Jeudi 25 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

Ahmed Khalifa NIASSE, ministre chargé de la nouvelle capitale : 'La nouvelle capitale du Sénégal sera prête dans 36 mois'

Single Post
Ahmed Khalifa NIASSE, ministre chargé de la nouvelle capitale : 'La nouvelle capitale du Sénégal sera prête dans 36 mois'
Le président de la République et son gouvernement ont trente-six mois pour faire leurs baluchons et aller s'installer dans la nouvelle capitale politique et administrative qui sera construite entre Lompoul et Fass Boye, à quelques encablures de Louga. Tel est, du moins, le délai que s'est fixé le ministre chargé de la Nouvelle capitale, Ahmed Khalifa Niasse, pour rendre clé en main cette nouvelle ville située à équidistance de l'ancienne capitale, Saint-Louis et de l'actuelle, Dakar. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, le tout nouveau ministre nous parle des conditions de financement de ce projet, lève le voile sur l'identité des investisseurs privés qui vont y intervenir. Il tente, en outre, de rassurer quant à la transparence de sa gestion à venir, en parlant notamment de sa fortune personnelle estimée à 50 milliards et qui le met largement à l'abri du besoin. Il revient également sur la récente visite de Khadafi au Sénégal et se prononce sur la succession du président Wade. Entretien.



Wal Fadjri : Vous auriez été nommé par décret ministre chargé de la nouvelle capitale par le président de la République. Est-ce exact ?


Ameth Khalifa Niasse : Le président m'a nommé ministre chargé de la création et de la promotion de la nouvelle capitale politique et administrative du Sénégal. Cette nouvelle capitale politique et administrative est prévue dans la zone située entre Fass Boye et Lompoul, plus précisément dans la zone du village de Ngouye Wade. La nouvelle capitale se trouve sur le littoral à mi-distance entre Saint-Louis, l'ancienne capitale et Dakar, la capitale actuelle. Elle se situera à peu près à 100 km de l'une et de l'autre.


Wal Fadjri : Quelle est votre mission en tant que ministre chargé de la nouvelle capitale ?


Ameth Khalifa Niasse : Justement à la créer. Je vais vous faire un peu l'historique. J'ai travaillé avec le chef de l'Etat durant deux ans comme ambassadeur itinérant auprès du président de la République. Comme une sorte de promotion, il me nomme par arrêté ministre conseiller dans son cabinet. Un jour, à une heure du matin - parce que, souvent, nous travaillons entre minuit et 2 h du matin - je lui dis que de tous ses projets, la nouvelle capitale est celui auquel je crois le plus et que je crois pouvoir réaliser. Il m'a dit d'accord. J'ai ajouté que le contrat entre lui et moi, c'est ceci : il me laisse faire pendant 6 mois et si ça ne marche, qu'il me montre la porte sinon moi, je connais la sortie.
C'est ainsi qu'une semaine après que nous en avons parlé et avant même que le décret de nomination ne soit signé, j'ai organisé à Paris une réunion autour du président de la République avec les dirigeants de toutes les grandes entreprises qui ont construit Dubaï et qui, aujourd'hui, monopolisent 30 % des grilles de construction dans le monde. Personne ne peut déplacer ces pontes que j'ai déplacées à Paris. Même les architectes travaillant avec le chef de l'Etat n'y croyaient pas. Ils ont dit que, depuis 15 ans qu'ils vont à Dubaï, ils n'avaient jamais pu voir l'ombre de l'une de ces hautes personnalités. Ils n'avaient accès qu'à leurs soufifres. Que quelqu'un puisse les faire venir si vite jusqu'à Paris, c'est une autre dimension.
Devant le chef de l'Etat, ces grosses pointures ont tenu un langage simple. A savoir que les cinq mille hectares de la ville et les vingt mille hectares de réserve ne font que vingt-cinq mille hectares. Ce qui représente pour elles une bouchée de terre qu'elles ne vont pas se disputer. Et de proposer que chacune de leurs entreprises avance ses conditions de participation à la construction de la nouvelle capitale. Etant entendu qu'en cas d'accord avec l'une d'entre elles, les autres vont s'effacer parce que ce marché est trop petit pour qu'elles se le partagent. Elles ont le savoir-faire, l'argent, les moyens techniques et matériels, nous ont-elles dit, et elles peuvent faire tous les travaux entre 20 et 36 mois. Et au bout de ce délai, elles nous donneront clé en main la nouvelle capitale avec ses autoroutes et autres commodités. Et c'est sur ça que nous travaillons. Nous avons une prochaine réunion avec les mêmes, à Dubaï cette fois-ci, le 17 avril prochain.


