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Politique

CHRISTOPHER TROTT, AMBASSADEUR DU Royaume- Uni AU SENEGAL « On peut être discret, mais efficace »

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CHRISTOPHER TROTT, AMBASSADEUR DU Royaume- Uni AU SENEGAL « On peut être discret, mais efficace »
Dans l’imagerie populaire sénégalaise, l’Anglais n’est pas versatile. Il est efficace et agissant. Son Excellence Christopher Trott ambassadeur du Royaume-Uni au Sénégal n’en pense pas moins et entend se conformer à l’adage. Selon lui, « il n’est pas nécessaire de faire beaucoup de bruit pour établir des relations privilégiées et très étroites. On peut rester discret et être efficace… », parlant de la coopération entre son pays et l’Afrique de l’Ouest en général et le Sénégal en particulier. À la veille de la célébration du centenaire de la résidence de la Grande-Bretagne à Dakar demain 21 février, tout en communiquant sur la cérémonie et sa symbolique, il s’est prêté aux questions de Sud Quotidien.

Cent ans déjà ! Peut-on dire que la présence anglaise est l’une des premières à Dakar ?

Je pense que c’est vrai. Cela montre simplement que nous avons eu une politique très ouverte en direction du continent africain. Il est vrai que deux cents ans auparavant, nous étions en concurrence avec nos amis, les Français.Chacun voulant être plus influent que l’autre en Afrique. Tout cela appartient désormais à l’histoire. Nos relations avec l’Afrique de l’Ouest étaient et demeurent très importantes pour nous. Notre présence ici symbolise toute l’amitié que nous avons pour les Africains.

Un siècle de présence qui vous permet de rayonner en Afrique occidentale. Mais elle reste tout de même très discrète. Souci de discrétion ou flegme britannique ?

C’est discret peut-être, mais c’est profond. Il n’est pas nécessaire d’avoir une présence tape-à-l’oeil pour avoir des relations fortes. Nous n’avons pas de grandes entreprises britanniques ici à Dakar, il est vrai, mais nous avons des sociétés qui ont des liens forts et utiles de coopération avec le Sénégal. Il me semble qu’il n’est pas nécessaire de faire beaucoup de bruit pour établir des relations privilégiées et très étroites. On peut rester discret et être efficace.

Quels sont les grands axes de la coopération britannique avec le Sénégal ?

Je dois dire que nous intervenons fortement dans le multilatérale. En 2005, notre assistance dans ce cadre a tourné autour de 16 millions de livres, soit près de 30 millions de dollars, soit encore près de 150 milliards de Fcfa. Ce n’est pas rien. Notre contribution au niveau de la Commission européenne est très importante. Notre coopération pour la recherche de la paix en Afrique est exemplaire dans le monde. Il en est de même pour ce qui concerne la coopération entre nos deux pays en matière de Droits de l’homme, tant à New York qu’à Genève, parce que nous partageons les mêmes valeurs. C’est pourquoi il a été facile de trouver des axes de coopération à ce niveau. Il importe aussi de préciser que pour nous, le rôle du Sénégal dans toutes les actions de maintien de la paix en Afrique et dans le monde est très important. Nous avons accordé beaucoup de soutien à ces actions parce que nous respectons énormément le rôle des Forces armées sénégalaises aussi bien au Darfour qu’au Congo. Et cela, c’est très important dans le contexte actuel de l’Afrique et dans le contexte actuel mondial. Nous entendons appuyer l’armée sénégalaise pour toutes ces actions. On ne doit pas seulement tout focaliser sur le développement parce que les relations entre les Nations du monde sont beaucoup plus larges et nous, nous cherchons des relations entre les Nations fondées sur l’égalité. Le partenariat entre les Nations, dont nous nous privilégions, s’articule autour du dialogue sur les nouveaux défis auxquels nous sommes aujourd’hui tous confrontés, comme le changement climatique, l’émigration, la lutte contre la drogue, la lutte contre le terrorisme. C’est autour de ces aspects que nous axons notre partenariat avec le Sénégal et avec tous les pays de la sous-région.

Une question d’actualité : Le Zimbabwe est-il toujours au ban du Commonwealth ?

