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BONNES FEUILLES - Lonase - Chronique d’un pillage organisé, de Abdou Latif Coulibaly : Une si longue lettre de révélations

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BONNES FEUILLES - Lonase - Chronique d’un pillage organisé, de Abdou Latif Coulibaly : Une si longue lettre de révélations

Un nouvel ouvrage pour le journaliste-écrivain, Abdou Latif Coulibaly. Dans le domaine qu’il adore le plus, le journalisme d’investigation, le grand reporter du journal Sud Quotidien, par ailleurs directeur de l’Institut supérieur des sciences de l’information et de la communication (Issic), s’est penché cette fois-ci sur une société nationale : la Loterie nationale sénégalaise (Lonase). Avec minutie, il passe au crible la gestion de cette boîte depuis le retour à la tête de la direction de Baïla Alioune Wane. Avec forces arguments et documents à l’appui, Abdou Latif Coulibaly dénonce des faits de corruptions graves et avérés. De quoi être scandalisé dans un pays où on est prêt à emboucher la trompette d’autoglorification de la bonne gouvernance. Fait cocasse, c’est sous une forme épistolaire adressée au président de la Commission nationale de lutte contre la corruption que cet ouvrage a été rédigé. Une structure qui ne peut s’autosaisir, mais qui vient de l’être publiquement par un citoyen. Le livre qui sera disponible à partir d’aujourd’hui en France a été l’objet d’une co-édition. Il y a d’une part L’Harmattan et d’autre part Les Sentinelles. Sans doute pour pouvoir échapper à cette censure non écrite qui a frappée ses ouvrages précedents et mettre à la disposition des Sénégalais les 140 pages de cette missive.

La manière de faire me paraissait assez inédite et franchement insolite, pour ne pas attirer mon attention. Après avoir limogé l’ancien Directeur général de la Lonase, Baïla Alioune Wane, en lui faisant grief d’avoir maquillé les comptes de sa société et d’avoir conduit la Lonase à la ruine, le Chef de l’Etat a décidé, contre toute attente, de le faire revenir à la tête de la même société d’Etat, un peu moins de deux ans après son départ. Aussi, dès l’annonce de ce retour par les média, me suis-je intéressé, de plus près, à la gestion de la Lonase, en décidant de suivre les pas du (re) nouveau Dg, afin de savoir si les accusations portées alors contre lui lors de son congédiement étaient justes et fondées. Pour ma part, j’étais convaincu que si le Dg révoqué et rappelé avait commis les faits qui lui étaient reprochés, il récidiverait nécessairement. Dans la mesure du possible, et selon les moyens d’investigation disponibles, j’ai inlassablement suivi les pas du Dg et ausculté à la loupe ses actes quotidiens de gestion de la société d’Etat. J’ai alors compris, en découvrant beaucoup de choses non orthodoxes, que le Chef de l’Etat n’avait pas tort de s’en prendre à lui au moment de son congédiement. J’ai pris la décision de partager les résultats de mes investigations. La procédure de partage choisie vous paraîtra, j’en conviens, assez insolite. J’ai en effet décidé de transmettre, à travers une longue lettre, les résultats de ces investigations à Monsieur le président de la Commission nationale de lutte contre la corruption. Monsieur le président, je peux d’ores et déjà vous exprimer toute mon émotion et la fierté qui m’habite en m’adressant à vous. J’en conviens, ma démarche vous paraîtra bizarre ou à tout le moins insolite. J’ai décidé de m’adresser à vous, pour savoir si vous accepteriez que je vous confie la garde de documents précieux qui pourraient vous servir dans la conduite de votre noble et exaltante tâche de lutte contre ce fléau des temps modernes : la corruption. Celle-ci menace dangereusement les efforts de développement entrepris depuis l‘Indépendance de ce pays. Et c’est qui justifie l’existence légale de votre commission, au plan théorique du moins. Croyez-moi, monsieur le président, ces documents précieux qui sont en ma possession depuis des semaines, m’ont été confiés par des écoliers qui les ont ramassés dans une poubelle au centre ville, juste à quelques pas de l’immeuble des locaux de la Lonase. Quand j’ai voulu savoir qui, pensaient-ils, avait laissé là ces documents, les mômes m’ont, le plus sérieusement du monde, répondu que c’est un djinné qui l’avait déposé dans les tas d’ordures et avait ordonné à l’un de leurs camarades, qui l’a vu dans un rêve, d’aller les chercher dès son réveil. J’ai accepté leur explication. Quoiqu’elle soit irrationnelle. Irrationnel ? Tout l’est finalement dans cette affaire de la Lonase. (…) J’ai décidé de m’adresser à vous après avoir longtemps hésité entre trois choix possibles, tout en étant persuadé que chacun d’eux comportait des avantages pour le bénéfice de l’action entreprise, mais également des risques certains pour elle. Il fallait tout de même agir… J’ai finalement tranché. (…) Je vous ai choisi, vous, la Commission nationale de lutte contre la corruption. Vous qui n’êtes pas encore au centre des controverses et des combines qui nous éloignent des préoccupations des citoyens, dans le combat pour la bonne gouvernance. Même si je sais que, pour l’instant, vous n’avez rien fait pour justifier votre existence et les espoirs placés en vous. (…) Monsieur le président, venons-en au but de cette lettre. «Une si longue lettre», pour reprendre le titre mythique de la romancière, l’une de mes préférées de ces dernières années. Cette «Longue lettre» est belle. Elle est surtout pleine de sensualité, à cause de la poésie éblouissante qui la traverse. Cette poésie, qui est parfois insidieusement érotique, est la marque même du style romanesque de l’auteur. Cette lettre-ci, la mienne, n’a aucune prétention. Elle se veut un cri de colère vigoureux. Elle se veut surtout l’expression d’une indignation qui est à la hauteur des forfaits dénoncés.