Wal Fadjri : Cette réunion aura donc lieu à l'occasion de la visite du président de la République à Dubaï ?


Ameth Khalifa Niasse : Bien entendu, nous partons demain (l'entretien s'est déroulé la veille du voyage du président Wade : ndlr) avec lui pour ça. Je dois ajouter que la spécificité du projet que l'on m'a confié est que le Sénégal ne va pas contracter des dettes pour sa réalisation. C'est la condition pour laquelle on s'y lance et je rappelle que c'est mon initiative.


Wal Fadjri : Qui va alors supporter les dépenses ?


Ameth Khalifa Niasse : J'ai dit que je ne veux pas endetter mon pays. Par conséquent, le Sénégal ne s'endette pas. Pourtant, nous ne sommes pas au rouge dans le système de Bretton Woods. Et je ne gère pas de fonds publics, ni moi, ni mon ministère. Nous avons juste besoin d'un tout petit fonds de roulement pour nos déplacements : prendre des billets d'avion, acheter du carburant, payer des chauffeurs parce que tout le reste, ce sont les autres qui le font avec leur argent pour leur propre compte.
Mais une fois qu'ils (les entrepreneurs : Ndlr) auront construit la nouvelle capitale, ils nous donneront ses locaux en lising, c'est-à-dire en simple location. L'Etat sénégalais devient locataire de ces locaux et en relouant tout ou une partie des locaux qu'il occupait à Dakar, il y aura compensation.


Wal Fadjri : Cela veut-il dire que les vrais propriétaires de cette nouvelle capitale, ce seront les investisseurs ?


Ameth Khalifa Niasse : Vous n'avez pas compris. L'Etat sera propriétaire dans les deux villes. Même les routes, ce sera la même chose. Nous les prendrons en location au mètre carré sur un long bail de 50 à 60 ans. Ensuite, l'Etat peut les rétrocéder à des privés sénégalais qui vont mettre des péages, sauf pour les routes que l'Etat décide de donner à tous. En ce moment-là, il va prélever sur les dividendes provenant des routes à péage pour combler et permettre quand même que les gens puissent circuler sur des routes où on ne paye pas.


Wal Fadjri : C'est donc le système du Bot (Build Operate and Transfert) ?


Ameth Khalifa Niasse : Non, ce n'est pas le système du Bot. Le Bot est un système de prêt même s'il est déguisé et vous ne pouvez pas avoir un Bot, si vous n'avez pas le cachet préalable de la Banque mondiale. Or ce que nous faisons, n'a pas besoin de la Banque mondiale. C'est comme si vous aviez un terrain au Fouta et que quelqu'un vienne dire qu'il a de l'argent, des outils, et qu'il veut construire sur ce terrain un immeuble de dix étages qu'il va louer par exemple à des Modou-Modou. Mais même s'il ne vous le loue pas, vous n'êtes pas endetté auprès de la banque. C'est ce qu'on va faire et le Sénégal ne sera pas endetté.
Or, ce que nous prévoyons sur les trois ans de construction de la nouvelle capitale va générer au moins 50 000 milliards de francs Cfa d'investissements des privés chez nous. Alors, cela pourra employer tous les chômeurs du Sénégal et, comme le disait le président Wade à l'occasion de son investiture, satisfaire une partie des problèmes de chômage dans la sous-région. Ainsi, au lieu que les jeunes sénégalais prennent des barques, ce sont les autres qui vont prendre la direction du Sénégal.


Wal Fadjri : N'allez-vous pas nous refaire le coup de l'aéroport de Diass où on avait donné l'assurance que le Trésor public n'allait rien supporter mais, finalement, on a vu comment cela a été répercuté sur les privés, notamment avec la taxe aéroportuaire et sur les billets d'avion ?


Ameth Khalifa Niasse : L'aéroport de Diass, ce n'est pas ma gestion, je n'en parlerai pas !


Wal Fadjri : Le contribuable sénégalais a quand même le droit de savoir...


