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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

ENTRETIEN AVEC... Abdou Latif COULIBALY, journaliste-écrivain : « Le Sénégal est dans une situation de régression totale sur tous les plans »

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ENTRETIEN AVEC... Abdou Latif COULIBALY, journaliste-écrivain : « Le Sénégal est dans une situation de régression totale sur tous les plans »

Sur ses convictions, ses principes et sa soif d’investigation, Abdou Latif Coulibaly, journaliste-écrivain, n’a pris aucune ride. Il est demeuré intransigeant là-dessus. C’est avec un regard perçant, un esprit perspicace, qu’il décrypte la situation du Sénégal aujourd’hui, marquée par, comme il le déclare, une régression dans tous les domaines, à tel point qu’il défend la nécessité de tenir des Assises nationales pour diagnostiquer les maux du pays. Abdou Latif Coulibaly dit tout… Sans détours.

Vous avez été absent, pendant un certain moment du Sénégal pour visiter des pays africains. A votre retour, et au regard du climat actuel, comment analysez-vous la situation du Sénégal par rapport à ces pays ?

Oui, j’étais absent quelques moments seulement pour des raisons professionnelles. Dans le cadre de mes activités de formation, effectivement, j’ai visité quel-ques pays de la sous-région. Je n’ai jamais d’ailleurs quitté, j’allais et revenais pour des temps ponctuels. Malheureusement, le pays n’a pas changé ; la situation a empiré. Elle demeure depuis huit ans. Nous sommes dans une situation de régression totale sur tous les plans. Maintenant, il y a quelque chose d’essentiel qui est atteint. Parfois même, on se demande dans quel pays nous sommes, où finalement la dignité des gens par rapport à un certain nombre de choses, quand on voit le comportement de certaines personnes de qui on n’attendait surtout pas ça ? J’ai eu l’occasion de regarder à la télévision, l’intervention de deux ministres de la République parlant des Assises nationales ; je ne parle même pas de choses qui sortaient en direction de certains membres de l’opposition et du président Mbow, mais surtout de la qualité de l’expression de ces ministres-là, leur langage. Je me suis même demandé si ces deux-là sont des ministres sénégalais. Et un ami ivoirien me faisait remarquer d’ailleurs que c’était inimaginable dans sa tête de voir un ministre sénégalais s’exprimer de la sorte sur la 2STV. Et c’est ce qui est le plus déplorable et lamentable. C’est quand même difficile de regarder le Sénégal piquer du nez comme il le fait actuellement.

Vous qui avez été dans ces pays africains où le Sénégal jouissait d’un certain prestige, est-ce que ce prestige reste, vu l’itinéraire que notre pays a connu et sa place en Afrique ?

Nos amis africains ont une très bonne image du Sénégalais en général. Personne ne doute de la compétence des Sénégalais qui est avéré. Dans toutes les institutions sous-régionales, régionales, internationales, ils jouissent d’une considération. Ce qui étonne, c’est comment notre pays en est arrivé à se doter d’un régime pareil. Evidemment, l’image même du Sénégal en tant que pays à l’extérieur est atteinte par rapport au régime

Vous avez tantôt abordé une question relative aux Assises nationales. Justement, comment vous les avez perçues ? Est-il pertinent aujourd’hui de tenir au Sénégal des Assises nationales dans les termes de référence déclinées et les perspectives annoncées ?

