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Politique

ALASSANE DIALY NDIAYE, CANDIDAT ANNONCE A LA PRESIDENTIELLE 2007 : «AU SENEGAL, ON PEUT DETOURNER SANS CONSEQUENCE»

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ALASSANE DIALY NDIAYE, CANDIDAT ANNONCE A LA PRESIDENTIELLE 2007 : «AU SENEGAL, ON PEUT DETOURNER SANS CONSEQUENCE»

Après une absence remarquée de la scène politique, Alassane Dialy Ndiaye revient au-devant de l’actualité politique à la faveur de la proximité de l’élection présidentielle du 25 février 2007. Candidat presque déclaré à la succession d’Abdoulaye Wade, l’ancien ministre socialiste se veut un homme de ruptures et de renouveau pour un pays qu’il juge en danger et qu’il veut remettre à niveau, en partant désormais des qualités des Sénégalais, non de leurs défauts. 

Cet ingénieur télécoms né le 15 octobre 1942 à Yène dans le département de Rufisque, père de deux enfants, s’émeut de la banalité des détournements de deniers publics au Sénégal, s’indigne de la transhumance politique devenue une valeur et propose de nouvelles attitudes pour un Sénégal émergent.

Ami de longue du Président Wade qu’il dit avoir connu bien avant son prédécesseur, il reconnaît que l’homme a considérablement changé au contact du pouvoir. Parlant d’Abdou Diouf, il se réfugie derrière sa «bonne éducation» pour ne pas le flageller, se contentant juste d’un chapelet de reproches dont le moindre n’est pas qu’il ait abandonné le Parti socialiste après la débâcle de mars 2000.

Alassane Dialy Ndiaye, qui a refusé de dire si oui ou non il appartient à la franc-maçonnerie, rejette l’étiquette de candidat sans illusion et promet plutôt des chamboulements d’ alliances dont il pourrait tirer profit.

C’est mon métier de base. Je suis ingénieur spécialisé dans les télécommunications spatiales et nous nous sommes consacrés, d’abord, à la mise en place des premières stations de télécommunication par satellite du continent africain et à la formation sur les hommes, des techniciens, des ingénieurs, des gestionnaires sénégalais pendant de longues années. Nous avons dirigé une entreprise qui s’appelait Télé-Sénégal (Société nationale des télécommunications internationales). Nous avons, dans un temps relativement court, modernisé complètement le réseau de télécommunication de notre pays. Ensui-te, c’est sur nos idées et propositions que le Président Abdou Diouf a pris la décision de créer la Sonatel. Je peux être considéré comme le père fondateur de la Sonatel que nous avons mise sur les rails. Aujourd’hui, elle reste sur sa lancée et a fait ses preuves au niveau mondial.

LE REVENANT

Parce que vous voulez insinuer que j’étais absent de tout ? On m’a quand même entendu parce que je me suis exprimé plusieurs fois. C’est pourquoi je ne me sens pas du tout visé par cette critique qui veut que les hommes politiques ne se rapprochent des populations qu’à l’approche des élections. Moi, je suis en contact avec la population. Qu’il y ait élection ou pas élection, je suis toujours avec les gens et la base. Et je répète que je ne suis pas venu en politique pour me remplir les poches. La meilleure façon que j’avais pour me remplir les poches, ce n’était pas d’entrer en politique. C’était de poursuivre ma carrière d’expert en télécommunication spatiale.

J’avais pris la décision de prendre du recul vis-à-vis du Parti socialiste pour mieux observer l’action politique et pour mieux me réengager à nouveau dans une nouvelle action politique. Depuis l’an 2000, j’ai mis en place un Club de recherches prospectives qui réunit plusieurs centaines de cadres dont la mission est de réfléchir sur la marche du Sénégal dans tous les domaines d’activités. A partir de ce que nous avons constaté aussi, nous essayons de voir où va le Sénégal. Pour l’heure, nous avons constitué un réservoir et un trésor de réflexion qui nous permettent de mettre en avant notre programme.

