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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

CHRONIQUE DE L’IMPROVISTE - « Légitimes » dépenses

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CHRONIQUE DE L’IMPROVISTE - « Légitimes » dépenses

’’Dès que je trouverai les moyens, je prendrai l’attache du président de la République pour les lui exposer et s’il me donne son autorisation, j’irai vers l’achat de l’avion parce qu’encore une fois c’est une nécessité, c’est une question de fierté nationale,(souligné par l’auteur) c’est une question de souveraineté. Des pays qui sont beaucoup moins riches que le nôtre, ont leur avion. Je ne vois pas pourquoi on ne va pas acheter un avion », a dit Monsieur Abdoulaye Diop, ministre de l’Economie et des Finances, peu après l’adoption du budget de son département, par les députés. 

Certains mots sont plus souvent employés plus comme gargarisme publicitaire et populiste que comme outil linguistique désignant une réalité tangible. La fierté, (au sens national du terme), n’est-elle pas avant tout une reconnaissance, une conscience de ce que l’on doit à son pays, à son histoire, et à ceux qui l’ont écrite. La fierté nationale, ce n’est certainement pas l’achat d’un nouvel avion. D’autant plus qu’il y seulement quatre ans, 15 milliards avaient servi à « réparer » la Pointe de Sangomar, qui n’est plus « digne » de Maître. Pour les théoriciens de l’achat d’un avion, c’est une honte que « l’homme le plus diplômé du Caire au Cap » soit « transporté » par ses homologues, dirigeants de pays plus pauvres que le nôtre, et que Maître fasse l’objet de « yekkal » comme un simple usager de clandos entre le rond-point Scoa et « Buntu Pikine ». Un avion vert-jaune-rouge faisant le tour du monde contribuera t-il à rétablir la confiance des Sénégalais dans le fonctionnement de la République dans laquelle ils vivent ?

Dans l’inventaire de l’épopée de l’Alternance, le chapitre « fierté » prend la forme d’une planche à billets qui débite des milliards depuis presque huit ans. Ces milliards, utilisés, selon les « légitimes » dépenses de Maître, selon ses humeurs, ses envies du moment, ses projets virtuels, quels que soient par ailleurs le contenu et la qualité des dossiers, ont fini par dessiner une ligne de partage quadrillant une société sénégalaise qui enfante doucement une dynastie et une galaxie minées par un individualisme des jouissances. Un mur s’est dressé entre ce qui est devenue l’élite du 19 mars 200 et les populations, entre un Sénégal officiel, qui se pique de ce noble sentiment, et un pays des marges, renvoyé dans l’ignoble et qui puise dans le déni opposé à ses difficultés d’existence, l’aliment de son coup de sang de la semaine dernière.

Parmi ceux qui se hâtaient pour aller à l’Alternance et à la démocratie, il doit y en avoir qui se mordent les doigts à se les amputer, et gardent des moignons. Ils croyaient que l’Etat de droit et ses exigences institutionnelles supposaient la fin des privilèges matériels et autres avantages financiers. Ils constatent aujourd’hui que l’avènement de la République de l’Alternance n’est pas automatiquement synonyme de bonne gouvernance et d’austérité. Pas pour tout le monde, en tout cas. Seul véritable changement, de nouveaux et très nombreux chapitres dans le budget national. Beaucoup sont loin d’être les exemples que l’on espérait, en particulier pour s’être laissés dévoyer par le caractère sonnant et trébuchant de leur fierté.

Si les hommes déçoivent, les systèmes pourraient aussi être remis en cause. De par leurs coûts, ils constituent parfois leurs propres prédateurs. L’ensemble du fonctionnement institutionnel républicain, avec ses lourdeurs et ses flous, fait parfois douter de la supériorité qualitative de l’Etat de droit sur l’Etat d’exception qui est chez nous, celui de la »fierté nationale », née subitement avec des dépenses de prestige aussi coûteuses qu’inutiles . Seule certitude aujourd’hui, la démocratie coûte cher. Amer constat. A tous les étages de l’armature institutionnelle « démocratique », il y a souvent de l’eau dans le gaz, avec toujours des factures très onéreuses.

Alors que courent les dépenses de prestige qui couvrent un orgueil mal placé, dans tous les domaines de l’Etat, par petites touches, qui à l’arrivée font un trou immense dans le budget, la garantie, et plus encore peut-être l’existence même des droits constitutionnels sont remises en cause : droit à l’éducation, droit de grève, droit aux services de santé, droit de manger à sa faim.

