Abdoulaye Bathily (Secrétaire général de la Ld) : «Devant un homme de la nature de Wade, c’est un combat de libération nationale qu’il faut engager»

Devant des Sénégalais de Paris, Abdoulaye Bathily a tout fait pour vendre l’idée d’une candidature unique de l’opposition. De sa nécessité à son importance en passant par la gestion du pays par le président Wade qu’il a noircie, il n’a presque rien laissé au hasard. Pour lui, c’est comme une sorte de survie. Mais il fait remarquer qu’il s’agira d’une équipe avec une direction pour éviter qu’un ‘deuxième aventurier s’empare du pays’. Durant sa conférence, il n’a pas manqué de peindre au noir le bilan de l’alternance dont les dix ans ont été fêtés récemment.

Avant-hier samedi, le secrétaire général de la Ld, Abdoulaye Bathily, a rencontré les militants de Bennoo Siggil Senegaal. Durant sa diatribe contre le régime du président Wade, le patron des Jallarbistes a démontré que tous les éléments sont réunis pour une candidature unique de l’opposition. Pour lui, les leaders de Bennoo n’ont pas le choix. ‘Aujourd'hui nous n'avons pas le choix. Non seulement le 22 mars a démontré amplement que c'est dans l'unité que réside la victoire, mais le 22 mars les Sénégalaises et les Sénégalais n'ont pas voté pour un parti, ils ont voté pour Bennoo. Partout où nous allons c'est ce qu'ils nous disent. Ils disent que c'est Bennoo la solution’. Il estime que Bennoo, ‘ce ne sont pas les partis politiques seulement, c'est un mouvement national. Maintenant le peuple s'est emparé de Bennoo. C'est Bennoo la solution à leur problème’.

A cela s’ajoutent d’autres facteurs. ‘Il se trouve en même temps que, pour la première fois dans notre histoire nationale, non seulement nous avons l'unité de l'opposition politique, aujourd'hui nous avons tous les instruments pour redonder le Sénégal : les conclusions des Assises nationales. (…) Ces vastes échanges ont donné naissance à ces conclusions pour sortir le pays de la crise. Nulle part en Afrique, on n'a vu une telle initiative. C'est extraordinaire. Nous avons aujourd'hui avec les conclusions des assises de redonder le Sénégal sur tous les plans (…)’, fait savoir l’ancien ministre de l’Environnement et de la protection de la nature. Il croit que Bennoo doit ‘s’adosser sur les conclusions des assises nationales pour en faire un programme’. Et ‘ce programme-là ne sera pas celui d'un parti politique, ni d'un candidat, mais un programme de rénovation nationale. Je ne sais pas si les gens saisissent bien l'importance de cette question et le caractère novateur de cette démarche’, se demande-t-il. C’est pourquoi, il ne trouve pas important le débat sur la candidature unique. ‘Quand les gens débattent autour de la candidature unique, moi je dis toujours que nous sommes en train de passer à côté de la plaque. Ce que les assises ont proposé c'est beaucoup plus important que d'être président (de la République). Et en réalité, les conclusions des assises nationales mènent à une refondation de nos institutions. Ce que les assises ont démontré, pendant les 50 dernières années, c'est que, au Sénégal, c’est le président de la République qui décide de tout dans la vie publique. C'est justement avec cette tradition politique, qui fait de la présidence de la République le centre principal des décisions que les assises veulent rompre. Par ailleurs, les assises proposent de nouvelles institutions où l'Assemblée nationale sera le centre d'impulsion de la vie publique, et non plus la présidence’. D’où l’intérêt des uns et des autres à ne pas se focaliser sur la question de la présidence de la République. Selon lui, ‘ceux qui veulent absolument être président n'ont rien compris des conclusions des assises nationales. Parce que si on les comprend bien et qu'on y adhère sincèrement, honnêtement, la présidence devient une institution beaucoup moins importante que l'Assemblée nationale qui est quand même le centre où s'exprime la diversité de la nation sénégalaise (…) Donc pourquoi cette obsession pour la présidence (…)’. Il pense que dans la nouvelle architecture politique et administrative que proposent les assises nationales, ‘un député sera aussi important parce qu'il aura la dignité de la fonction, il sera indépendant de l'exécutif, il prendra les lois en toute connaissance de cause à partir des réalités de la vie nationale, de sa circonscription (…)’.