VISIBILITE

Je ne reste pas dans l’ombre. C’est vous la presse qui m’avez peut-être laissé dans l’ombre (rires). J’existe bien. Je vous ai fait un résumé de ma carrière. Quand j’existais, vous étiez encore jeune. Je ne sais même pas si vous étiez nés. Me montrer, c’est ce que je fais. Mes idées, je les montre. Ma façon de faire, je le montre partout depuis 35, 36 ans ici dans ce pays. Peut-être souvent, j’étais tellement occupé par mon travail, par le désir de bien faire que je n’ai pas eu le temps de parler. Il y a des gens qui n’ont rien à faire, ils peuvent passer leur temps à parler. Leur seul métier, c’est la politique. La politique, en ce qui me concerne, n’est pas un métier.

CANDIDAT SANS ILLUSION ?

Non ! Pourquoi vous dites ça ? C’est parce que vous ne savez pas ce que je vais faire avec ces différentes forces politiques dont vous pensez qu’elles sont très bien placées sur le terrain. J’ai occupé beaucoup de postes dans le gouvernement sénégalais pendant douze ans. J’ai été ministre de l’Equipement, de la Pêche et des Transports, de l’Energie, du Commerce, etc. Partout où nous sommes passés, nous avons essayé d’imprimer à l’action gouvernementale une certaine vision à long terme. Et nous avons fait des choses de la façon la plus propre possible vis-à-vis des responsabilités qui nous avaient été confiées à l’époque.

Nous avons aussi une certaine expérience d’une politique de base, des relations avec les militants et les populations sénégalaises. Donc à partir de ce moment-là, nous pensons pouvoir prétendre à la direction de ce pays. Mais pour que cela se fasse, pour que ma candidature ait un sens, il faut que l’étincelle se produise entre le peuple et moi, puisque l’élection présidentielle est la rencontre entre un homme et un peuple. Et vous n’ignorez pas que participer au scrutin nécessite un coût financier important. Il ne s’agit pas seulement d’acheter des voitu-res pour parcourir le pays. Il s’agit également d’organiser des réunions, de mettre en place un certain nombre de structures. A ce moment-là, si les conditions minimales sont réunies, je déclarerai officiellement ma candidature et vous en serez les premiers informés. Pour le moment, elles sont en bonne voie pour être réunies.

SUPPORT POLITIQUE

Je peux vous dire que parmi les partis politiques qui pourraient me soutenir, il y en a aucun de la mouvance présidentielle. Il se peut néanmoins que vous ayez plus d’informations que moi à ce sujet. Par contre, il y a bien d’autres partis qui ne sont pas de la mouvance présidentielle qui me soutiendront.

Vous savez, en politique et à un moment donné, on ne peut pas dire : jamais. On n’en sait rien parce qu’on est aujourd’hui le 12 décembre (Ndlr : date de l’entretien). Mais les choses vont évoluer, il va y avoir de nouvelles données, des partis ou des forces politiques vont se rapprocher. D’autres vont se séparer. Et à l’approche des élections qui se tiendront à bonne date, je l’espère, vous allez constater une certaine nervosité et des alliances qui vont se former. Donc, votre «ennemi» d’aujourd’hui peut être votre ami demain. Il y a des alliances qui vont se faire. Et ça dépend de l’état des candidats. Je sais très bien qu’au final, il y en aura très peu qui resteront dans la course. Si l’on doit avoir quinze ou vingt candidats, je ne sais pas à quoi les élections ressembleront. Mais cela ne sera pas pour moi un prétexte pour jeter l’éponge. Pas question ! Moi, à partir du moment où je décide de faire quelque chose, c’est sur la base d’une réflexion et d’une considération bien précises.

DOUTE SUR LES ELECTIONS

Vous savez, je suis comme vous. Je suis au milieu de ce pays. Nous supputons. On s’attend à beaucoup de choses. (Même si le corps électoral a déjà été convoqué, la répartition des sièges décrétée), nous partons du principe que les élections se tiendront le 25 février. Mais on essaie d’envisager toutes les hypothèses. Mon doute est à un autre niveau : la capacité que je veux garder à m’interroger sur tout pour découvrir la vérité.

Je dis donc qu’en principe que les élections se tiendront. Mais si elles ne se tiennent pas, j’espère qu’on saura donner des explications convaincantes à l’écrasante majorité des Sénégalais.

Moi, j’aurai certainement une attitude vis-à-vis du pouvoir. Mais vous savez, il y a plusieurs façons d’exprimer de manière ferme son point de vue. Et la seule façon n’est pas de crier, de hurler. Il y a une manière qui consiste à dire ce que l’on pense là où il faut le dire. Et il y a des endroits où quand vous dites ce que vous pensez, ça peut être même plus dangereux que ce que vous croyez.