Oui. Le Zimbabwe est avant tout un pays triste. La situation là-bas est très difficile et les problèmes qui existent opposent le gouvernement au peuple. Nous, nous sommes le plus grand donateur de l’aide au Zimbabwe. C’est une aide humanitaire. C’est presque 40 millions de livres par an, soit 80 millions de dollars annuellement. Il n y a pas de problème entre le peuple britannique et le peuple zimbabwéen. Mais les citoyens britanniques demandent que nous ne soutenions pas un gouvernement qui ne respecte pas son peuple. On espère qu’avec l’encouragement de ses pairs, M. Mugabe comprendra lui-même les souffrances de son peuple. Ce sont-là des choses que nous ne pouvons pas expliquer directement au président du Zimbabwe parce qu’il nous écoute plus et qu’il prétend qu’il a des problèmes avec une puissance coloniale, alors qu’il sait pertinemment que ce n’est pas de ça qu’il s’agit. M. Mugabe prétend qu’il y a des sanctions économiques contre son pays, ce qui est faux. Il n’y a aucune sanction européenne contre le Zimbabwe. Nous sommes le plus grand importateur de produits zimbabwéens et la sanction européenne est une sanction personnelle contre le leader zimbabwéen, sa femme et les membres de son gouvernement qui ne respectent pas leur peuple. La réalité, c’est que la machine de propagande de M. Mugabe reste très forte et efficace. J’espère que les élections de mars aideront M. Mugabe à changer son approche en permettant des élections libres, démocratiques et transparentes, quoique tous les actes posés jusqu’à présent suggèrent que ces élections-là ne seront pas libres.

Comment appréciez-vous la médiation du président sénégalais Abdoulaye Wade dans cette crise ?

Le Sénégal est un pays avec une histoire presque unique en Afrique. Depuis votre indépendance, vous n’avez pas connu les coups d’Etat, les gouvernements d’exception. Le rôle qui incombe au Sénégal est de montrer à tous les Africains qu’on peut gérer un pays avec la démocratie. On peut accepter l’alternance politique comme celle que vous avez connue en 2000 sans recourir à des manifestations dans les rues et sans effusion de sang. C’est là un modèle qui doit être respecté. Vous avez le dialogue au Sénégal, le respect des droits de l’Homme, vous êtes signataires de toutes les conventions. C’est pour cette raison que le Sénégal peut influencer les autres dirigeants africains et les encourager à trouver les solutions pacifiques et démocratiques.

Belle peinture assurément pour le Sénégal. N’empêche, Excellence, vous avez été approché, dans le cadre de l’Union européenne et en tant que plénipotentiaire du Royaume-Uni, par l’opposition sénégalaise qui trouve globalement que la vitrine démocratique s’est beaucoup craquelée, elle qui se plaint ouvertement de l’organisation des dernières élections présidentielle et législatives. Qu’en pensez-vous ?

Nous sommes amis du Sénégal comme les autres pays Européens. Dans le domaine européen comme au niveau bilatéral, nous avons encouragé tous nos amis Sénégalais à trouver une solution politique à tous ces problèmes. Nous ne voulons pas nous immiscer dans les affaires sénégalaises. Nous cherchons et ne pouvons seulement qu’encourager nos amis du Sénégal à s’entendre, à s’écouter et à se parler. Il y a récemment une amorce de dialogue entre les différentes parties. Cela, c’est quelque chose que nous respectons beaucoup. Tout comme la liberté de la presse ici, qui est quelque chose de très important. Un modèle qui peut et doit être copié dans beaucoup d’autres pays d’Afrique. La liberté d’expression et la grande détermination de la presse sénégalaise à présenter tous les aspects de la réalité qu’elles soient bonnes ou mauvaises sont des éléments déterminants dans la résolution des problèmes.

Excellence, vous représentez un pays où il y a presque plus de deux millions de musulmans. Perçoit-on d’ici cette situation ?

En janvier 2007, nous avons organisé ici une exposition sur les Musulmans en Grande-Bretagne dans le souci d’informer les Sénégalais sur l’importance de la communauté musulmane chez-nous. Nous pensons qu’il nous faut renforcer cet effort. J’ai même l’intention d’aller au-delà des relations entre gouvernements et de susciter si possible des liens directs entre les sociétés musulmanes britanniques et les guides des sociétés musulmanes ici au Sénégal. Aussi bien avec le Khalife général des Mourides, à Touba, que celui des Tidjanes, à Tivaouane et les autres confréries au Sénégal. Parce que, je pense qu’il est important de montrer aux musulmans britanniques toute la diversité et les bons aspects de la pratique musulmane au Sénégal. Je respecte énormément cette diversité ainsi que la tolérance qui caractérise dans votre pays, les croyances et les relations entre toutes ces différentes religions qui coexistent ensemble en harmonie. Je voudrais également faire partager aux Sénégalais le fait que ces valeurs-là existent en Grande-Bretagne. Nous avons une société mixte, avec des populations musulmanes et des populations chrétiennes qui vivent en harmonie et qui cherchent la compréhension mutuelle et la tolérance comme celles qui existent ici, au Sénégal.

