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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

Chronique de l'improviste - Noces de coquelicot

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Chronique de l'improviste - Noces de coquelicot

L’anniversaire d’une alternance politique doit être l’occasion d’un rituel renouvelé chaque année. « Huit ans déjà ! » diront certains avec nostalgie, en se souvenant à l’occasion de ces noces de coquelicots, les photos ou le film de cette journée qui occupa leurs pensées et leurs temps pendant de longs mois. Le coquelicot pousse dans les champs. Ses fleurs rouges sont utilisées pour leurs propriétés calmantes. Ses graines de pavot, servent à fabriquer de l’opium. Un bouquet de petites fleurs rouges pour fêter un compagnonnage romantique ? Sûrement non ? Car la majorité des Sénégalais ne se contenteront pas d’un bouquet extravagant dans sa couleur, mais aussi éphémère dans sa durée de vie. Pas question de se contenter d’un bouquet pour dire « joyeux anniversaire Alternance » ! C’est plutôt l’alerte rouge. Un rouge ardent et vif, car pour ses huit ans, les feux de l’Alternance sont au rouge passion.

Maître et ses hommes, jusque là, habitués à voir leurs souhaits, leurs désirs, leurs fantasmes exécutés au doigt et à l’œil, constatent avec étonnement, et certainement beaucoup d’amertume, que les temps ne sont plus les mêmes et que les vents semblent prendre des directions non désirées. Leurs ordres ne sont plus pris en considération et leurs menaces n’ont plus les mêmes effets. Les commerçants et les marchands ambulants en sont une parfaite illustration.

Ce 8ème anniversaire de l’Alternance est sûrement un moment particulier des Sénégalais. Il doit l’être tout autant dans la vie de Maître. Maître, celui qui a gravi, grâce à la courte échelle d’un groupe de souteneurs convaincus que l’ère des Socialistes était révolue, les marches du pouvoir, aborde un épisode inédit d’une présidence pas comme les autres. Il est loin cet épisode d’un quart de siècle pour devenir chef de l’Etat, et cet un instant pour être président. Pas de yo-yo, mais des séquences. Si l’état de grâce consécutif à son élection fait partie des classiques du genre, la suite semble inédite pour lui. Pour la première fois depuis qu’il est un homme politique de « premier plan », il commence à découvrir l’impopularité. Jusqu’à quel point ?

Désordre politique, morosité économique, critiques sur son style, rivalités dans son parti, aujourd’hui, plus qu’hier, et certainement bien moins que demain, huit années après son élection triomphale, Maître n’est plus aujourd’hui à la hauteur des espoirs qu’il a suscités. Le voici soudain impopulaire. Du sommet de l’Etat à la majorité, le doute gagne du terrain.

Contrairement à son prédécesseur, Maître était tout de suite apparu, à beaucoup, à la hauteur de la fonction. Aujourd’hui « fait-il vraiment président ? » est devenu une rengaine. « Fait-il président », cet homme que les Sénégalais avaient élu et ne l’attendaient assurément pas dans le rôle de machine à promesses ? Après l’atonie de la fin du règne de Abdou Diouf, la fonction présidentielle nécessitait sans aucun doute d’être désacralisée, mais la voilà qui est banalisée. L’opposant et plusieurs fois candidat malheureux Wade avait fondé tous ses discours sur le mérite, mais voilà qu’il s’affiche aujourd’hui avec ceux qui incarnent la tortuosité, l’ambigüité, et la réussite facile de préférence. Les uns profitent de la situation et tirent les ficelles, les autres, peu considérés, méprisés, manipulés, souvent amnésiques, choisissent hélas la collaboration. Aujourd’hui plus que jamais, nous sommes dans le régime, non de l’Alternance que nous avions voulu de toutes nos forces, mais dans des faux semblants, du non-dit, de la contradiction et du mensonge sans vergogne. L’alternance est devenue le cimetière d’espoirs volatilisés, d’efforts sincères pour une nouvelle classe de parvenus.

A chaque sortie de Maître, à chacune de ses déclarations ou acte posé, on constate qu’il a fait du pouvoir, à la fois un Graal, une drogue et une arène.

A aucun moment, bien que les signes d’avertissement se multiplient, il ne prend en compte les arguments de ceux qui mettent en garde. Cédant à un réflexe rare chez lui (c’est bien la seule continuité qu’on lui reconnaisse), Maitre persiste, s’entête contre l’évidence, et épisodiquement utilise le bras de quelqu’un pour hisser son drapeau au mât d’un navire qui fait eau de toute part. Son obsession éclaire jusqu’à certaines errances et impatiences qui mettent au premier plan son fils flamboyant apprenti-organisateur de conférence, flambeur puis flambé (puisque lui-même dit qu’il est désormais chômeur, mais avec le sourire), dont les rêves et les talents se fracassent sur les récifs du réel.