ALTERNATIVE

Ce que je constate dans le débat politique depuis quelques mois, c’est qu’on parle beaucoup, surtout à la veille d’élections. On parle plus des personnes que d’idées et encore moins de programme. Nous avons constaté aussi qu’en 2000, les Sénégalais avaient décidé de changer de président, de régime. Mais ce qui s’est passé, c’est qu’ils ont changé de pouvoir politique sur aucune base rationnelle parce qu’ils voulaient en grande majorité que le président parte. Le résultat est que c’est un autre homme qui est arrivé, sans avoir rien préparé en termes de programme. Pour nous, il est clair que le véritable pouvoir appartient au peuple. Mais on ne peut pas se permettre d’arriver au pouvoir sans idées, sans programme. Malheureusement, on constate qu’il y a beaucoup de discussions, mais on n’entend pas parler de programme. Très peu de personnes disent vraiment et clairement où ils veulent amener le Sénégal s’ils sont élus.

DIAGNOSTIC

Le Sénégal est indépendant depuis plus de quarante-six ans. Au départ, nous avions une avance certaine sur pratiquement tous les pays de l’Afrique de l’Ouest et même sur une bonne partie de l’Afrique. Nous avions une administration performante à l’époque, de bonnes infrastructures et des cadres solides. Et quarante-six ans après, nous sommes loin d’occuper la tête dans ces domaines en Afrique. Il faut reconnaître même que beaucoup de pays nous ont dépassé dans un certain nombre de secteurs. Si je prends le domaine de l’Education par exemple, la majorité des Sénégalais ne savent pas lire ou écrire même si on dit consacrer 40% du budget à l’Education. Ce chiffre est à analyser de manière très pointue. Si vous regardez les études des plans de développement du début des années de l’indépendance, il était dit qu’en 1985, je dis bien en 85, il y aurait une scolarisation universelle au Sénégal. Aujourd’hui, nous sommes loin de cet objectif.

Depuis quarante-six ans, nous avons changé plusieurs fois de politique agricole. Nous sommes passés du tout Etat à la libéralisation de l’agriculture. Le résultat est qu’il y a environ 500 000 exploitations diverses. Mais les paysans dans leur ensemble, n’arrivent pas à s’en sortir et les pouvoirs publics peinent à couvrir les besoins céréaliers du Sénégal. Cette couverture varie depuis des années entre 46 et 54%. Donc, nous ne sommes même pas encore capables d’assurer la couverture de nos besoins simplement alimentaires.

Egalement dans le domaine de l’industrie, nous avions une avance certaine, mais à l’heure actuelle, nous nous positionnons très loin derrière un certain nombre de pays. Il y a des pans très importants de notre industrie qui se sont écroulés. Concernant la fourniture d’électricité, vous savez bien ce qui se passe. Presque cinquante ans après notre indépendance, nous avons toujours une hantise des délestages. Sur le plan aussi de l’intégration du Sénégal dans la sous-région mais particulièrement dans le monde, nous sommes loin de satisfaire les conditions pour que le Sénégal puisse profiter de la mondialisation.

REMISE A NIVEAU

Notre souhait, c’est que dans tous ces domaines ainsi énumérés, il y ait une remise à niveau afin que le Sénégal puisse commencer à émerger. Parce que nous avons toutes les conditions pour avancer : une population intelligente et une grande capacité d’adaptation. Malheureusement, ces qualités et ces capacités ne sont pas utilisées par les dirigeants politiques jusqu’à présent. Je souhaiterais maintenant qu’on dirige les Sénégalais à partir de leurs qualités et non en partant de leurs défauts si nous voulons tirer d’eux le maximum possible.

Concrètement, il y a des réformes à faire au plan institutionnel. C’est clair que le système politique institutionnel que nous vivons actuellement n’est pas adapté pour l’expression totale de la démocratie. Nous avons un régime présidentiel. Donc il y a une personne qui décide de tout, qui commande tout et ça, ce n’est pas possible. Il faut réorganiser, réformer ce régime. Deuxième chose, il faut donner plus de pouvoir au Parlement. Et mettre en place un pouvoir équilibré où le président de la République ne pourra pas faire ce qu’il veut. Que l’Assemblée nationale soit un vrai contrepoids avec des pouvoirs tirés d’une Constitution moderne.