Ameth Khalifa Niasse : (Il coupe). Moi ce que je fais, ce sont des contrats qui seront publiés sur Internet. Parce que je tiens à la transparence, tous les contrats seront publiés sur Internet dans leur intégralité.
En outre, je ne suis pas un homme dans le besoin, je n'ai pas besoin de faire des colmatages. Nous autres, nous n'aurons à gérer quoi que ce soit, ce sont eux qui vont gérer leurs fonds. Je dis que l'Etat sénégalais est supposé même ignorer ces chantiers-là jusqu'à ce qu'on lui donne les clés.


Wal Fadjri : N'y a-t-il pas une partie des travaux que l'Etat du Sénégal va financer ?


Ameth Khalifa Niasse : Bien sûr que l'Etat est obligé de faire la voirie. Tout le reste, ce sont d'autres qui le font pour lui et le lui donnent en simple location. En plus, je vous informe que le Sénégal aura son premier Tgv qui va relier le nouvel aéroport de Diass et Dakar, à la nouvelle capitale, à Touba et à Kaolack. Ainsi, si vous partez de Dakar, 25 mn après vous serez dans la nouvelle capitale politique et administrative, 25 mn après vous êtes à Touba et ainsi de suite jusqu'à Kaolack. Il est prévu à l'avenir de faire une bretelle vers Matam, une autre vers Ziguinchor. Mais le plus urgent, c'est de réaliser ces 300 km pour faciliter la mobilité dans le pays.


Wal Fadjri : Le site devant abriter la nouvelle capitale est-il définitivement fixé ?


Ameth Khalifa Niasse : Oui et avec le concours des plus grands architectes du monde.


Wal Fadjri : Est-ce vous qui avez convaincu Wade de construire cette nouvelle capitale ?


Ameth Khalifa Niasse : Non, Wade travaille sur la nouvelle capitale depuis trois ans et demi. Il a payé des architectes qui lui ont fait des projets et des avant-projets et il y a eu des prélèvements sur le terrain. Mais Wade a fait tout cela dans la plus grande discrétion. Maintenant que le dossier est prêt, je suis venu intervenir dans la phase de réalisation. Mais la phase de conception, elle est bien Wadienne.


Wal Fadjri : Et vous vous êtes fixé quel dead-line ?


Ameth Khalifa Niasse : J'ai dit au président à Paris : ‘Préparez vos bagages. Dans 36 mois, je vous déménage’. Il m'a répondu : ‘Je suis en train de préparer mes baluchons’. Ce sont là ses propres termes.


Wal Fadjri : La nouvelle ville sera donc la capitale politique et Dakar restera la capitale économique ?


Ameth Khalifa Niasse : Absolument, elle sera la capitale politique et administrative du Sénégal. Et c'est écrit noir sur blanc dans le décret de création.


Wal Fadjri : Votre nouvelle nomination est-elle liée à votre carnet d'adresses ?


Ameth Khalifa Niasse : Oui, mais un carnet d'adresses, ce n'est pas suffisant. Le carnet d'adresses est une chose, mais motiver ces gens-là à se déplacer, les faire signer en est une autre.


Wal Fadjri : S'ils ont accepté de signer, c'est qu'ils estiment donc que le projet est viable ?


Ameth Khalifa Niasse : Quand vous avez votre argent, vous n'achetez jamais des cacahuètes si elles n'en valent pas la peine. Personne n'investit son argent là où il pense ne pas devoir le mettre. Eux, ils mettent leur argent et c'est déjà un certificat montrant qu'ils croient au Sénégal. Maintenant, il y a un rush des affaires vers le Sénégal.



‘Ma fortune personnelle est de 50 milliards de francs Cfa’



Wal Fadjri : Qu'est-ce que vous gagnez dans cette affaire, mis à part votre statut de ministre ?


Ameth Khalifa Niasse : Le statut de ministre ne me fait rien. J'ai 60 ans et je me suis engagé dans la politique depuis plus 30 ans. Si j'ai donc l'occasion de construire quelque chose pour mon pays, mes enfants et mes petits-enfants, je n'hésiterai pas. Moi, j'avais deux projets : le projet familial et le projet personnel. Aujourd'hui, sur le plan personnel, je pèse au moins 50 milliards de francs Cfa. Et je ne suis pas endetté, je ne dois rien à personne.


Wal Fadjri : 50 milliards, est-ce votre fortune personnelle ?


