Mercredi 24 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

Amath Dansokho sur la révision des listes électorales : « Des instructions ont été données pour privilégier Touba»

Single Post
Amath Dansokho sur la révision des listes électorales : « Des instructions ont été données pour privilégier Touba»
Ce n’est pas un secret : Amath Dansokho est pour une candidature unique de Benno Siggil Senegaal aux prochaines élections présidentielles. Mais pas à n’importe quel prix. Pour lui, ce candidat doit avoir ‘non seulement des convictions démocratiques’, mais accepter ‘les institutions telles que définies par les Assises nationales’. Car ils ne sont pas à ‘la quête d’un nouveau dictateur’. Toutefois, dans ce deuxième et dernier jet de notre entretien, il a précisé qu’il ne sera pas seul à définir les critères que doit remplir un éventuel futur candidat unique. Cela revient à tous les membres de la coalition. Il est également revenu sur la publication du rapport d’audit de l’Agence de régulation des marchés publics, sur la révision des listes électorales et sur l’appel au retour en Afrique des Haïtiens lancé par le président Wade.

Wal Fadjri : Le dernier rapport de l’Agence de régulation des marchés publics (Armp) épingle plusieurs ministères et agences. Ce rapport vous donne-t-il raison, vous qui dénonciez tous ces temps-ci ces malversations financières ?

Amath Dansokho : Parfaitement ! Je ne dis jamais des choses qui n’ont rien à voir avec la réalité. Quand je suis arrivé à la conclusion que ce régime porte la corruption comme les nuées portent l’orage ou lorsque j’ai dit qu’ils composent avec l’argent sale, cela repose sur la réalité. D’ailleurs, je vais passer en appel. Il a été publié par la Banque centrale comme quoi on a transféré vers les pays du Golfe et le Liban plus de 400 milliards de francs en très peu de temps. Tant qu’on ne me démontre pas le contraire de ce que j’ai dit, je suis libre d’émettre l’hypothèse - je pèse mes mots - que cet argent est de l’argent public ou de l’argent sale ou les deux à la fois. Pourquoi ? Parce que nous n’avons pas un tel volume d’affaires avec le Golfe. Cela ne peut pas être justifié par les transactions de nos femmes qui vont là-bas acheter des pacotilles et des tissus pour les revendre à Dakar. Ça ne peut pas faire plus de 10 milliards. Alors d’où vient cet argent ? C’est la Banque centrale qui l’écrit. J’irai en appel et je leur démontrerai que la corruption… (il ne finit pas sa phrase).

Maintenant, c’est établi. Il y a des faits : l’Anoci. Où est-ce qu’on peut trouver en Afrique, une route qui coûte au kilomètre 5 ou 7 milliards de francs ? En tout cas, des milliards de francs ? Où ? Il n’y a pas de montagnes à Dakar, il n’y a pas de rivières, ni de roches. Alors, c’est de la surfacturation et ça, c’est de la corruption. Ce que le rapport (Youssouph) Sakho a dit - qui est un homme merveilleux et à qui j’ai toujours fait confiance et je sais que, dans l’affaire du Joola, il a joué son rôle - c’est la vérité. La décision de mettre le Joola à l’eau, ce n’est personne d’autre que le président Wade. C’est lui qui l’a promis à Ziguinchor. Ce qui a accéléré la mise à l’eau du Joola. S’il y a un responsable de ce naufrage, c’est lui le premier. C’est pourquoi on n’a pas cherché très loin.

Ce système est corrompu ; il est corrupteur. D’ailleurs, qu’on me montre, depuis deux ans, un discours d’Abdoulaye Wade où il s’en prend à la corruption. Il l’a rayée de son langage. Il sait que cela ne peut pas être crédible. Il développe une corruption cancéreuse qui a tout foutu en l’air dans notre pays.

Wal Fadjri : Publier un rapport est une chose, mais ester en justice en est une autre. Ne faut-il pas que les accusés soient traduits devant les tribunaux ?

