Les comptes financiers de l’Anoci indisposent et ne convainquent personne, l’essence est introuvable pour les automobilistes, l’Etat se désengage de la défense du pouvoir d’achat des consommateurs, les paysans demandent et n’obtiennent pas les vivres de soudure et le Fonds monétaire international est dans une dynamique de vérité face aux turpitudes de la gestion financière et économique de l’Etat. C’en est, visiblement, assez pour que des âmes tordues essaient, avec toute l’impertinence du monde, d’orienter les Sénégalais vers un complot venu d’ailleurs. Pour mieux passer à d’autres étapes politiques d’envergure.
Lorsqu’elle sert de réceptacle à de piteuses manipulations destinées à détourner les regards que l’opinion publique fixe sur l’«Essentiel» dans notre pays, la presse se fait piéger par des «sources» dont on se rend compte au final qu’elles contribuent à saper sa crédibilité. Il est dommage que des bobards distillés dans la corporation au sujet d’un «complot» visant le Sénégal à partir de la Côte d’Ivoire aient trouvé place dans certaines colonnes, alors même que ce sont incontestablement la gouvernance politique et les orientations morales du Président Abdoulaye Wade qui mettent en péril la stabilité du Sénégal. Quand des politiciens, ayant acquis depuis longtemps la réputation d’être de vrais tordus et d’irresponsables, montent au créneau médiatique pour relayer des inepties, il est important que les journalistes leur fassent la leçon. Il est intolérable qu’ils s’en sortent sans coup férir.
Dans ce pays, il y a des urgences, mais alors de vraies, pour que l’opinion ne soit pas embarquée dans des élucubrations qui n’ont aucune sorte d’intérêt pour elle, même pas pour sa sécurité. La sécurité de notre pays, aujourd’hui, c’est de faire en sorte que les dérives politiques orchestrées par Me Wade, les tensions sociales, l’appauvrissement à grande vitesse des couches sociales, la déstabilisation ininterrompue du système éducatif et les ambitions politiques dangereuses d’une nouvelle catégorie sociale au-dessus des lois et des conventions, ne mettent le Sénégal à feu et à sang. C’est donc au niveau interne que se jouent l’immédiat et l’avenir de ce pays. Pas ailleurs, jusqu’à ce que des présomptions sérieuses en relation avec un «ennemi extérieur» nous convainquent d’un vrai complot.
Aujourd’hui, la présentation médiatique précipitée des comptes financiers autour du sommet de l’Organisation de la conférence islamique a ému une bonne frange de l’opinion. Le «bilan» présenté par le secrétaire exécutif de l’Anoci, Abdoulaye Baldé, décliné urbi et orbi à grande échelle et sans contradiction, «approuvé» en amont et en dernier ressort par le président de la République, fait l’actualité parce qu’il pose vraiment problème. Il suggère une vraie présomption d’insincérité, pour dire le moins. Des secteurs importants de la classe politique, de la société civile, des médias demandent une authentification des comptes financiers de l’Agence par les services compétents de l’Etat, dégagés de toute pression hiérarchique au moment où le pouvoir politique cherche visiblement à verrouiller. Quel complot inventer alors pour détourner les regards des Sénégalais sur la réalité sociale de notre pays ?
AVEU D’INCOMPETENCE
La hausse des prix était devenue intenable dans tous les secteurs de la consommation. Après l’aveu flagrant d’incompétence et d’inaptitude du ministre du Commerce, les consommateurs doivent logiquement s’attendre à des lendemains encore plus durs que ceux vécus jusqu’ici. Une politique de rigueur comparable à un ajustement structurel formalisé avec les bailleurs de fonds n’est pas à écarter. Pour la première fois depuis l’an 2000, le gouvernement dit publiquement sa volonté de libéraliser le marché. C’est un acte de désengagement politique d’une extrême gravité qui postule l’abandon du principe de la défense du pouvoir d’achat des populations aux lois inflationnistes des commerçants. Alors que c’est Me Wade lui-même avait promis fermement une baisse des prix pour le mois de janvier (deux mois derrière nous maintenant !), pourquoi pas inventer un complot pour faire le black-out sur cela ?
Depuis plusieurs jours, ce que l’Association des ressortissants français avait annoncé en cercle restreint s’est vérifié sur le terrain. Il n’y a plus d’essence «Super» dans les cuves. Des automobilistes désorientés en cherchent partout sans en trouver, comme les paysans en partie victimes de la déstructuration de l’ex-filière arachidière cherchent dignement des vivres de soudure en vain, eux aussi. A ces affres, le complot ivoirien vient en appoint pour nous en éloigner intellectuellement. Le pouvoir n’essaie même pas de faire original dans le choix des entourloupes destinées à amuser la galerie ! Il est occupé à dérouler des manœuvres politiciennes de grande envergure dans une société comme tétanisée par l’ampleur des tâches à accomplir.
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