HISTOIRE D’UNE NATIONALISATION

La Lonase, parlons-en, Monsieur le président. Laissez-moi alors un moment vous conter un peu l’histoire de la nationalisation de la Loterie nationale. Celle-ci résume, à elle seule, une partie de l’histoire de notre économie Nationale, en particulier celle dont les pages ont été écrites au début des années 70. Nous sommes en août 1973. Un jeune ministre de l’Economie et des Finances, fringant et brillant, est désigné depuis seulement deux ans à la tête de cet important département ministériel. Il a la confiance totale du Chef de l’Etat. Son idée est simple : le Sénégal indépendant, depuis un peu plus d’une décennie, a besoin de prendre les leviers de commande essentiels de son économie qui sont encore restés entre les mains des hauts dignitaires des comptoirs bordelais qui ont survécu au départ du colon. Le ministre engage une vague de Nationalisation. La Loterie sénégalaise, qui est la propriété d’un ressortissant français, est également visée. Babacar Bâ, c’est de lui qu’il s’agit, s’est entouré de jeunes technocrates sénégalais bon teint qui ont pris la relève des assistants techniques français qui ont tous quitté le ministère moins d’un an après son arrivée. Son équipe dresse la liste des entreprises privées qui doivent passer dans le patrimoine public.

Feu Pierre Babacar Kama, ancien Directeur général des Industries chimiques du Sénégal (Ics), Bécaye Sène, ancien Directeur général de la Banque de l’Habitat du Sénégal (Bhs), Abdoulaye Diop, ancien Directeur général de la Société Nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal (Sonacos), Momar Talla Cissé, ancien ministre du Tourisme, Mady Ndao, ancien ambassadeur, constituent, entre autres, la garde rapprochée du ministre. (…) C’est en octobre 1973, vu l’importance des bénéfices réalisés dans son affaire par Jean Luc Defait, que l‘Intrépide et avisé ministre de l’Economie et des finances de l’époque pousse l’opérateur français à la sortie en lui rachetant pour le compte de l’Etat 80 % de ses parts, conformément au scénario écrit dans son bureau avec le fraudeur. La Loterie nationale est dès lors devenue une société d’économie mixte avec un capital social de cinquante millions (50 000 000) de francs Cfa. C’est un autre tournant qui est engagé en 1981, quand ce capital social est passé à cent dix millions (110 000 000) avec le rachat, par l’Etat, de l’intégralité des parts sociales encore détenues par des privés.