Amath Dansokho : Ils ne vont pas le faire. D’ailleurs, qui va le faire ? Peut-être l’opinion publique et j’appelle à la mobilisation pour que l’histoire de Ségura ne reste pas comme ça. C’est pourquoi nous disons que Wade est disqualifié. Il a mis le désordre partout. On ne sait pas où se trouvent la tête et la queue dans son gouvernement. Il roule comme ça, comme un monstre. C’est pourri partout. Et le rapport Sakho vient encore de jeter le pavé dans la marre. Et ce sera comme ça. Tout ce qu’il fera, ce sera la corruption. Et c’est sur ça qu’il compte gagner les élections. Il prépare un coup de force. Il croit qu’il a de l’argent et va acheter les Sénégalais. Les élections locales ne lui ont pas suffi. Mais je suis convaincu que c’est la fin.

‘Ils ont décidé de mettre l’accent sur les inscriptions à Touba parce que, disent-ils, c’est un bassin électoral qui pourra compenser toutes les défaites qu’ils auront ailleurs. C’est pourquoi il faut privilégier Touba’

Wal Fadjri : La révision des listes électorales vient d’être lancée. Avez-vous des appréhensions ?

Amath Dansokho : Je sais qu’ils ont décidé de mettre l’accent sur les inscriptions à Touba parce que, disent-ils, c’est un bassin électoral qui pourra compenser toutes les défaites qu’ils auront ailleurs. C’est pourquoi il faut privilégier Touba. Des instructions ont été données pour privilégier Touba où viennent s’installer, d’après leurs calculs, deux mille électeurs par an. Et Touba pourra faire la différence entre eux et l’opposition. C’est ça leur plan.

Wal Fadjri : Et vous ? Quel est votre plan ?

Amath Dansokho : C’est très simple : la mobilisation populaire. Que le peuple défende ses droits. Nous ne voulons pas de troubles. La paix civile qui existe au Sénégal, nous voulons la garder parce que s’il n’y a pas de paix civile, la barbarie va régner. Je sais qu’ils préparent cela. Wade fait une politique de ma terre brûlée avec en perspective un KO, au cas où il ne gagnerait pas. C’est le choix qu’il a fait. Mais tout cela se heurtera à la volonté du changement du peuple qui veut que le Sénégal soit remis à l’endroit avec des fondements institutionnels républicains et démocratiques, avec des hommes politiques qui vont s’atteler à la tâche pour redresser le pays et sur la base des Assises nationales, de la charte de la gouvernance et toutes les mesures économiques qui sont prévues. Il faut refonder et tout le monde est d’accord sur ça.

Wal Fadjri : Le Parti socialiste a été victime d’un incendie lors de son meeting à Thiès. Quelle est votre réaction ?

Amath Dansokho : Celui qui a mis le feu l’a avoué, mais vous avez vu, on ne l’a pas envoyé devant la Cour d’assises. On l’envoie en correctionnelle alors que l’on a voulu tuer en entier la direction du Ps. Leur réaction : c’est l’impunité. Ils font de la gymnastique. Le Pds, c’est la violence. Je l’ai dit depuis longtemps : ils ont la violence dans leur code génétique. C’est dans leurs gènes qu’ils l’ont. Et le cerveau de la violence, c’est Abdoulaye Wade. Sinon, comment comprendre ce qui est arrivée à Me Sèye (assassiné) ? Comment comprendre ce qui est arrivé à Balla Gaye ? C’était une altercation entre dirigeants étudiants à propos de la grève. Balla Gaye était le dirigeant qui disait qu’il faut faire la grève. Les gars du Pds disent qu’il n’y en aura pas parce qu’avec Abdoulaye Wade, il n’y aura pas de grève. C’est ainsi qu’il a été abattu. Et le tireur était dans un véhicule et l’on n’a jamais cherché à identifier le 4 X 4 qui a fait ça. Au tribunal, on n’en a même pas parlé. Et tous les étudiants qui étaient impliqués dans cette affaire et qui savaient, on leur a donné des bourses faramineuses pour aller à l’étranger.

L’attaque de la bourse du travail est intervenue quelques jours après qu’Abdoulaye Wade a dit qu’il a créé un syndicat avec son propre argent. Il s’adressait ainsi à une délégation de femmes. Je présume qu’il a dû dire à ses syndicalistes : ‘Vous êtes des niak fayda (vous êtes des vauriens, Ndlr). Qu’est-ce que vous attendez pour aller attaquer la bourse du travail’. Ils ont attaqué la bourse. Il s’est occupé d’eux du premier jour jusqu’au procès. Talla Sylla, n’en parlons pas.