REFORMES JUDICIAIRES

Ensuite, je pense que dans toutes les réformes, il faut revoir l’attribution du pouvoir judiciaire par rapport à l’Exécutif. Tout le monde constate avec moi des dérives qui surviennent depuis quelques années, depuis quelques mois particulièrement. Ces dérives ne sont pas acceptables. Si le pouvoir judiciaire n’a plus son indépendance, s’il est sous la coupe de quelques personnes, nous sommes tous en danger. C’est clair alors qu’il y a là une reforme approfondie à entreprendre pour donner une véritable indépendance à la Justice. Mais pour qu’on vive cette indépendance, il faut qu’il y ait des hommes solides qui croient en leur métier et qui partagent un certain idéal de liberté, de justice.

Si nécessaire, il faudra casser le lien ombilical entre l’Exécutif et le Judiciaire qu’est le Parquet. Mais l’essentiel est de mettre en place un système qui permet à la Justice d’être complétement indépendante. Cela existe dans certains pays du monde. Il faut aux Sénégalais un système qui garantit une liberté certaine, la liberté de pratiquer la croyance qu’ils veulent, de s’exprimer oralement ou par écrit, etc.

VISION ECONOMIQUE ET JUSTICE SOCIALE

Sur le plan économique, il est de bon ton de dire que la libéralisation est une bonne chose. Mais ça, c’est vite dit. Il ne sert à rien de dire que nous allons nous extraire de la mondialisation car nous y sommes déjà. Si le Sénégal veut réellement profiter de ce phénomène, si nous avons le désir ardent d’y insérer positivement notre pays, il faut déjà aider les Sénégalais à contrôler l’appareil économique. Ce qui n’est pas encore le cas.

Il est également nécessaire de mettre en place un système fiscal. Les impôts, c’est l’une des meilleures méthodes pour assurer une bonne répartition des richesses. Cependant, il faut qu’on revoie notre politique fiscale en rééquilibrant pour répartir plus justement les revenus. Il est dangereux dans un pays qu’une petite portion de la population accapare les richesses alors qu’une masse énorme de pauvres n’arrivent pas à s’en sortir. Un tel système ne peut pas durer. Si on veut avoir une société stable, il faut aider à la constitution d’une classe moyenne sénégalaise. Elle commençait à exister au début des indépendances. Malheureusement, elle a été laminée complètement par différentes politiques économiques. Il s’agit aujourd’hui d’aider à la reconstitution, au renforcement d’une classe moyenne sénégalaise.

Sur le plan de l’agriculture, il faudra mettre en place une politique de modernisation et d’intensification de l’agriculture. Conséquemment, cela demande une politique industrielle qui permette la transformation d’un certain nombre de produits agricoles. On produit beaucoup de légumes et fruits par exemple. Mais 45 % des tonnages pourrissent la plupart du temps.

PRIVATISATION

Parlant toujours de réforme économique, je pense qu’il faut faire attention quand on privatise. Il y a certains secteurs qu’on a privatisé un peu trop vite sans avoir pris la mesure exacte des conséquences de tels choix. Il existe des secteurs vitaux pour lesquels l’Etat, même en cas de privatisation, doit mettre au préalable une sorte de contrat avec les repreneurs et exiger des repreneurs qu’ils ne laissent pas les prix flamber,

Ces secteurs sont l’eau, l’électricité et la télécommunication. Très certainement, il fallait prêter une oreille particulière à la privatisation de ces secteurs en ne faisant pas n’importe quoi. On peut bien privatiser, mais il faut fixer des normes au début. Si vous prenez tel secteur, là dans les années à venir, vous devez faire baisser les prix et améliorer le service. Je sais que ce sont deux objectifs difficiles à concilier mais si vous n’êtes pas en mesure de le faire, on ne vous le donne pas.

Pour le cas de la Sonatel dont j’ai été le ministre de tutelle, je dis qu’il fallait la privatiser. Il aurait fallu préalablement fixer des conditions comme celles que j’ai rappelées plus haut. Ceci est valable pour l’eau. (…) Quand on privatise d’aussi lourdes entreprises qui se sont quand même développées grâce à l’effort des Sénégalais, il faut leur en faire profiter de plusieurs manières comme l’acquisition d’un maximum d’actions. Je pense que c’est une occasion, pour aider ceux qui en ont les moyens, d’être ou de devenir actionnaires de grosses entreprises. L’Etat devrait faire ce qu’on appelle le portage. S’il y a une entreprise à privatiser, l’Etat peut céder la majorité de ses actions au fil des années à des nationaux. Cela permet à des Sénégalais d’être majoritaires dans les différentes entreprises. Le système du portage est d’autant plus facile que le désengagement concerne des sociétés qui appartiennent toutes à l’Etat. Lors du processus de privatisation de la Sonatel, je n’ai pas été écouté parce que mon point de vue, tout le monde le savait.

