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Politique

Abdou Latif Coulibaly« Je ne peux pas avoir de comptes à régler avec Djibo Kâ ou Iba Der Thiam"

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Abdou Latif Coulibaly« Je ne peux pas avoir de comptes à régler avec Djibo Kâ ou Iba Der Thiam"

Dans son dernier livre « Une démocratie prise en otage par ses élites », qui vient de paraître hier, Abdou Latif Coulibaly n’y est pas allé du dos de la cuillère pour caractériser Djibo Kâ et Iba Der Thiam. Ce qui ne signifie pas, à en croire le journaliste dans l’entretien qu’il nous a accordé, qu’il a des comptes à régler. Il n’en a pas pour « diverses raisons », dit-il, tout en assurant ne réfléchir que par rapport aux actes que ces derniers posent. Source : Le Populaire

Monsieur Abdou Latif Coulibaly, vous venez de publier un quatrième ouvrage, qui semble bien différent des trois précédents. Quels sont les points de rupture de ce livre par rapport aux autres ?

Dans les trois premiers, c’était une démarche d’investigation, de rendre compte essentiellement de faits, sans pour autant passer à une analyse systématique. A travers des faits, j’essaie simplement de donner le point de vue du journaliste. Dans ce dernier ouvrage-là, j’ai essayé, à travers des concepts définis dans la science politique, des travaux de recherche, de comprendre quels systèmes démocratiques avons-nous au Sénégal, quels types de politique les différentes élites qui se sont succédé mènent-elles au Sénégal. Autrement dit, j’ai puisé dans les sciences sociales pour essayer de comprendre les phénomènes politiques chez moi. Je prendrais des exemples très simples : d’abord la notion d’élite, je ne l’ai pas inventée. Je suis allé chercher des travaux attestés en la matière, qui ont expliqué en Afrique ce qu’on appelle élites, ce qu’on entend par élites. Quand je suis arrivé sur la notion d’intellectuel, vous savez, aujourd’hui, il y a tellement d’intellectuels chez nous. Des intellectuels qui s’affilient à un parti politique, qui se déclarent comme tels. J’ai essayé de comprendre, dans cette nébuleuse, qui était le véritable intellectuel. Et pour le faire, j’ai convoqué des travaux de scientifiques - pas des travaux de Latif - avérés en la matière, pour dire : voilà comment l’intellectuel est défini. Donc finalement, est-ce que tous ceux qui se réclament du statut d’intellectuel le sont ? Ma réponse a été non.

Vous pensez que les instruments scientifiques et la méthodologie que vous utilisez vous permettent de bien camper la problématique que vous abordez dans votre livre ?

Je souhaite avoir bien réussi mon affaire. Maintenant, c’est à vous de me le dire. En tout cas, je vous ai proposé un texte dans lequel j’ai pris un certain nombre de repères conceptuels et une théorisation systématique par rapport à un certain nombre de choses pour dire, à la lumière de ces conceptualisations, de ces théorisations, et de la pratique que j’ai observée chez nous, voilà les résultats auxquels moi j’ai abouti. Maintenant, est-ce que c’est vrai, est-ce que ce n’est pas vrai ? Evidemment, c’est mon jugement. J’attends le vôtre.

A quatre mois des élections, vous sortez un livre comme ça. Ne craignez-vous pas que les gens disent que vous avez calculé la sortie de votre ouvrage pour perturber certains acteurs politiques et en favoriser d’autres ? Vous savez, je n’ai pas de préoccupations particulières par rapport à ce que les gens vont dire. Ma seule préoccupation fondamentale, c’est dire : est-ce que la réflexion que je conduis est une réflexion pertinente ? Est-ce que les conclusions auxquelles j’ai abouti sont des conclusions pertinentes ? Est-ce que cela a un intérêt du point de vue de la connaissance du phénomène de la démocratie chez nous ? Si ces réponses sont positives, aucune préoccupation par rapport à quelqu’un que j’ai favorisé. Mieux, j’ai même dit le camp pour lequel j’opte pour les prochaines élections. Pourquoi on me le reprocherait ? J’ai dit de façon très claire dans ma conclusion quel est mon souhait. Il est clair, je souhaite une victoire de la Cpa, en équipe, mais pas à n’importe quelle condition. Parce que je pense que notre pays sera développé par une équipe et non par un messie quel qu’il soit. Tous les autres prétendants, quand ils vont y arriver, ce seront des messies qui sortiront de terre. Voilà pourquoi je pense à la Cpa, débarrassée de la notion de messie, s’appuyant sur une équipe solide et mettant en place un régime parlementaire qui ne déshabille pas nécessairement le président de la République pour habiller le Premier ministre, mais qui prend des pouvoirs au président de la République pour en donner au Premier ministre, et qui redonne au Parlement une place centrale qui lui permet de contrôler à la fois le président de la République et le Premier ministre. Moi, j’opte pour ce système-là. Je souhaite, après le 25 février 2007, que nous soyons dans ce type de système-là. C’est clair, c’est net, je le dis.

Mais pourtant vous critiquez beaucoup les leaders de la Cpa. Notamment le Ps et l’Afp. Est-ce que ce n’est pas contradictoire ?