Tous les droits ont été touchés. Plus ou moins profondément, mais tous l’ont été de sorte que se dessine un projet global, non visible quand on prend chaque mesure individuellement mais éclatant quand on les relie les unes aux autres : l’établissement d’une caste de « fiers de servir Maître et mettre en pratique sa vision éclairée », qui se méfie des citoyens au point de leur retirer progressivement les droits qui les font devenir, précisément, citoyens. Une caste qui préfère les « gens » aux citoyens.

Rétrécie dans ses libertés, la société sénégalaise est aussi tout entière résorbée dans la personne du Président, qui fait revivre une vieille et funeste formule : « L’État, c’est moi ! », sous-entendu, « les caisses de l’Etat c’est aussi moi ». La politique étrangère, c’est lui et son avion, la politique économique, c’est la Wade formula, les finances, c’est son fils, Karim W. Le reste, c’est un gouvernement transparent et un Parlement absent. A cette confusion des pouvoirs d’État, s’ajoute la confusion au profit de Maître des pouvoirs de liant entre Mugabé-Brown. On sait ce qu’il en est advenu.

Huit ans de pouvoir, autant de temps de régression démocratique et de progression en valeurs absolue et relative des dépenses contenues dans la ligne budgétaire : « fierté nationale » . Les droits des citoyens et la séparation des pouvoirs sont avalés gloutonnement par un Président boulimique. Ce qui révèle sans doute des troubles de la personnalité du chef mais qui, surtout, ouvre à terme sur une situation conflictuelle grave : l’histoire politique en général montre que toute période de confusion et d’exercice personnel des pouvoirs se termine généralement dans la douleur. Car, pour justifier cette absorption de la société et des pouvoirs dans le corps du roi, il ne suffit pas de dire et de répéter que Maître a le droit de défaire les cordons de la bourse nationale, comme bon lui semble, du seul fait de sa « brillante réélection, dès le premier tour, du 25 février 2007 ».

Si les hommes et les femmes qui l’accompagnent portent sur leurs épaules l’intimidant poids de la destinée de plusieurs millions de personnes, leurs charges sont compensées par divers avantages qui magnifient la fonction : émoluments consistants, "caisses noires" discrétionnaires qui font d’eux, des « fiers ostentatoires ». Leur fierté se limite alors dans une montre de luxe, une écharpe, une cravate, qui pendouille, une voiture tout-terrain, parce que leur fierté doit être vue. Cela dégage une vulgarité certaine et prouve un matérialisme absolu.. A vrai dire notre dispositif officiel se révèle inefficace à installer une réelle démocratie, agissant comme un cautère sur une jambe de bois, avec le seul "avantage" de créer des gouffres financiers.

L’empressement et le plaisir jouissif avec lequel les députés pratiquent leur propre mutilation se passe de commentaire. Leur entretien coûte plusieurs milliards de francs Cfa par an au Trésor public, alors que les " avis " qu’ils émettent sur les projets de lois n’ont aucune incidence sur le contenu définitif de ceux-ci. Dans une pseudo démocratie, Maître, déjà très fortement protégé lui-même par les clés du coffre-fort national, anime un trompe-l’oeil démocratique, une chambre d’enregistrement à ses ordres. Le nomadisme politique, les retournements de veste, la course aux divers privilèges dans les rouages des institutions ont achevé de convaincre le Sénégalais lambda de la nécessité d’être pragmatique, et…."concret".

L’Alternance, est autant autiste qu’incompréhensible. En distribuant des avantages et des prébendes. En jouant des crédits publics et des passe-droits gouvernementaux. En faisant passer des intentions pour des réalités, des promesses pour des décisions. Les objectifs fixés tournent comme une toupie de non-sens, actionnée par de véritables « ouvriers » de la démocratie. .

Pauvre pays, contraint à subir encore un Etat présomptueux, dispendieux mais fier qui, sous caution de milliards, poursuit son travail de sape à l’encontre des plus démunis, creusant le fossé social qui finira par devenir le trou de son tombeau. La fierté demeure une arme noble mais elle peut aussi s’avérer aussi tranchante qu’un poignard. Si seulement nos dirigeants savaient s’en servir dans les vrais champs de bataille !



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