‘Il faut éviter d’avoir un deuxième aventurier comme en 2000’

Pour Abdoulaye Bathily, il faut ‘un équilibre des pouvoirs dans le pays pour garantir la stabilité, la durabilité de nos institutions. Sinon, nous serons à la merci de n'importe quel aventurier - et on a eu un aventurier en 2000’. Oui à la candidature unique, mais pas à n’importe quelles conditions, semble dire Abdoulaye Bathily. ’J'ai fait toute la campagne de 2000 avec Abdoulaye Wade. Nous avons pris des engagements ensemble. Quel engagement n'a-t-il pas pris devant les Sénégalais ? Que sont devenus aujourd'hui ces engagements ? C'est pourquoi il y a danger à laisser les destinées d'un pays entre les mains d'un homme, quelles que soient les professions de foi. Parce qu'on peut avoir un deuxième aventurier, puis un troisième aventurier, et le pays va sombrer (…)’, avertit-il.

Pour cela, il faut mobiliser l’opinion nationale et construire la candidature unique autour d’une ‘direction’, d’une ‘équipe’. ‘Ce n'est pas un parti politique qui pourra appliquer ce programme, ce n'est pas un groupe de citoyens qui pourra appliquer ce programme. Il faut bien sûr une direction, une équipe qu'il faudra mettre en place, une équipe soudée autour de ce programme et une mobilisation populaire pour faire aboutir ce programme. C'est cela qu'il nous faut aujourd'hui au Sénégal’, martèle M. Bathily. Et la conclusion qu’il en tire, c’est que ‘c'est un faux problème d'engager le débat sur des questions de personnes en disant c'est tel qui nous faut. Ce serait la meilleure façon d'escamoter complètement le débat et donc de créer les conditions de l'échec’. Tout en reconnaissant qu’il faut ‘arriver au candidat unique’, même si ‘cela ne suffit pas’. ‘Il faut une équipe, il faut le programme, il faut la mobilisation populaire à l'intérieur du pays et à l'extérieur. C'est pourquoi je voudrais vous exhorter en tant que militants de Bennoo ici en France, en tant que membres de la société civile ayant participé aux assises nationales, de vous organiser de vous mobiliser pour le triomphe de cette cause’, fait-il savoir à son assistance parisienne. Car, ‘nous n'avons pas le choix (…) Parce que le combat sera très rude contre des gens sans scrupule qui sont prêts à tout. L'un d'entre eux (Serigne Mbacké Ndiaye, ministre-conseiller, chargé des affaires politiques) a, d'ailleurs, dit que ‘si Bennoo gagne nous irons tous en prison’. Il ne pouvait pas mieux dire parce qu'il sait ce qu'ils ont fait. Ils vont donc se battre pour rester au pouvoir (…)’.

Pourtant, ajoute-t-il, ‘il est plus facile de réussir l'unité aujourd'hui qu'en 2000 si nous sommes sincères dans nos engagements’. ‘Nous avons tous signé la charte de la bonne gouvernance démocratique produite par les assises nationales. Si nous sommes d'accord là-dessus, cela veut dire que les conditions de l'unité sont là, et elles sont beaucoup plus importantes en 2012 qu'en 2000. Parce qu'en 2000, il n'y avait que la Ca 2000 qui avait son programme et d'autres candidats qui avaient leur programme. Donc les conditions sont encore beaucoup plus flagrantes aujourd'hui qu'en 2000’. A cela s’ajoutent ‘les impératifs (qui) sont plus pressants aujourd'hui du fait qu'Abdoulaye Wade a ruiné le pays. Il a détruit économiquement le pays, il a détruit l'éducation, le système sanitaire, et par-dessus tout, les valeurs morales. Les Sénégalais sont réduits à rien’, pourfend M. Bathily. Pour qui, ‘aujourd'hui, c'est quand on vole, on trahit, on transhume qu'on est porté au pinacle. Mais quand on fait du bien, on est honnête, intègre, on n'a pas de place dans le système Wade’. Alors ‘devant une situation comme celle-là, il nous faut avoir un sursaut de conscience avant que notre pays ne sombre (…)’, exhorte-t-il. Il pense que ce qui est fondamental, ‘c'est comment construire un Sénégal nouveau sur la base des conclusions des assises nationales. Ce qui est fondamental c'est qu'aucun individu ne peut reconstruire le Sénégal, aucun parti politique ne peut le faire tout seul, aucun parti politique ne peut avoir la victoire. Donc l'unité est incontournable’, avance-t-il.

