DOSSIER Ambitions pour devenir le parti majoritaire : L’Apr entre l’idéal et les dures réalités

L’Alliance pour la République ressemble à un papier dans l’enveloppe Benno bokk yaakaar. Si la coalition se déchire, le contenu aussi s’en va. La «loi» de Wade en 2000, régie pour les partis compagnons, est bien en place : fusion ou exclusion.

«Gagner ensemble, gouverner ensemble». C’était le slogan de Idrissa Seck d’abord, puis de Ma­cky Sall au second tour de la Pré­sidentielle de février-mars 2012. Et l’ex-Benno siggil senegaal version Assises nationales reprend la chanson, à sa faveur, pour légitimer le partage du pouvoir. Ils ont gagné ensemble. Ils gouvernent en­semble. Pour le moment. Au­jour­d’hui les gros porteurs de Benno bokk yaakaar (Bby) que sont Benno siggil senegal version Moustapha Niasse, Benno ak Ta­nor et Idy4Président poursuivent le même chemin, en attendant de trouver un autre chemin. Ce qui était, au départ, une Realpolitik pour vaincre l’ennemi, devient un besoin de survie politique, économique et sociale. Car il convient de dire que le compagnonnage de la Présidentielle était fondé sur un mot d’ordre du «tous contre un» pour écarter le plus fort dont la «raison» n’a finalement pas été la meilleure.

Les soutiens des candidats battus au premier tour sont officiellement «sans conditions», mais les quotas attribués à chaque parti et les chantages de ceux qui se disent laissés en rade laissent croire à un marchandage souterrain. C’est en­core d’autant plus vrai que les postes de députés lors des Légis­la­tives avaient un goût de beignets distribués entre les plus représentatifs, qui refusaient, chacun, de s’aventurer dans un solo voué à l’échec, in­terdit par la même dynamique unitaire contre la nouvelle opposition. Passé le «mackyllage» des pe­tites jalousies, les coups de poing sans égratignure et, parfois, coups de poi­gnard sans effusion de sang, les ambitions se signalent en mode silencieux et même vibreur au point de susciter des répondeurs en mains libres. Comme c’est souvent le cas, le plus fort bande toujours les muscles pour rappeler son pouvoir. Et c’est le parti présidentiel, l’Apr, qui signifie que les Sénégalais ont choisi Macky Sall, y compris au premier tour. La coalition Macky 2012 qui s’adjuge les 65% de voix pour son candidat et oublie qu’il n’a engrangé que 26%.  Mais en vérité, s’il y a une majorité c’est celle des Sénégalais contre un bilan, un régime. Il reviendra au Président élu de chercher sa majorité à lui, la plus difficile pour un parti (l’Apr) noyé dans un grand Tout (Benno bokk yaakaar).

Si le cocon explose…

Parti au pouvoir ou majorité au pouvoir ? L’équilibrisme des postes dans l’Exécutif et le Législatif pour le nouveau régime confond l’Apr dans Benno bokk yaakaar. Le parti de Macky Sall est enveloppé dans ce cocon qui, contre son destin implacable de la cassure, tient encore. Mais l’Apr n’existe que par la présence de son leader et son seul salut réside dans ce qu’on le confonde avec la coalition au pouvoir. Cela se vérifie sur le terrain par la distribution entre les partis, par ses députés peu connus mais seulement embarqués par le fait majoritaire des Législatives. Au fond, il n’y a que ce semblant de majorité, trompeur du reste, que Abdoulaye Wade et le Pds avaient brandi, mais vite rectifié quelques mois après l’Alternance de 2000.

Fusion ou exclusion

Escorté par Moustapha Niasse de l’Afp, et les forces de la Gauche traditionnelle regroupées au sein du Front pour l’Alternance (Fal 2000), Abdoulaye Wade a joué la carte de la solidarité et de l’unité pour sécuriser son fauteuil. Une sorte de ce slogan «gagner ensemble, gouverner ensemble». Pris en sandwich, dans ce gros bol à manger pour les vainqueurs, le secrétaire général du Pds a, avant la fin de son premier mandat, retenu la main de Niasse, Dansokho, Madior Diouf, Bathily. Il garnissait ses rangs avec d’autres cooptés bien plus gourmands tran­shumants en quête de nouvelles prairies. En réalité, pour lui, comme pour son ancien numéro 2, Idrissa Seck, «la meilleure façon de faire de la politique, c’est de mo­biliser», surtout au moment où il perd les frères d’armes de la Pré­sidentielle de février-mars 2000. Autant s’en séparer, mais surtout combler le gap.

Macky Sall est condamné à emprunter la même formule parce que, désormais la règle pour l’Apr, c’est la fusion ou l’exclusion ! A commencer par le grand bénéficiaire, Moustapha Niasse dont certains lieutenants sont prêts à tremper leur doigt dans l’encre beige-marron. Et au sein du parti présidentiel, les bras sont grand ou­verts. Le face-à-face Idris­sa Seck-Macky Sall pour mieux huiler leur alliance (voir Le Quo­tidien d’hier) donne une autre cadence à cette coalition. Si les leaders de Rewmi et de l’Apr seraient bien prêts à partir ensemble aux Locales, le Président Sall n’en ouvre pas moins un front contre Niasse avec qui les bruits de couloirs affirment un amour réciproque pour le mariage Apr/Afp au point d’anticiper sur le nom d’un bébé qui ne devrait pas être loin d’un Ap commun plus une autre lettre. Dans tous les cas, un «recrutement» de Idrissa Seck équivaudrait à une épine de moins que ce dernier représente en tant qu’éventuel adversaire de Macky Sall. Sauf que, pour l’instant, on est encore dans le registre du couple idéal !

Vers une Cap 21 version Alternance du 25 mars ?

Macky2012 porte les habits de la Coalition pour l’alternance (Ca 2000), mais en miniature. Cet agrégat de partis essentiellement remorqué par la Gauche avait con­duit Abdoulaye Wade au second tour de la Présidentielle de la mê­me année, engrangeant 32%. Mais les dizaines de lilliputiens qui composent Macky2012 n’ont, eux, pu donner à leur candidat que 26%. Entre les deux Alternances, il y a…photo. Abdoulaye Wade avait orchestré le divorce avec ses principaux alliés, pour composer un orchestre, la Cap 21, pour non seulement combler le grand vide des 17% représenté par l’Afp et Niasse, mais surtout trouver un club de défenseurs de sa politique et de son pouvoir. Macky Sall a semblé se mouvoir dans cette dynamique de syndicats des défenseurs du Président et de sa politique, cha­que fois qu’il est attaqué. Quand les ténors du Pds l’ont cogné… illicitement- Me Amadou Sall- dans le dossier de l’enrichissement illicite, il a vite fait d’accuser, par ses porte-parole, le «manque de solidarité» de ses alliés de Bby. Ses ex-frères libéraux savent le faire pourtant et réclament encore des retrouvailles familiales. Macky Sall a accepté cette main tendue nommée transhumance, mais tout de même «sélective» pour reprendre Khouraïchi Thiam. Tout cela pour ne pas trahir, dit-on, son «compromis historique» suspendu à la formule que son parti utilisera pour les Locales de 2014.