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Politique

ALIOUNE TINE, SG DE LA RADDHO - « Ces dossiers qu’on agite comme des chiffons rouges à l’approche de chaque élection… »

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ALIOUNE TINE, SG DE LA RADDHO - « Ces dossiers qu’on agite comme des chiffons rouges à l’approche de chaque élection… »

Alioune Tine, Secrétaire général de la Rencontre Africaine pour la défense des Droits de l´Homme (Raddho) s’émeut du fait qu’à l’approche de chaque élection, certains leaders présidentiables de l’opposition sont dans le collimateur du pouvoir qui agite certains dossiers judiciaires. Il en appelle à une plus grande sérénité par le biais du dialogue.

Le patron de la Raddho est, par ailleurs, pour le respect scrupuleux des Droits de l’homme en Afrique et prône le dialogue politique franc et sincère comme mode de résolution des conflits.

La Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l´Homme (Raddho) ne s´est pas faite beaucoup entendre sur le débat relatif à la prolongation du mandat des députés, peut-on en savoir la raison?

Alioune Tine : C’est une question complexe qui s’inscrit dans une situation politique très complexe, à laquelle nous avons consacré un temps de réflexion en écoutant les uns et les autres de manière à dégager une position correcte.

Concernant, la prolongation du mandat des députés, la manière dont elle a été faite, pose la question de la légalité et de la légitimité. Les députés qui sont dépositaires d’un mandat du peuple qui est limité dans le temps peuvent-ils le reconduire eux-mêmes, sans faire perdre au parlement de sa légitimité ?

Pour vous répondre, citons l’article 21 alinéa 3 de la Déclaration Universelle des droits humains : « La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics, cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement ».
La question mérite d’être posée au regard de la profondeur du fossé qui sépare la légalité contestée de la loi et sa légitimité qui appelait nécessairement le recours au référendum ou au consensus national, à la suite d’une large concertation des acteurs.

Partout la prolongation du mandat du parlement est révélatrice d’une crise ou d’une transition politique : menace sur la sécurité publique ou l’unité nationale, conflit ou menace de conflit interne, sortie de crise, etc. Dans les différents cas la concertation qui fait suite au consensus aboutit généralement à la mise en place d’un gouvernement d’union nationale.

La question de la légitimité du parlement apparaît nettement dans la controverse sur la légalité de la prolongation du mandat et son impact sur les parlementaires de l’opposition, du pouvoir et globalement sur l’opinion publique. Tout le débat sur la démission des députés de l’opposition, sur le boycott, sur la nature des procédures et sur la réaction du bureau de l’Assemblé nationale, traduit clairement un malaise institutionnel profond, une modification du lien social et institutionnel. Nous pouvons dire que la loi sur la prolongation du mandat a porté atteinte à la légitimité de l’institution, à son image mais aussi à sa crédibilité.

Il faut se garder, sur des questions sensibles, d’ordre national et qui touchent un des piliers fondamentaux de la démocratie et de l’État de droit d’avoir recours au vote partisan. Vous savez, l’énoncé : «ne s’être pas prévalu d’une autre nationalité » relève d’une légalité constitutionnelle qui a constitué un des faits aggravants ou déclencheurs de la crise ivoirienne. Donc, il faut régler les questions sensibles par un dialogue politique franc, sincère où tous les acteurs n’ont qu’une préoccupation, l’intérêt national. C’est un consensus dur qu’il faut construire.

Il aurait fallu considérer le problème comme une question d’intérêt national et public et avoir une approche réellement non partisane. Maintenant ce qui intéresse c’est la suite, c’est à dire le dialogue national pour sortir de l’impasse politique.

Qu´en est-il du dialogue politique prôné par votre organisation. Quelle a été la réponse de la classe politique?