Ameth Khalifa Niasse : C'est l'ensemble de mes biens à l'extérieur et au Sénégal qui peut être estimé à 50 milliards. J'ai un budget personnel qui équivaut à celui d'un petit ministère. C'est un budget familial consacré aux études de mes enfants, à leurs loisirs, à leurs voitures, disons à leur cadre de vie. Et ça, je n'ai pas besoin de l'Etat pour l'avoir. Je l'ai déjà. J'ai 60 ans, je peux prétendre à tout. Mais pour l'histoire, pour quelqu'un qui fait de la politique pour le bien de son pays, s'il a la chance d'être à côté de Me Abdoulaye Wade, d'ériger la nouvelle capitale du Sénégal, c'est quelque chose de magnifique. Il n'y a personne qui a déjà réalisé à lui seul une ville au Sénégal. Si on arrive à le faire, on ne peut pas espérer mieux. Et c'est cela ma motivation.


Wal Fadjri : D'où tirez-vous votre fortune ?


Ameth Khalifa Niasse : C'est très simple. Depuis au moins deux décennies, je donne des conseils utiles et à chaud à de grands hommes d'Etat, à de grandes puissances et je suis rémunéré. Je suis payé en fonction du travail que je fais pour ces gens. Si j'ai un carnet d'adresses bien rempli et que je me rends dans des endroits que je fréquente depuis 30 ans, cela veut dire que je fais des résultats. Aucun chef d'Etat ne vous ouvre ses portes, s'il n'attend rien de vous.


Wal Fadjri : Vous faites donc un travail de lobbying...


Ameth Khalifa Niasse : Non (Il insiste). Je donne des conseils qui permettent souvent d'éteindre de grandes crises en utilisant de nouveaux éléments, des techniques dont j'ai le secret. Mais ce qui est sûr, c'est que ce n'est pas de la magie.


Wal Fadjri : On dit que vous êtes ami de Gbagbo...


Ameth Khalifa Niasse : (Il coupe encore, anticipe)... De Gbagbo, de Bongo et d'autres.


Wal Fadjri : Quel rôle avez-vous joué, alors, dans le règlement de la crise ivoirienne ?


Ameth Khalifa Niasse : En tous cas, j'ai joué un rôle.


Wal Fadjri : Lequel ?


Ameth Khalifa Niasse : Personne ne pouvait régler la crise sans passer par le Burkina. Et personne ne pouvait avoir l'accord du Burkina s'il n'avait pas l'accord de la Libye. Et pour le reste, je ne vous ferai pas un dessin.


Wal Fadjri : Justement, quels sont vos rapports avec le président libyen ?


Ameth Khalifa Niasse : C'est un ami de longue date, un parent, un ami du Sénégal.



‘Le président Khadafi a contribué à ma richesse’



Wal Fadjri : A-t-il contribué à votre richesse ?


Ameth Khalifa Niasse : Ah oui, certainement ! Parce qu'il me fait beaucoup travailler (rires). Il ne donne pas de l'argent comme ça, mais il me fait travailler. J'ai été plusieurs fois par exemple son émissaire auprès de Gbagbo et d'autres chefs d'Etat pour des messages et autres facilités diplomatiques. Et c'est comme cela que je suis rémunéré.


Wal Fadjri : Qu'est-ce qui explique la fréquence des visites de Khadafi au Sénégal ?


Ameth Khalifa Niasse : Il est venu trois fois au Sénégal, dont deux en l'espace d'une année. Il dit qu'il est un Dème, qu'il a ses racines au Sénégal. Par ailleurs, l'année dernière, il était l'invité spécial pour la fête de l'indépendance. La récente visite est tout à fait normale. Il a toujours aidé et soutenu Wade quand il était dans l'opposition. Wade est au pouvoir depuis 2000. Khadafi est venu en 2006. C'est normal. Cette année, il y a eu une occasion exceptionnelle qui a fait que des chefs d'Etat qui ne viennent jamais en Afrique noire, tels que Hosni Moubarack, se sont déplacés.


Wal Fadjri : Vous dites qu'il a soutenu Wade quand ce dernier était dans l'opposition. Qu'est-ce à dire ?


Ameth Khalifa Niasse : Vous vous souvenez que l'on avait reproché à la garde rapprochée de Wade de s'entraîner en Libye. Le nom de Wade a, souvent, été mêlé à celui de la Libye.