Ce qui est arrivé aux dirigeants du Ps, ça peut arriver (à tout le monde), surtout avec ces élections où ils n’ont aucun moyen de gagner par le vote. Tout ce que Wade met en route, montre qu’il veut faire un coup de force. Ce ne sont pas des élections qu’il prépare. Sinon comment peut-on dire que les procès-verbaux des élections peuvent être valables sans la signature des assesseurs ou que leur collecte se fera sans la présence de la Cena, dont le rôle essentiel, c’est de superviser et de contrôler la régularité des élections ? Il faut que les Sénégalais sachent qu’il a tourné le dos aux élections.

Wal Fadjri : Que veut-il faire alors ?

Amath Dansokho : Il veut faire un coup de force. Si l’on accepte des procès-verbaux sans signatures, cela veut dire qu’il va installer au palais de la République un bureau pour faire des procès-verbaux de Tambacounda, de Kaolack, etc. Et on dira que le président a gagné avec ce qu’ils font à Touba. C’est la combinaison de procédures pareilles, de révisions sélectives au profit de sa liste à Touba, c’est ça qu’il veut faire.

Wal Fadjri : L’opposition compte organiser une marche contre la violence. De même que le pouvoir à travers la Cap 21. Ne faut-il pas faire une jonction entre les deux marches pour manifester contre la violence au Sénégal ?

Amath Dansokho : Marcher contre la violence avec le Pds ? (Il éclate de rires…). J’aimerais bien être là pour voir comment ça va se passer. S’ils se sont convertis à la démocratie, oui ! Mais je n’en suis pas sûr. Cependant, c’est possible dans un pays, comme je le vois aux Etats-Unis. Quelqu’un qui s’attaque violemment aux institutions de la République, qui assassine, c’est tout le monde, Républicains et Démocrates, qui sont ensemble. C’est dans nos cultures aussi. Mais ceux-là ne sont pas dans la culture politique du Sénégal. Le Pds, c’est autre chose. Qu’ont-ils fait sur le plan économique, foncier, immobilier, sur le plan de la gestion de l’agriculture où ils annoncent un programme faramineux, sinon sortir des milliards et les mettre dans leur poche ? Tout ce qu’ils font sont des prétextes pour sortir de l’argent et enrichir des gens. A commencer par le premier d’entre eux. Je ne vois pas comment nous allons défiler ensemble. L’initiative ne viendra pas de nous. Mais je sais que l’habitude est une seconde nature. Alors, ils vont faire des troubles. Au lieu de lutter pour la démocratie, ils lutteront pour nous supprimer. Ils prendront des initiatives pour nous supprimer encore davantage.

Wal Fadjri : Avez-vous peur ?

Amath Dansokho : Peur ? Ils n’ont qu’à tenter, ils verront ce qui va se passer. Wade avait dit que nous sommes peureux, mais il sait bien que nous ne le sommes pas. Nous n’avons pas la même mentalité, la même culture. Pour nous, c’est le Sénégal qui est au centre de nos préoccupations. Avec les Assises nationales, nous avons institué un code normatif de l’action politique. Je crois que tous les signataires vont se conformer à cela. Mais eux, c’est autre chose. Leur code normatif, c’est la destruction de tout ce qui est républicain, de tout ce qui est démocratique. Leur code normatif, c’est la mise du Sénégal sous la férule de l’oligarchie qu’ils ont créée. (…).

Wal Fadjri : Le Sénégal manque d’électricité, mais le ministre de l’Energie soutient que ce sera bientôt un mauvais souvenir. Vous y croyez ?

Amath Dansokho : Combien de fois nous ont-ils promis ça ? Je lui souhaite bien du plaisir. Mais attendons de voir. D’ailleurs hier (mardi 3 février 2010, Ndlr), à Dakar, il n’y avait pas d’essence. Ils n’ont pas d’argent pour acheter de l’essence. Il y en a, mais cet argent n’est pas destiné à acheter de l’essence parce que l’argent public va ailleurs.