Mais pas du tout. Si, sur des cas bien précis, je constate une faillite de cette opposition-là, mais je le dis. Je n’ai pas de problèmes là-dessus, parce que moi, je ne suis pas un opposant politique, je suis un opposant de conscience. Je suis un intellectuel et je le revendique. Et comme tel, je suis un opposant de conscience. A chaque fois que ma conscience est bousculée par un phénomène, un acte posé par une personne, quelle qu’elle soit, de quelque bord qu’elle soit, je le critique. Dans mes livres, quand j’écris, je ne suis pas un journaliste, je suis un intellectuel qui écrit un livre. Pourquoi on ne pourrait pas être un moment journaliste et à un moment donné intellectuel ? Et le rôle du journaliste, ce n’est pas de contempler les faits, c’est de rapporter les faits, de les critiquer, de les analyser. C’est ce que j’ai fait.

Vous êtes sévère avec certains hommes politiques comme Djibo Kâ, Me Ousmane Ngom et Iba Der Thiam. Qu’est-ce que vous avez contre ces gens-là ? Avez-vous des comptes à régler avec eux ?

Mais régler des comptes avec qui ? J’ai dit publiquement que je ne peux pas avoir de comptes à régler avec Djibo Kâ, ni avec Iba Der Thiam, pour des raisons diverses. Djibo Kâ sait de quoi je parle. Je ne peux pas régler de comptes avec eux. D’abord, nous ne sommes pas de la même génération, nous n’avons pas vécu les mêmes choses, ils sont beaucoup plus âgés que moi. Donc, je n’ai pas de comptes à régler avec eux. Je ne peux que réfléchir par rapport aux actes qu’ils posent.

Mais Iba Der a beaucoup critiqué votre ouvrage, "Wade un opposant au pouvoir...

Il a le choix, mais, en même temps, il m’a donné les arguments pour lui montrer quels types de critiques il avait formulés. Quand j’ai écrit mon premier ouvrage sur l’alternance piégée, c’est Iba Der qui m’a inspiré. Il peut me croire. Parce que, quand j’ai vu les actes s’amonceler, je suis allé chercher le discours du 13 décembre 1987 que Iba Der avait prononcé. Et j’ai dit : pourtant Iba Der, son discours-là était un discours pertinent, prémonitoire, parce que tout ce qu’il disait, moi, je le retrouve aujourd’hui. Quant à Ousmane Ngom, il a défendu la position du Parti démocratique sénégalais, quand il s’est agi de proroger les élections en 1996, je l’ai entendu et j’ai noté son discours. Tout ce qu’il développe, il a développé le contraire en l’espace de sept ans. Est-ce que c’est moi qui le sors du lot ou c’est lui qui sort du lot par ses actes et ses attitudes ? Moi, je ne sors personne du lot, mais il y a des cas qui m’ont le plus frappé, il y a des situations qui m’ont frappé de façon extraordinaire. Si j’avais eu des choses concrètes sur d’autres, j’aurais mis en exergue ça. Je ne pouvais pas non plus prendre tout le monde. Il fallait que je prenne des exemples. Et quand vous prenez des exemples, vous ne prenez pas les plus insignifiants, mais les plus signifiants pour illustrer votre propos.

Craignez-vous pour votre vie ?

Je reçois plusieurs messages de menaces de mort. J’ai pris un huissier et j’ai porté plainte. Mais jusqu’à présent, on ne m’a pas convoqué pour m’entendre. Moi, je n’ai pas peur. Il y a quelqu’un qui a dit : « Ce n’est pas la peine d’avoir peur dans la vie, on est humain, il faut être prudent ». Et je suis prudent, je le pense. Avoir peur, c’est renoncer à la vie. Tout ce qu’on fait dans la vie, y a des risques calculés. Ce n’est pas que j’ai peur. Mais je vis dans un milieu, je vis avec des personnes, j’ai une famille, une femme, des enfants, des parents, des frères et des sœurs. J’ai la chance d’être dans un milieu qui me soutient beaucoup, des amis qui ne me quitteront jamais, une famille qui me soutient toujours, et les gens dans le pays qui, je pense, sont très sincères et honnêtes par rapport à ce qu’ils font. Et ensuite, mon travail est reconnu, c’est incontestable. Parce que le seul fait qu’un éditeur accepte de vous éditer, ça veut dire qu’il reconnaît quelque part votre travail.

Comment se passe la distribution de votre livre dans le pays ?

Je ne sais pas s’il a été bien distribué. Ce que je sais, par contre, c’est qu’il a une bonne présence dans les kiosques de réseau Adp, comme les grands libraires ont décidé, au moins depuis quelques mois, de ne plus distribuer l’auteur Abdou Latif Coulibaly.

Est-ce que cela vous gêne ?

Non, pas du tout. Si ça ne gêne pas les démocrates, en quoi ça me gêne moi. Tous les démocrates qui pensent que notre pays, à cette époque, peut se permettre de censurer des livres. Ce combat n’est pas le mien. J’ai écrit un livre, j’ai dit ce que je pensais être. Si les Sénégalais sont d’accord et que tout le monde est d’accord que ça soit censuré, c’est normal, c’est l’état de la démocratie.



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