DIOURBEL - Sur fond de rivalité entre Aminata Tall et Khadim Guèye : Enervé, Me Wade met fin au meeting

Envoyé spécial - Même en campagne électorale, les libéraux trouvent le moyen de prolonger leurs traditionnelles rivalités. Hier, dans la capitale du Baol, la chienlit s’est emparée du Stade Ely Manel Fall où partisans de Khadim Guèye et de la maire Aminata Tall ont poussé le bouchon jusqu’à mettre dans tous ses états le leader du Pds.

Plus et mieux qu’à Fatick, Diourbel est monté, hier, d’un cran au dessus de la moyenne en termes de mobilisation. Dans la capitale du Baol, c’est encore un monde impressionnant de densité qui a accueilli le candidat de la coalition Sopi 2007. A l’entrée de la ville du côté de Gossas, le cortège des libéraux a traversé une masse gigantesque de populations de tous âges sorties de nulle part, qui pour saluer la caravane, qui pour l’accompagner au lieu du meeting. Mais, l’une des deux grandes fausses notes de ce qui devait être un succès considérable a lieu d’abord sur le boulevard jouxtant le quartier Thierno Kandji. Sur cette artère menant au stade Ely Manel Fall, un tonnage ahurissant de cartons rouge vif est brandi contre le président de la République sortant. Des jeunes, des femmes et des vieux, postés au long du parcours, ont bruyamment manifesté leur colère contre Me Abdoulaye Wade et sa politique à l’endroit de la cité diourbelloise. Huées, bras de défis, doigts accusateurs, les Diourbelois ont transcrit en gestes leur colère. Me Wade est passé très vite, trop vite même. Mais, le scénario qui l’attendait à Ely Manel Fall était autrement plus désagréable.

Dans un stade archi-plein au rythme d’une sonorisation surpuissante qui vous fait trembler les pieds et le corps, le Secrétaire général du Parti démocratique sénégalais (Pds), curieusement, a pris la parole en premier lieu. Etait-ce pour éteindre le feu de la rivalité mortelle qui gisait entre Aminata Tall et Khadim Guèye ? Le maître de cérémonie du jour, Pape Samba Mboup, lui donne la parole pour sa déclaration télévisée, après avoir surchauffé l’enceinte. «Monsieur le président de la République, vous avez la parole.» Wade le rectifie : «Non, le candidat Wade.» Le chef de cabinet insiste et passe outre : «Moi je dis le président de la République parce que vous êtes déjà élu.» Sourire malicieux en coin, Me Wade se résigne et se poste devant le micro. L’exercice est dédié au rappel du bilan de l’alternance en matière d’éducation et de formation. A sa suite, les responsables libéraux comme Modou Guèye, Lotta Sarré et Modou Kane, encensent Aminata Tall. Anticipant sur la catastrophe qui allait survenir, Serigne Modou Kara théorise la réconciliation entre Aminata Tall et Khadim Guèye, comme l’avait du reste fait le leader du Pds. Ce fut peine perdue. Survient la deuxième grande fausse note dans la mobilisation libérale. En dépit des remerciements du président de la République à son endroit, la ministre d’Etat n’ira pas au bout de son temps de parole. Déstabilisée par une surprenante marée de cartons rouges brandis par plusieurs dizaines de mains, la maire de Diourbel persiste et signe : elle veut finir son discours. Mais ses détracteurs, appartenant à la tendance Khadim Guèye, ne lui en laissent pas le loisir. La défiance est terriblement forte, elle est surtout très gênante pour le président de la République. Sur la pelouse, un énorme mouvement de foule manque de se transformer en catastrophe humaine. Pape Samba Mboup semble complètement dépassé.

Serigne Modou Kara lui reprend le micro central presque d’autorité pour calmer la foule. Son ndigueul ne passe pas. Très énervé par la tournure prise par «son» meeting, Me Wade arrache la parole. Sur un ton à la fois ferme et réconciliateur, il tente de remettre l’enjeu de la mobilisation en perspective. En wolof. «Aujourd’hui, il est question de choisir un président de la République. Quand viendront les élections locales, vous aurez la possibilité de choisir qui vous voudrez», lance-t-il au public. «Il ne s’agit pas des élections de Aminata Tall ou de Khadim Guèye. Ce sont mes élections.» Conscient que ses mots ne passent pas, Me Wade oriente son discours sur l’opposition et sur ses carences. Subtile manière de court-circuiter la crise des rivalités libérales en terre de Baol. En fin de compte, c’est une grosse désillusion qui a fini par supplanter une mobilisation exceptionnelle.