Alioune Tine : Sur le dialogue politique, il faut reconnaître que tous les partis politiques, de l’opposition comme de la mouvance présidentielle, comme d’ailleurs le Président Wade lui-même, désirent ardemment, je dirais même sincèrement ce dialogue. Les chefs religieux et les leaders d’opinion qui ont été impliqués dans le comité de suivi du pacte républicain sont mobilisés pour sa réalisation. D’ailleurs le rapport du comité de suivi est prêt. La page de couverture est illustrée par le caricaturiste ODIA et il sera disponible pour les acteurs politiques dans la deuxième quinzaine du mois de juillet. Ce rapport contient d’importantes recommandations qui sont de nature à permettre une sortie de crise, si elles sont suivies et appliquées par toutes les parties concernées.

Cependant, ce qui préoccupe profondément ce sont les dossiers qu’on agite comme des chiffons rouges à l’approche de chaque élection et qui ciblent certains leaders présidentiables de l’opposition : notamment le premier secrétaire du Parti Socialiste, M. Ousmane Tanor Dieng, concernant les accords de pêche et le Secrétaire Général de l’AFP, M. Moustapha Niasse, concernant l’affaire des passeports diplomatiques.

Nous avons été très surpris par la manière dont le Ministre de la justice, qui a une sensibilité en matière de droits humains, a présenté les dossiers à l’Assemblée Nationale : en qualifiant les faits et en développant un argumentaire juridique comme un Procureur qui développe son réquisitoire. Il ne restait plus qu’à prononcer le verdict ! Et, là nous avons affaire à une violation du secret de l’instruction, une violation de la séparation des pouvoirs et également une violation de la présomption d’innocence. Le Ministre a beaucoup versé d’éléments dans le moulin de ceux qui dénoncent l’instrumentalisation politique de l’institution judiciaire. D’autres socialistes, on le sait, étaient poursuivis à la veille des élections législatives de 2001, aujourd’hui, on n’en parle plus, faut – t – il considérer maintenant, qu’ils sont du bon côté ?

Si nous voulons bâtir une démocratie crédible et viable, il faut absolument cesser ce jeu politicien et stérile qui empoisonne la vie politique du pays. Mieux ou Pis, se garder de liquider, d’anéantir ou d’affaiblir les contre-pouvoirs : le parlement, la justice, l’opposition, la presse, la société civile. Car sans contre-pouvoirs réels et crédibles, nous allons doucement, mais sûrement et de façon insidieuse installer l’arbitraire dans ce pays.

Ce qui contrevient à la pratique et à la vision du Président, Me, Abdoulaye Wade, qui pendant vingt six (26) ans a fonctionné comme un contre-pouvoir réel au Sénégal, et qui a fait faire des bonds en avant considérables à la démocratie de ce pays avec l’alternance en 2000.

Cet héritage construit par toutes les forces vives de la nation est un patrimoine précieux et il incombe à tous les citoyens sénégalais de le conserver, de le protéger et de le renforcer par la réflexion, le débat et le consensus.

Qu´est ce que le membre de la société civile pense des leaders politiques ?

