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Politique

[Focus] Déclaration de patrimoine : La loi des récalcitrants

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[Focus] Déclaration de patrimoine : La loi des récalcitrants
Le président de la République, Macky Sall, a donné, en Conseil des ministres d’hier, un ultimatum à ces derniers pour faire leur déclaration de patrimoine avant fin aout 2020. Une sortie faite, quelque 48h seulement après la publication des rapports incendiaires de l’Inspection générale d’Etat (Ige) épinglant pas mal d’autorités du pays. Un prétexte pour Seneweb de revisiter le contenu de cette loi, votée en grande pompe, depuis le 2 avril 2014, mais dont l’application peine à être effective. Elle est d’ailleurs jugée incomplète, incomprise, insuffisante. Par conséquent, ineffective ! 

Dès son accession à la magistrature suprême, Macky Sall avait exigé la déclaration de patrimoine afin de matérialiser sa politique de bonne gouvernance. L’Office nationale de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), mis sur pied le 19 décembre 2012, en remplacement de la Commission nationale de lutte contre la corruption (Cnlcc), devait permettre, selon le chef de l’Etat, de lutter «plus efficacement» contre la corruption.

D’ailleurs, lors de l’installation de ses membres, le 28 mars 2014, il avait fait savoir que l’extension du champ de compétence de cette institution à la réception et au contrôle des déclarations de patrimoine des personnes assujetties constitue un engagement ferme à combattre la corruption.

«Cet élément du dispositif juridique est mis en place pour renforcer le système par une traçabilité des biens des agents gérant d’importantes ressources publiques, afin de lutter contre la corruption et les infractions connexes», avait indiqué le chef de l'Etat, invitant dans la foulée ses ministres et certaines catégories de fonctionnaires à faire leur déclaration de patrimoines auprès de l’Ofnac.

Aux termes de la loi n°2014-17 du 2 avril 2014 relative à la déclaration de patrimoine, la liste des personnes assujetties visées en son article 2 intègre les administrateurs de crédits, les ordonnateurs de recettes et de dépenses et les comptables publics dont le niveau d’opérations porte sur un total annuel supérieur ou égal à un milliard (1.000.000.000) de francs Cfa. Cette distinction renvoie au souci du législateur d’insister sur les attributions de chacune de ces fonctions dont l’exercice détermine l’assujettissement ou non à la déclaration, une fois le seuil fixé atteint. Cela signifie qu’au sein des entités, lorsque le mode d’organisation retenu continue de séparer les attributions d’administrateur et celles d’ordonnateur, toutes les personnes investies de ces responsabilités sont assujetties à la déclaration de patrimoine.

En plus clair, le législateur, dans l’exposé des motifs, énonce que le mécanisme de la déclaration de patrimoine «vise, d’une part, à prévenir tout risque d’enrichissement illicite de titulaires de hautes fonctions et, d’autre part, à satisfaire au besoin légitime d’information des citoyens sur la situation et le comportement des dirigeants publics, dans un contexte de transparence».

Toutefois, jusqu’au mois d’août dernier, plus de 320 hautes autorités tardaient à répondre favorablement à la demande du chef de l’Etat. Ce qui n’a pas manqué de susciter des interrogations notamment dans le landerneau politique.

«L’Ofnac peut saisir le procureur spécial près la Crei» contre les récalcitrants

L’autre fait qui a suscité une vive polémique, c’est la nouvelle déclaration de patrimoine par le Président réélu. Comme en 2012, le débat autour de la déclaration de patrimoine du Président réélu, a aussi refait surface. Certains acteurs politiques, observateurs et membres de la société civile s’impatientaient de voir Macky Sall se soumettre «une nouvelle fois» à la même obligation au regard de la loi qui stipule que «la prestation de serment du président de la République doit être précédée de sa déclaration de patrimoine. Et cette déclaration doit être rendue publique par le Conseil constitutionnel ». Sauf que là, le Président Macky Sall ne s’est pas soumis à cette obligation. 

Que faire alors face aux récalcitrants ? Pour le constitutionnaliste Mouhamadou gouda Mboup, les «hors la loi» sont bel et bien passibles de poursuites judiciaires. «La loi de 2014 est très claire : les autorités qui sont assujetties à cette obligation déclarative peuvent subir des sanctions», a-t-il dit rappelant en outre que «l’Ofnac a également la possibilité, via sa présidente, de saisir la justice, notamment le procureur spécial près la Crei parce qu’à travers la déclaration de patrimoine, on pourrait y voir un enrichissement illicite ».

Néanmoins, le juriste trouve «incomplet» ledit texte de loi en ce sens que, d’après lui, il ne permet pas aux citoyens de s’enquérir du niveau de respect de cette obligation.

«Insuffisances de la loi»

Qu’est-ce qui explique la réticence des assujetties ? La présidente de l’Ofnac, Seynabou Ndiaye Diakhaté, évoque, entre autres raisons, la difficulté par rapport à l’interprétation des textes. 

«Avec les ordonnateurs et comptables, nous allons lire ensemble la loi relative à la déclaration de patrimoine et son décret d’application et voir ses insuffisances et ses failles à combler et voir comment être en phase avec les standards internationaux», préconisait Seynabou Ndiaye Diakhaté, qui s’exprimant en marge d’un atelier, tenu le 30 juillet 2019.

Pour sa part, le constitutionnaliste Mouhamadou Ngouda Mboup pointe «un dispositif incomplet doublé d’un contrôle inexistant». Et pour gommer toutes ces aspérités de la loi sur la déclaration de patrimoine, l’enseignant-chercheur recommande une réforme du dispositif du droit sénégalais.

«Comme piste de réforme, suggère-t-il, on pourrait préciser l’article 37, par exemple, en exigeant une déclaration de patrimoine et d’intérêts, et qu’après son examen par le Conseil constitutionnel, le Journal officiel publie sans délai la déclaration de patrimoine et d’intérêts du président de la République (qui sera) transmise dans les meilleurs délais à l’Ofanac, à la Cour des comptes et aux services fiscaux. Ce ne serait qu’une valeur ajoutée à notre processus démocratique !»


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