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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

CHRONIQUE DE L’IMPROVISTE : Amour à mort !

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CHRONIQUE DE L’IMPROVISTE : Amour à mort !

Chaque peuple a une histoire d’amour fou qui surmonte tous les obstacles, et qui finit généralement par une légende où la morale est sauve ou sauvée. Raconter l’histoire d’une cour assidue. Une histoire d’amour, peut-être, mais sûrement celle d’une passion poursuivie avec ténacité. C’est l’histoire d’un homme qui s’est fait la République, la poursuivant suivant des tours et des détours prenant des coups de pieds et de poings retentissants de ses rivaux, qui ont eu la chance d’accéder au lit de la belle. A chaque coup qu’il encaissait, à chaque rebuffade, il en tirait une leçon et retravaillait systématiquement sa stratégie. Toujours plein d’entrain.

Joli Cœur avait, par son style, son tempérament et aussi par calcul, creusé de profonds clivages, parmi les enfants de la belle qu’il convoitait. On l’adulait ou on l’exécrait, il ne laissait personne apathique. C’était un marchand de passions autant que lui-même est un passionné. D’illusions aussi.

Pendant tout le temps que la belle ne voulait pas de lui, il se posait des questions. Comment et pourquoi lui, incarnation de la démocratie, couvert de diplômes, prestigieux mais secret, introduit dans tous les milieux, surtout financiers, lui qui devait être irremplaçable dans le cœur de cette République, ne faisait à cette dernière aucun effet ? Sa marque à lui, ce qui le distingue du premier comme du deuxième époux, qu’il n’a jamais reconnus comme ses nawlé, ses pairs, c’est cette créativité intellectuelle bouillonnante, une curiosité d’esprit quasi-universelle, une rapidité dans la conception et une assurance dans l’expression. La bien-aimée n’était-elle pas capable de comprendre cela ?

Imaginatif, hâbleur et extraordinaire producteur de légendes, il était peu à peu parvenu à avoir l’oreille de la dame. Elle commençait à tomber sous le charme de ce prétendant qui n’était pas une gravure de mode, mais qui était rempli d’idées. Elle s’oubliait à lui prendre la main. Petit à petit, la belle répondait à son sourire. La stratégie d’encerclement commençait à porter ses fruits. Par deux fois, elle le laissa passer la tête dans l’entrebâillement de la porte de l’appartement privé dont le lit était encore occupé par un autre. Mais la belle le laissait désormais participer à la conversation. Il humait de loin l’encens du pouvoir, les griots ne chantaient que très timidement à son goût ses louanges. Il ne recevait pas de sourires espiègles, ni de rires enjoués des dames de compagnie, des courtisans.

Et puis, le deuxième mari commença à lasser celle qu’il avait eue en héritage, du Père de la Nation. Pour mille raisons, la comparaison avec Joli Cœur fut à l’avantage de ce dernier, malgré ses excès. Tombé amoureux de sa belle quand elle était âgée de 24 ans (Joli Cœur en avait le double), il mit 26 ans à mailler son territoire, élargissait le cercle de ses supporters. Joli Cœur devenait incontournable, avançait à petits pas, aidé en cela par un cartel de souteneurs, qui aujourd’hui ont tellement reçu de coups, qu’ils sont encore dans les cordes. Mais ceci est une autre histoire. De…désamour.

Puis, un jour de mars, la belle et ses enfants cèdent, compatissant sûrement à son statut d’éternel looser. Désormais on chantait ses louanges et lui trouvait du crédit. Certains faisaient déjà des claquettes et quelques amoureux qui venaient d’être supplantés par Joli Coeur commençaient à faire la danse du ventre pour décrocher un maroquin. Un pas en avant, deux pas en arrière, sur un rythme de la danse des canards, d’autres sont devenus littéralement « jolicoeursolubles ».