UN DG VEINARD

Dites, Monsieur le président de la Commission, vous êtes comme nous tous surpris de voir de nouveau Baïla Alioune Wane aux commandes. Le veinard, diriez-vous. Oui, Monsieur le président, vous avez raison, cet homme est, sans aucun doute, né sous une bonne étoile. Il est devenu le (re) nouveau Directeur général de la Lonase. Il avait été renvoyé de cette société, il y a à peine trois ans, il y revient quelques mois après son départ, pour reprendre son poste de Directeur général. Qui l’eut cru ! Personne, sauf peut-être lui. Qui pouvait imaginer après avoir entendu le Chef de l’Etat justifier le congédiement de l’homme qu’il lui confierait à nouveau la direction de la Lonase ? Le président de la République avait expliqué à la Nation que Baïla Alioune Wane avait été congédié pour avoir maquillé le bilan de l’entreprise, caché à sa tutelle l’ampleur du déficit de la société et participé à la ruine de celle-ci. Le Président ajoutait que la Lonase est la seule société de jeu déficitaire sur l’ensemble de la planète terre. Il avait raison de le dire. Comme il avait aussi raison d’ordonner le congédiement de Baïla Alioune Wane après tout ce qu’il avait dit de lui. Il a, aujourd’hui, donc tort le congédiement de Baïla Alioune Wane après tout ce qu’il avait dit de lui. Il a aujourd’hui donc tort de le faire revenir. (…) Avant d’être congédié de la Lonase, Baïla Alioune Wane y était entré avec un contrat d’embauche à durée indéterminée. Il a été nommé à son recrutement dans les fonctions de Secrétaire général de l’entreprise d’Etat. Un poste d’attente, pour ainsi dire, car il va remplacer le Directeur général de l’époque, Abdoulaye Daouda Diallo, quelques mois seulement après son arrivée. Baïla Alioune Wane s’installe dans le fauteuil pour onze mois (avril 2003 – mars 2004). Il est congédié de ses fonctions de Directeur général, mais il est encore maintenu dans la position de haut cadre de l’entreprise payé à ne rien faire. Il ne s’y sent plus à l’aise. Il négocie alors son départ avec la nouvelle direction.

Les prétentions qu’il affiche pour ses indemnités de départ semblent énormes. Il demande en fait 120 millions de francs Cfa. Trop, rétorque la Direction générale ! Les négociations sont rompues. Qu’à cela ne tienne ! L’homme s’impatiente. Il est un vieux militant du Pds. C’est vrai qu’il avait un moment rompu les amarres avec le parti quand lui et d’autres ont créé le Parti libéral sénégalais (Pls), sous la conduite de Ousmane Ngom. Ils sont tous les deux revenus aujourd’hui dans la maison du père, après l’avoir quittée avec fracas, l’injure à la bouche. Baïla Alioune Wane remue ciel et terre. Il remue surtout toute la République pour que les outrecuidants qui bloquent à la Lonase le paiement des indemnités réclamées s’exécutent dans les meilleurs délais. Las d’attendre, il intente un procès à l’entreprise. Il le gagne. C’est le jackpot. Le juge lui alloue 80 millions de francs Cfa d’indemnités de départ.