Ils en ont fait le pari. Ils avaient dit que l’histoire de l’énergie serait réglée à partir de juin 2007 parce qu’on allait commencer l’exploitation du pétrole au large de Saint-Louis. Abdoulaye Wade avait même dit : ‘Voilà la foreuse. Mais il y a quelque chose qui est cassé au niveau de la tête. Dès qu’elle sera réparée, les problèmes d’énergie seront un mauvais souvenir’. Les promesses d’Abdoulaye Wade valent ce qu’elles valent. Attendons de voir. Vous avez vu comment il fait des galipettes avec les Haïtiens ? Déjà il commence à trouver des conditionnalités avec ce consulat qu’il veut créer pour filtrer. Chacun des 8 millions de Haïtiens doit passer des interrogatoires avant d’arriver en Afrique. Cela durera combien de siècles ? (Rires…).

Wal Fadjri : Ne croyez-vous pas à son appel au retour des Haïtiens en Afrique ?

Amath Dansokho : C’est vraiment honteux ! Franchement, c’est honteux ! Je sais que la situation est dramatique. Mais les Haïtiens, ils existent ; ils ont un gouvernement ; il y a le Conseil de sécurité. Est-ce qu’il a les moyens de les transporter ? Avant de lancer un appel, si c’était sérieux, il y a des consultations qu’il doit faire d’abord dans notre sous-région pour, au moins, avoir l’avis ou le soutien de ceux avec lesquels nous sommes en partenariat à l’intérieur de la communauté sous-régionale. Il y a l’Union africaine ; il y a l’Onu. Mais il décide tout seul.

‘Les pitreries diplomatiques d’Abdoulaye Wade, les gens en ont marre à l’Union africaine. Il sait bien que c’est fini, que son étoile est tombée. Tout ça participe de l’exhibitionnisme’

Wal Fadjri : Mais l’Union africaine a déclaré aller examiner la question.

Amath Dansokho : Mais est-ce qu’elle a été examinée ? L’Union africaine vient de finir sa réunion. Les pitreries diplomatiques d’Abdoulaye Wade, les gens en ont marre à l’Union africaine. Il sait bien que c’est fini, que son étoile est tombée. Tout ça participe de l’exhibitionnisme et de la pitrerie. C’est ce qui lui reste en ce moment.

Wal Fadjri : Il se prépare aux élections avec sa Coalition Sopi pour toujours. Et vous, où en êtes-vous avec la candidature unique ou plurielle au sein de Benno Siggil Senegaal ?

Amath Dansokho : Nous allons vers un séminaire. Nous discuterons de la question le moment venu. Nous sommes tous d’accord qu’il faut la régler le plus tôt possible. Mais le moment venu, nous la réglerons. Ce n’est pas par péché d’optimisme que je dirai que nous nous mettrons d’accord. En tout cas, la déclaration des principaux dirigeants de la coalition va dans le même sens, à quelques exceptions près. Même ces exceptions-là n’ont pas dit qu’elles ne le feront pas. Elles ont dit : ‘Voilà ce que nous souhaiterions que l’on fasse.’ Elles n’ont pas dit être contre la candidature unique. Le moment venu, certaines questions seront réglées sur la base de ce qui s’est passé en mars dernier. Sur cette base, les populations exigent qu’il y ait une unité forte de l’opposition pour en finir le plus rapidement possible avec le régime du président Wade. Et même avant les élections de l’an 2012.

Wal Fadjri : La Ld d’Abdoulaye Bathily est favorable à la candidature unique. Et vous, au niveau du Pit ?

Amath Dansokho : Oui, la Ld l’a dit. Mais au Pit, nous sommes favorables depuis longtemps. Depuis 2006, nous n’avons pas fait mystère que c’était la seule solution pour faire face. A moins de préparer l’insurrection.

Wal Fadjri : Moustapha Niasse a théorisé une candidature de transition pour les prochaines élections présidentielles de 2012. Au niveau de votre Comité central, vous parlez d’une transition de quelques mois, au plus un an…

Amath Dansokho : Et nous n’avons pas tort. Il ne faut pas qu’on perdure dans le transitoire très longtemps. En Guinée, c’est plus grave. Mais ils ont une transition de 6 à 7 mois. Même s’ils dépassent un peu, ce n’est pas grave. Ce qui est sûr, c’est que la transition doit être brève.

