Wal Fadjri : Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à faire face à Khalifa Sall en déclarant votre candidature à la mairie de Dakar ?
Imam Mbaye Niang : Cette candidature est l'aboutissement d'un processus de contestation interne. Dans un premier temps, nous avons voulu régler le problème en interne aussi bien pour le Mrds que pour les autres qui subissaient le même sort que nous. Notre problème était que Benno reste après les élections, mais cela ne pouvait pas être possible si la frustration continue. Et je leur ai dit, au cours d'une rencontre, que s'ils veulent que la coalition continue, il faudrait que l'on mette les conditions qui le permettent. Or ce qu’ils étaient en train de faire, ne favorisait pas cela.
Wal Fadjri : Mais qu’est-ce qui vous a décidé à vous porter candidat ?
Imam Mbaye Niang : Quand nous sommes arrivés à l'élection du bureau de Dakar, le secrétaire général du Ps, Ousmane Tanor Dieng, a contacté Khalifa Sall. Ce fut pour l’informer que je m’étais désolé, en Conférence des leaders, qu’il ne discutât pas avec moi, ce qui fait que je n’étais pas mis au courant de ce qui se passait au niveau de la ville de Dakar. C'est Khalifa Sall lui-même qui me l'a rapporté. Il m'a répondu que, tous les soirs, ils se réunissaient en présence de mon représentant Ibrahima Cissé pour discuter parce que leur souci, c'était la transparence et l'équité. Alors, je suis entré en contact avec notre représentant qui m'a appris que les gens étaient favorables pour que je sois le premier adjoint au maire de Dakar. Quand j'ai informé Khalifa Sall du compte-rendu de mon représentant, il m'a répondu qu’ils n’avaient pas encore parlé du bureau de Dakar et qu’ils en discuteraient le soir même.
Au cours de cette rencontre, quand il s'est agi du poste du premier adjoint au maire, j'ai été proposé comme un représentant de Benno waluu askan wi, d'après le compte-rendu que je tiens de deux personnes différentes et en deux instances différentes. Il m'a été rapporté que tout le monde était d'accord pour que je sois désigné à ce poste, sauf le représentant de la Ld qui était candidat au même poste. Et comme les gens voulaient un consensus, ils ont jugé nécessaire d’observer une pause pour essayer de le convaincre de se désister à mon profit. Et c'est au retour de la pause qu'il y a eu un retournement de situation. Toutes les personnes qui lui demandaient de céder, ont subitement décidé de le soutenir. Les arguments qu'ils ont avancés, ne m'ont pas convaincu parce qu'ils ont parlé d'âge. Ils ont soutenu qu'il est plus jeune que moi et que je devais, par conséquent, le laisser passer. Sur ce point, d'ailleurs, je rappelle qu'entre Khalifa Sall et moi, il n'y a que deux ans de différence puisque je suis né en 1954 et lui en 1956.
C’est ainsi que la réunion s'est terminée en queue de poisson, nos représentants ayant refusé d'accepter cette démarche. J'ai été informé d'une rencontre le lendemain. A cette réunion, il y a eu une volonté manifeste de nous écarter.
Wal Fadjri : Comment?
Imam Mbaye Niang : D'abord, par le comportement des leaders dont nous avons attiré l’attention dans une lettre. Et j'ai constaté aussi qu'il y avait une attitude de mépris à notre endroit. Nous avons décidé de marquer notre désaccord par rapport à tout cela. Au début, nous n'avions pas envisagé de déposer notre candidature, mais nous avions dit qu'il fallait que les Sénégalais sachent ce qui s'est passé. C'est le mardi avant l'élection que nous avons décidé de marquer notre désaccord sur la manière de faire. Et la meilleure manière de nous faire entendre, c'était de poser notre candidature. On savait très bien qu'on ne pouvait pas gagner Khalifa Sall parce qu'il s'était déjà préparé, mais c'était pour nous un moyen de montrer notre désaccord.
Wal Fadjri : Vous avez parlé de frustration interne généralisée. Cela ne risque-t-il pas de menacer l'unité de Benno ?
Imam Mbaye Niang : C'est sûr que les gens ont été mis dans des conditions telles qu'il leur sera difficile de continuer à faire confiance à ces gens, compte tenu de ce qu'ils ont fait, aussi bien à l'investiture qu'après la victoire. Il y a eu un accaparement de la victoire. Tout le monde a l'impression que le Ps nous a utilisés pour arriver au pouvoir. Parce que s'ils (socialistes) étaient seuls aux élections, ils n'auraient pas eu cette victoire. Les partis qu'on considère comme étant des petits partis sont crédibles. Ces sont des gens qui ont des mains propres.
Wal Fadjri : Le poids du Ps ne se mesure-t-il pas aussi à sa contribution financière ?
Imam Mbaye Niang : Si c'est un problème de contribution, l'Apr/Yakaar a, par exemple, contribué au même titre que les grands partis du Front Siggil Sénégal.
Wal Fadjri : Combien ?
