Editorial : Ne plus insulter l’intelligence des citoyens !

Moment ne peut être mieux choisi pour s’adresser aux Sénégalais que celui qui coïncide avec l’officialisation des résultats du plébiscite. Cet acte a été posé hier par la Cour d’appel, un des cinq maillons du processus électoral avec le ministère de l’Intérieur, la Cena, la Cnra et le Conseil constitutionnel. Le symbole qu’il faut en déceler est l’option pour la légalité. Jusqu’au bout. La formule d’une conférence de presse prend le contre-pied des innombrables supputations sur le silence du président de la République. Le victorieux de la bataille électorale de dimanche dernier a choisi de ne point se lancer dans la vague de surenchères ayant accueilli l’annonce des premières tendances dès la fermeture des bureaux de vote, puis la publication des résultats provisoires par les tribunaux départementaux.

C’est une leçon de culture républicaine à méditer. Et le plus important est qu’aujourd’hui, vainqueurs et vaincus à la présidentielle partagent la même préoccupation pour le Sénégal. Qu’ils développent aussi une égale humilité devant la victoire comme devant leurs infortunes sorties des urnes. Au final, c’est la démocratie qui tire les dividendes de sa longue maturation dans notre pays. Le Sénégalais ne vient pas, il faut le rappeler, de découvrir le saisissement de glisser un bulletin dans une urne. On vote dans ce pays depuis le dix-neuvième siècle.

Cette longue culture politique a une déclinaison républicaine ou citoyenne. L’électeur sénégalais a appris à aller à l’essentiel. Il a découvert le charme des scrutins calmes et de la détermination à reconduire ou pousser vers la sortie un des leurs selon qu’il répond ou pas au profil du dirigeant rêvé. Ce message a été renouvelé dimanche dernier, alors que le chaos était prédit. Le Sénégal a refusé de s’engager dans cette voie, sachant qu’il détient, en la volonté populaire, le meilleur arbitre et le même outil de légitimation d’une action politique. Ce comportement citoyen mérite qu’on le respecte. Il ne sert à rien d’insulter l’honorabilité des citoyens en prétendant qu’ils ont vendu leur âme au plus offrant. « Plus offrant », ici, ne rime pas avec capacité à donner des billets dans la séquence d’une campagne. « Plus offrant » signifie plutôt le producteur du projet de société le plus séduisant. Cette posture est de nul effet, car l’opinion des Sénégalais n’est pas forcément celle qui découle de ce chahut encadré des projets ayant une incidence directe sur le vécu des populations. L’effet de boomerang est relevé, à juste raison, par un membre du Directoire de campagne de la Coalition Sopi 2007 : à force de vouloir démontrer que le candidat-président n’a rien fait sept ans durant, des opposants ont plus fait rire les Sénégalais qu’ils les ont fait adhérer à leur discours. De plus, n’est-ce pas un opposant, allié aujourd’hui de Niasse, qui disait : « Si le parti au pouvoir vous donne de l’argent pour acheter votre vote, prenez, car c’est le vôtre. Une fois dans l’urne, votez pour le changement ». Les électeurs ont retenu la leçon. Ils ont intégré la puissance du bulletin de vote.

Maintenant, le temps est au travail. Pas au bavardage politicien. Le chef de l’État l’a rappelé hier. Il a le devoir de veiller à la sauvegarde de la République. A sa préservation contre les assauts de l’aventurisme calfeutré dans le style d’un opposant qui voudrait que les électeurs descendent dans la rue pour contester les résultats de leur propre volonté. Le même principe de veille sur la République légitime le devoir d’imputabilité de tous ceux qui auraient trempé dans des dossiers. C’est la lecture qu’il faut avoir de l’annonce de la poursuite des poursuites, maintenant que le cap des surenchères politiciennes est dépassé.