Entendus par l'Igaj : Les mis en cause suspendus de leurs fonctions

Les choses sont allées très vite. En effet, tous les mis en cause ayant statut de magistrat ont été suspendus de leur fonction. Seulement, ces sanctions ne lèvent pas le scepticisme de certains quant à la volonté de l'Etat de tirer cette affaire au clair. Pénalement s'entend.

C'est comme qui dirait que les choses commencent à s'accélérer dans l'affaire dite de la corruption de magistrats. Les incriminés ont été en effet suspendus de leur fonctions, jusqu'à nouvel ordre, soit pour tout le temps que prendra l'enquête en cours à l'Inspection de l'Administration de la justice (Igaj) dirigée par leur collègue Mandiogou Ndiaye. La mesure, prise par le Garde des sceaux, Cheikh Tidiane Sy, a été officiellement communiquée au parquet de Dakar aux fins de notification aux intéressés. Et elle concerne toutes les personnes dont les noms ont été cités dans l'affaire et relevant de l'autorité hiérarchique du ministère de la justice. Il s'agit naturellement de l'avocate générale de la cour de cassation Aminata Mbaye présumée cerveau de l'affaire, des acteurs du dossier d'abus de confiance objet du ‘deal’ avorté que sont le premier substitut du procureur de la République, Cheikh Ahmadou Bamba Niang, du président d'audience Malick Lamothe et de son conseiller Théophile Turpin ainsi que du greffier Yabal Dieng qui aurait réclamé sa part du butin.

Cela dit, il s'agit d'une mesure conservatoire destinée à donner une plus grande marge de manœuvre aux enquêteurs qui ne seront donc plus gênés par l'‘ex-statut’ protecteur et privilégié des suspendus. Elle entre également dans le cadre d'une bonne administration de la justice. ‘Des juges sur qui pèsent de graves accusations de corruption ne pouvant continuer à statuer sur des dossiers comme si de rien n'était’, souligne une source qui renseigne également que la suspension a pris effet depuis hier.

La conséquence, c'est que les mis en cause, ainsi provisoirement dérobés, restent chez eux et à la disposition des enquêteurs pour compter de ce lundi. Ils n' auront également plus de salaire tout le temps de la procédure. Autre conséquence de taille le dossier d'abus de confiance qui était entre leurs mains est confié à une autre chambre dont les membres sont au-dessus de tout soupçon, ‘pour être correctement tranché’. A cette fin, le délibéré qui était déjà fixé est rabattu pour une réouverture des débats. En d'autres termes il y aura un tout nouveau procès Momar War Seck-Mouhamet Guèye dans les jours à venir.

Toutefois, malgré cette nouvelle tournure, des voix s'élèvent pour dénoncer l'orientation administrative que la chancellerie donne à la conduite du lourd dossier de la corruption de juges par leurs collègues et de simples justiciables.

A en croire maître Boucounta Diallo, il fallait dès l'éclatement du scandale ouvrir une enquête judiciaire à confier à un juge d'instruction qui prendrait alors des mesures conservatoires. Parce que, estime l'avocat, les indices de culpabilité, notamment l'enregistrement, sont suffisamment graves pour imprimer à l'affaire une tournure juridictionnelle, différente de celle administrative en cours quoique la présomption d'innocence doit toujours jouer. Me El Hadj Guissé ne dit pas autre chose qui rappelle les dispositions de la loi pénale qui répriment, de la même façon, le corrupteur et le corrompu. Ces deux spécialistes du droit versent ainsi de l'eau dans le moulin de l'ordre des avocats qui entend se constituer partie civile le cas échéant.

En vérité si l'on hésite tant à s'engager dans une procédure juridictionnelle, c'est qu'elle est lourde de dangers socio-politiques, tenant notamment au statut spécial des protagonistes en robe, une affaire pouvant en cacher bien d'autres des plus explosives. Et ce d'autant qu'aux yeux du cerveau Aminata Mbaye, ceux éventuellement préposés leur jugement ne sont pas au-dessus de tout soupçon de corruption. Ainsi, d'autres affaires risquent de s'inviter au prétoire.