Wal Fadjri : Vous confirmez donc que la garde rapprochée de Wade s'y entraînait...


Ameth Khalifa Niasse : A posteriori, peut-être ! La postérité supporte beaucoup plus de choses que l'actualité.


Wal Fadjri : En quoi consistait, par ailleurs, le soutien de Khadafi à Wade ?


Ameth Khalifa Niasse : Je ne suis pas un ‘Monsieur connaît tout’, hein !


Wal Fadjri : C'est vous qui parlez de soutien, non ?


Ameth Khalifa Niasse : Mais le soutien peut être politique. Parce que Khadafi recevait Wade publiquement en Libye, alors que beaucoup de chefs d'Etat n'osaient pas le faire.



‘Le Building administratif de la nouvelle capitale sera de 32 étages’



Wal Fadjri : Son pays va-t-il participer au financement de la nouvelle capitale?


Ameth Khalifa Niasse : Pour le moment, le financement provient des privés. Il n'y a pas de fonds d'autres pays. Nous ne prenons pas l'argent de ces pays. Ces pays viennent construire directement. D'ailleurs, je vais vous faire une confidence : le building administratif qui sera construit dans la nouvelle capitale sera, non pas de 9 étages comme à Dakar, mais de 32 étages et sera le seul immeuble en Afrique qui tourne sur lui-même.


Wal Fadjri : Et la Tour Khadafi, n'était-ce pas un poisson d'avril ?


Ameth Khalifa Niasse : Il faut savoir que cette tour n'est pas un cadeau donné au Sénégal. Les sociétés pétrolières libyennes veulent avoir des rentes autres que le pétrole. C'est ainsi qu'elles prévoient de mettre dans chaque capitale africaine un immeuble allant de 3 à 10 étages selon les pays. Ainsi, il y aura une tour de 52 étages à Johannesbourg et une autre de 62 étages à Dakar. Ce qui va leur procurer des rentes assez substantielles.
Lorsque les sociétés pétrolières libyennes ont pris cette décision, elles sont venues au Sénégal, en ont fait état lors de la visite de Khadafi et ont procédé à la pose de la première pierre. Seulement, il n'y avait pas eu d'étude architecturale. Or, vous savez que pour un immeuble de 62 étages, il y a des facteurs qu'il faut prendre en compte : l'ensoleillement, la sécurité, etc. Autre obstacle au projet, le Code de l'urbanisme n'autorise que 18 étages. Par conséquent, il faut changer le Code de l'urbanisme, s'approprier le terrain, avoir une autorisation de construction, permettre aux architectes de travailler sur une période qui peut aller jusqu'à 18 mois. Nous les Sénégalais, nous avons tendance à croire que c'est tout d'avoir de l'argent, un terrain et du ciment. Ce n'est pas comme cela. Maintenant que l'on a posé la première pierre, dans les six mois qui viennent, nous allons commencer le gros œuvre.


Wal Fadjri : Pour un programme aussi grandiose que la Nouvelle capitale, vous dites que vous ne gèrez pas de fonds publics. Est-ce, pour vous, une manière d'éviter les scandales ?


Ameth Khalifa Niasse : Non. Ce que je veux dire, c'est que je ne veux pas gérer des fonds publics. De toute ma vie, je ne l'ai jamais fait. Dans mon projet familial, je n'ai jamais emprunté à une banque. Personne n'est jamais venu me réclamer l'argent de qui que ce soit. Je voudrais m'inspirer de mon histoire personnelle pour mon pays : avoir des biens, nous développer, avoir du travail, une cité moderne sans nous endetter. Je suis en train d'en administrer la preuve avec le président Wade. Que l'on me regarde faire pour voir si ce que je dis est vrai ou faux.


Wal Fadjri : Quelles sont les garanties que vous offrez au président Wade et au peuple sénégalais pour qu'ils acceptent de se lancer dans un tel projet ?


