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Politique

Centre Malango de Fatick : Plongée dans l’antre des tradipraticiens

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Saltigues

Depuis près de 30 ans, des guérisseurs, grâce aux secrets hérités de leurs ancêtres, soignent des corps et des esprits malades au Centre expérimental des médecines traditionnelles (Cemetra) de Fatick dit Malango. A l’aide d’un système de permanence efficace, ces tradipraticiens se relayent au quotidien pour satisfaire des patients venus des différentes régions du Sénégal, de la sous-région et parfois même des Etats-Unis et d’Europe. Avec 65% de guérison totale, Malango occupe une place centrale dans le dispositif de sanitaire sénégalais. Aujourd’hui, l’avenir de la médecine traditionnelle sénégalaise se joue au niveau de ce centre construit à la fin des années 1980 et qui regroupe 450 guérisseurs dont 25% sont des femmes.

Le jour s’est déjà pointé sur le Centre expérimental des médecines traditionnelles (Cemetra) de Fatick communément appelé centre Malango. Dans la chaleur d’une matinée nuageuse, l’endroit situé à un jet de pierre du quartier Escale respire pourtant une atmosphère ouatée. Le vent qui caresse les eaux de la mer bordant une partie du centre, adoucit les températures et atténue une canicule étouffante annonciatrice de l’arrivée imminente de la pluie. A l’entrée, Emile Niane, secrétaire général de l’Association Malango, est assis sur une chaise blanche en plastique, les yeux fixés dans le néant. Ce matin encore, comme depuis plus deux décennies, il s’adonne à sa tasse de thé. Emile s’occupe du service d’accueil de l’établissement où il enregistre tous les jours l’identité des patients avant de leur demander l’objet de leur visite. Le protocole bouclé, ils sont par la suite orientés, après avoir payé un ticket à 500 FCfa, vers un guérisseur en fonction de leur pathologie. « Le ticket de consultation est valable pour trois mois. Ce qui veut dire que le patient peut revenir tous les jours sans pour autant payer un seul sou», précise-t-il dans une voix à peine audible.

L’avenir de la médecine traditionnelle sénégalaise se joue certainement à Malango ; ou presque. Ce centre expérimental des médecines traditionnelles, dont l’idée de la création a commencé à germer en 1971, est devenu aujourd’hui un élément du patrimoine national. Quelque 450 guérisseurs y assurent, grâce à des connaissances empiriques entretenues et enrichies au fil des générations, des soins de santé à une bonne partie de la population sénégalaise, mais également à des patients qui viennent souvent d’un peu partout à travers le monde. Parmi eux, Marie Tamaillon, cette française a pu retrouver une confiance en elle grâce à une prise en charge psychothérapeutique efficace. « J’ai retrouvé une énergie dans laquelle je me reconnais enfin. J’ai de nouveau la sensation d’habiter pleinement mon corps. J’ai ralenti mon rythme de vie et je me sens davantage ancrée dans l’instant présent », confie-t-elle.

164 villages sillonnés
Erick Gbodossou MalangoBabacar Faye, la trentaine, vient d’être consulté pour la deuxième fois en moins d’un mois. Un gage d’optimisme se lit sur son visage encore fragile. « Je souffre d’une toux persistante. Je suis allé plusieurs fois à l’hôpital sans succès. Toutefois, depuis que je suis venu à Malango, je sens une nette amélioration. D’ailleurs, j’ai repris mon travail », laisse-t-il entendre avec un sourire essoufflé. Babacar se dit « très confiant » à l’idée que les tradipraticiens vont très bientôt le guérir de cette maladie que la médecine conventionnelle n’a pu traiter.

Devenu célèbre grâce à sa traditionnelle cérémonie annuelle de divination appelée « Xoy », le Centre expérimental des médecines traditionnelles (Cemetra) de Fatick porte l’initiative du professeur Henri Collomb, ancien responsable des maladies mentales à l’hôpital Fann décédé en 1978, soit 11 ans avant l’inauguration dudit centre en 1989. « Avec la colonisation, une bonne partie de nos cultures traditionnelles a été bafouée. Parmi celles-ci figure la médecine traditionnelle. L’idée était donc de réhabiliter cette forme de connaissance qui a traversé les siècles », rappelle Emile Niane. Ce faisant, les initiateurs de l’Association Malango, sous la houlette d’Erick Gbodossou, actuel directeur du centre, vont faire le tour du département de Fatick pour recenser les guérisseurs chevronnés. Au début, cette opération n’a pas eu les résultats escomptés. « Les gens faisaient un peu du copinage. Ce n’était pas simple parce que le Sérère est généralement conservateur, mais il fallait le convaincre. Plus tard, on s’est rabattu sur les enfants, comme eux ils ne mentent pas, pour nous indiquer l’adresse des maisons des vrais guérisseurs », souligne-t-il. Cent soixante-quatre (164) villages ont été sillonnés pour dénicher les détenteurs de la médecine populaire. Ceux trouvés ont été organisés de façon pyramidale. Ils étaient regroupés dans un schéma allant du village à la communauté rurale, et de la communauté rurale au niveau central. Ainsi, pour davantage parfaire la structuration, à l’époque, dans chaque communauté rurale du département, il y avait une association de guérisseurs.