PAYS EN DANGER

On verra si les Sénégalais auront le temps d’apprécier ce que je leur propose. J’espère que dans tous les discours qu’ils auront à entendre, ils parviendront à reconnaître l’ivraie de la bonne graine. Il appartient à eux de le faire. Je ne souhaite pas que des personnes sans programme de gouvernement, sans porteurs de véritables valeurs et de valeurs nouvelles soient à nouveau à la tête de ce pays. Il y a beaucoup de choses qui se passent. On constate çà et là qu’il y a des dérives. Les dérives, à mon avis, ne sont pas imputables aux populations, même si elles ont leur part de responsabilité.

Au Sénégal, on est arrivé à un stade où le mensonge n’est plus sanctionné, où des gens peuvent se permettre de détourner l’argent qui nous appartient à tous sans conséquence aucune ! Je veux parler de l’argent des impôts. J’ai même entendu un jour quelqu’un me dire : moi, je ne paye pas d’impôt parce que je suis pauvre. Je lui dis non ! Tu te trompes. Tout le monde paye les impôts. Il y a impôts directs et impôts indirects. Chaque fois que tu achètes une bouteille de boisson ou d’eau minérale, tu payes la Tva. Alors, même les gens les plus misérables payent les impôts. C’est donc de l’argent qui nous intéresse. Mais des gens peuvent se permettre de faire ce qu’ils veulent de cet argent qui est nôtre et être considérés comme des héros par une partie de la population. At-tention ! Nous sommes en danger. Le pays est en danger ! Quand également n’importe qui vient jusque dans votre maison, vous emmène je ne sais plus où pour vous faire subir des traitements dégradants, je dis que nous sommes en danger.

NOUVELLES ATTITUDES

Je souhaiterais, qu’il y ait de nouvelles attitudes, de nouveaux comportements (...). Ce que l’on constate souvent, c’est l’absence d’une société civile sénégalaise très forte. On a l’impression qu’il n’existe pas de groupes d’hommes capables de réagir de façon vigoureuse face aux atteintes à la liberté personnelle. On a un effort à faire. Vous savez bien qu’il y a des pays, même de grands pays où l’on a poussé un Président à la sortie parce que simplement il a menti. Tout cela devrait nous faire réfléchir. Je ne souhaite pas des mouvements de réactions violentes, mais je regrette beaucoup qu’on n’ait pas tiré une leçon de ce grave événement qu’a été le naufrage du bateau Le Joola.

APPROCHE PAR WADE EN 2000

Ce que je peux dire, c’est qu’il y a eu beaucoup de hauts responsables du Parti socialiste qui ont rapidement changé de chemise. Et vous en êtes à vous demander encore pourquoi je ne participe pas aux activités du Parti socialiste ? Est-ce que je suis encore au Parti socialiste ? Si j’avais suivi certains, vous n’alliez pas poser cette question-là. Vous auriez eu la réponse. Parce qu’on fait de la politique. Mais ce n’est pas parce qu’on fait de la politique qu’il n y a pas de principe. Ce que je reproche à certains politiciens sénégalais, c’est de ne pas avoir de principe. Vous ne pouvez pas prétendre diriger, je ne dis pas le pays, mais simplement les gens ou un groupe de Sénégalais si vous n’avez pas un minimum de principe. Si en une nuit, vous êtes capable de dire : hier j’étais avec celui-là, il a perdu, il y a un qui gagne, je me range de son côté en une nuit, à quoi ça ressemble ? Et c’est ce qui se passe actuellement.

C’est évident que j’ai été approché par le Président Abdoulaye Wade pour une multitude de raisons. Il était plus facile pour moi que d’autres d’aller tout de suite au Pds à la suite du changement de mars 2000. J’ai dit plusieurs fois que je connais bien le Président Wade depuis de très longues dates. Je l’ai connu avant le Président Diouf. J’ai très longuement eu des relations personnelles avec lui. Mais nous ne partageons pas le même idéal. Vu ces relations-là, j’avais un excellent prétexte pour retourner ma veste.