Ameth Khalifa Niasse : On n'a pas besoin de garanties pour dire : ‘Si ça ne marche pas, je me retire’. Si quelqu'un vous dit : ‘Venez dans la rue, il y a quelqu'un qui va vous donner tout de suite un milliard’. Vous suivrez bien sûr son conseil en sachant que soit vous avez le milliard, soit vous retournez sur vos pas les mains vides. De toutes les façons, vous ne perdez rien. Vous n'avez pas besoin de lui demander des garanties. Si quelqu'un prend sur lui d'amener de l'argent, de construire et de ne faire supporter à l'Etat que le paiement d'un petit loyer mensuel en nous modernisant, en nous permettant d'avoir du travail, on n'a pas besoin de lui demander des garanties. On n'a pas à me demander des garanties. On n'a qu'à me laisser faire, me prendre au mot et chronométrer le rythme d'exécution des travaux. Si dans six mois, il n'y a rien, vous aurez ma démission.


Wal Fadjri : Une simple démission, qu'est-ce que le Sénégal a à en faire ?


Ameth Khalifa Niasse : Qui ne risque rien, n'a rien ! Dans d'autres projets, les gens risquent leur argent. Mais, dans ce projet-ci, ils ne risquent rien.


Wal Fadjri : On vous prête d'avoir été le collecteur de fonds lors de la dernière campagne électorale au profit du candidat Wade. Qu'en est-il réellement ?


Ameth Khalifa Niasse : Personnellement, je n'ai pas mis de fonds dans la campagne.


Wal Fadjri : Vous avez joué les intermédiaires avec certains pays arabes...


Ameth Khalifa Niasse : Je ne m'en souviens pas. Ce que je sais, c'est que Me Wade a toujours financé sa campagne sans mon aide. Même si on ne prête qu'aux riches.


Wal Fadjri : Mais, pas avec autant d'ampleur ...


Ameth Khalifa Niasse : Lui-même a pris de l'ampleur. Il ne faut pas me prêter ce qui n'est pas à moi. Et ne sous-estimez pas Wade. En la matière, c'est un économiste.



‘Khadafi est un chef d'Etat. Sa fonction, ce n'est pas de diriger des prières’



Wal Fadjri : La dernière partie de la visite de votre ami Khadafi au Sénégal a foiré. Notamment, pour ce qui concerne la visite qu'il devait effectuer à Touba. Quelles sont les causes de son annulation ?


Ameth Khalifa Niasse : Report, oui. Annulation, non. Il était en déplacement au Niger où il a fêté le Gamou. Il est resté longtemps dans la poussière. Il était venu ici aussitôt après juste pour l'investiture du président de la République. Il était parmi les premiers chefs d'Etat à arriver et il a été le dernier à quitter le Sénégal. Le jour où il a quitté, il était question qu'il aille à Touba. Mais tout n'était pas prêt. On a donc convenu d'un report.


Wal Fadjri : Qu'est-ce qui a motivé ce report ?


Ameth Khalifa Niasse : Un déplacement reporté, c'est dans la nature des choses.


Wal Fadjri : Mais, il doit y avoir un soubassement...


Ameth Khalifa Niasse : Aucun !


Wal Fadjri : Il se susurre qu'il aurait voulu diriger la grande prière du vendredi à Touba, ce qui lui a été refusé. Qu'en est-il réellement ?


Ameth Khalifa Niasse : Khadafi est un chef d'Etat. Sa fonction, ce n'est pas de diriger des prières.


Wal Fadjri : Mais, il lui est arrivé souventes fois de diriger des prières quand il est en déplacement à l'extérieur...


Ameth Khalifa Niasse : Tout musulman peut diriger la prière. Moi, il m'arrive de prier derrière mon gardien. Ce n'est pas ce qui est important. Qu'il dirige la prière à Touba, à Dakar ou à Guédé (Ndlr, département de Podor), ce n'est pas cela le fond du problème. Khadafi est un guide musulman. C'est un ami du Sénégal. Il n'est pas le seul à vouloir aller à Touba. Rafsanjani (ancien président iranien, Ndlr) était allé à Touba. Il y a bien des rois et des chefs d'Etat qui me demandent de dire au khalife général des mourides - qui est mon oncle, mon ami et dont je suis le conseiller spécial - qu'ils veulent visiter Touba. Il n'est donc pas le seul. Il ne sera certainement pas le dernier.


Wal Fadjri : L'on a quand même remarqué que chaque fois que Khadafi est en visite, les couacs s'invitent dans le protocole. La dernière entorse en date, c'est quand Khadafi est arrivé bien après Wade au défilé du 4 avril alors que la mise en place était terminée. Qu'est-ce qui explique cette condescendance du Guide libyen sur ses autres pairs africains ?


