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Politique

Certitude d’un socialiste : L’esprit d’imprudence et d’erreur, de la chute des régimes, funeste avant-coureur

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Certitude d’un socialiste : L’esprit d’imprudence et d’erreur, de la chute des régimes, funeste avant-coureur
L’erreur étant humaine, elle est donc pardonnable. Mais rappelons le proverbe philosophique « errare humanum est, perseverare diabolicum », attribué à Sénèque le Jeune, par lequel on cherche à atténuer une faute, une erreur, une chute morale, et dont la signification est claire : nous sommes des êtres humains, et nous ne pouvons pas nous empêcher totalement de commettre des erreurs. Cependant, cela ne doit pas servir à excuser la négligence, mais plutôt inviter à apprendre par expérience afin de réduire le nombre d’erreurs commises. Littéralement, cela veut dire : « Il est humain de se tromper, persévérer est diabolique ».

Augustin d’Hippone ira plus loin dans « Sermons » et dira : « Humanum fuit errare, diabolicum est per animositatem in errore manere ». (littéralement : « Commettre des erreurs est le propre de l’humain, mais il est diabolique d’insister dans l’erreur par orgueil »). Lorsqu’un chef d’Etat persiste, par orgueil, dans l’erreur, il se montre imprudent et met en danger l’avenir de toute une nation parce que toutes ses décisions sont fondamentalement sujettes à caution. C’est pourquoi les chefs d’Etat qui avaient, ou ont, la sagesse d’avoir une claire conscience de leurs limites, se sont toujours référés aux propositions de personnages très critiques, qui étaient loin d’être partisans et qui cherchaient objectivement à participer au développement de leur pays.

L’imprudence d’un chef d’Etat qui persiste dans l’erreur est de n’écouter que les laudateurs dont il s’entoure et de balayer d’un revers de main toute forme de critique, fusse-t-elle constructive. Ceci peut l’amener à commettre la grave erreur de ne même plus tenir compte de l’avis des spécialistes avérés qui, dans les nations modernes, assurent, au-delà des clivages politiques, la continuité de la gestion des affaires, voire à aller à l’opposé de ce qu’ils proposent parce qu’il se croit visionnaire, seul capable de prendre les décisions opportunes et adéquates, qu’il s’agisse de l’agriculture, de la pêche, de l’énergie, de l’économie, des investissements, du commerce, formel et informel, de l’artisanat, de la culture, du sport, de la maîtrise de l’eau, des travaux publics, de l’architecture, de la magistrature, de la distribution de la justice, de l’enseignement, de la presse, de la politique de l’emploi…la liste n’est pas exhaustive. Il a la certitude d’avoir toujours raison.

D’erreur en erreur, d’imprudence en imprudence, il continue son chemin, sourd et aveugle aux souffrances de son peuple qui ne rencontre que son insensibilité pareille à celle de l’azur et des pierres comme dirait Mallarmé, n’écoutant bien entendu que ceux qui louent « son génie » et qu’il rétribue largement, en guise de reconnaissance et de remerciement, avec l’argent du contribuable. Il oublie par la même occasion cette fameuse phrase de La Rochefoucauld : « Il y a des reproches qui louent et des louanges qui médisent. » La sagesse d’un chef d’Etat devrait l’amener à rechercher des amis critiques au lieu d’amis qui louent. Les premiers disent la vérité et les seconds le louent pour mieux l’enterrer.

L’imprudence d’un chef d’Etat qui persiste dans l’erreur et qui souvent allie orgueil et populisme - car il aime aussi les bains de foule - est de faire, dans sa quête perpétuelle de signes d’amour de « son » peuple, des promesses insoutenables et qui ne seront jamais tenues. Car les réveils qui déchantent sont cruels pour ceux qui ont cru en sa parole donnée et ils se retournent, dépités, contre celui qu’ils ont adoré la veille. Un politologue, à juste titre, a dit : en politique, il y a les mensonges qui éloignent le peuple de la démocratie, il y a les mensonges qui le rapprochent de celle-ci. Le premier mensonge déçoit le peuple et lui fait perdre l’espoir de toute espérance, l’autre galvanise le peuple et crée en lui un élan qui l’amène vers une asymptote : la réalisation de son bonheur. Le chef d’Etat qui n’est pas en phase avec ses axiomes risque de plonger son peuple dans une douce espérance qui est de perdre l’espoir.

L’erreur d’un chef d’Etat orgueilleux et imprudent est de vouloir se maintenir, coûte que coûte au pouvoir. A cette fin, et n’étant plus à l’époque du Roi Soleil, il reporte, au mépris du calendrier électoral, à sa guise les élections et distribue des prébendes et autres avantages à ses souteneurs, cherchant ainsi à gagner du temps avant le verdict du peuple, qui doit inévitablement tomber, car il espère encore trouver un moyen de détourner la volonté populaire. Il procède, chaque fois que cela lui convient, à la révision de la Constitution, loi fondamentale de la Nation, dont il devrait être le garant. Il refuse toute initiative ou toute requête légitime tendant à faire fonctionner les organes de contrôle de l’Etat. Somme toute, c’est normal, parce qu’il a retenu ce que disait Louis XIV : « C’est la loi, parce que je le veux. », mais il oublie que le temps, juge incorruptible, donnera son jugement.