Et si je l’avais retourné, d’autres auraient dit que c’est presque normal vu les relations que nous avions. Mais je ne change pas comme ça moi ! Je répète qu’il y a un minimum de principe, je ne dis de morale parce qu’en politique, quand on parle de morale, tout le monde sourit. Tout le monde a lu Machiavel. Mais si les dirigeants d’un pays comme le nôtre ne respectent pas un minimum de règle politique, je ne pense pas qu’on puisse aller très loin.

TRANSHUMANCE

Dans ce pays, les responsables politiques ont une attitude complètement désarmante. Comment voulez-vous que les jeunes s’y retrouvent si on leur dit que celui-là est un dirigeant de tel ou tel parti politique et qu’il change d’opinion comme il change de chemise ? On en voit certains faire des louanges absolument dithyrambiques de quelqu’un pour dire ensuite qu’il est la pire des personnes ou l’inverse. Si de grandes personnes soit-disant responsables font si peu cas de leur opinion ou de leur attitude, mais quel exemple ils vont donner aux jeunes ! Quel exemple ! Pour qu’un jeune puisse progresser, il faut qu’il y ait un idéal. Mais l’idéal est personnifié par des hommes. S’il n’y a pas de repère, comment peuvent-ils s’en sortir ?

Il s’est passé des choses que je déplore. Dans tous pays, on doit savoir sur quelle base quelqu’un a une promotion. Pour quelle raison, il est monté en grade. Si on n’a pas un tel repère, la chaîne du mérite est rompue. On ne peut pas construire sur cette base. Il y a des jeunes qui font n’importe quoi. Il y a certains qui entrent par millier dans des pirogues pour émigrer. C’est une tragédie. C’est à la limite une honte. Arriver à ce que les jeunes ne croient plus à ce pays-là. En tant que responsable politique, je me sens bien concerné. Il faut changer cela. Il y a beaucoup de gens qui parlent, c’est bien de parler. Mais ce qui m’intéresse, c’est de dire : qu’est-ce que je dois faire pour changer ce pays-là ?

CHANTIERS DE THIES

Quand dans un pays, on accepte d’abord le mensonge, que des gens puissent ensuite détourner l’argent du pays, c’est grave, c’est honteux. Il faut prendre des mesures pour que de tels actes ne se reproduisent plus. Il y a des pays beaucoup plus riches que nous, avec une très longue tradition démocratique, où le Président est poussé à la sortie parce que tout simplement il a menti.

WADE : OPPOSANT, HOMME DE POUVOIR

Je pense que lui-même sait qu’il a changé. Etre dans l’opposition est une chose, être au pouvoir en est une autre. Un philosophe disait que le pouvoir corrompt en ce qu’il transforme l’homme. C’est évident. Il est clair que si vous passez d’une position «anonyme» à une autre qui vous permet de diriger un pays et de lui imprimer une marque, il y a changement. Et si on ne garde pas la tête froide, on risque de vivre des moments très perturbés.

Oui, Abdoulaye Wade a changé. Le pouvoir change complètement l’homme. Il y a peu d’hommes que le pouvoir ne change pas. Il y a certains grands hommes qui sont restés dignes, dans la défaite comme dans la victoire, et qui une fois à la tête de leur pays, se sont gardés de s’enrichir. On fait attention à tout cela. Cela existe dans le monde. Même au Sénégal, on peut trouver des cas. «Amne gnou gueum yalla» (Il y en a qui croit en Dieu). Il faut se dire une chose. On a dans ce pays une attitude particulière vis-à-vis du pouvoir politique parce que tout simplement les 99,99% sont intéressés par les attributs. Pour eux, la politique leur permet de s’enrichir, d’agir à la limite de la loi. C’est pourquoi lorsqu’ils perdent le pouvoir politique, ils ont l’impression qu’on leur a arraché quelque chose qui leur appartient. Or, le pouvoir ne leur appartient pas, il appartient au peuple. C’est une espèce d’attitude tellement subjective ! Ils comptent tellement sur la politique pour vivre que perdre le pouvoir politique est une chose incroyable. Cette situation doit changer.