Ameth Khalifa Niasse : Qui peut arriver à l'heure à Dakar ? Et puis, les chefs d'Etat ne sont pas esclaves du protocole. Ils le respectent, mais ils n'en sont pas, pour autant, esclaves. Vous ou moi, quand on est en retard, on nous met à la porte. Un chef d'Etat, même s'il est en retard, il entre quand même. On ne peut pas refouler un chef d'Etat parce qu'il est venu cinq minutes en retard. Et puis, il y a les problèmes de la circulation.


Wal Fadjri : Khadafi n'est quand même pas concerné par ça ?


Ameth Khalifa Niasse : Si ! Vous avez vu des chefs d'Etat arriver en bus. C'est pour leur éviter les problèmes de mobilité urbaine. Dakar est en chantier. Quelquefois, j'ai rendez-vous avec le président de la République, mais je ne peux pas arriver à l'heure à cause des bouchons.


Wal Fadjri : Mais, vous, vous n'êtes pas Khadafi. Vous n'avez pas une flèche. Khadafi en a.


Ameth Khalifa Niasse : Même avec une flèche, quand vous tombez sur un camion en panne, la flèche, elle passe dessus ou elle passe dessous ? (L'air moqueur)


Wal Fadjri : Comment expliquez-vous l'incident de Ndiass ?


Ameth Khalifa Niasse : (Dans la posture de l'intervieweur). Quel incident ?


Wal Fadjri : Khadafi s'est levé quand Wade faisait son discours.


Ameth Khalifa Niasse : Non ! Il avait demandé au président Wade l'autorisation de se retirer pour des raisons personnelles. On ne peut pas le lui reprocher.


Wal Fadjri : Vous vous dites ami de Wade. En vous faisant ses confidences, vous a-t-il dit ses préférences quant à sa succession ?


Ameth Khalifa Niasse : Non ! Mais, je lui ai dit de préparer une succession dans le parti. Je crois qu'une succession politique doit être envisagée dans les trois ans qui viennent.



‘Je suis partisan de la succession de Wade par son fils Karim’



Wal Fadjri : Donc, pas de succession dans la famille ?


Ameth Khalifa Niasse : Succession institutionnelle, non ; succession politique, oui. C'est-à-dire qu'il n'y aura pas d'article 35 bis.


Wal Fadjri : Vous verrez bien Macky Sall remplacer Abdoulaye Wade ?


Ameth Khalifa Niasse : Je ne peux pas donner de nom parce que je ne suis pas du Pds, même si j'en suis co-fondateur avec Wade.


Wal Fadjri : Excluez-vous, de facto, Karim Wade ?


Ameth Khalifa Niasse : Au contraire ! Je suis même partisan de cela. Parce que je crois que Karim a une certaine légitimité : il est l'enfant du parti ; j'ai vu son père, sa mère et même sa grand-mère qui est française vendre leurs biens immobiliers - ils m'ont fait des procurations pour vendre leurs maisons qui étaient à Fann Résidence - pour financer le Pds. J'ai vu les premiers militants du parti le prendre sur leur dos pour l'amener chez eux. Il lui est ainsi arrivé de dormir à Pikine, à Guédiawaye, etc. Cela, c'est une légitimité. Mais, il faut qu'il rentre dans le parti et dans ses instances de décision. Quel rôle y jouera-t-il ? C'est aux responsables du Pds d'en décider. Mais je crois que ce serait légitime que ce sacrifice soit compensé par une place politique.


Wal Fadjri : Vous arborez un nouveau look : jacket, couvre-chef, etc. Est-ce le look de l'entrepreneur auquel vos nouvelles fonctions de ministre en charge de la Nouvelle capitale vous destinent ?


Ameth Khalifa Niasse : (Il reprend le chapeau qu'il avait posé sur le bureau pour se le remettre sur le chef). Voilà, vous avez compris.


Wal Fadjri : C'est-à-dire ?


Ameth Khalifa Niasse : C'est-à-dire que j'ai compris pourquoi on m'a nommé : pour travailler et non pour... (il cherche les mots, nous venons à la rescousse)


Wal Fadjri : Pour faire la toilette...


Ameth Khalifa Niasse : Voilà. Pour le moment, je mets la cravate de côté. Je mets la tenue de chantier. En avant !



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email