Le nouveau Directeur général de l’époque, Modiène Ndiaye, ne se presse guère pour payer. Baïla Alioune a un ami qui s’appelle Macky Sall. Il ne se prive pas de solliciter son appui. Il fait convoquer toute la direction de la Lonase en réunion à la Primature. Celle-ci a eu lieu, le Premier ministre décide de mettre fin aux tergiversations des responsables de la Lonase. Un arrangement est trouvé. Le Directeur général et ses principaux collaborateurs s’exécutent. UNE ENTREPRISE LIQUIDE, LE FESTIN PEUT ALORS COMMENCER…

Nous sommes le 14 juillet 2006. Baïla Alioune Wane dispose de son décret de nomination comme (re), nouveau Dg de la Lonase. L’acte est signé de la propre main du le Chef de l’Etat. Il s’installe le 16 juillet dans ses nouvelles fonctions. La société qu’il avait quittée, deux ans auparavant, avec une situation de trésorerie catastrophique, a repris de belles couleurs au plan financier. Un état de trésorerie daté du 19 juillet 2006 dresse l’état des comptes, trois jours après son arrivée. Les dépôts dans les banques (tous comptes confondus) : le montant des avoirs disponibles dans les comptes ouverts par le Siège cumulé avec les crédits figurant dans les comptes des agences régionales sont arrêtés au début de la matinée de travail à 3 674 663 840 francs Cfa. A ce jour, les chèques en circulation en début de journée sont de l’ordre de 832 873 606 globalement. Les encaissements du jour sont de l’ordre de 45 051 000. A la fermeture des bureaux de l’entreprise dans cette même journée du 19 juillet, à dix huit heures précisément, les chèques en circulation constituent un montant global de 897 547 183. Au regard de l’ensemble des opérations réalisées dans la journée en débit et en crédit, la situation de trésorerie de l’entreprise affiche une situation réelle est de 2 736 937 367. Vu l’ensemble de ces chiffres, on ne peut pas dire que la trésorerie de la société ne se portait pas bien à l’arrivée de son (re) nouveau Dg. Pour une entreprise qui était en situation de quasi cessation de paiement au moment où il avait été congédié, il y a de quoi se rassurer. L’argent coule à flots. Tous les comptes sont créditeurs. Le festin peut commencer. (…) Rappelons que le (re) nouveau Dg de la Lonase s’est installé le 16 juillet 2006. Dès le 21 août, il adresse une demande de virement à monsieur le Directeur général de la Banque islamique du Sénégal. La demande est traitée dans la journée du 22 août 2006. On peut lire dans la demande en question : «En vue de l’ouverture de compte à l’International commercial bank Sénégal Sa et conformément à nos accords, je vous prie de bien vouloir, par le débit de notre compte (n° 1 767 504 0111) procéder au virement de la somme de 250 millions de francs Cfa au profit du compte : International commercial bank Sa. Code banque K0 140, code guichet 01001 n° compte 0102 000 222 401 clé RIB 03.» Le nouveau Directeur général demande que la banque effectue un virement dans un compte non encore ouvert, donc nécessairement inconnu des services comptables de la Lonase. Cette opération n’est pas orthodoxe. Elle cache sûrement des intentions inavouables. Tous les financiers rompus à l’art du métier qualifient ces virements de détournement de fonds. Ils constituent, au mieux et à tout le moins, un détournement de procédures.