Alioune Tine : Aujourd’hui, nous avons des indicateurs de crise et de transformation de la société sénégalaise qui nécessitent le débat national et appelle un sursaut collectif: il s’agit de l’immigration suicidaire qui s’accompagne de ce que, faute de mieux, il faut considérer comme un suicide collectif. Un nouvel état d’esprit de la Jeunesse qui véhicule un message sans équivoque sur le désamour par rapport à cette terre. Comment faire pour convaincre la jeunesse qu’elle a encore son avenir au Sénégal ? C’est la grave question à laquelle nous avons la responsabilité de trouver des réponses. Ceux qui ambitionnent de diriger le pays devraient engager un débat de haut niveau sur la question. Car la tragédie de l’immigration suicidaire si elle n’a pas atteint en nombre de morts le bilan du Joola, elle ne doit pas en être bien loin. Pourtant elle n’a pas encore suscité l’émotion et la réaction attendues.
Il faut prêter attention à la radicalisation des mouvements sociaux comme le boycott du Bac parce qu’on négocie mal ou pas du tout avec les syndicats d’enseignants car les victimes ce sont encore les jeunes qui perçoivent globalement leurs horizons comme bouchés. La banalisation de cette question peut s’avérer catastrophique pour l’avenir car il s’agit d’une crise dans l’enseignement. Chaque fois que cela survient, il traduit avec acuité le malaise social ambiant.
La question importante également est celle qui porte sur l’institution présidentielle. Objectivement, au train où vont les choses en Afrique l’on a l’impression qu’il est impossible dans certains pays de construire des normes démocratiques et institutionnelles durables, à cause d’une Institution qui de façon structurelle peut transformer n’importe quelle démocrate en autocrate, qui condamne à l’exercice solitaire du pouvoir. Une institution qui ne confère aucune responsabilité devant le parlement ou devant la justice et où à la limite on ne rend compte qu’à sa conscience ou à ses proches. Il est nécessaire d’engager un débat sur l’Institution présidentielle et sur la manière de la réformer, de la refonder, de la démocratiser, de la démystifier pour qu’elle cesse d’être la principale source des conflits qui minent le continent et le principal facteur du blocage démocratique en Afrique. Envisager le Président comme le véritable gardien de la Constitution, comme le mécanisme essentiel de régulation, d’arbitrage et surtout de prévention des conflits.
Cette question mérite un débat de haut niveau par les Présidentiables, mais également le débat sur le renforcement du Parlement et sa manière d’examiner les questions d’intérêt public ou national, sans esprit partisan. Ce sont les sénateurs du Parti du Président Obasanjo qui ont bloqué sa tentative de modifier la constitution pour briguer un troisième mandat. C’est une question d’intérêt national qui pouvait compromettre la marche du processus démocratique au Nigeria. C’est important que cette institution ait pu dire stop.
Enfin, aux leaders politiques, nous recommandons tous que l’intérêt supérieur du Sénégal commande, que le débat démocratique soit mené avec sérénité et avec sérieux.

Car nous sommes à un moment où le Sénégal doute, où le Sénégal se cherche et il appartient d’abord aux élites politiques et intellectuelles de proposer des réponses. Comment le faire sans lever les hypothèques qui pèsent sur les prochaines élections?
Au Président de la République d’abord Me Abdoulaye Wade, lauréat du prix Unesco pour la recherche de la paix, sa responsabilité est beaucoup plus engagée que celle des autres, car il est condamné à renforcer et consolider l’héritage démocratique de Senghor et de Abdou Diouf. Il faut qu’il prenne les initiatives audacieuses susceptibles de récréer la confiance et l’enthousiasme des acteurs pour un dialogue national.
A l’opposition de répondre positivement à l’appel au dialogue national sans préalables si toutes les garanties d’un dialogue sincère sont réunies.
Nous ne sommes guère différents des autres pays africains et nos acquis démocratiques ne sont pas irréversibles. Si nous voulons qu’ils soient durables et pérennes, il nous faut évaluer et trouver les moyens de les renforcer par un dialogue national. Et l’heure a sonné pour le dialogue national.

Que vous inspire le fait que le Sénégal a accepté de juger Hissène Habré à la suite de la décision des Chefs d’Etat de l’Union africaine ?