Imam Mbaye Niang : Je ne peux pas le dire, mais c'est une somme importante au même titre que le Ps et l'Afp. Quant à nous autres, nous sommes des partis qui n'ont pas beaucoup de moyens, mais nous avons contribué au niveau local. Partout où nous sommes allés, on a contribué localement parce qu'il y avait deux sortes de contributions : les contributions locales que les candidats donnaient et la contribution globale demandée par la coalition. Et il y a des partis au niveau de la coalition qui n'ont pas donné parce qu'ils n'en ont pas les moyens. Mais au niveau local, la participation était obligatoire.
Pour autant, l'argent n'a jamais été défini comme étant un facteur qui joue un rôle dans la répartition des responsabilités. D'ailleurs, Macky Sall a donné sa cotisation au nom de notre coalition Benno waluu askan wi. Et d'autres organisations ont fait la même chose que le leader de l'Apr, mais pas autant. Par notre candidature à la mairie, nous avons voulu dire aux Sénégalais que la rupture dont rêve tout le monde n'aura pas lieu parce que les pratiques sont restées les mêmes. La volonté et la mentalité sont restées les mêmes : arriver au pouvoir par n'importe quel moyen.
‘Il y a des rubriques (du budget) qui étonnent : 1 milliard et demi pour le fonctionnement du cabinet du maire, 10 millions pour la réparation des véhicules, 7 millions pour le téléphone, 360 millions pour les divers, 30 millions par mois pour la caisse d'avance, 1 800 litres d'essence par mois pour le maire (…) Si l’on y ajoute l'eau, le téléphone, etc., du maire qui sont pris en charge et il a un salaire mensuel d'un million de francs Cfa, c'est vraiment trop’
Wal Fadjri : On a l'impression qu'il y a une sorte d'opposition entre les deux coalitions. En tout cas, les partis qui ont tapé sur la table appartiennent à votre coalition (Apr et Mrds). Peut-on s'attendre à un éclatement de Benno en deux ?
Imam Mbaye Niang : Notre coalition (Benno waluu askan wi) va faire l’évaluation de sa participation aux élections aux côtés du Front Siggil Sénégal. On a déjà fait une première évaluation et la deuxième se fera certainement la semaine prochaine. Mais les frustrés sont beaucoup plus nombreux dans notre coalition. Parce que nous ne connaissons pas ces pratiques, nous travaillons dans la transparence. Ce ne sont pas les postes qui nous intéressent en tant que tel, mais nous voulons participer dans la gestion des mairies pour apporter un changement. Parce que nous étions convaincu que tout le monde voulait la rupture. Voilà pourquoi nous marquons notre désaccord et nous disons aux Sénégalais que nous ne pourrons pas être comptables d'une gestion à laquelle nous n'avons pas été associés. Cette gestion-là est une gestion socialiste. Ce sont eux qui vont statuer avec les gens qui sont derrière eux et qui les accompagnent. Et ils seront jugés par les Sénégalais.
Autre chose, nous avons entendu Khalifa Sall dire qu'il n’y aura pas d'audit, mais je ne peux pas comprendre quelqu'un qui veut faire une gestion saine dire cela. La ville de Dakar doit être auditée et les Sénégalais doivent imposer cela au maire de Dakar. Pourquoi il ne s'engage pas à faire un audit. Les Sénégalais doivent savoir comment le parti au pouvoir qui était à la mairie a géré, par exemple, le patrimoine foncier.
Nous voulons aussi qu'on apporte une rupture par rapport à la composition du budget. Parce que dans le budget de la mairie de Dakar, la partie qui est réservée à l'investissement est inférieure à celle réservée au fonctionnement. Il y a des rubriques qui étonnent : 1 milliard et demi pour le fonctionnement du cabinet du maire, 10 millions pour la réparation des véhicules, 7 millions pour le téléphone, 360 millions pour les divers, 30 millions par mois pour la caisse d'avance, 1 800 litres d'essence par mois pour le maire. Si j'étais dans le bureau, j'allais combattre ça. Parce que, dans une mairie, le fonctionnement ne peut pas l'emporter sur l'investissement. Si l’on y ajoute l'eau, le téléphone, etc., du maire qui sont pris en charge et il a un salaire mensuel d'un million de francs Cfa, c'est vraiment trop. Je ne dis pas que la ville ne peut pas supporter cela, mais si on y opère un changement, ce sera mieux.
Wal Fadjri : Qu'en est-il pour les adjoints au maire de Dakar ?
Imam Mbaye Niang : Les adjoints au maire n'ont pas de salaire, mais un véhicule, 250 litres d'essence par mois, et je crois 45 mille francs par mois. D'ailleurs, à propos de nos problèmes au niveau de la maire de Dakar, Macky Sall était entré en contact avec Khalifa Sall pour que des discussions soient ouvertes afin de trouver une solution. Mais c'est nous (Mrds) qui avons refusé d'entrer en contact avec ces gens-là. (Fin)
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