Parvenu et occupant désormais le lit de l’élue de son cœur, il a semé l’impatience en promettant à tout-va, le changement. Dans la foulée, il change la maison en consulat, s’arroge tous les pouvoirs, mettant à terre tous les symboles qui avaient été érigés, accaparant toute la scène publique. Impressionnés, interloqués, fascinés puis désemparés, frustrés et finalement irrités, beaucoup d’enfants de sa belle devenus des sujets voyeurs, ont ressenti le sentiment bizarre d’une dépossession de leur héritage, puis une inversion des rôles. A force de le voir s’agiter devant eux, ils ont cru comprendre qu’après avoir été élu pour qu’il s’occupe exclusivement d’eux, il donnait la priorité aux problèmes personnels de sa cour, de sa dynastie, de sa galaxie qu’il a amenées avec lui. A son fils, la chair de sa chair, le sang de son sang, il veut épargner coûte que coûte la galère qu’il a lui-même vécue, parce qu’il a compris, que « l’amour c’est comme la rougeole, plus on l’attrape tard, plus le mal est sérieux ».

Il y a huit ans, il était très sur un nuage. Les enfants de sa bien-aimée, qui lui avaient choisi troisième époux l’avaient porté au pinacle. Aujourd’hui beaucoup parmi eux sont dubitatifs. Quand il leur parle, il se comporte en Roi s’adressant à ses manants. Cette alternance singulière n’a pas eu de précédent, chez cette belle de 48 ans. Ses enfants se lassent de l’extrême personnalisation du pouvoir que l’époux a voulu, l’extrême illumination cathodique de son mandat qu’il a organisée et l’extrême imbrication des affaires de l’Etat et celle des affaires privées qu’il a recherchée. Il a crée ainsi, avec les enfants de sa belle, un lien insolite, théâtral mais vulnérable. Maintenant qu’il est arrivé à son but, il n’a plus de faire-valoir ou de repoussoir. Seul au sommet, il n’est plus comparé. Il est jugé. La relativité ne joue plus. On le regarde, on le soupèse, le jauge avec emportement, quelques fois avec outrance. Il fabrique en permanence une « incompréhension » qui le rend incandescent et parfois explosif. Du coup, ses rapports avec « ses enfants d’avance » (doomu jiitlé) sont cyclothymiques.

Depuis lors, il a pris sa bien-aimée et la possède comme personne. Il faut laisser sur son corps, les traces de son passage. La dame soumise, semble être résignée à son sort de butin de guerre, esclave des passions d’un prince obnubilé par la mémoire de ses échecs, à la recherche d’une reconnaissance toujours renouvelée d’une allégeance dont la validation quotidienne servirait d’élixir. Il veut se voir aimé, servi et chanté parce que l’histoire, la petite, lui a appris que la majorité de ses compatriotes suivent le vent pour assouvir leur désir de munificence. Il est le seul être de désir de sa communauté et la dame doit tout lui consacrer : son temps, son rythme, son argent, ses enfants et ses rêves. Et lui se pavane, se dandine comme les grues couronnées qui se promènent dans sa résidence. S’afficher, se faire désirer pour assurer une royauté à nulle autre pareille. Il veut ainsi effacer 40 ans de vie commune partagée entre deux hommes. Ses prédécesseurs. Recommence l’histoire. Mais dans la revanche, cuite et recuite. Posséder la dame, l’enfermer, l’observer, l’admirer, mais toujours la punir pour l’avoir dédaigné, et s’être refusée à lui, pendant un quart de siècle.

Pour ce faire, il se plante devant elle et lui impose le silence et l’écoute. Et il narre ses aventures d’homme prodigue et prodige que le train de l’histoire a failli laisser sur le quai. Il raconte les humiliations, les rires et les moqueries des autres et les invectives tracées alors, sur les murs de la capitale. Il décide alors de manœuvrer pour une éternité familiale qui lui permettrait de rattraper le temps perdu. Il arriverait ainsi, pense-t-il se refaire une nouvelle jeunesse, retrouver de la puissance du chevalier de race, s’étaler de tout son long, sur ce corps longtemps rêvé et maintenant obtenu et qui était devenu souple, flexible et consentant. En ce jour où l’amour est célébré, chacun pourra imaginer, selon son inspiration une fin à cette histoire d’amour. En attendant, à tous les valentines et valentins, que vos amours soient éternelles !



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