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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

Doudou Sarr, président de l'Urd/Fal : "En 6 ans d'alternance, on a détourné autant qu'en 50 années de règne socialiste"

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Doudou Sarr, président de l'Urd/Fal : "En 6 ans d'alternance, on a détourné autant qu'en 50 années de règne socialiste"
Si pour l'autre camp, celui de Mahmoud Saleh, il a été suspendu et écarté de la présidence de leur parti, Doudou Sall en rit. À l'en croire, il serait illusoire, dans les conditions actuelles, d'aller aux élections. Le théoricien du Gouvernement d'urgence nationale révèle encore que depuis l'an 2000, 500 000 nouveaux chômeurs sont venus s'ajouter à ceux d'avant l'alternance, que le détournement est supérieur à l'aide internationale annuelle. Il se demande si un émigré clandestin, qui n'a pas peur des balles des policiers espagnols et marocains, aura peur de celles des policiers sénégalais ? Entretien.
L'Office : Le camp de ceux qui parlaient de "coup d'État rampant" semble bien agité par ces temps qui courent. Un putsch contre votre personne ?
Doudou Sarr : Je crois que vous vous méprenez sur les faits. Les faits sont d'une brutale simplicité. Il n'y a pas eu de mesure de renversement ou d'exclusion, à ma connaissance. Le parti a eu un fonctionnement tout à fait légal. Les organes continuent de se réunir au complet. Son secrétariat politique, comme son secrétariat national, continuent de se réunir au siège légal du parti tous les vendredis, et aucune de ces réunions régulières statutaires n'a pris de mesure d'exclusion ou de suspension. Tout au contraire, si je me permettais de prendre acte de ce que vous venez de m'apprendre, je serais sanctionné par les instances régulières de l'Urd/Fal. Je comprends que des camarades puissent avoir des opinions de ma dernière sortie. Mais une réunion privée, avec des individus privés, ne peut pas s'auto-ériger en secrétariat politique du parti, qui est légalement constitué. Ses organes ne se sont pas auto-dissous. Le seul organe qui a prérogative de dissolution, de changement du nom et des couleurs et des symboles, est la Convention nationale, chez nous.
Deuxièmement, au terme de nos statuts, aucune autre instance ne peut se substituer à la Convention nationale. En dehors de la convention, la Délégation nationale à l'orientation est l'instance la plus importante. Nos statuts ne permettent nullement à cette dernière de se substituer à la Convention nationale, contrairement à ce qui a été dit.
Troisièmement, les organes du genre de la délégation exécutive, entre autres, sont des organes ad hoc. À ma connaissance, aucun de ces organes réguliers, n'a pris des mesures dont vous m'informez. En second lieu, les motifs même posent problème, puisque les positions que j'ai défendues, sont des positions connues par écrit, par toutes les directions des organisations démocratiques de notre pays, et par tous les partis politiques. Ce sont des positions qui ont été adoptées à l'unanimité, tant du secrétariat politique, du secrétariat national que de la Délégation exécutive. Ces positions sont défendues publiquement depuis deux années, pour le moins. Ces positions ont même fait l'objet d'un accord du président de la République, d'une validation par le président de la République, de la soumission d'un schéma d'application et d'un compte rendu en Conseil des ministres. Il s'agit de questions très sérieuses, qui doivent être posées sérieusement. Quiconque vous dit qu'il s'agit de positions nouvelles, est coupable de mensonges ; et de mensonges sur une question qui est, à mon humble avis, d'une brûlante actualité et d'une brûlante gravité. Les problèmes de ce que vous appelez les remous chez nous, prennent, malheureusement pour nous, leurs sources à l'extérieur des frontières formelles de notre parti. Lorsque nous avons soumis l'idée d'un gouvernement d'urgence nationale, non pas comme idée, mais comme une urgence, nous l'avons fondue sur un document de sept pages. C'est pour un diagnostic sur la situation politique et sociale de notre pays. Et pour nous, ce diagnostic nous conduisait à faire un pronostic qui est le suivant : si les choses continuaient dans les mêmes conditions, nous serions confrontés à un véritable séisme politique et social. Il faut donc anticiper, mais pas pour des ambitions personnelles, mais pour le compte du peuple Sénégalais dans son ensemble. En tant que responsable politique, notre Secrétariat a pensé que l'heure est venue de saisir tous les protagonistes de l'échiquier politique et social.
