L’homme n’est pas surpris, mais il est choqué par ce qui lui est arrivé, car il pensait que cela ne pouvait jamais lui arriver et que cela n’arrivait qu’aux autres. Il a été passé à tabac par des militants libéraux et des gardes du corps du président de la République. Il compte porter plainte contre ses agresseurs.
Qui êtes-vous ?
Je m’appelle Babacar Aba Mbaye, membre du Parti socialiste (Ps).
Pouvez-vous revenir sur ce qui s’est passé dimanche à Paris ?
Nous étions en sit-in devant la résidence du président de la République, parce qu’il y a une situation au Sénégal que nous n’allons pas accepter. On a constaté qu’avec les actes qu’il est en train de poser, Me Abdoulaye Wade prépare lentement un coup d’Etat électoral. Lorsque nous sommes partis sur les lieux dimanche, on a trouvé sur place deux militants libéraux. Il s’agit de Maïssa Touré et d’un certain Sonko. Lorsque nous avons commencé à scander des slogans, ils nous ont attaqués. Ils s’en sont pris à certains d’entre nous. Je me suis mis entre eux et mes camarades. C’est là que Maïssa Touré m’a donné un premier coup. Tout de suite après, j’ai vu arriver deux autres gardes du corps de Me Wade. Il s’agit de Bro et d’une autre personne. Ils sont sortis de la résidence. Et c’est Bro qui m’a donné un coup qui m’a explosé l’arcade sourcilière. Certains m’ont amené un peu plus loin. J’étais à genoux et semi inconscient. C’est là que quelqu’un est revenu me mettre un autre coup au niveau de la bouche, qui m’a fendu les lèvres et a aussi encastré mes lèvres dans les dents.
Est-ce que vous avez reçu des soins ?
J’étais en observation toute la soirée à l’hôpital Pompidou dans le 15e, à Paris. Ils m’ont mis une vingtaine de points de suture. J’ai l’œil droit qui est complètement fermé. Parce qu’on m’a mis huit points de suture à l’œil. Les médecins veulent s’assurer que je ne coure aucun risque avant de me libérer.
Envisagez-vous de déposer une plainte ?
Je vais déposer une plainte, comme l’ont déjà fait les autres, contre Maïssa Touré. Puisque c’est le premier à m’avoir frappé. Nous sommes en train de voir comment formuler la plainte, parce qu’on ne connaît pas les noms exacts des gardes du corps. Je vais aussi déposer une plainte contre le président de la République.
Mais pourquoi contre Me Wade alors que ce sont d’autres personnes qui vous ont frappés ?
La manière dont les gardes du corps de Wade sont sortis de la résidence montre qu’ils ont reçu des injonctions, de nous faire mal, de nous casser.
Qu’est-ce que vous faites en France ?
Les gens disent qu’on est des étudiants, mais c’est faux, la majorité des gens qui ont manifesté ne sont pas des étudiants et ce n’est pas une association d’étudiants. Personnellement, j’ai fait des études supérieures en Socialité que j’ai terminé. Je suis en période post-emploi. Ce ne sont pas des étudiants qui étaient venus protester, c’est archi-faux. Quand on nous dit que nous, les nouveaux politiques, nous devons avoir une nouvelle démarche politique, et que je vois le ministre de la Communication, qui est un homme qui a une carrière bien établie, qui est bien respecté, mais qui arrive en politique et se transforme en un véritable trafiquant de conscience, c’est quelque chose d’inquiétant. Tout ce qu’il a dit est faux. Nous ne sommes pas des étudiants, et nous avons été pris à partie par les gardes du corps du président de la République, qui sont sortis pour nous tabasser. Et qui n’y sont pas allés de main morte.
Avez-vous un message à délivrer à l’endroit de vos parents qui, certainement, sont en train de s’inquiéter ?
Le premier message que je veux délivrer, c’est à l’endroit des membres de ma famille, parce qu’ils sont vraiment inquiets. Ils n’arrêtent pas de m’appeler, je leur ai dit que ça va et qu’on essaie de faire aller. Je suis choqué, mais pas surpris. J’ai envie de m’adresser à la jeunesse sénégalaise pour leur dire que, quand j’ai appris l’agression de Talla Sylla, je m’étais dit qu’il y a des choses qui n’arrivent qu’à certaines personnes. Mais le jour où ça vous tombe dessus, vous savez maintenant ce qui vous attend. Ce qui m’est arrivé, c’est le tarif minimum qu’on peut attendre de ces gens-là. Tout le monde doit en prendre conscience. Ces gens-là sont prêts à tout. Si on veut s’opposer à eux, il faut se préparer au pire. C’est le principal message que je voulais donner. Je profite de l’occasion pour présenter mes condoléances aux membres de mon parti et à mon Secrétaire général, Ousmane Tanor Dieng, pour le décès du Secrétaire général Daouda Sow, et du maire Pape Diop.
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