Son orgueil est tel qu’il n’hésite même pas à piétiner les symboles de la République, dont il a hérité, au point de choquer jusqu’à ses propres courtisans. Son erreur et son imprudence font qu’il refuse de voir que parmi ces derniers, les déçus deviennent de plus en plus nombreux. Il fait et défait les institutions selon son humeur du jour ou « à la tête du client ». Il décide dans l’improvisation la plus totale, en dépit de tout bon sens, et défait le lendemain ce qu’il a décidé la veille, tout en se déclarant infaillible. Tel Sicambre, comme le lui avait demandé Saint Rémy, l’archevêque de Reims, il brûle ce qu’il a adoré et adore ce qu’il a brûlé. Aussi, certains de ses ministres, et pas les moindres, sont adorés aujourd’hui et demain jetés aux gémonies, responsables de tous les malheurs du pays.

Son orgueil est tel qu’il se croit irremplaçable à la tête de « sa » Nation, voire de « son » continent ; il en veut à « son » peuple, et le lui fait payer, de ne pas avoir été porté plus tôt au pouvoir. La seule personne éventuellement digne de lui succéder est bien entendu « son dauphin », car il est convaincu, comme le dit le proverbe, que « bon sang ne saurait mentir ». Il ne fait aucun doute qu’il désignera officiellement son dauphin le moment venu et que celui-ci lui devra reconnaissance éternelle et soumission à titre posthume. Pourrait-on penser qu’à l’époque de Louis XIV un autre que « Le Dauphin » ne pût prendre le trône ?

Son erreur et son imprudence sont de toujours vouloir miser trop haut, car rien n’est assez bon pour flatter son ego. N’est-il pas le meilleur en tout, ne mérite-t-il pas toutes les médailles et toutes les distinctions du monde ? Il veut toujours mieux réussir que les autres – surtout mieux que ses prédécesseurs à la tête de « son » Etat – et est prêt à faire des dépenses somptuaires à cette fin. Tout se résume à sa seule personne et il ne se sert que du « je ». Pour se faire applaudir à chacune de ses sorties, que ce soit à l’intérieur de son pays ou à l’étranger, il fait déplacer à grands frais des milliers de personnes. Il oublie que son peuple, qui regarde les fastes dont il s’entoure et que l’on montre sans gêne à « sa » télévision nationale, voit son bol de riz de plus en plus petit et de plus en plus maigre en ingrédients, peine chaque jour davantage à assurer la dépense quotidienne, à payer les factures d’eau et d’électricité, à se faire soigner, à acheter les médicaments que le médecin lui a prescrits, à payer la scolarité de ses enfants… soit à survivre dignement. Ainsi le contraste de l’abondance des uns et de la cruelle misère des autres, la sécurité d’une minorité à qui la manne tombe sans qu’elle ait jamais besoin de penser au lendemain et les angoisses du peuple qui n’obtient rien au prix de travaux pénibles et de sacrifices énormes, devrait l’amener à réfléchir et à se remettre en cause.

La liste des erreurs et des imprudences d’un chef d’Etat orgueilleux n’est, hélas pour son peuple, pas exhaustive.

Mais la patience – et l’indulgence – du peuple a ses limites, car il est certain, pour reprendre Victor Hugo, que ces choses ne sont pas faites pour se terminer en chansons et en apothéoses. L’interdiction répétée des marches de protestation ou de doléances, malgré le fait que ce droit soit inscrit dans « sa » Constitution, n’y changera rien.

Un chef d’Etat prudent doit reconnaître ses erreurs et ne pas verser dans le diabolique. Il doit ouvrir le dialogue avec la nation dans toutes ses composantes. Il doit éviter de diviser le monde religieux de son pays et ne pas pousser certains dans le paganisme, se souvenant de ce que dit le Coran : « ils troquent à vil prix les versets d’Allah… ; ce qu’ils font est très mauvais »

Un chef d’Etat avisé doit ne jamais perdre de vue que le corps social étant de par sa nature étranger à la religion, un gouvernement ne peut adopter aucun culte et n’en peut rejeter aucun, à moins que ce culte ne trouble l’ordre public, c’est-à-dire qu’il nuise aux droits de l’Homme, droits dont l’assurance et la conservation constituent l’ordre public.

Enfin, il devrait placer ses priorités là où il le faut, non pas dans des infrastructures coûteuses, dont certaines sont certes utiles mais pas prioritaires, d’autres purement prestigieuses, mais dans le soulagement des difficultés et des souffrances qu’affrontent journellement les citoyens du pays dont il a la charge. Certes, un chef d’Etat éclairé doit avoir une vision d’avenir pour son pays, et pour cela parfois oser prendre des décisions audacieuses - pas toujours comprises dans l’immédiat par ses administrés car les retombées en sont lointaines - mais cette ambition ne peut jamais se réaliser en imposant de trop lourds sacrifices au peuple. Savoir dissimuler, disait-on, est le savoir des rois, et Jean Cocteau d’ajouter : « Tout ce qui se prouve est vulgaire, agir sans preuve exige un acte de foi. » Tout peuple désire avoir un chef d’Etat modeste et humble pour trouver en lui une grâce qui toujours le charme et jamais ne le lasse. Par ailleurs, le peuple hait toujours le vent doré qui gonfle l’erreur ou la sottise.

Somme toute le chef d’Etat imprudent et orgueilleux risque d’entraîner son peuple dans une situation où le pouvoir exécutif se résume à sa personne, le pouvoir législatif chante la palinodie et la justice danse au rythme de la cacophonie de cette chanson ; son pauvre peuple interdit et pantois réalise qu’il a perdu son âme et qu’il est devenu une populace. Et Voltaire disait : « Quand la populace réfléchit, tout est perdu. »

Honni soit qui mal y pense.

Me Jacques BAUDIN Secrétaire national du PS aux Relations extérieures et à l’Intégration africaine Dakar, le 10 avril 2008



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