21 septembre 2006. Un mois après la première opération, Baïla Alioune Wane récidive, avec l’aplomb d’un homme sûr de son impunité. Il écrit dans sa nouvelle demande : «Je vous prie de bien vouloir débiter notre compte n° DAT 1 763 504 0111, procéder au virement de la somme de 250 millions de francs Cfa au profit du compte ainsi référencié : International commercial bank Sa. Code banque K0 140, code guichet 01001 n° compte 0102 000 222 401 clé RIB 03.» C’est dans ce même compte que le premier virement demandé a été effectué. Au total donc, 500 millions de francs Cfa de la Lonase ont quitté ses comptes pour atterrir dans un autre compte inconnu des services comptables. Le Directeur financier et comptable, qui n’était pas manifestement au courant de telles opérations, réagit et adresse un courrier à son patron dans la journée du 22 septembre 2006. Un courrier d’une fermeté extrême. (…) Monsieur le président, je vous apprends que le Conseil d’administration qui s’est tenu ce jeudi 24 mai s’est déroulé en deux parties. Cette manière inédite de procéder a été imposée par le Directeur général. Ce dernier a expliqué aux administrateurs de la société que le huis clos était nécessaire, eu égard à la nature des sujets qui devaient être discutés dans la deuxième séance du Conseil. Ces sujets, avait-il laissé entendre, présentaient une sensibilité telle qu’il ne pouvait pas en être autrement. Ainsi donc, l’ensemble des données comptables examinées donne un cumul de déficit de trésorerie dans la journée du lundi 25 juin 2007 de l’ordre de (- 88 924 999). Rappelons qu’à l’arrivée de Baïla Alioune Wane les comptes de la Lonase étaient créditeurs sur l’ensemble de ses banques à un montant de 2 000 000 000 francs Cfa.

CONTRATS DE COMPLAISANCE

Ainsi, la Lonase a, en partie financé la campagne des libéraux. Baïla Alioune Wane n’a pas cependant, tant s’en faut, oublié ses amis dans son «œuvre» de partage des ressources de sa société. Il signe, à tour de bras, des contrats de complaisance pour le compte d’amis et parents qui s’enrichissent sans cause. Des conventions signées par la Lonase pour le bénéfice de certaines personnes défient le bon sens et heurtent profondément la morale et foulent au pied les règles élémentaires de la bonne gouvernance d’entreprise. Tout passe dans ces contrats. La magouille est limpide, elle ne se pare même pas de forme pour masquer la volonté des fraudeurs. Le Commissaire aux comptes ne perd pas de vue ce jeu de duperie honteuse. Il écrit dans sa note déposée à la séance du 24 mai du Conseil d’administration : «Les comptes des charges de l’entreprise comprennent des honoraires dont les rapports de mission devant justifier les paiements n’ont pas été communiqués aux Commissaires aux comptes». En vérité, les contreparties des paiements opérés n’ont jamais existé dans la réalité.

UN PREDATEUR VENU DE L’ETRANGER

Paul Benichou est, pourrait-on dire, un prédateur venu de l’étranger. En complicité avec les entreprises contractantes avec la Lonase par l’entremise de la société H.T.A, les travaux et marchés de la Lonase, donnent lieu à des paiements d’énormes commissions provenant des surfacturations. Paul Benichou ne s’est pas privé de telles opportunités. Un important marché de renouvellement des kiosques installés dans les différents points de vente des produits de la Lonase qui est en cours d’exécution, en fournit un malheureux exemple. Avant la signature de cette fameuse Convention de maîtrise d’ouvrage avec Paul Benichou, les services compétents de la société d’Etat avaient déjà attribué ce marché de renouvellement des kiosques de la Lonase. Ces services avaient obtenu un prix unitaire de huit cent mille (800 000) francs Cfa, pour une commande globale de mille unités. Ce qui donne un total global de 800 000 000 F Cfa. Le marché déjà attribué a été rouvert, toutes les procédures d’attribution ont ainsi été reprises sur la base de la Convention de Paul Benichou et des conditions qu’elle définit. Les prix ont subi une très forte progression sans qu’on ne sache comment et pourquoi. L’unité est désormais facturée à un million deux cents mille (1 200 000 F Cfa). Soit une «plus-value» par unité commandée de 400 mille francs Cfa. Ce qui donne une plus-value» globale de 400 millions sur les mille unités commandées. Cet argent enrichira directement les différents opérateurs qui ont rendu possible le chamboulement de ce marché. On n’en a pas encore fini avec Paul Benichou. Un autre contrat dont il est bénéficiaire par l’entremise d’une autre société, dont il est le Directeur général et l’actionnaire majoritaire, NSX, lui permet de fournir du matériel informatique et des accessoires à la Lonase, pour lui assurer des connexions Internet. Ce contrat signé le 31 avril 2007, rétribue l’ensemble des prestations de Paul Benichou à 162 millions francs Cfa, hors taxes et hors Tva. Le problème avec ce contrat de prestation, c’est que la Lonase avait déjà signé d’autres Conventions avec d’autres prestataires pour fournir le même service. Le Commissaire aux comptes relève d’ailleurs dans sa note faite au Conseil d’administration : «Les comptes de charges comprennent des honoraires versés à des prestations dont les rapports de mission devant justifier les paiements n’ont pas été communiqués.»

