Barthélemy Dias analyse son incarcération : «Je ne veux pas tomber dans le même piège que mon père»

L’isolement n’y fera rien. Malgré la distance, des défenseurs des droits de l’Homme et des camarades de parti sont allés rendre visite au coordonnateur de Convergence socialiste à la Maison d’arrêt et de correction de Tambacounda. Ils ont rencontré un homme physiquement diminué par une faim voulue, mais qui conserve encore un moral de fer. Après deux jours de diète, Barthélémy Dias a recommencé à s’alimenter normalement parce que, nous rapporte-t-on, il ne veut montrer aucun signe de faiblesse à ses bourreaux.

Jusqu’à Tambacounda… les nouvelles tombent quand même. On en sait un peu plus sur la vie carcérale de Barthélemy Dias. «Il a noirci, il a maigri, mais il n’a pas perdu le moral.» C’est Mamadou Seck, membre de Convergence socialiste qui rend compte depuis Tambacounda de l’état de son camarade rencontré mardi à la Maison d’arrêt et de correction de la capitale orientale. «Il mange des œufs et des sardines qu’il a ramenés de Dakar», refusant toute nourriture offerte par le régisseur de la prison. D’après ce visiteur que nous avons joint hier au téléphone, Dias fils est resté deux jours sans manger avant de décider de revenir sur sa décision. Explication : «Il avait commencé une grève de la faim, mais il m’a dit qu’il a arrêté au bout de deux jours car il ne veut pas se sentir affaibli. Il ne veut pas qu’on le conduise à l’hôpital. Donc, il a commencé à s’alimenter pour tenir le coup.»

C’est que Dias fils ne veut pas que ses bourreaux perçoivent en lui le moindre signe d’abdication. Il reste convaincu que son emprisonnement comme sa déportation sont de l’acharnement contre sa famille. Et pour faire face, il a décidé de purger sa peine de six mois fermes, même à Tamba. Cette détermination à se conformer au jugement du tribunal, même frappé d’appel, Barthélémy Dias en a confié les raisons à son camarade Mamadou Seck : «Je ne veux pas de liberté provisoire, je ne veux pas de grâce présidentielle. Je ne veux pas tomber dans le même piège que mon père.» Jean-Paul Dias, son père, avait lui bénéficié d’une liberté provisoire dans une affaire différente de celle pour laquelle il est en train de purger trois mois fermes, pour menace de mort et outrage à magistrat dans l’exercice de ses fonctions. Pour des raisons médicales, il est actuellement interné à l’Hôpital Principal de Dakar.

Conscient de l’éloignement dans lequel il se trouve, Barthélemy Dias est néanmoins dans une logique de lutte continue et demande à ses parents de ne pas se fatiguer à faire le déplacement jusqu’à Tamba pour le voir. Selon Mamadou Seck, son moral est de fer et il n’est pas du tout ébranlé par son transfèrement. De lui, on apprend également que le leader de Convergence socialiste est l’objet d’une grande admiration et sympathie de la part de ses compagnons de détention. «Les prisonniers lui disent que sa place n’est pas là-bas et ils sont très sympathiques avec lui.»

Ces mêmes propos, Dias fils les a confiés à Alioune Badara Diallo, coordonnateur de la Raddho (Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme), chargé des prisons. Ce dernier informe que Barthélemy partage sa cellule avec un seul détenu dans le compartiment réservé aux mineurs. Ce qui n’est pas un mauvais traitement, pour le défenseur des droits de l’Homme. Le seul hic qu’il soulève a trait au refus du «migré politique» de se nourrir convenablement. Et en tête-à-tête avec M. Diallo, Barthélemy Dias justifie son comportement par le respect de certains, mê-me si, confie-t-il, «je n’ai rien contre le régisseur de la prison.» D’ailleurs, il reçoit ses visites dans le bureau de ce dernier, apprend-t-on. C’est que, considérant sa «déportation» comme une mesure illégale, il a pris sur lui la décision de ne manger que de la «bouffe» dont il connaît la provenance. «Il se considère comme un otage, selon ses propres termes», confie-t-il.

Selon le coordonnateur de la Raddho en charge des prisons, une solution est en train d’être étudiée avec le régisseur. Il s’agit de trouver quelqu’un, connu de Barthélemy qui va lui préparer à manger. A moins que son retour sur Dakar soit précipité. Comme l’a été son transfèrement sur Tambacounda.