‘Chaque jour, les tenants du pouvoir organisent une grande tontine avec les ressources du pays’

Durant la conférence publique, la gestion du pays par le régime libéral n’a pas été épargnée. Et Abdoulaye Bathily, comme à l’accoutumée, a présenté un tableau noir du bilan de l’alternance. ‘Le Sénégal a aujourd'hui reculé sur tous les plans. Et Abdoulaye Wade continue (de le faire reculer). Il a donné le pays à son fils à travers l'Anoci qui organise la noce. Récemment, il y a eu le scandale financier de l'Artp. En fait, chaque jour il y a un scandale qui implique l'Anoci. Disons qu’ils organisent une véritable tontine avec les ressources du pays’, dénonce-t-il avec véhémence. Là encore, il en appelle à l’unité de Bennoo et aux conclusions des assises nationales pour s’en sortir. ‘La cause est entendue : Abdoulaye Wade a fini de détruire le Sénégal. Tout le monde le dit, tout le monde le proclame. Ce qui est important aujourd'hui, c'est quoi ? Quelle perspective pour sortir de cette situation ? Eh bien, aujourd’hui, pour nous la situation est très claire. La solution des problèmes du Sénégal, ce sont les conclusions des assises nationales, la solution, c'est l'unité de Bennoo Siggil Senegaal. Le niveau de destruction du pays est tel que celui que nous avons en face a si peu de scrupules que si nous allons dans la désunion il est clair qu'il va mettre en place son projet auquel il n'a jamais renoncé, à savoir mettre son fils au pouvoir’, soutient le jallarbiste en chef.

‘Devant un homme de la nature de Wade, c’est un combat de libération nationale qu’il faut engager’

Pour Bathily, ‘Wade ne respecte ni la Constitution, ni la loi, ni la morale, ni les bonnes manières. C'est un être à part. Comment au Sénégal, devant les Sénégalais, un Sénégalais peut dire : ‘Mon fils est le meilleur’ ? Ce n'est pas un homme spécial, celui-là ?’. ‘Les autres Sénégalais quand je veux leur donner un ministère, il faut que je le découpe en quatre pour qu'ils puissent le diriger, mais mon fils est tellement intelligent que si je lui mets quatre ou cinq ministères il les dirigera à merveille’, dit Bathily, répétant les propos de Wade lors de l’interview qu’il a accordée à Canal Infos, La Sentienelle et Océan Fm. ‘C'est du jamais entendu de la bouche d'un père (…). Donc, devant un homme de cette nature c'est un combat de libération nationale qu'il faut engager’, tire-t-il comme un appel à l’engagement. Et ‘le combat de libération nationale exige l'unité de la nation contre son fossoyeur. Aujourd'hui nous n'avons pas le choix’.

Dans les diatribes de Bathily, le monument de la Renaissance n’a pas été occulté. A quelques jours de son inauguration, le prétexte est bien choisi. Il salue la volonté des jeunes de Bennoo d’organiser une manifestation le 3 avril à Paris contre l’inauguration du monument. Avant de revenir sur son financement. ‘30 milliards de fcfa pour un monument, c'est le plus grand scandale. Vous savez, un forage dans un village de plus de 2000 habitants coûte 100 millions. Avec les 30 milliards du monument de la Renaissance, combien de forages aurait-on pu construire au Sénégal ? On aurait pu donner de l'eau potable à des milliers de paysans dans les villages. Combien de Sénégalais meurent à l'hôpital Le Dantec? Je ne parle même pas des centres médicaux dans les régions. Est-ce que c'est là (le monument) aujourd'hui la priorité ?’, lance-t-il à l’assistance. Ensuite, ‘Abdoulaye Wade donne les terres de l'Etat de l'aéroport de Dakar, quatre fois moins cher que le prix à un opérateur qui les revend et qui prétend maintenant donner de l'argent au président pour construire un monument. C'est du jamais vu dans les annales de la gouvernance mondiale. Et Abdoulaye Wade décide que 35 % des produits de ce monument reviendraient à sa fondation’. Il a fait savoir que ‘tout le pays est opposé à ce monument’. ‘Les imams se sont réunis pour décider de faire une prière contre le monument le 3 avril. Comme il sait qu'il y a une écrasante majorité du pays qui s’oppose à ce monument, il fait un semblant de mobilisation en faisant convoyer des Sénégalais de l'extérieur sous prétexte qu'il va faire voter l'organisation des Sénégalais de l'extérieur du 2 au 3 avril. Il y a deux jours à Accra au Ghana, c'est ce subterfuge qu'ils ont monté aux Sénégalais en leur disant qu'il y aura un séminaire à Dakar les 2 et 3 avril. Ils sont donc en train de mobiliser un peu partout parce qu'ils savent que les Sénégalais de l'intérieur ne viendront pas à l'inauguration du monument. Il veut faire combiner l'inauguration de ce monument avec les fêtes de l'indépendance, ce qui est totalement illégitime’, relève le secrétaire général de la Ld. Qui continue ses piques : ‘Il invite des chefs d'Etat étrangers en leur disant : ‘Il faut venir pour le cinquantenaire, mais venez le 3 au matin et non le 4’. Comme ça, quand ils viendront, il leur dira qu’il y a l'inauguration du monument de la Renaissance et il faut m'accompagner. On donnera l'impression que tout le monde soutient maintenant le monument de la Renaissance. Voilà le subterfuge qu'il veut utiliser mais ça ne passera pas’, promet-il.