Réhabiliter la médecine traditionnelle
L’Association Malango, en trouvant les premiers fonds en 1988, a commencé à construire les premières cases du centre ainsi que les unités de soin. Les arrondissements de Tataguine, Filma, Diakhao, Niakhar et Fatick étaient dotés, chacun, d’une case de soin au Cemetra. « On les a organisés de sorte qu’il y ait toujours une permanence dans le centre. C’est ce qui permet d’avoir tous les jours une vingtaine de guérisseurs pour délivrer le traitement dans le centre », soutient E. Niane. Selon lui, ce centre regroupe 450 guérisseurs parmi lesquels 25% sont des femmes. Dès son installation, le Cemtra s’est fixé comme objectif de réhabiliter la médecine traditionnelle et de montrer que ce traitement populaire pouvait faire des résultats satisfaisants dans plusieurs domaines. Il s’agissait également d’une volonté de faire en sorte que les deux médecines (traditionnelle et conventionnelle) puissent collaborer afin d’arriver à la concrétisation de l’objectif un médecin pour 1000 habitants conformément aux directives de l’Organisation mondiale de la santé (Oms). « Pour arriver à un système performant, on ne peut pas laisser en rade la médecine traditionnelle qui nous a été léguée par nos ancêtres », souligne le secrétaire général du Cemtra. L’association des soins traditionnels à ceux modernes est d’autant plus pertinente qu’en Afrique, selon l’Oms, la population fait recours jusqu’à 80% à la médecine traditionnelle. Aujourd’hui, malgré le poids de la modernité, la demande de service dans ce domaine ne faiblit pas.

Ibrahima BA (textes), Assane Sow (photos)

Consultations médicales à Malango : Les maladies socioculturelles en tête des traitements
Malango mystiqueSi le centre Malango continue de faire l’objet d’une convoitise de la part de certains Sénégalais, c’est sans doute grâce aux excellents résultats de ses guérisseurs dans le traitement de certaines maladies qui ne sont pas prises en compte par la médecine conventionnelle.

Au Centre expérimental de la médecine traditionnelle de Fatick, les maladies socioculturelles constituent l’essentiel des consultations médicales. « Mauvais vent », « mauvaise langue », sorcellerie… la liste est loin d’être exhaustive. La plupart de ces maladies n’existe pas dans le dictionnaire médical occidental. Elles portent l’empreinte des sociétés africaines. C’est pourquoi pour les traiter, les guérisseurs utilisent souvent des versets ou des incantations. Ici, la force du verbe, caractéristique de la culture orale africaine, a des fonctions thérapeutiques. Elle chasse le démon et supprime le sorcier grâce à l’énergie positive dégagée par les professionnels de la médecine traditionnelle. Originaire de Ndoffane Latyr, Nini Gackou, 74 ans, estime avoir réussi à soigner plusieurs centaines de personnes souffrant de ces maladies depuis ses débuts. Parmi ces patients : des directeurs généraux de grandes sociétés, des autorités publiques, bref de grandes célébrités.

Les incantations jouent un rôle fondamental dans la médecine populaire africaine. C’est un moyen pour les guérisseurs de prévenir certaines maladies ou tragédies. « L’incantation permet de prévenir contre l’accident, de ne pas aller en prison ou de croiser Satan… », note Mbaye Senghor, président du Comité d’initiative pour la Santé et le bien-être familial (Cisbef) de Fatick. Selon lui, il s’agit d’habitude de versets qui sont transmis par un esprit. Avec ces incantations, le guérisseur peut également assister une femme en délivrance.

Dans la médecine traditionnelle, la plante est considérée comme un être vivant qu’il faut respecter. En effet, il n’est pas recommandé de se lever n’importer quel jour ou heure pour aller cueillir une plante. La cueillette des racines, des écorces ou des feuilles de plantes repose sur un rite particulier que tout guérisseur doit maîtriser. Selon Emile Niane, secrétaire général de l’Association Malango, il s’agit d’abord de chercher à plaire à l’arbre avant de lui arracher une partie de son corps. Ce faisant, ces séances de cueillette doivent être faites avec des présents et accompagnées de toute une formule de politesse. « Il faut dire bonjour à la plante, tout en lui faisant part de l’objet de la visite », fait-il comprendre. Cette attitude permet au guérisseur de valoriser le médicament. M. Senghor abonde dans le même sens. D’après lui, la plante est divine et pour aller à sa recherche, il faut savoir l’adorer. Toutefois, si le guérisseur ne respecte pas ce processus, il peut avoir de la matière, mais il n’aura le principe actif.

En médecine conventionnelle, les plantes sont classées selon deux espèces. Il s’agit des espèces sans épines et celles avec épines. Chacune joue un rôle fondamental dans la guérison. Une plante peut détenir jusqu’à 80 vertus thérapeutiques et les principes actifs changent en fonction des heures.

Toutefois, contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent, la médecine traditionnelle ne se limite pas seulement à la phytothérapie. « Il s’agit juste d’une partie de cette médecine. L’autre fraction est composée de produits d’animaux, des incantations et un volet spirituel », précise le secrétaire général de l’Association Malango. Dans ce centre, les guérisseurs sont d’abord des spécialistes avant d’être généralistes. Alors que chez les médecins, l’on est généraliste avant d’être spécialiste.

Ibrahima BA (textes), Assane Sow (photos)

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2 Commentaires

  1. Auteur

    Senegalais

    En Août, 2016 (17:07 PM)
    Comme y a Pas de Q* pas d Com
  2. Auteur

    Anonyme

    En Août, 2016 (21:42 PM)
    excellent article :thumbsup:  :thumbsup:  :thumbsup:  :thumbsup: 
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