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Politique

CHEIKH BETHIO THIOUNE, CHERIF ABDOURAHMANE FALL TILALA, SERIGNE MODOU KARA Quelle influence sur l’électorat ?

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CHEIKH BETHIO THIOUNE, CHERIF ABDOURAHMANE FALL TILALA, SERIGNE MODOU KARA Quelle influence sur l’électorat ?

Faute d’arracher un « ndiggël » des Khalifes généraux des confréries, Wade semble désormais jeter son dévolu sur les marabouts de second calibre. Serigne Béthio Thioune, Chérif Abdourahmane Fall Tilala et Serigne Modou Kara sont les premiers à se manifester et rivalisent de représentativité. Leurs jeunes disciples totalement acquis à leur cause en seront-ils pour autant de potentiels électeurs capables de réélire le président Wade?

Ils ont en commun leur appartenance à la communauté mouride et leur intention de soutenir le président Abdoulaye Wade à la prochaine Présidentielle. Cheikh Béthio Thioune, Chérif Abdourahmane Fall Tilala et Serigne Modou Kara sont tous trois des guides religieux ayant acquis leur réputation dans la voie du mouridisme. Les deux premiers se sont déjà clairement exprimés en faveur de la réélection du secrétaire général national du Parti démocratique sénégalais. Et ils ont joint l’acte à la parole en sillonnant l’intérieur du pays pour appeler leurs militants et fidèles à voter pour le président Wade. A la différence des deux premiers, Serigne Modou Kara est allé plus loin dans ses intentions politiques avec la création d’une formation politique, le Parti de la vérité pour le développement (PVD). Même si, en revanche, il n’a pas encore porté clairement son choix sur Me Wade. Seulement, les propos, on ne peut plus élogieux, qu’il ne cesse de tenir sur le bilan du président Wade peuvent déboucher sur une éventuelle alliance entre le fondateur du Mouvement mondial pour l’unicité de Dieu (MMUD) et Me Abdoulaye Wade. L’on avait un moment pensé, avec la visite qu’il a rendue au secrétaire général du PIT, Amath Dansokho et son appel au dialogue national par la création de « l’Alliance Dëgg ak Jamm (ADJ)», que le marabout se mettait à équidistance de la majorité et de l’opposition. Mais, quand les murs de la capitale avaient été maquillés de graphities portant le slogan : « Kara Président », il a très vite, par un communiqué, rappliqué en rappelant ses fidèles à l’ordre. Avant de leur signifier qu’il ne se présenterait pas à des élections contre Me Wade et que nul ne parviendra à les opposer. « Certains me conseillent de m’éloigner de Wade. C’est impossible. Je ne m’oppose pas à Wade, de même que je ne me suis pas opposé à Senghor et à Diouf », avait-il martelé. En plus, le marabout politicien est très souvent impliqué dans toutes les manifestations à connotation religieuse, initiées par les autorités. Ce fut le cas à l’occasion de la visite du Guide de la Jamahiria libyenne, Mouhammar El Kadhafi, et même de la cérémonie du Maouloud célébrée à Tombouctou en présence du chef de l’Etat, Me Abdoulaye Wade.

L’intention de vote en faveur du président de la République se manifeste beaucoup plus clairement chez Cheikh Bethio Thioune et Abdourahmane Fall Tilala. Ce dernier a été le premier à avoir manifesté son soutien à Me Wade. Non pas en tant que marabout, dit-il, mais au nom des maures dont il est le leader. Cette communauté compterait un million 850 000 Maures au Sénégal dans les années 88-89. « Je suis aujourd’hui en mesure de dire que 98,98 % d’entre eux m’ont suivi dans ma décision de soutenir le président Abdoulaye Wade, parce que nous partageons non seulement le même pays et défendons les mêmes intérêts ». Le marabout qui ne s’est impliqué dans la politique que sous le magistère de Wade explique son choix par la reconnaissance et le respect que le président de la République voue à sa communauté. « Wade est le meilleur, c’est pourquoi je n’ai jamais soutenu la candidature d’un autre présidentiable. Et puis, tous souhaitaient que je m’exprime en tant que chef religieux. Alors qu’à mon avis, les talibés sont la propriété de Serigne Touba. Je ne peux, par conséquent, décider de quoi que ce soit pour eux à part les inciter à suivre la voie tracée par Serigne Touba ». Même si pour Tilala, les marabouts qui sont des citoyens sénégalais à part entière sont libres de faire de la politique. Petit fils du Prophète Mohamed (PSL) de par sa mère, Chérif Abdourahmane Fall Tilala a comme Guide religieux Serigne Saliou Mbacké, Khalife général des mourides et sa référence, notamment dans le cadre du travail, est Cheikh Ibra Fall. Ce qui explique son choix de porter des dread locks.

Tout compte fait, il est difficile, voire impossible comme pour tous les autres marabouts qui se sont impliqués dans la politique de faire la distinction avec la religion. Surtout que dans ses sorties, Tilala est toujours suivi et entouré de ses Baye Fall.