Au total donc, Paul Benichou a droit, chaque semestre, à un remboursement total de 25 millions de F Cfa Ht, payé par la Lonase. Autrement dit, Paul Benichou perçoit une prestation moyenne mensuelle de la part de la Lonase de l’ordre d’un peu plus de 2 millions de F Cfa, au titre de son contrat signé le 1er août 2006. Pourquoi cela devrait-il étonner ? Cela paraît même «normal» dans la mesure où toutes les règles édictées en matière de passation des marchés publics sont systématiquement contournées, la politique du gré à gré fait loi. Monsieur le président de la Commission nationale de lutte contre la corruption, permettez-moi de récapituler avec vous, pour donner les montants exacts payés par la Lonase à Monsieur Paul Benichou pendant la seule année 2006. On remarquera que celle-ci a décaissé pour le seul bénéfice de Paul Benichou et au profit de ses deux sociétés, des montants avoisinant presque 500 millions de francs Cfa.

DES NATIONAUX SONT INVITES AU FESTIN

Monsieur le président de la Commission nationale de lutte contre la corruption, vous aurez l’amabilité, du moins nous l’espérons pour le bénéfice de cette Nation, de conduire des enquêtes sérieuses auprès de cette société d’Etat. Celles-ci vous permettront, le cas échéant, j’en suis convaincu, de documenter davantage le prochain rapport que vous présenterez au Chef de l’Etat. Heureusement, Monsieur le président, la générosité suspecte du Dg de la Lonase n’est pas exclusivement réservée aux ressortissants de pays étrangers et de sociétés étrangères. Certains de nos compatriotes en bénéficient également. C’est le cas de cet expert financier, Mary Balla Niang à qui Baïla Alioune Wane avait demandé de lui produire une étude sur la situation financière de son entreprise.

Accrochez-vous bien, Monsieur le Président, en lisant les développements concernant le rapport de cet expert financier. Vous en avez besoin. L’histoire de ce rapport est renversante. Monsieur le président, croyez-moi bien, nous n’exagérons rien. Tout est authentique. Des pièces étayent toutes nos allégations. Le rapport en question tient sur trois pages (papiers A4). Il a coûté à la Lonase la bagatelle de trente huit millions de francs Cfa, ainsi qu’en dispose l’article 6 du contrat de prestation de service liant l’expert financier Mary Balla Niang à la société d’Etat.

ON LICENCIE D’UN COTE ET EMBAUCHE DE L’AUTRE

On le savait déjà, la Lonase a été toujours considérée par les hommes politiques, qui ont dirigé depuis sa naissance ce pays, comme un instrument au service du parti au pouvoir, pour satisfaire surtout les demandes d’emploi de la clientèle politique sans qualification professionnelle. Cette entreprise a toujours eu plus de mains qu’il ne lui en fallait. La politique des ressources humaines de l’entreprise n’a jamais été cohérente ni rationnelle. Celle qui est en cours actuellement défie toute logique de gestion de telles ressources. D’une part, le Directeur général recrute par-ci et par-là à tour de bras, et encourage, d’autre part, les départs volontaires. Personne n’y comprend rien du tout, sauf lui-même. (…)