Wal Fadjri : Même au Sénégal ?

Amath Dansokho : Bien sûr parce que nous en avons les capacités politiques. Les capacités de notre administration sont là. Nous avons quand même un paillasson démocratique assez épais. Ce n’est pas maintenant qu’on a commencé la démocratie chez nous. Cela est possible avec le soutien populaire et à condition que le gouvernement de transition ne gouverne pas pour se remplir les poches, comme on l’a fait jusqu’ici. On peut établir une confiance telle qu’on pourra faire se tourner les populations vers le travail et la solution réelle des questions qui nous assaillent depuis des années.

Wal Fadjri : Quel pourrait être le critère principal qu’un candidat unique de Benno doit remplir pour prétendre diriger la coalition aux prochaines élections présidentielles ?

Amath Dansokho : Je ne serai pas le seul à le définir. Ce serait prétentieux de ma part. Au niveau de notre parti, c’est exclu que l’on mette n’importe qui là-bas. Nous ne sommes pas en quête d’un nouveau dictateur. Nous sommes en quête d’un homme qui a, non seulement des convictions démocratiques, mais qui accepte les institutions telles que définies par les Assises nationales. Je sais que c’est compliqué, mais je crois que nous sommes assez avertis pour ne plus permettre ce qui est arrivé (avec Wade) parce que nous allons avoir des institutions fortes et que nous avons justement le cadrage des Assises nationales.

‘Wade n’aurait pas pu faire ce qu’il a fait - je le répète ici - s’il n’y avait pas eu ce qui s’est passé au lendemain de l’alternance au sein du pôle de gauche (...) Il a joué sur les ambitions des uns, les contradictions internes des autres pour faire son coup’

Wal Fadjri : Ce cadrage suffit-il pour que le candidat élu respecte les engagements pris antérieurement ?

Amath Dansokho : Il les respectera. Les engagements seront pris de telle manière qu’il ne pourra pas se lever comme ça pour les remettre en cause. Nous pourrons même recourir à l’arbitrage international au cas où il voudra faire un coup de force institutionnel pour nous renvoyer en arrière. Et puis, il y a toutes les forces qui ont concouru à la formulation de la politique définie par les Assises nationales qui sont en veille. Abdoulaye Wade n’aurait pas pu faire ce qu’il a fait - je le répète ici - s’il n’y avait pas eu ce qui s’est passé au lendemain de l’alternance au sein du pôle de gauche. Ce n’est pas lui (Abdoulaye Wade, Ndlr), c’est la connerie commise par nous du pôle de gauche, qui lui a ouvert la voie. Il a joué sur les ambitions des uns, les contradictions internes des autres pour faire son coup. Si nous étions restés unis, il n’aurait pas osé le faire. Malheureusement, c’est arrivé comme ça. Et je le dis avec d’autant de liberté que je l’ai dit depuis longtemps. Même Landing Savané dit que c’est ça qui a été la cause des travers d’Abdoulaye Wade.

Wal Fadjri : Il y a encore des problèmes autour du code électoral. Certains proposent un médiateur, d’autres une commission cellulaire. Que préconisez-vous ?