C’est à la suite d’une audience que lui a accordée le chef de l’Etat que Cheikh Béthio Thioune a décidé de s’engager dans la politique, aux côtés de Me Abdoulaye Wade. Présentement à Thiès où il compte séjourner pendant une dizaine de jours, Cheikh Béthio a décidé de boucler sa visite par un meeting à la Place de France, le dimanche 07 mai. Les « sant » (grand rassemblement de talibés à forte dose folklorique) lui servent également de tribune pour faire passer son message politique. « Pour certains, il est inimaginable que je dispose de 4 millions de fidèles. Un mouride est allé même jusqu’à nier mes propos. Mais je peux dire que j’ai un potentiel de trois millions d’électeurs dans les daaras que j’ai installés à travers le pays ». Justifiant sa décision de soutenir la candidature de Me Wade, Cheikh Béthio dira : « Wade et moi avons le même amour pour Serigne Saliou ». Mais, s’empressera-t-il d’ajouter :  « Je ne veux même pas associer le nom de Serigne Saliou à mes manifestations politiques puisqu’il est au-dessus de toute contingence politique. Il ne s’est jamais prononcé sur mon choix de soutenir Wade, mais je peux dire que cela ne l’a pas offusqué ». Exception faite d’Ibrahima Diagne, les responsables libéraux de Thiès n’ont pas manifesté leur désir de soutenir Cheikh Béthio Thioune dans son entreprise politique. Ce que lui-même a constaté en déclarant à l’endroit du coordonnateur de And Défar Thiès : « Tu es le premier politicien à venir me rendre visite à Thiès et pourtant nous avons tous le même dénominateur commun, c’est-à-dire la réélection du président Wade. Vous, vous avez compris en ayant une démarche intelligente et à partir d’aujourd’hui je signerai un pacte d’amitié avec vous ».  Et d’ajouter, « si les responsables du PDS de Thiès avaient compris mes intentions, ils viendraient me soutenir ».

Marabouts politiciens : un long bail avec la majorité

La constante avec ces marabouts est que leur déclaration fait toujours suite à une audience avec le chef de l’Etat. Ainsi, est-on tenté de dire que la décision de ceux-ci de s’engager dans la politique découlerait d’une proposition du président de la République et secrétaire général national du PDS. Sa volonté, comme du reste ceux qui l’ont précédé à la Présidence de la République, d’arracher un « Ndiggël » (consigne de vote) des chefs religieux est connue de tous. Il s’avère cependant que depuis 1988, les principaux chefs religieux ou en tout cas khalifes généraux refusent d’entrer dans ce jeu. Le Khalife général des Tidianes, Serigne Mansour Sy, est le dernier à s’être prononcé, en 2000, en faveur de Diouf, tout en se gardant toutefois d’appeler ses talibés à voter pour le candidat du Parti socialiste. La réticence manifestée par les guides des confréries les plus représentatives pourrait s’expliquer par la crainte de se voir désavouer par des talibés qui jouissent de plus en plus d’une capacité de discernement entre la voie de Dieu et celle des hommes. Surtout que certains sont investis de responsabilités dans des formations politiques ou par des leaders politiques autres que ceux qu’aurait pu choisir leur guide religieux. Toutes choses qui incitent les hommes politiques à adopter une stratégie plus intelligente et plus subtile envers les chefs religieux. Il s’agit désormais pour eux de manifester aux yeux de l’opinion leur proximité ou prétendue complicité avec un dignitaire religieux. Le président Abdoulaye Wade ne rate jamais l’opportunité de se réclamer un disciple de Serigne Saliou. On considère aussi Serigne Cheikh Tidiane Sy comme le guide spirituel d’Idrissa Seck et Moustapha Niasse comme appartenant à la tarikha ou confrérie des tidjanes… Ce qui n’empêche pas pour autant à ces hommes politiques d’avoir un pied chez tous les autres marabouts avec qui ils donnent l’impression d’entretenir de bonnes relations. Le président Abdou Diouf aurait reçu 90 marabouts entre le 1er mars et le 7 décembre 99 et une seule fois le chef de l’Eglise durant cette même période. L’engagement des dignitaires musulmans dans la politique est bien plus réel. Et autant Cheikh Béthio Thioune, Serigne Modou Kara que Chérif Abdourahmane Fall Tilala disposent d’un potentiel assez énorme de jeunes talibés prêts à suivre leur recommandation à la lettre. En deviendront-ils pour autant de potentiels électeurs ? Ou plutôt suffiront-ils à faire pencher la balance en faveur de Wade ? Il s’avère que leur position n’aura pas le même impact qu’un « ndiggël » d’un khalife général sur l’opinion. L’influence de ces chefs religieux se limitant exclusivement sur leurs affidés. Et pis encore, les populations n’hésitent même plus à manifester publiquement leur désapprobation devant une déclaration politique d’un guide religieux. Les Sénégalais ont fini par se faire une religion sur les réelles motivations de dignitaires religieux à soutenir le pouvoir. En atteste le débat autour de faramineuses sommes d’argent qui auraient été octroyées à quiconque proclame son soutien au candidat de la majorité.