SOUTIEN A WADE A UN SECOND TOUR

On verra quand la question se posera. Je préfère décider au moment venu. Vous savez qu’on a beaucoup discuté. Mais nous verrons d’ici deux ou trois ans, beaucoup de choses vont changer.

NANTI

Vous avez raison de dire que je suis «nanti» par rapport au Sénégalais moyen. Il n’y a plus de classe moyenne, il y a une petite portion de riches, d’aisés, de nantis. Une écrasante majorité de pauvres. Et dans cette majorité de pauvres, il y a 88% de ruraux. Tout le monde sait qu’avant d’entrer dans le gouvernement, j’étais déjà nanti, à la sueur de mon front. Je n’ai pas de bateaux. Des vergers, j’en ai pas. Quand même, n’oubliez pas mon origine. Il faut bien que j’en parle. Même si cela ne vous plaît pas (rires), je suis quand même d’une famille de propriétaire terrien. Mon père, Dialy, était chef de canton et le verger que j’ai actuellement appartenait déjà à mon père. Vous allez à Yène, j’y ai un grand verger qui appartenait déjà à Dialy. Donc, ce ne sont pas ces vergers qui m’ont procuré mes revenus. Voyez-vous. Vous tombez assez mal.

DEFAITE DE MARS 2000

Nous avons commencé à nous exprimer là-dessus dans la correction et dans la plus grande mesure possible, puis est arrivé ce que nous avons vécu en 2000. A ce moment-là, les positions se sont complètement raidies. Pour nous, c’était difficile car nous avons dénoncé un certain nombre d’erreurs dans le parti à partir des années 90. J’ai moi-même demandé qu’on tire les leçons de la défaite, puisqu’on ne peut pas avoir échoué de cette manière sans en tirer les conséquences.

Tirer les leçons de la défaite, c’est renoncer à certaines pratiques que nous commencions à adopter cinq ans avant 2000 : le manque de démocratie à la tête du parti, le fait que deux ou trois personnes puissent constamment imprimer leur façon de faire. Ce n’était pas acceptable. Tirer la leçon de la défaite, c’était simplement faire ce que font tous les partis politiques sur la planète après un échec : faire son autocritique et accepter de renouveler toutes les instances de bases du parti, depuis le comité villageois jusqu’au bureau politique. Il fallait faire cela à l’époque sur une base entièrement démocratique en procédant aux renouvellements par un vote à bulletins secrets. A ma connaissance, les instances du parti n’ont pas été renouvelées de façon purement démocratique, à bulletins secrets. Le mode de renouvellement des instances est contestable. Il n’y en a que quelques-unes qui ont été renouvelées et de quelle façon d’ailleurs ! Tout dépend des endroits. Il reste beaucoup à faire.

Tirer les conséquences, quand on est au sein d’un parti politique, c’est s’exprimer dans ce parti. Il n’est pas question de se lever et de parcourir les rues pour dénoncer ou critiquer ce qui se fait dans le parti. Et je l’ai fait plus d’une fois. Si je ne voulais pas être indécent, j’aurais donné ici, un certain nombre de détails…

Il est prévu dans les textes du parti que tous les 4 ans, on doit organiser des renouvellements. La moindre des choses, c’était donc de faire les renouvellements. La direction du parti n’a pas voulu le faire. Quand je dis «direction du parti», c’était quelque chose de relativement vague. Parce que ce n’était pas une personne en particulier. C’étaient deux ou trois éléments. Mais la personne qui m’intéressait, moi, à l’époque, c’était le secrétaire général du Parti socialiste, le Président Diouf. C’était lui le responsable du parti et auprès de lui, nous nous sommes exprimés mais aussi au niveau de différents responsables de l’époque (...) Et rester dans le parti en ce qui me concerne, c’était continuer à naviguer dans le brouillard le plus complet.

LA FUITE EN AVANT DE DIOUF

J’avais du mal à m’imaginer que le pouvoir était détenu par un autre que Diouf. Quand il est parti après la défaite, il s’agissait de remettre sur pied une nouvelle direction issue des règles démocratiques internes. Abdou n’étant plus là, je ne voyais pas pourquoi j’allais faire allégeance à quelqu’un dont je sais que la désignation à la tête du parti ne correspondait pas tout à fait à ma façon de voir les choses.