Amath Dansokho : Nous préconisons une personnalité indépendante avérée. Là aussi, il y a eu des antécédents (avec le Code consensuel de 1992, Ndlr). Et ce personnage, que l’on appelle médiateur ou président d’une cellule, quelle que soit son appellation, sa fonction, c’est d’écouter les partis, de chercher les rapprochements et sa nomination doit procéder d’un consensus. C’est comme ça que le président Diouf a fait. Il nous a demandé de lui soumettre des noms. On les lui a soumis ; il a choisi quelqu’un (feu Kéba Mbaye, Ndlr) et nous étions d’accord. On l’a appelé après, commission cellulaire. Le président Kéba Mbaye s’est entouré de juristes de l’université et de la justice pour mener son travail. Ce sont ses conseillers qui rapprochaient les points de vue. Il l’a fait ligne par ligne. Quand tout a été prêt, il l’a soumis au président Diouf. Le président Diouf a dit : ‘Même une virgule ne doit être changée. On l’envoie comme ça à l’Assemblée nationale et je demande à ma majorité de voter’. Ce code n’était pas parfait, mais il y avait déjà un consensus. Quand nous sommes passés à la pratique de ce code, il s’est révélé qu’il n’était pas parfait. Un autre président a été désigné de la même manière. Mais lui (Abdoulaye Wade, Ndlr), il se met tout seul dans une chambre et désigne des hommes à lui, comme il l’a fait avec la Cena. Quand on est parvenu à des consensus avec sa majorité, il a balayé ça et a fait ce qu’il a voulu. Il s’est appliqué à détruire dans le code tous les éléments qui lui ont permis d’être président de la République pour que personne d’autre ne puisse jamais être président à sa place. Je connais bien la procédure parce que nous avons travaillé tout ça avec lui.

Par conséquent, le débat entre médiateur ou commission cellulaire, ce sont des histoires. Ce que nous voulons, c’est qu’il prend des dispositions pour qu’on ait quelqu’un pour organiser le débat entre les partis en recherchant le consensus, en recensant les points d’accord, les points de désaccord, et en travaillant avec les gens qui sont autour de lui à la levée des obstacles au consensus. Nous avons une jurisprudence avérée en la matière. Pourquoi fait-il comme si le Sénégal n’avait pas d’histoire et qu’il faut inventer encore les choses ? Nous ne l’accepterons pas.

Wal Fadjri : La Cap 21 propose la National Democratic Institue (Ndi) pour jouer ce rôle dont vous venez de décrire. Comment appréciez-vous cette proposition ?

Amath Dansokho : Je ne peux pas me prononcer là-dessus parce que je n’ai pas assisté aux dernières réunions de Benno. Je n’en ai pas discuté non plus avec mes camarades du parti. Je ne sais pas ce que cela vaut. Mais je sais que nous avons des capacités de régler cette question par nous-mêmes. Je ne suis pas sûr que la National Democratic Institue serait contre les objections que nous faisons à Abdoulaye Wade. Ce qu’il veut faire, c’est nous ramener en arrière. Je ne crois pas du tout que les Américains, bien que je ne leur fasse pas confiance à 100 %, vont demander à l’opposition d’accepter les conditions d’Abdoulaye Wade. Je l’exclus absolument parce ce qu’il veut faire, n’a rien à voir avec les élections.

Wal Fadjri : A son message à la Nation du nouvel an, le chef de l’Etat a fait savoir que si la classe politique ne tombe pas d’accord sur la modification du code électoral, il le laissera en l’état pour les prochains élections présidentielles. Vous en pensez quoi ?

Amath Dansokho : Ne nous a-t-il pas appelés à la concertation ? Comment la concertation a-t-elle tourné ? Abdoulaye Wade ne veut pas de concertation parce que ce qu’il veut, il ne peut pas l’obtenir de nous. Il veut qu’on soit d’accord que son oligarchie soit au pouvoir pendant 50 ans et que son fils conduise le Sénégal à défaut de lui-même. C’est ça le fond du problème. Pourquoi a-t-il eu des problèmes avec Idrissa Seck ? Pourquoi il a eu des problèmes avec Macky Sall qui lui a fait les deux campagnes de 2007 ? Dès qu’il a su que ce dernier s’est inscrit contre la promotion de son fils à la tête de l’Etat, il a sorti la hache de guerre avec une brutalité sans précédent, avec expulsion des députés de l’Assemblée nationale. Tout ça, c’est des simagrées. Avec tout ce qui passe, il va simuler des concertations qui n’en sont pas, mais nous ne sommes pas nés de la dernière pluie. Nous avons des idées très claires. Nous avons une expérience politique et nous avons le soutien de la population qui est fondamental. Le reste, c’est la capacité des dirigeants politiques à mener jusqu’au bout, par les moyens démocratiques, l’intervention du peuple qui soit à la hauteur de la situation pour lui imposer des solutions lucides et raisonnables aux difficultés que lui-même a créées au Sénégal. (Fin)

Propos recueillis par Moustapha BARRY (Correspondant permanent à Paris)



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email