j'ai fait ce que je devais faire, j'ai tout donné et cela n'a pas marché. Je l'accepte, parce que je sais qu'il ya mieux pour moi devant. 

 

N'y avait-il pas un choc culturel entre vous, puisque vous avez grandi en Europe ? 

 

Absolument pas, ce n'était pas du tout un choc culturel. Mon ex-mari était Sénégalais, tout comme je le suis. Mes parents et mes ancêtres sont d'ici. C'est juste que si l’on se rend compte que nous ne sommes pas compatibles, il ne faut pas forcer les choses. Il y a même un terme juridique qui prévoie ce cas de figure; c'est l'incompatibilité d’humeur. Loin de moi l'idée de faire l'apologie du divorce, mais je sais que c'est l'une des meilleures choses qui me soient arrivées. Cela m'a permis de renaître à moi-même d'une meilleure façon. C'était soit de choisir d'être heureuse ou de vivre dans l’enfer, j’ai choisi d'être heureuse et ce n'est pas forcément tout le monde qui trouve le bonheur dans un mariage ou dans un divorce. 

 

Il y a certaines astuces pour mieux ferrer leurs hommes que les femmes sénégalaises utilisent. Etes-vous dans ce lot ? 

 

Si vous demandez à mes deux copines qui sont Nafytoo (spécialiste en lingerie) et Kira (directrice d'un cabinet de séduction), elles vous diront que j'ai beaucoup de choses à leur apprendre. Vous savez, c'est l'expérience qui fait la différence et de ce point de vue, on peut tous donner des conseils dans ce domaine là. J'aime beaucoup ces choses-là, en tant que femme mariée et même pour moi-même. Ne pensez pas que parce que j'ai été élevée en Europe, je suis complètement déconnectée de ces choses-là. Je suis Sénégalaise et citoyenne du monde. Je suis ici chez moi, mais je me sens aussi bien à Los Angeles qu'à Paris ou n'importe où. Je ne me sens pas emprisonnée dans une culture, mais j'essaie de prendre tout ce qu'il y a de bon. 

 

Y a-t-il quelqu'un dans votre vie? 

 

Je me garderais bien d'en parler: C'est ma vie privée... 

 

Pensez-vous, vous remarier un jour ? 

 

Le mariage est une chose extraordinaire et je souhaite me remarier sans aucun doute. 

 

Vous n'êtes plus toute jeune, à 37ans, sans enfants. N'avez-vous pas peur de finir vieille fille ? 

 

Je ne me suis jamais sentie aussi bien dans ma tête et dans mon corps qu'aujourd’hui. Je n'ai absolument pas peur, c'est la société qui veut nous fixer ces règles-là. Dire qu'une femme doit se marier à tel âge, avoir des enfants, je ne suis pas dans cette optique. Je ne vais pas tenter de correspondre à ce que la société voudrait que je sois. Mon seul baromètre c'est Dieu et j'essaie de faire en sorte qu'Il soit satisfait de moi. Je suis mon parcours et en tout état de cause si je dois avoir des enfants, ça va se faire. Je ne vais Ms me stresser pour cela et je peux vous dire que cela me réussit bien. La sérénité de l'esprit et la joie au cœur que Ton peut avoir, le valent bien. 

 

Seynabou est-elle riche ? 

 

Je n'ai aucune frustration financière, mais je suis surtout riche à l'intérieur. J'ai tout ce que je peux demander à Dieu. Je remercie Dieu, ça va bien, mais j'ai des ambitions financières bien supérieures à ma condition actuelle. Donc friquée ? Ce n'est pas encore ce que je suis. 

 

A vous entendre parler, on vous sent très croyante. Etes-vous pratiquante ? 

 

Oui, un musulman est forcément pratiquant parce que c'est par l'acte qu'on montre qui est on est et non par le discours. Quand je parle de pratique, je ne parle pas seulement des 5 piliers, c'est aussi dans la façon d'être de tous les jours, c'est la courtoisie, la compassion, la capacité d'écoute et la tolérance. C'est tout ça être croyant au quotidien. 

 

Dans quel arrondissement habitiez-vous à Paris ? 

 

(Rires) Dans le 16e arrondissement, mais je peux vous dire que c'était un petit truc. Je suis allée à Paris sans le moindre sou vaillant en poche. Hormis des petites économies pour survivre le temps de trouver du travail. J'ai trouvé un travail de serveuse au bout de multiples recherches infructueuses. Le chèque qu'on m'a fait à la fin du mois était exactement le montant de mon loyer plus quelques francs qui me permettait de me nourrir au pain-thon. 

 

SOURCE : L’OBS MARIA DOMINICA T. DIEDHIOU, NDEYE FATOU SECK & AICHA FALL THIAM