Pourtant le fait est là : un nouveau parti s'est réuni et a prononcé votre suspension. Vos bisbilles avec Mahmouth Saleh, ne sont-elles pas motivées par un désir de se rapprocher du président de la République ?
C'est-à-dire ?
Mahmouth Saleh, avec son Nouveau parti, ne voit que le chef de l'Etat, et salue bien l'action de Macky Sall, que vous semblez pourfendre. Est-ce que ce n'est pas une différence d'appréciation qui est l'origine de votre différend ?
Vous me parlez du Nouveau parti, une entité tout à fait nouvelle qui ne surgit donc pas de l'Urd/Fal. Je vous surprendrais dans ma réponse. En fait, je ne suis que très récemment informé.
Le 06 août, vous avez pourtant voté pour ce nouveau parti ?
Je vous répète que c'est très récemment que plusieurs membres de l'Urd/Fal, ainsi que des non-membres de l'Urd/Fal, m'ont informé qu'il y a une campagne pour informer de la création, de la mise sur pied, d'un nouveau parti. Et ce ne sont pas mes termes. Des gens qui n'ont jamais fait de politique m'en ont informé. Le camarade dont vous parlez était en train de prendre des contacts pour mettre en place un nouveau parti. Si c'est cela, l'Urd/Fal n'est pas concerné. Ni en termes de continuité organisationnelle, ni en termes de changement de dénomination. Parce que beaucoup de camarades, comme moi, ont eu à voter dans une instance l'appellation d'un parti. Mais, lorsqu'ils le faisaient, ces camarades étaient apparemment moins au courant que vous. Parce que ces camarades ne savaient pas que l'on avait fait le tour du Sénégal, je ne sais avec quels moyens, pour informer de la création, je cite, de la mise sur pied, je cite, d'un nouveau parti. Si c'est cela, il n'y a pas de problème. Car, tout citoyen a le droit, dès qu'il a en les moyens, de former un nouveau parti. De ce point de vue, la question est définitivement tranchée. Mais, s'il s'agit d'un changement de dénomination, nos statuts règlent, non pas implicitement, mais explicitement, la question. Nos statuts distribuent les prérogatives. Il ne peut y avoir de ce point de vue, de bisbilles Doudou Sarr/Saleh. Moi, je ne peux pas vous citer un exemple de bisbilles Doudou Sarr/ Saleh. Ce sont peut-être les mœurs de notre pays qui fonctionnent ainsi. J'aurais bien aimé de citer un exemple d'affrontement, parce que cela me permettrait de dégager une analyse. Ce qui n'est pas le cas. En ce qui concerne mes rapports avec le président de la République, je prends à témoin le président. Il est vrai que dans notre pays, les partis se distribuent selon les rapports qu'ils entretiennent avec le président de la République. Ainsi que les politiciens qui sont nichés ou abrités, ou encore masqués à la tête d'organisations non gouvernementales. Il est vrai que le spectre politique de notre pays se distribue ainsi. Jamais, les rapports entretenus par l'Urd/Fal et le président de la République ne se sont situés sur ce terrain, qui est celui de la courtisanerie ; que certains assimilent au terrain de la « real politique ». Mais, la real politique n'est pas cela. Pour moi, s'alarmer sur la situation de notre pays, ce n'est pas théoriser. Et je vais vous donner des exemples chiffrés et vérifiables. Pour comprendre ce qui se passe à l'Urd/Fal, il faudrait partir de l'extérieur de l'Urd/Fal. Parce que c'est à partir d'une prise de position publique de l'Urd/Fal que des problèmes ont commencé. Il y a eu d'abord du dilatoire sur la proposition du gouvernement d'urgence nationale, et les gens se sont rendu compte que nous ne plaisantions pas. Que nous ne faisions confiance ni au gouvernement issu du pacte républicain, ni au gouvernement issu du dialogue politique national, ni au gouvernement d'union nationale. Parce qu'il s'agit pour nous de différentes modalités de partage du gâteau. Nous pensions qu'il faut un gouvernement sur des points précis. Mais si les solutions ne sont pas concrètes, le peuple sénégalais ne fera pas confiance. Il faut restaurer la confiance entre la classe politique et le peuple Sénégalais. Parce que, pour le moment, ce n'est pas le cas. Et je pense qu'il est illusoire d'aller dans les conditions actuelles aux élections du 25 février. Quand nous faisions la proposition du gouvernement d'urgence nationale, l'un des problèmes à résoudre référait justement à la mise en place de conditions, pour une période apaisée post-électorale, pour éviter d'en revenir aux éternels contentieux post-électoraux.