Que reste t-il de la victoire triomphale du 19 mars 2000 ? De l’inoubliable prestation de serment du 1er avril 2000 ? Du nouveau style des premiers jours ? Du ronronnement d’aise de tout un peuple qui avait changé un système cinquantenaire ? Du ralliement empressé de vieilles gloires « socialistes » ? De l’enthousiasme de la presse ? De cette période où les critiques plutôt solitaires de quelques observateurs de la scène politique étaient accueillies avec agacement par un : « laissez-le travailler » ? De la divine surprise du monde entier ?

A t-on encore besoin d’égrener une fois les étapes de la dérive, l’affichage du luxe et l’accaparement glouton de tous les insignes et signes de la puissance, l’insouciance à l’égard de l’intendance, le racolage des croyants de toute farine, l’abaissement des institutions, devenues cul-de-jatte : plus de tête, plus de bras, plus de jambes. Une langue seulement

La mauvaise humeur qui monte se résume ainsi : « décidément, nous nous sommes trompés, ce n’est pas un président ». Non pas « sa politique est mauvaise » mais bien pis : « ce n’est pas un président ». Trop capricieux, trop imprévisible, trop narcissique, et dont tout altère l’égo. Ce n’est plus une politique qui est jugée, c’est une personne. Le commentaire politique, tourne à la caractérologie, à la psychanalyse. Ce commentaire porte sur un homme dont l’unique véritable sujet de préoccupation est lui-même, sa propre saga et sa quête obsessionnelle du pouvoir. L’histoire qui le fascine, c’est la sienne. De l’humanité, il ne retient que sa part ; son ascension, à quoi se réduit son seul idéal, a débouché sur l’arrivée au sommet qui a constitué son seul et unique rêve. Il ne lit qu’un livre, celui dont son ambition constitue la trame. Maître il suffit de l’écouter. De quoi parle-t-il ? De lui. Toujours. Compulsivement. Que raconte-t-il ? Lui ! Qui prend-il comme témoin ? Lui ! Qui donne-t-il en exemple ? Lui ! Jamais hors « je ». Ce « je » qui, à l’entendre, est forcément « le seul qui », « le premier à », « l’unique capable de », « le meilleur pour ». Aucune ouverture sur une autre perspective que celle dont il dessine l’horizon, sur un autre monde que celui dont il occupe le centre. Cet égo, à l’évidence, entretient chez lui cette hargne de conquête, de contrôle, cette boulimie de pouvoir exclusif, le conduit à s’échiner à vouloir éradiquer toutes les concurrences potentielles et à neutraliser, à étouffer contestations et critiques. Il suffit, d’ailleurs, de l’écouter, mais aussi de le regarder « être » et « faire ». C’est la raison pour laquelle la presse (qui n’est pas exempte de fautes) en prend plus que souvent pour son grade. Mais c’est connu, comme dit Jean Pierre Elkabbach : « Quand un pouvoir est usé et malade, il se lamente en reprochant à la presse sa partialité et sa malveillance ». Jamais Maître ne se résout à n’être qu’un membre, fût-ce le premier, d’un collectif. Il doit être forcément l’unique, le soleil autour duquel tout doit tourner. Prompt à interdire, il ne sait pas s’interdire. Quelque chose en lui, d’irrépressible, toujours, l’entraîne au-delà. Comme pour confirmer la nature singulière des relations de Maître avec tout le monde : jamais médianes, toujours dans l’extrême.

Y aurait-il donc une dichotomie entre le caractère de Maitre et son rapport à la démocratie ? La critique équivaut à une déclaration de guerre qui ne peut se terminer que par la reddition, l’achat ou la mort de l’ « adversaire ». D’où sa prédilection pour un entourage de groupies en appétit de considération, de porte-serviettes et de porte-flingues, de ministres de ses états d’âme de personnages troubles encombrés de casseroles et de transfuges. Avec eux, peu de risques ! Un argument ne passe pas ? On y renonce. Un mot fait tilt ? On le répète à satiété. A les entendre, Maître est tellement fort, qu’il est plus fort que lui.

Ne dites pas : ce n’est rien, ce n’est qu’un président qui se noie. Nous voyons bien, que jour après jour, que la descente aux abîmes huit ans après une très belle victoire, affecte l’ensemble du système politique sénégalais et même la vie de la plupart d’entre nous. Un climat délétère s’est abattu sur le pays et sur la Cour. La question que nous posons est comment et quand cela va-t-il finir ? Les peuples ont besoin que leurs chefs leur renvoient une image honorable d’eux-mêmes. Pour rappel historique, le jour où Khroutchev, à l’Onu se déchaussa et frappa la table de sa chaussure, cet homme tomba définitivement du cœur des Soviétiques.



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