L’ancien député Abdou Sané se prononce sur la situation de tension en Gambie et les menaces d’une intervention militaire de la Cedeao. Dans un texte parvenu à Seneweb, il évalue la politique diplomatique de bon voisinage du Sénégal dans le contexte de la crise postélectorale gambienne. Un texte que nous vous proposons in extenso, et dans lequel il qualifie d’absurde, l’idée de «confier au Sénégal le port d’armes pour la destruction de la Gambie».
Au lendemain de l’avènement du président Macky Sall à la tête de l’Etat, il a été préconisé une politique de renforcement diplomatique prioritaire avec nos proches voisins (Gambie, Mauritanie, Guinée Bissau, Guinée, Mali et le Cap vert).
Le Sénégal n’a pas choisi ses voisins. C’est la volonté de l’histoire.
Compris sous cet angle, le gouvernement du Sénégal doit développer alors des stratégies d’adaptation au voisinage en vue d’une meilleure cohabitation avec les voisins quel qu’en soit le prix. Le bon voisinage est le meilleur gage pour un épanouissement des sociétés (paix, sécurité développement, entre autre).
Les voisins immédiats du Sénégal sont de facette différente :
Deux pays lusophones (Guinée Bissau et Cap Vert), un pays anglophone (la Gambie) deux pays francophones (Mali et Guinée) et un pays arabo francophone et islamique (La Mauritanie seul pays voisin du Sénégal non membre de la CEDEAO).
A l’exception du Sénégal, tous les autres pays voisins immédiats du Sénégal ont vécu (d’un point de vue politique) la prise de pouvoir par les armes (coup d’Etat militaire). La chance du Sénégal reste liée en partie à la culture démocratique très tôt ancrée dans ses traditions. D’où ses prédispositions à pouvoir affirmer son leadership par un partage intelligent de sa riche expérience.
Le Sénégal ne doit plus se mesurer à ses voisins ; sa référence doit être tirée des profondeurs de ses traditions démocratiques, de son histoire politique.
Ainsi compris, il y a lieu de voir comment par la pédagogie diplomatique le Sénégal peut faire adhérer ses voisins aux bonnes pratiques en matière de gouvernance politique sans heurter leur orgueil national. C’est là que doivent intervenir nos diplomates qui de manière générale n’ont plus rien à prouver tant ils ont fait rayonner ce petit grand pays au plan international.
Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Malgré la volonté déclarée ou affichée du président Macky Sall, les résultats demeurent insuffisants au regard des enjeux géopolitiques: à titre d’illustration :
-Lorsque les djihadistes ont envahi le nord malien, le pays africain qui s’est le plus illustré en termes de solidarité et de promptitude dans l’intervention, est le Tchad qui très tôt a envoyé ses forces militaires et a occupé les premières lignes d’attaque contre l’ennemi et a accepté de subir de lourdes pertes. Où était le voisin sénégalais ?
-Lorsque l’épidémie Ebola a éclaté en Guinée, le Maroc et le Mali dans une certaine mesure ont été les pays les plus en vue aux côtés des guinéens alors désemparés, en termes de solidarité et de soutien. Où était le voisin sénégalais ?
-Depuis 1989, les gouvernements successifs du Sénégal n’ont pas encore pu faire tourner voire déchirer la page du conflit avec la Mauritanie. La plaie reste toujours béante. Cela s’explique par l’absence d’initiative hardie dans la résolution définitive des conséquences nées du conflit (la question des réfugiés mauritaniens au Sénégal, la question négro africaine en Mauritanie, la pratique de l’esclavage, le problème récurrent des pêcheurs sénégalais en Mauritanie et récemment la potentielle future crise liée aux découvertes de puits de pétrole et de gaz dans la zone frontalière aux deux pays et dont la Mauritanie déclare en être le propriétaire…).
Or même si la Mauritanie n’est plus membre de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), il y a d’autres cadres que le Sénégal partage avec elle (Organisation de la conférence islamique, Union africaine, Nations-Unies, sans compter les relations sociales et religieuses à partir des différentes tarikha) et à partir desquels des opportunités de raffermissement des liens séculaires pourraient être exploitées et mises à jour.
-Depuis son accession à l’indépendance en 1975, l’Etat Bissau guinéen a du mal à vivre la stabilité et à s’engager résolument dans la voie du développement. Ce pays aux énormes potentialités naturelles est parmi les plus pauvres de la planète. La diplomatie sénégalaise s’affirme difficilement dans ce pays car l’on a privilégié l’approche militaire en rapport avec le conflit casamançais au lieu de la combiner à un soutien de construction nationale viable. Voilà que l’instabilité politique Bissau guinéenne impacte négativement par moments la crise casamançaise (circulation anarchique des armes, trafic de drogue, exploitation irrationnelle des ressources forestières halieutiques …).
-Enfin la Gambie : ce pays est particulier et doit occuper une place prépondérante dans notre voisinage. Ce n’est pas par hasard que ce pays fut le premier à accueillir Macky Sall en tant que 4ème président du Sénégal. La Gambie est une entité spatiale dans le Sénégal. La Gambie ne partage de frontière qu’avec un seul pays, le Sénégal.