Peut-on en connaître la raison de votre récente visite au khalife général des mourides ?

Je me suis rendu à Touba pour exprimer mes condoléances attristées au Khalife général, Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké à l’occasion du rappel à Dieu de Serigne Saliou, son illustre devancier. Une occasion également pour raffermir les liens étroits qui existent entre son porte-parole et l’Ambassade britannique que je représente. Je veux renforcer davantage cela. Est-ce qu’à ce niveau-là, le Royaume-Uni est disposé à offrir des bourses de formation à des cadres musulmans dans ses universités ? Nous avons des bourses qui sont destinées aux jeunes Sénégalais, qu’ils soient musulmans ou non. Ce sont des bourses destinées aux jeunes professionnels pour leur permettre d’accéder à une formation de haut niveau. Nous misons aujourd’hui sur les gens qui influencent leur milieu.

Devons-nous comprendre que vous travaillez donc plus aujourd’hui sur le renforcement du leadership ?

Oui. Le British Council met le focus là-dessus. Développer ensemble le leadership et promouvoir ce leadership aussi bien au Sénégal que dans les autres pays d’Afrique. L’année dernière, en novembre, nous avons eu ici une rencontre réunissant les représentants de dix-huit pays africains avec les Britanniques et les Pakistanais. Nous avons échangé en discutant de la nature du leadership, de ses modalités, de ses mécanismes, de ses expressions etc.

Revenons à la célébration du Centenaire de votre résidence : qu’avons-nous au programme ?

Il y aura une petite réunion des Businessmen. Une petite réunion consulaire. Un concert ici avec un pianiste. Après cela nous organiserons une grande réception, le même jour, le 21 février.

Abordons maintenant le volet de l’émigration, l’émigration clandestine surtout si vous le voulez bien. Qu’est ce qui explique que l’Angleterre n’est pas aussi touchée que les autres pays d’Europe, notamment la France et aujourd’hui, l’Espagne ?

 Je pense que c’est peut-être parce que mon pays n’est pas une destination de prédilection pour les jeunes francophones. Il convient de préciser cependant qu’il y a beaucoup de ressortissants des pays d’Afrique de l’Ouest en Grande-Bretagne. La plupart sont de jeunes Sierra Léonais à cause de nos liens historiques et de notre communauté linguistique. Il y a aussi à Londres, une forte communauté gambienne. La lutte contre l’émigration est toutefois très importante pour tous les pays européens et même africains parce qu’il y a des criminels qui contrôlent non seulement les routes entre l’Afrique et l’Europe mais aussi celles de Chine, d’Asie du Sud. Ces criminels qui contrôlent les réseaux de migration clandestine cherchent toujours le profit à tout prix. Il nous faut donc coopérer pour trouver ensemble des solutions à ce défi. Nous ne pouvons pas dire que les problèmes de l’Afrique de l’Ouest dans ce domaine sont seulement et ne regardent que nos amis Français, Espagnols, Italiens. Il nous appartient à nous tous, Européens, de trouver une approche concertée et novatrice à ces problèmes. Nous, nous voulons certes introduire un système un peu plus souple pour l’émigration parce que notre société a besoin des émigrants. Il nous faut montrer néanmoins que notre gouvernement contrôle l’émigration même s’il faut aussi créer un système flexible en mettant en œuvre les moyens parce que nous avons besoin des migrants. Il est difficile certes de trouver un système parfait, nous sommes contraints néanmoins de trouver des solutions concrètes.

EXERGUES

1/ Il n’est pas nécessaire d’avoir une présence tape-à-l’oeil pour avoir des relations fortes

2/ Le rôle qui incombe au Sénégal est de montrer à tous les Africains qu’on peut gérer un pays avec la démocratie

3/ J’ai même l’intention d’aller au-delà des relations entre gouvernements et de susciter si possible des liens directs entre les sociétés musulmanes britanniques et sénégalaises.

4/ Nous cherchons et ne pouvons seulement qu’encourager nos amis du Sénégal à s’entendre, à s’écouter et à se parler



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