D’ailleurs, est-il jamais venu, dans l’histoire récente du Sénégal, à l’idée d’un chef religieux de soutenir publiquement un candidat de l’opposition ? Tous ceux d’entre eux qui, hier, avaient soutenu le régime socialiste sont devenus les plus grands soutiens du régime libéral. Un long bail semble ainsi lier les marabouts politiciens au pouvoir.

NOTRE MOT

Les nouveaux marchands d’illusions

Le vote mouride lui serait-il acquis, comme veut le faire croire le camp du sopi, que Wade se serait sûrement passé des services de Cheikh Béthio Thioune, Chérif Abdourahmane Fall Titala et éventuellement Serigne Modou Kara pour les besoins de son marketing politique. Car, du point de vue de l’interprétation que pourraient en faire les observateurs politiques ou l’opinion publique tout court, le soutien de ces trois guides religieux ne saurait lui procurer qu’un bien maigre avantage. Ou même pas d’avantage du tout. La première lecture qu’on pourrait en faire, c’est en effet de se rendre à l’évidence que sa proximité par trop ostentatoire avec le khalife Serigne Saliou Mbacké ne serait pas, en vérité, une assurance tous risques de ne pas voir l’électorat mouride basculer un tant soit peu dans le camp de ses opposants.

En président-talibé qui ne rate jamais l’occasion de marquer son appartenance à cette confrérie au risque de se voir accuser peut-être injustement de « parti pris », Wade entend jouer en toute logique son va-tout avec cet électorat au penchant communautariste. Même s’il s’y prend apparemment très mal en voulant s’appuyer sur ces trois guides religieux. Le « deal » pourrait en effet avoir été conclu lors de l’audience accordée au palais à Cheikh Béthio et à Kara ou à la faveur de son dernier voyage à Tombouctou auquel Chérif Abdourahmane Fall a pris part.

Voilà sans doute pourquoi tous les trois, subitement, se sont lancés à bride abattue dans la chasse aux voix au profit du sopi. Sans toutefois que le succès ne soit garanti. Loin s’en faut.

Certes, le fait que ces trois guides religieux aient pris fait et cause pour lui pouvait bien, en dehors de toute considération d’ordre arithmétique, avoir valeur de symbole auprès d’une opinion publique qui leur prête à chacun une certaine représentativité. Mais Wade ne gagne pas au change en donnant ainsi l’impression d’être bien conscient que son seul acte d’allégeance à l’endroit du khalife des mourides, pourtant sans cesse renouvelé, n’est pas en soi une garantie suffisante d’un vote totalement acquis en sa faveur au sein de cet électorat ? Ensuite, prendrait-il ces trois guides religieux pour des porteurs de voix qu’il se trompe lourdement d’époque. Cette race de grands électeurs n’étant plus de saison depuis qu’en 2000, les Sénégalais ont pu réellement mesurer la valeur de la carte d’électeur. Le khalife général d’une grande confrérie n’avait-il pas pronostiqué à cette occasion une victoire nette et sans bavure de Diouf ? Ce qui valait bien une consigne de vote en faveur du candidat socialiste. Il n’empêche que c’est bien lui qui avait finalement triomphé de son éternel rival après trois tentatives infructueuses dès lors que les Sénégalais avaient vraiment soif de changement. Et puis, Wade aurait-il déjà oublié que Modou Kara avec lequel il a visiblement quelques accointances aujourd’hui avait choisi le camp adverse toujours en 2000. Ce qui lui valut du reste d’essuyer les huées d’un public totalement acquis à sa cause dès lors qu’il avait voulu plébisciter un Ousmane Tanor Dieng, alors directeur de campagne de Diouf, dans un stade Demba Diop plein à craquer, un soir de 31 décembre 1999. Preuve que les talibés, tout fidèles qu’ils sont, savent quand même faire le distingo entre le politique et le religieux. Et qu’en matière d’exercice de leur droit civique, ils ont appris à jouer sur le registre tout à fait personnel. Et puis, quelle maladresse politique que d’envoyer et Cheikh Béthio et Modou Kara à l’assaut de Idrissa Seck à Thiès quand bien même ils soient tous les deux originaires de cette ville ! C’est d’abord un aveu que le bouillant Abdou Fall et le néo transfuge Mbaye Diouf n’y suffisent pas. C’est aussi, en plus de revêtir l’ex-numéro deux du Pds de l’étoffe d’un ogre politique, lui donner tout loisir de se présenter en martyr. Et d’en recueillir ainsi les dividendes politiques auprès d’un électorat plus prompt à la sympathie pour le camp supposé le plus faible.

Mais cela, ces guides religieux qui ont subitement envahi la scène politique s’en gaussent éperdument. Pourvu qu’ils apparaissent comme des messies aux yeux d’un prince pour qui, rien n’est de trop pour écarter un danger nommé Idy et contenir les assauts de ses opposants pour pouvoir se succéder à lui-même. Quitte à se donner une représentativité des plus fantaisistes comme c’est le cas de Béthio avec ses quatre millions de talibés dont 1,5 million ayant l’âge du vote et sommés de s’inscrire pour donner (religieusement) leur voix au camp du sopi. Ceux-là, à défaut d’être des gourous, ne sont que de simples marchands d’illusions. 



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