L'urgence d'un gouvernement d'urgence nationale suppose que l'équipe de Macky Sall a échoué. Quelle devrait être la composition de la nouvelle équipe ?
Je pense qu'il serait dangereux de personnaliser. Et à tous les débats auxquels j'ai assistés, je ne me souviens pas qu'un de mes camarades ait porté un jugement sur Macky Sall. Nous avons d'abord porté un jugement sur le pays, et nous avons opéré un rapprochement entre les réalisations de l'alternance et l'attitude du pays. Il me semble qu'il faudrait être malhonnête pour ne pas constater les réalisations de l'alternance ; tant dans les domaines scolaire, sanitaire, qu'infrastructurel. Il y a des réalisations irréfutables, incontestables. Mieux, dans ces domaines, les gouvernements successifs de l'alternance ont fait plus que ce qui a été fait lors des 50 dernières années et non des 40, comme on a l'habitude de dire. Je veux dire depuis l'apparition sur la scène politique du Bloc démocratique sénégalais jusqu'au 19 mars 2000. Il a été fait matériellement moins en espace scolaire, en espace de santé, en kilométrage de routes. Et parfois, le rapport est de 1 (un) à 10 (dix.) Alors, il se pose une question très sérieuse : comment se fait-il donc que face à ces réalisations incontestables, le pays soit mécontent ? C'est parce qu'au cœur de la démocratie, et ce n'est pas de la théorie, se trouvent les deux notions de délégation et de mandat. En fait, la démocratie ne se réduit pas à se faire élire et à faire ce qu'on pense bon après. C'est du messianisme, et c'est antinomique à la démocratie. Et c'est même attentatoire à la démocratie. Ce faire élire un dimanche, et faire ce qu'on pense bien pour le peuple après, c'est au mieux du messianisme. Sinon on ne peut pas comprendre l'attitude du peuple sénégalais aujourd'hui. Si malgré ces réalisations, le peuple Sénégalais semble défiant, il y a bien une raison. Peut-être que le mandat qu'il a confié le 19 mars 2000, malgré toutes ces réalisations, n'a pas été rempli. Si je n'ai pas la berlue, au cœur du mandat, il y avait, premièrement de l'emploi. C'était la revendication cardinale, qui structurait toutes les autres revendications du peuple sénégalais, lors des deux dernières décennies du régime Ps, et qui a souvent culminé au moment des nouvelles politiques agricole et industrielle.
En second lieu, le peuple sénégalais a revendiqué la défense du pouvoir d'achat. Parce qu'il y a une discordance entre l'évolution des prix des denrées de première nécessité, de 1981 à 2000, et l'évolution des salaires. Vous verrez qu'avant la dévaluation, le pouvoir d'achat avait déjà perdu 1/3 de ses capacités. La dévaluation a accéléré ce mouvement. Et je parle du pouvoir d'achat individuel comme du pouvoir d'achat collectif. Parce qu'avant la dévaluation, nos principaux produits avaient perdu le 1/3 de leur pouvoir d'achat, par rapport à l'évolution des prix des produits industriels. Et après la dévaluation, une heure de la sueur du travailleur sénégalais valait la moitié de cette valeur le 11 janvier 1994. C'est aussi simple que cela. Le troisième terme du mandat résulte de l'atmosphère, de 1997 à 1999, des scandales qu'il y avait à l'époque. Et je pense que ce sont ces scandales qui ont fait tomber Abdou Diouf. Le peuple sénégalais dans toutes ces composantes disait ceci : même si on ne donne rien, qu'on lutte, au moins, contre la corruption, la concussion et la prédation. Voilà les principales revendications, entre autres, du peuple à la veille de la présidentielle du 27 février 2000. Si vous comparez, ces revendications aux réalisations, avons-nous résolu le chômage ? Malheureusement non ! Il y a 100.000 nouveaux chômeurs de plus, chaque année. Faites le calcul. Il y a au moins 500.000 nouveaux chômeurs de plus, depuis 2000. Parce qu'en termes de chômage, il faut raisonner sur le solde et non en terme de création d'emplois. Si on raisonne sur le nombre d'emplois créés chaque année, il n'y aura pas d'indicateurs. C'est le rapport entre le nombre d'emplois créés chaque année et le nombre de demandeurs d'emplois qui est le seul indicateur. Si on se réfère au niveau du chômage à la fin de 1999, on se rend compte que la question est grave. Et si on ne se réfère pas au niveau du chômage au début de l'année 2000, on ne peut pas comprendre le mouvement actuel vers l'Europe. Ce qui permet de le comprendre, c'est le constat de la réponse à la question suivante : à quel niveau de chômage étions-nous le premier janvier 2000 ?