De Senghor à Abdoulaye Wade, différentes approches ont été conçues en vue d’un bon voisinage et même d’une intégration, entre le Sénégal et la Gambie sans grand succès du reste. C’est fort de ce constat que Macky Sall alors nouvellement élu a fait honneur à la Gambie en lui réservant sa première visite internationale. Tout le monde a apprécié cette belle initiative. Dès lors il fallait persévérer et faire preuve de patience, d’imagination ; concevoir toutes les stratégies susceptibles d’identifier minutieusement les causes d’incompréhension, en trouver les meilleures réponses et les traiter de la façon la plus diplomatique possible. Car encore une fois la Gambie n’a pas vécu la même trajectoire politique que le Sénégal. Et pire tous les régimes gambiens ont toujours manifesté des signes de susceptibilité vis-à-vis du Sénégal (complexe d’infériorité, peur d’être annexé). Dans ce type de cas l’effort de compréhension et de patience ne peut venir que du Sénégal pour rassurer davantage les gambiens et les aider à s’approprier progressivement les bonnes pratiques en matière de gouvernance politique. C’est ce manque de résultat qui en partie explique le soudain niveau exécrable des rapports avec ce pays au cœur du Sénégal. Nous avons vu venir cette situation, nous n’avons jamais vu venir une initiative à même d’endiguer ce risque. Comment comprendre que des négociations impliquant la CEDEAO dans un conflit interne à la Gambie puissent se faire en dehors du Sénégal ? Au même moment comment comprendre cette absurdité qui consiste à confier au Sénégal le port d’armes pour la destruction de la Gambie ?
Quand il s’agit de négocier pour la paix c’est au Nigéria de conduire la mission mais quand il s’agit de l’intervention par la force c’est au frère de sang de la Gambie (le Sénégal) d’être aux commandes.
Sénégalaises, sénégalais refusons et rejetons ensemble cette absurdité. Réclamons notre fraternité à la Gambie ! Affichons notre image tant vantée et chantée à travers le monde : Sénégal pays de paix et de dialogue. Dans les quatre coins du monde nos valeureux soldats sont présents dans les missions d’extinction des foyers sous tension. Nous en sommes fiers !
Il serait donc absurde que nous passions d’un pays en mission de paix dans le monde en un pays de guerre dans notre propre pays même si le nom est Gambie !
Travaillons ensemble à faire de nos voisins immédiats nos meilleurs partenaires car jusque-là notre diplomatie se plaît à citer comme principaux partenaires : la France, l’Arabie Saoudite, le Maroc.
La vraie rupture devrait intervenir à ce niveau : Citer la Mauritanie, la Gambie, le Mali, les deux Guinées et le Cap vert parmi nos premiers partenaires sans aucun complexe. Sauf à considérer que l’approche de la diplomatie alimentaire doit l’emporter sur l’approche plus conséquente de bon voisinage.
19 Commentaires
Anonyme
En Décembre, 2016 (17:12 PM)Anonyme
En Décembre, 2016 (17:33 PM)Jagne
En Décembre, 2016 (17:56 PM)Encore une fois, les forces militaires de la CDEAO ne vont pas en Gambie pour massacrer le peuple de Gambie.
Anonyme
En Décembre, 2016 (17:58 PM)Le monde a change Mr Sane . On ne vit plus de chasse et de ceuillette. Meme si on doit revoir les bases de nos relations avec la France , l'Arabie Saoudite etc.....il faut se rendre a l'evidence que nos voisins n'ont pas beaucoup a nous offrir sinon des troubles comme c'est le cas avec la Mauritanie et Yaya Jammeh qui s'est illustre par un traitement ignoble du peuple Gambien.
En ce qui concerne la Gambie , Le Senegal n'y ira pas pour tuer des Mbokas mais pour extirper un bandit qui a assez fait soufrir le peuple. Le peuple Senegalais ne dormira jamais tranquille sachant que le Peuple Gambien soufre. Laisser Yaya Jammeh au pouvoir après le 19 Janvier , equivaudra a une trahison du Senegal au peuple Gambien.
Seul Yaya Jammeh peut nous eviter ce que vous redoutez et que personne ne souhaite: A savoir une mort d'hommes mais faut-il rappeler a Mr Sane cet adage: " Qui veut la fin , veut les moyens". ENOUGH is ENOUGH!!!!!
Anonyme
En Décembre, 2016 (18:04 PM)Anonyme
En Décembre, 2016 (18:08 PM)Anonyme
En Décembre, 2016 (18:12 PM)Mahamba
En Décembre, 2016 (18:44 PM)Qui demeure le socle de notre développement .
La guerre ne résout aucun problème et n'est pas bénéfique pour nos peuples qui aspirent à un bien être qui tarde à venir.Yalle na sougnou Borom Moussal ci FITNA
Anonyme
En Décembre, 2016 (18:57 PM)Anonyme
En Décembre, 2016 (19:25 PM)Anonyme
En Décembre, 2016 (19:33 PM)Africa
En Décembre, 2016 (20:33 PM)Le Sénégal est designe pour diriger les operations par ce qu'il l'a deja fait et il'peut le faire. En plus la gambie étant dans le senegal, une déstabilisation de la gambie n'est le souhait d'aucun senegalais .et Je ne vois pas ce que fait la Mauritanie dans cetre histoire.
Efo
En Décembre, 2016 (21:35 PM)HONTE A TOI
Anonyme
En Décembre, 2016 (21:38 PM)Anonyme
En Décembre, 2016 (22:11 PM)Anonyme
En Décembre, 2016 (22:12 PM)Anonyme
En Décembre, 2016 (03:24 AM)Anonyme
En Décembre, 2016 (06:31 AM)Une empire Jola
Anonyme
En Décembre, 2016 (10:08 AM)Participer à la Discussion