Alioune Tine : Il faut se réjouir que le Sénégal ait accepté la décision de l’Union africaine. D’ailleurs pourrait-il en être autrement car c’est le Sénégal qui a sollicité l’arbitrage de l’U.A. En consultant les experts africains et en définissant une feuille de route avec des termes de références très clairs, l’U.A avait déjà balisé la voie à une telle décision. Mais, les recommandations du Comité des Nations Unies contre la torture ont permis d’avoir des indications précises qui ont permis à des « initiés » de prévoir que le Sénégal allait recevoir de nouveau sa «patate chaude ». Mais, la différence ici, c’est que le Sénégal dispose d’un mandat plus fort, d’un mandat continental qui met le Président Abdoulaye Wade à l’abri des pressions nationales ou de Chefs d’État africains.
L’U.A va conférer aux juges sénégalais qui héritent du dossier Habré, d’un mandat qui leur permette de s’acheminer de façon sereine vers un procès équitable où les droits des victimes et ceux de Habré seront garantis. Parce que les juges vont profiter de l’effet Charles Taylor qui sera jugé au tribunal Pénal International de la Haye. Car, la même logique qui a entraîné le Jugement de Taylor à la Haye va prévaloir pour le cas Hissène Habré : le combat contre l’impunité. Les mêmes standards qui prévalent dans cette Cour doivent également profiter aux Tribunaux sénégalais. D’où l’intérêt de la coopération judiciaire internationale qui permet au Sénégal de relever le défi du procès équitable. La Cour qui doit juger Habré doit être considérée comme une espèce d’ersatz d’une Cour Africaine de justice.

Le Sommet de l’Union africaine vient de se réunir à Banjul. A l’exception de la décision concernant Hissène Habré, beaucoup de questions restent en suspens notamment celles relatives à la bonne gouvernance, à la démocratie et aux droits Humains ?

Alioune Tine : Il faut se rendre à l’évidence et reconnaître qu’il y a une forte décrue des droits de l’Homme à l’Union africaine. Il existait un réel enthousiasme à l’U.A, avec la Présidence de la Commission de Chissano et ensuite de Alpha Oumar Konaré qui a abattu un travail monumental. M. Alpha Oumar Konaré nourrissait une saine ambition pour l’U.A et était arrivé avec un programme de refondation de la Renaissance africaine, avec une nouvelle vision, de nouvelles missions, des institutions comme le Conseil de Paix et de Sécurité qui produisaient des rapports d’une valeur remarquable. Alpha intervenait dans des médias pour prendre des positions courageuses sur les coups d’État, sur les élections frauduleuses, sur l’impunité. Tout cela a effrayé certains Chefs d’État.
Aujourd’hui, tous les traités relatifs aux droits de l’Homme, à la démocratie et à la bonne gouvernance sont bloqués. Pis on gangrène le système en pervertissant le leadership de l’U.A confié aux Présidents «affaiblis ».
L’organisation du sommet dans un pays comme la Gambie où l’on harcèle, torture et assassine un journaliste est un scandale. L’ONG article 19 a été obligée de délocaliser son séminaire à Dakar, faute d’autorisation.
Addis Abeba où siége l’U.A, a suscité la réprobation universelle par l’organisation d’une parodie électorale et une répression sanglante d’opposants. Cela n’a entraîné aucune réaction de l’UA.
On gangrène le système, en attaquant la Charte Africaine des droits de l’Homme et des Peuples. Ici, c’est la ligne Mugabe qui prévaut. Les membres de la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples sont gravement préoccupés par l’avenir du mécanisme africain des droits de l’Homme. Il faut rappeler que le texte a été drafté au Sénégal par Keba Mbaye, Birame Ndiaye, Ibrahim Fall. Le projet a été proposé à l’O.U.A, par Leopold Sedar Senghor. Et qu’il a été adopté à Nairobi : en 1981. C’est par la suite qu’ Abdou Diouf, en tant que Président de l’O.U.A, a fait un remarquable plaidoyer pour la ratification qui est intervenue en 1986. Je peux également citer Youssoufa Ndiaye ancien Président de la Commission Africaine qui a produit le projet de Règlement Intérieur de la Commission.
C’est un devoir national de dire Non à la réforme de la Charte dans un sens totalement négatif. Nous comptons sur Adoulaye Wade pour mener une véritable bataille contre la réforme de la Charte. Il faut soutenir le combat de Madame, Salamat Sawadogo, Présidente de la Commission Africaine de même que celui de toutes les ONG africaines des droits de l’Homme.

Propos recueillis par



1 Commentaires

  1. Auteur

    Allons Y Molo

    En Octobre, 2010 (18:36 PM)
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