La justice sénégalaise vient, une fois de plus, d’être désavouée par le pouvoir exécutif. Alors que la Cour d’appel venait, dans la matinée d’hier, de confirmer la condamnation des douze nervis épinglés dans l’affaire du saccage des journaux l’As et 24 Heures Chrono, le président de la République graciait les malfrats dans la soirée, mettant ainsi leur commanditaire présumé, Farba Senghor, à l’abri de poursuites devant la Haute Cour de justice.
En libérant le journaliste El Malick, le président de la République en a également profité pour offrir en douce sa grâce aux douze nervis qui avaient mis à sac les locaux des journaux l’As et 24 Heures Chrono. Pourtant, ces malfrats qui avaient interjeté appel de leur condamnation à 5 et 6 ans par le tribunal des flagrants délits, avaient vu, dans la matinée d’hier, la Cour d’appel de Dakar confirmer la sentence, en ramenant leurs peines à trois années de prison ferme. Mais, c’était sans compter sur la clémence de Sa Majesté qui aura fait d’une pierre deux coups.
C’est à travers un communiqué du ministre de la Justice, Me Madické Niang, qu’on peut lire les motivations d’une telle mesure. ‘Monsieur le président de la République, une fois encore, vient d’accorder sa grâce à treize jeunes sénégalais, dont un journaliste, momentanément en conflits avec la loi et détenus dans les établissements pénitentiaires (…) Cette mesure exprime l’engagement résolu du chef de l’Etat à rassembler les Sénégalais autour d’un idéal républicain de justice et de paix, fondé sur le respect de nos valeurs communes incarnées par les lois et règlements’, lit-on dans ce communiqué du Garde des Sceaux.
Cependant, la libération de ces nervis dont les condamnations ont été confirmées par la justice le matin même de leur élargissement, repose le problème de l’impunité au Sénégal. En effet, comment comprendre dans un pays libre qu’un groupe d’individus condamnés par la justice à de lourdes peines, après avoir saccagés les locaux de deux organes de presse en blessant d’honnêtes citoyens, puissent être libérés après seulement huit mois passés en prison. Mais, le plus choquant dans cette histoire, c’est que leur commanditaire présumé, Farba Senghor, voit son dossier dont devait connaître la Haute Cour de justice, classé sans suite. Mais ce n’est pas la première du genre depuis que le vent de l’alternance souffle sur le Sénégal. En effet, les assassins de Me Babacar Sèye, condamnés aux travaux forcés, ont été amnistiés à la suite du vote par l’Assemblée nationale de la loi Ezzan qui amnistie tous les crimes politiques commis entre 1993 et 2004 en relation avec les élections. C’est donc là un sacré revers que vient de subir une nouvelle fois la justice de la part du pouvoir exécutif qui prouve qu’il reste le seul Maître des jeux.
Rappelons que c’est dans la nuit du 17 août 2008 que ces nervis avaient mis à sac les locaux des journaux L’As et 24 Heures Chrono. Ils avaient, par la suite, été appréhendés par la gendarmerie, puis jugés en flagrants délits le 7 septembre 2008 : quatre d’entre eux avaient écopé de 6 ans de prison ferme au moment où les autres malfrats étaient condamnés à 5 ans de prison ferme. Et l’ancien ministre du Transport aérien, Farba Senghor, qui était désigné comme le commanditaire du saccage de ces deux rédactions, avait été limogé du gouvernement. Il avait, par la suite, été entendu le 1er septembre 2008 par le procureur général la République, Ousmane Diagne, dans le cadre de cette enquête. Il attendait la saisie de l’Assemblée nationale pour sa mise en accusation quand le chef de l’Etat a décidé de lui faire bénéficier d’une totale impunité.
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