Venons en à l'équipe qui devrait piloter le gouvernement d'urgence nationale…
(Il nous coupe) Non, non. Je ne pense pas qu'il faille opérer ainsi. Procédons à l'incontournable comparaison entre réalisation et mandat donné.
Est-ce que vous voulez dire qu'en dépit de ces réalisations, Wade est passé à côté de son mandat ?
Vous personnifiez trop, et vous ne regardez jamais le pays. Nous sommes en train de regarder le pays, et c'est ce qui est important.
Mais, c'est Wade qui a cette responsabilité historique ?
Non ! Ce n'est pas Wade qui est responsable de la situation le 1 er janvier 2000. Moi, je procède de façon rigoureuse. Parce qu'on ne m'amuse pas sur ces questions. Je n'ai même pas dit qui est responsable de la situation. Je m'en tiens à ce que nous avions dit durant la campagne. Vous l'aviez suivi ainsi ques les interpellations des politiques, suivies elles aussi des réponses. Pourquoi ne procédons-nous pas, tant du côté de la majorité que de l'opposition, autrement que de la manière suivante ? Il me semble que c'est donner du travail, donner du revenu, c'est lutter contre la prédation. Il me semble que sur la première question, il y a une régression. Il y a plus de chômage. Cette question est vécue, dans leurs chairs, par les jeunes qui n'ont pas de travail et qui sont près de 2 millions, sur une population de 10 millions de Sénégalais. C'est 20 % de la population totale. Cela représente plus de la moitié de la population active. Ce sont des taux qui sont alarmants. Ce n'est pas moi qui suis alarmant, mais plutôt les chiffres. À moins que l'on me démontre que le tableau est faux. C'est vrai qu'il y a beaucoup plus de gens aisés qu'avant. Mais malheureusement, ceux qui étaient pauvres sont plus pauvres qu'avant. Je ne fais pas de la morale, lorsque je parle de détournement et de la prédation. Je fais de la défense de nos ressources nationales. Parce que, c'est cela le travail de l'homme politique, qui est différent du travail du magistrat et de l'avocat. En enquêtant sur le niveau de la prédation, avant l'alternance, on avait détourné plus d'une année du travail du pays tout entier, une année de Pib. Depuis l'alternance, on est au même niveau. Il ne s'agit pas de morale, mais de récupérer nos ressources. Ce qui m'intéresse, c'est qu'on récupère notre argent. Les prédateurs et autres détourneurs ne m'intéressent pas. C'est le Sénégal qui m'intéresse. Parce que, nous en avons vitalement besoin. Parce que, l'aide internationale, que nous recevons chaque année, est beaucoup moins que le détournement. Vous comprendrez donc que le fait de récupérer l'argent, nous soulagerait sur le plan financier. Ces trois éléments que je viens d'énumérer nous étouffent et nous empêchent d'aller vers le niveau d'émergence. En plus, un enfant qui n'a pas peur des balles de pistolet de policiers, Espagnol et Marocain, qui n'a pas peur de mourir dans le désert du Sahara et dans l'océan Atlantique, aura-t-il peur des balles des forces de l'ordre Sénégalaises ou de leurs matraques ? Si nous leur interdisons de partir, comme c'est le cas actuellement, en faisant plaisir à nos amis Européens, que va-t-il se passer ? Ces jeunes qui ne peuvent pas partir, contre qui se retourneront-il ? Est ce que je mets le feu, ou est-ce qu'il y a un problème alarmant ?


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