Si le candidat de la coalition Sopi 2007, le président de la République sortant, Me Abdoulaye Wade, a été le grand vainqueur de l’élection présidentielle de dimanche dernier, ce scrutin aura également fait de grands perdants. Des perdants dont certains vont sans doute devoir prendre leur retraite politique. Le plus grand de ces perdants, c’est sans doute M. Moustapha Niasse.
Source : Le Témoin
Avec environ 5 % des suffrages exprimés, après avoir culminé à 17 % en 2000 et joué le rôle de faiseur de roi, l’ancien premier Premier ministre de l’Alternance et leader de l’Alliance des Forces de Progrès (Afp) aura sans doute compris que l’heure est venue pour lui, sinon de mettre fin à ses activités politiques, du moins de renoncer à toute ambition présidentielle. Surtout que l’élection présidentielle du dimanche 25 février dernier était sans doute la dernière à laquelle pouvaient espérer participer les senghoristes historiques de sa trempe. Aux affaires depuis la fin des années 60, Moustapha Niasse a eu une longévité politique exceptionnelle. Il jouait son va-tout cette année et la chance ne lui a pas souri puisque les Sénégalais se sont détournés massivement de lui. Il est vrai aussi que son parti avait subi une saignée sans précédent orchestrée sans nul doute par le parti au pouvoir, qui avait vu des dizaines de cadres de grande valeur, dont d’anciens ministres socialistes, mais aussi des députés en activité, des responsables de fédérations etc., claquer la porte. Aux élections législatives de 2001, déjà, l’Alliance des Forces de Progrès avait été dépassée en voix par le Parti socialiste (Ps) qui était alors dans le creux de la vague après avoir subi un débauchage sans précédent dans toute l’histoire politique moderne du Sénégal. Et l’un des bénéficiaires de cette saignée, justement, c’était l’Alliance des Forces de progrès (Afp), du moins lorsque ce parti était au pouvoir et que son chef était le Premier ministre du Sénégal. À l’époque, par centaines, des cadres et des opérateurs économiques désireux d’accéder à des responsabilités étatiques ou de gagner des marchés publics, avaient adhéré au parti de M. Moustapha Niasse. Dès que ce dernier et ses ministres avaient été exclus du gouvernement, ces cadres et hommes d’affaires étaient allés voir ailleurs, notamment au Parti démocratique sénégalais (Pds). Il s’y ajoute que M. Moustapha Niasse lui-même était rarement présent sur le territoire national, très pris qu’il était par les nombreuses missions qu’il effectuait notamment pour le compte de l’Organisation des Nations Unies (Onu). Enfin, sa position équivoque par rapport au régime du président Abdoulaye Wade, notamment à l’occasion du fameux « appel de la Korité » où il avait été très vague sur le perron de la présidence, l’avait discrédité aux yeux de bon nombre de nos compatriotes. Surtout à la suite des révélations faites quelques jours plus tard par le ministre directeur de cabinet du président Wade selon lequel Niasse négociait secrètement avec le pouvoir. Tous ces éléments ajoutés à sa longévité politique exceptionnelle — il est sur le devant de la scène politique depuis près de 40 ans —, ont contribué au mauvais score électoral de M. Niasse. Lequel va devoir quitter la scène politique au moment où ses plus grands rivaux, pour ne pas dire ses pires ennemis, sauvent l’opposition sénégalaise de l’hécatombe et vont constituer les piliers autour desquels la résistance au régime de Wade II va devoir s’organiser.
L’autre grand perdant, c’est M. Robert Sagna, le maire de Ziguinchor, qui s’était présenté à l’élection présidentielle sous l’étiquette « And défarat Sénégal ». Lui aussi est un survivant de l’ère senghorienne. Dinosaure de la vie politique locale, ministre à la longévité exceptionnelle, baron du Parti socialiste, M. Sagna, qui avait brigué en vain l’investiture de cette même formation politique, avait fini par faire dissidence. Il s’était présenté à l’élection présidentielle en candidat indépendant. Dans un article que j’avais écrit en novembre dernier, au moment où, poussé par un quarteron de vieillards aigris du Ps, il tentait de se faire investir, je prédisais qu’il allait ramasser une gamelle s’il se présentait. Les faits m’ont donné raison. Avec 2 % à peine des suffrages exprimés, battu en Casamance et jusque dans sa bonne vieille ville de Ziguinchor, M. Sagna a vu ces élections le ramener à son exacte mesure, celle d’un responsable provincial de parti. N’ayant obtenu un bon score que dans la région de Ziguinchor, l’ancien ministre de l’Agriculture sait qu’il n’a pas l’étoffe d’un leader d’envergure nationale. Il entraîne dans sa chute d’autres responsables socialistes aigris et à courte vue comme les anciens ministres Souty Touré, actuel maire de Tambacounda, Moustapha Kâ, maire de Passy, Abdoulaye Makhtar Diop (qui a désespérément tourné autour du Pds avant de se rallier à lui), le marabout et député Amath Cissé etc. Avec ce très mauvais score, « Robert » qui n’est plus très jeune devra sans doute faire son deuil du poste de Premier ministre qu’il rêvait d’occuper en cas de soutien au candidat Abdoulaye Wade dans un éventuel second tour.
Le troisième grand perdant, c’est M. Landing Savané, le leader du parti ex-maoïste Aj/Pads (And Jëf/Pads Parti africain pour la démocratie et le socialisme). De tous les partis de gauche qui avaient soutenu le candidat Abdoulaye Wade lors de l’élection présidentielle de 2000, Aj aura été le seul qui aura cheminé avec le Prophète du Sopi pendant toute la durée de son septennat. Alors que ses rivaux comme le Parti de l’Indépendance et du Travail (Pit) et la Ld/Mpt (Ligue démocratique/Mouvement pour le Parti du Travail) claquaient la porte ou se faisaient défénestrer, M. Landing Savané, lui, s’était accroché, passant son temps à avaler des couleuvres. L’évidente mauvaise gouvernance du régime libéral, les scandales, les politiques anti-sociales, le renchérissement des denrées de première nécessité… rien n’avait pu pousser M. Savané et ses camarades à démissionner. Même pour se présenter à la présidentielle contre le candidat Abdoulaye Wade, M. Savané n’a pas voulu rendre le tablier de ses responsabilités gouvernementales. Cette docilité a naturellement été récompensée par l’augmentation du nombre de portefeuilles ministériels attribués à Aj, des présidences de conseil d’administration et des directions générales de sociétés nationales. Toutefois, il apparaissait aux yeux du peuple de gauche que le camarade Landing Savané et ses petits copains du Bp s’étaient bien embourgeoisés. Pour l’ancien « coco de Gibraltar », comme l’avaient surnommé les confrères du « Cafard libéré », l’heure de la retraite a sans doute sonné. Il se consolera en se disant que pour l’autre adversaire honni également, l’affreux représentant du « social-impérialisme » soviétique, M. Amath Dansokho, le moment est venu de faire ses adieux à la politique. Avec 3 % des suffrages exprimés lors de la présidentielle de dimanche dernier, le Pr Abdoulaye Bathily également devrait songer à se chercher un remplaçant à la tête de la Ld/Mpt…
0 Commentaires
Participer à la Discussion