La société incite fortement le personnel à s’inscrire sur les listes des départs. Elle a même décidé d’une rallonge substantielle des montants offerts, pour motiver davantage les employés qui hésitent encore. Paradoxe suprême : c’est le moment choisi par le Dg, Baïla Alioune Wane, pour recruter entre juillet 2006 et juin 2007, un nombre total de 149 personnes. Celles-ci bénéficient chacune d’un contrat dit spécial. L’ensemble de ces embauches, organisées de façon sauvage, a augmenté la masse salariale mensuelle de 30 millions de francs Cfa. Ce type de contrat est exceptionnellement offert, depuis l’existence de la Lonase, à des personnes spécifiques recommandées par les plus hautes autorités de l’Etat. Seulement, entre le 1er août 1999 et le 15 mai 2006, un nombre total de 21 contrats de ce type ont été signés par les différents Directeurs généraux qui se sont succédé dans la même période à la tête de la société d’Etat. Vingt et un contrats signés en l’espace de six ans. Baïla Alioune Wane en a lui signé, en un an, un nombre record de 149 contrats. Il en a, gracieusement, offert à de nombreux militants du Parti démocratique sénégalais ou à leurs enfants et protégés. Il en a surtout fait bénéficier des ressortissants de la région de Fatick, le fief politique de l’ancien Premier ministre. Une façon de venir en aide à un ami. Il n’a pas oublié que ce dernier l’avait aidé à se faire payer très rapidement ses frais d’indemnités de départ à la Lonase, lors de son congédiement.

Le montant des rémunérations prévues dans les contrats spéciaux varie entre 75 000 et 450 000 francs Cfa. Nous avons relevé la liste actualisée au 15 juin 2007. Les noms de certaines personnes qui exercent à la présidence de la République y figurent. Toutes ont bénéficié d’un contrat de 425 000 francs Cfa. Parmi eux, on note le nom d’un confrère et celui d’un beau-fils d’un important président de Conseil régional, membre influent du Pds.

Dans la réalité, ce sont des emplois fictifs qui sont ainsi rémunérés, car aucun bénéficiaire de ce type de contrat ne travaille effectivement à la Lonase. Un ancien soutien actif de la Cap 21, aujourd’hui rappelé à Dieu, figure encore sur les listes des bénéficiaires des contrats. Il a été engagé en qualité d’informaticien. Certaines personnes qui l’ont connu sont formelles pour dire que le fameux informaticien était incapable de mettre en marche un ordinateur. (...)

Depuis plus d’un an, le Directeur général règne en maître absolu. Il a réussi à dresser une équipe de cadres dociles et acceptant de satisfaire tous ses caprices de gestionnaire incompétent et cupide. Il les a tous «dans sa poche». Ses méthodes sont efficaces et redoutables. Il a nommé une armée de dix directeurs centraux et désigné deux conseillers spéciaux, donc douze personnes qui lui sont totalement dévouées. Il a attribué, ou plutôt donné, à chacune d’elle une Toyota Prado GX.

Ces véhicules ont coûté 25 millions de francs Cfa l’unité à la société. Celle-ci les a rétrocédés aux deux conseillers spéciaux du Dg et aux dix directeurs, pour le modique prix de 2,5 millions de francs Cfa. Le Dg a aussitôt décidé d’allouer une indemnité substantielle d’un montant de 250 000 de francs Cfa que les dix directeurs et les deux conseillers spéciaux du Dg en question, ont commencé à percevoir depuis la fin du mois de mai 2007. Ces indemnités sont destinées à assurer aux heureux élus les frais d’entretien et de réparation de leur véhicule. Les voitures sont payables en 60 mensualités (cinq ans), chaque directeur et chaque conseiller spécial paie la somme de 41 231 francs Cfa, directement prélevés sur l’enveloppe affectée aux frais d’entretien et de réparation du véhicule. C’est la raison pour laquelle, nous disions tantôt que les véhicules ont été donnés à leurs propriétaires.



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