CRISE ENERGETIQUE - La facture pétrolière étouffe le Sénégal : Wade appelle au secours

Pour un pays pauvre très endetté, la facture pétrolière du Sénégal ne peut manquer d’avoir des conséquences. Au moment où le Président Wade réunit à Dakar d’autres dirigeants de pays africains non producteurs de pétrole, des chiffres indiquent comment le coût de l’énergie risque de remettre en cause le développement du Sénégal.

C’est la Senelec qui l’a dit en premier, il y a quelques mois, presque dans l’indifférence générale. La Société nationale d’énergie électrique indiquait, chiffres à l’appui, que les montants qu’elle était contrainte de payer pour s’approvisionner en énergie consommaient tous les bénéfices que son activité dégageait. Mais aujourd’hui, avec les difficultés de la Société africaine de raffinage (Sar), c’est l’activité économique du pays qui tourne au ralenti. Les explications officielles sont que la facture pétrolière du Sénégal devient, de jour en jour, un fardeau très difficile à porter. Le ministre de l’Energie et des Mines la chiffre à 320 milliards de francs Cfa, et les données officielles de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ands), pour le commerce extérieur en 2005, précisent : «Les importations de produits pétroliers, en progression continue, ont atteint 326,6 milliards en 2005, contre 278 milliards en 2004, soit une hausse de 17,3%.» Il faudrait noter toutefois, que le ministère de l’Energie et des mines indique que, pour l’année dernière, la facture de pétrole du Sénégal s’est élevée à plus de 425 milliards de francs, et pour le premier trimestre de cette année, elle a avoisiné les 100 milliards. Tout cela a entraîné, depuis 2002, un surcout de plus de 367 milliards de francs Cfa. Rappelons que, pour le gaz butane, l’Etat prend à sa charge une bonne partie de la facture de consommation, du fait de la subvention. Il n’en reste pas moins que cette facture sur les produits pétroliers représente, pour un budget d’environ 1 300 milliards de francs Cfa, un peu plus du quart de la dépense publique nationale. Tout le monde se demande pendant combien de temps le pays peut continuer sur ce rythme. Ce matin, le président de la République va retrouver certains de ses pairs, dans une conférence des pays africains non producteurs de pétrole. Ils vont discuter des moyens à mettre en œuvre pour atténuer les effets pervers de la hausse continue des cours du pétrole sur l’économie des pays pauvres non producteurs. Le Président Wade n’aura certainement pas de difficultés à convaincre ses pairs de la nécessité d’une certaine forme de solidarité entre les pays africains producteurs, et ceux qui, comme le Sénégal, ne sont que consommateurs. Car ici, ce sont tous les programmes de développement, et tous les projets de lutte contre la pauvreté qui sont remis en cause par la hausse des cours du brut. D’ailleurs, dans une note du ministre de l’Energie et des Mines, adressée au chef de l’Etat, Me Madické Niang signale que «le choc pétrolier introduit un biais important dans l’allocation des ressources publiques, et une inversion des tendances observées jusqu’ici dans l’utilisation de l’aide budgétaire. En effet, l’analyse comparée du flux de l’énergie (hydrocarbures et électricités) à des niveaux soutenables par les populations (entreprises et ménages) montre une tendance défavorable et un amoindrissement progressif des marges budgétaires issues de l’aide budgétaire». Me Niang ajoute que si la tendance actuelle de hausse de prix du baril perdure, «il faut craindre une réduction considérable des marges budgétaires, marquée notamment par l’absence d’impact des annulations de dette sur les dépenses sociales (hors subventions) et l’allocation de ressources budgétaires propres à la couverture des effets du choc pétrolier». Et le ministre d’émettre cette terrible conclusion : «Dans ces conditions, la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (Omd) pourrait être compromise.» [email protected]