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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

[ Contribution ] DE LA MONARCHISATION DE LA DEMOCRATIE

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[ Contribution ] DE LA MONARCHISATION DE LA DEMOCRATIE

Il me semble de prime abord important de définir les concepts qui sous-tendent ma réflexion sous l’angle de ce paradigme d’opposition démocratie/ monarchie.

Dans son acception la plus simple et la plus concise, la monarchie peut être définie comme un régime politique dans lequel le chef de l’Etat est un monarque, un roi1. Par analogie, sa fille illégitime qu’elle ne reconnaît pas et que le monde, sous un beau jour, appelle démocratie peut être définie comme un ensemble de principes philosophiques et politiques dans lequel un groupe social reconnu comme tel organise son fonctionnement par des règles établies, élaborées, ordonnées, décidées, mises en application et surveillées par l’ensemble des membres de ce groupe social sans privilèges ni d’exclusions.

Si notre actualité se penche, aujourd’hui, sur la démocratie, la liberté d’expression, l’Etat de droit, l’égalité devant la loi, bref, c’est parce que ces concepts constituent l’apanage de tout peuple épris de liberté, de justice et de développement. A l’échelle mondiale, le processus de démocratisation varie selon les régimes ou selon les systèmes politiques, mais aussi en fonction des hommes au pouvoir et de l’attitude de ceux qui sont gouvernés ou soumis. C’est d’ailleurs sous cet angle que l’on peut qualifier certains pays de « démocratie mature », d’autres de « démocratie fœtale », d’aucuns de « démocratie embryonnaire ». Entre la monarchie et la démocratie, il peut exister des liens très étroits si la mère « monarchie » reconnaît sa fille « démocratie » et l’accepte comme une volonté populaire. Dans ce cas de figure, on parlera de « démocratisation de la monarchie ». C’est l’exemple des Royaumes unis, de la Hollande, de l’Espagne, de la Belgique, et j’en passe. En revanche la « monarchisation de la démocratie » s’applique dans un Etat reconnu comme démocratique et dans lequel le Président use de tous les stratagèmes dignes d’un schéma monarchique pour régler ses comptes voire évoquer par la magie du verbe et invoquer les dieux que l’issue du pays dépend de lui, et de lui tout seul uniquement.

Au Sénégal, si nous estimions que le processus de la démocratie avait été interrompu au soir du 19 mars 2000, c’est parce que d’aucuns pensaient que la démocratie avait atteint son summum. Cependant, nous avions, aussi, oublié de dire que quand on atteint le summum, la seule alternative qui peut s’offrir à nous, c’est d’y rester ou de chuter. Pour notre analyse, la dernière option de notre alternative peut bien s’appliquer à ce régime d’alternance bis. Nous, Sénégalais, étions partis trop tôt en besogne, oubliant que la démocratie est un processus dynamique en perpétuel sursis. Nous avions dormi sur nos lauriers et avions malencontreusement participé à la « monarchisation de la démocratie». Comment en est-on arrivé là ?

Au sortir des élections présidentielles du 19 mars 2000, quand il s’est agi de la formation du gouvernement, le peuple avait plébiscité Moustapha Niass comme le légitime locataire de la primature. Filant le parfait amour avec le peuple, le Président nomma Niass premier ministre. Ce dernier dévolu à sa mission forma son gouvernement et ce fut le commencement de l’implication totale du peuple dans la nomination des ministres. Des régions, qui ne sont pas représentées par un des leurs, commencèrent à crier à hue et à dia comme si dans la constitution il y avait une prescription sur le droit à la représentativité de toutes les régions dans l’attelage gouvernemental. C’est là, sans s’en rendre compte que le peuple est tombé dans le piège du maître du jeu, c’est-à-dire, transformer le Sénégal en royaume comme le fut jadis le Djolof, le Walo, etc., avec comme objectif final une politique de redéfinition des régions. Là encore ce sont les lunes de miel entre le Président et le peuple, ce qui s’ensuit est digne un feuilleton à l’eau de rose. Le président accepta que toutes les régions soient représentées au sein du gouvernement. On oublie que l’on n’est pas ministre d’une région mais ministre d’une république qui s’appelle le Sénégal comme le disait souvent le ministre Landing Sané à qui on reprochait de n’avoir rien fait en Casamance alors qu’il était ministre de l’équipement et des infrastructures sous Abdou Diouf. On a voulu dès le lendemain des élections nous faire croire que le gouvernement serait parfait, serait à l’image de son peuple et que des hommes politiques à moralité douteuse et ceux qui ont incarné « une certaine tortuosité politique » n’y figureraient pas. Le parfait n’existe que dans les verbes. C’est en ce moment là que le populisme fait irruption dans le discours des politiques. Nous étions tous contents que l’on caresse dans le sens des poils. Après les lunes de miel vient la période des compromis qui nous ont conduit inéluctablement vers des compromissions : la dissolution de l’assemblée nationale, du sénat, du ces, la rédaction d’une nouvelle constitution au relent d’un testament, la création craes, la résurrection du senat et tant d’autres organismes qui nous gangrènent le pays.

Avec la victoire de l’opposition les relations Etat/ collectivités locales seront désormais du « je t’aime, moi non plus » : un véritable désaveu pour le président et les ministres. En quête de voix, on passe de la sollicitude au chantage, pour vous dire que rien n’est jamais acquis. Même l’art de la pommade a échoué de manière lamentable. S’agit-il d’une réponse adressée au gouvernement sur ses méthodes de dotation de fonds basée sur les contingences de l’heure et du copinage ou plutôt d’un ras- le - bol général exprimé par le peuple.

Neuf ans après, je l’espère au fond de moi que le peuple saura s’en tenir à ce qui lui revient de droit. Nous sommes les garde-fous de la démocratie, ne nous laissons guère emporter par des discours populistes. J’ose croire que le printemps  favorisera la germination de nouvelles façons de faire la politique au Sénégal. 

Pape Aliou DIEME, doctorant à l’université de Limoges. 



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