Ce que je reprochais à Abdou Diouf, et que je lui ai dit plus d’une fois, c’est que petit à petit, il se préoccupait moins de ce qui se passait réellement au sein du Ps, le fait de ne pas laisser les militants de base, les différents responsables à tous les échelons choisir eux-mêmes, librement, le Premier secrétaire au cas où il voulait être le président du parti et laisser le poste de Premier secrétaire à quelqu’un d’autre. La moindre des choses, c’est qu’à partir du moment où il voulait prendre de la hauteur, qu’il laisse les autres au niveau légèrement inférieur prendre leurs responsabilités et de façon démocratique.

En outre, quand on est à la tête d’un parti politique de longue tradition, et que ce parti après 40 ans de règne connaît une défaite sanglante, Diouf avait la responsabilité morale de rester avec les militants et les responsables à divers niveaux du parti. Il fallait les aider à reconstruire le parti, sur une nouvelle base solide pour affronter l’avenir.

(Une fuite en avant de sa part ?) (Rires) Comme je suis bien élevé, je resterai bien élevé. En tout cas, je lui reproche de ne nous avoir pas aidé à remettre sur pied le Ps.

En ce qui concerne Tanor Dieng, je n’ai aucun problème avec lui ni avec qui que ce soit. Nous sommes dans un parti politique, non dans une famille. Nous sommes liés par des principes, non par des sentiments personnels.

APPARTENANCE AU PS

J’ai commencé à militer au Ps lorsque j’ai entrepris une carrière professionnelle. Mon adhésion au Ps était sollicitée par des personnalités dont le Président Abdou Diouf, qui assurait la succession du Président Senghor. Dans l’enthousiasme, nous avons travaillé, en respectant un minimum de principes démocratiques et en partageant un idéal de construire et d’aider notre pays à se construire.

Mais au fil des années, les choses ont changé. La façon de diriger le Ps a évolué au milieu des années 90, et ne correspondait plus tout à fait à mon attente. Les problèmes ont commencé là et j’ai commencé à marquer ma différence. car le Ps allait à la catastrophe. Pas simplement à la catastrophe électorale, puisque dans un système démocratique, quand il y a élection, on peut perdre ou gagner. Une défaite électorale, ce n’est pas une catastrophe. Le plus grave est dans un défaut d’orientation. Fermer les yeux, c’est manquer à son idéal, politique et social. Je me veux un homme libre et je veux toujours garder la capacité de dire ce que je pense.

Aujourd’hui, je suis du Ps, mais je ne partage pas la façon de voir de ses dirigeants actuels. Je n’ai rien contre les militants du Ps car j’ai beaucoup d’amis dans le parti. Et il y a beaucoup de personnes respectables. Beaucoup de gens, qui ont sacrifié leurs vies pour défendre les idéaux socialistes. Le problème que j’ai ne concerne qu’une partie des dirigeants du parti. Je ne suis pas totalement absent de la vie du Ps. Je travaille beaucoup avec pas mal de socialistes, jusqu’au jour d’aujourd’hui. On va dire que je ne fais plus parti du Bp parce que je ne viens plus aux réunions, mais je signale que le Bureau politique était mis en place en 96 et il n’y a eu aucun congrès jusqu’à présent. Qui a désigné un autre Bp? Donc je suis toujours membre du Bp. Mais je ne me reconnais pas dans la façon dont le Ps est dirigé.

FRANC-MACONNERIE

Vous savez dans ce pays, quand quelqu’un réussit, on dit qu’il est franc-maçon. Donc il n’y a rien de nouveau. Je n’échappe pas à la règle. On a raconté ce genre d’histoire sur toute une lignée d’hommes politiques au Sénégal.

Qu’est-ce qui vous fait dire que j’appartiendrais à la franc-maçonnerie ? Je veux que vous m’en donniez une définition. (…) Ça ne me pose pas problème de devoir répondre à la question. Vous savez pourquoi je réagis ainsi ? C’est parce qu’on me parle de secte. Est-ce que si quelqu’un par exemple se présente a l’élection présidentielle, on doit lui demander s’il est chiite, sunnite, mouride, tidjane, catholique, machin ? Vous avez ma vie là (Ndlr : il pointe son cv du doigt). Alors, il y a de ces questions ! Pourquoi vous ne m’avez pas demandé avec qui je suis marié ? Comment je me suis marié ? Comment se porte mon ménage ? Il y a des questions dont je ne sais à quoi cela rime de les poser.



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