Une démocratie doit être nécessairement délibérative. Elle met en place des mécanismes qui permettent à des gens différents, et parfois d’un même bord, de se réunir, de débattre et de délibérer. La délibération est le fondement même de la démocratie. Or, les Assises nationales, c’est une démocratie délibérative. Il n’est même pas nécessairement important que le régime actuel dise qu’il va appliquer les mesures qui en seront issues, mais il est important de dire qu’au moins ces Assises nationales ont diagnostiqué les problèmes, mis le doigt sur ce qui n’allait pas et sur ce qui peut être fait. Si le régime actuel pense qu’il y a de bonnes idées dedans et qu’il les mette en œuvre, tant mieux. Mais s’il ne le fait pas, demain ou après-demain –nul n’est éternel- des gens viendront et vont actualiser ce qui a été dit pour le mettre en œuvre. C’est une très bonne chose. En démocratie, on ne peut pas dire que les gens n’ont pas le droit d’avoir des instances délibératives pour parler du pays. C’est quel type de conception démocratique ? Ou on est libre d’y aller ou on ne veut pas y aller. Mais, à des niveaux restreints, les gens tiennent toujours des assemblées délibératives, partout. C’est ainsi la dynamique d’une démocratie. Mais se glorifier même ou chercher à faire échec à ces Assises nationales pose un problème grave. On est quand même en porte-à-faux avec l’histoire du pays, son évolution même, en cherchant à contrecarrer de quelque manière que soit les Assises nationales. De quoi, certains ont-ils peur ? Ce sont des Sénégalais qui sont aux Assises nationales, qui vont débattre. J’ai même lu un titre d’un journal: «Des Assises à la Cour d’Assises». Il ne faut quand même pas exagérer ! Je ne pense pas qu’on aille prendre un Sénégalais, le mettre en prison ou le condamner à perpétuité, à réclusion criminelle, parce qu’il a une opinion. Un crime d’opinion n’existe pas encore dans le pays. Même le délit d’opinion n’existe pas.

Mais, est-ce que la position du régime ne s’explique pas un peu par rapport à ces Assises nationales qui seront un moment de bilan de ses actions, de remise en cause de ce qu’il a fait jusque-là ?

Quand on est un démocrate et qu’on a été élu, on ne doit pas avoir peur qu’il y ait un débat qui fait votre bilan. Le bilan du Parti socialiste qui était là est fait tous les jours et même les gouvernants qui sont au pouvoir continuent de le faire. Pourquoi devraient-ils croire, eux qui sont activité, que personne n’a le droit de faire leur bilan ? Je me souviens d’une conférence de presse de l’actuel président de la République, alors chef de l’opposition, que j’avais eu le privilège de couvrir à l’époque ? Il (Wade) y disait ceci : «Dans les 20 ans à venir, si le gouvernement du Sénégal était responsable et capable de gérer le pays, le prix du riz devrait varier entre 20 et 60 francs.» Or, ça fait 15 ans, aujourd’hui et 8 ans qu’il est au pouvoir. On doit lui poser la question : pourquoi lui-même aujourd’hui n’est pas à même de faire valoir l’idée qui me paraissait à l’époque génial de dire que le prix devait varier entre 60 francs et 20 francs, et que lui vendrait le prix du riz à 60 francs ? Il (Me Wade) est économiste ; en le disant à l’époque, il avait anticipé probablement sur l’évolution des cours mondiaux du pétrole, etc. Il n’avait pas pris la précaution de dire «au cours actuel du dollar ou pétrole» ; il avait simplement dit que l’Etat pouvait le faire. Pourquoi il ne peut pas le faire aujourd’hui ? Les Assises nationales lui poseront la question, parce que c’est ça la démocratie. On lui a donné le temps de le faire. Pourquoi les autres n’auraient pas le droit aujourd’hui de le faire ? Peut-être parce que Dieu est au pouvoir et que Dieu ne rend compte à personne ! A moins que l’on ait cette conception, il n’est pas possible de dire un seul instant, et d’être crédible, que les Assises nationales ne doivent pas se tenir. C’est un moment, un momentum où les gens discutent et ils auront même peut-être constaté effectivement que le gouvernement a raison sur certains points et que, eux-mêmes, se trompent sur d’autres points, parce qu’il n’y a pas que les politiques qui y sont. Moi-même, j’ai été convié, mais je n’étais pas là. Je serai heureux d’y être. Je suis dans une commission et je ne partage pas certainement les points de vue de ceux qui ont été à la base des Assises nationales, mais j’aurai mon point de vue à développer comme d’autres. Pourquoi devrait-on concevoir la démocratie comme étant quelque chose sous la direction unique d’un seul homme qui décide quand il veut et de tous les momentum ? Ce n’est pas possible, quand même !

L’argumentaire développé souvent par le pouvoir consiste à dire que les initiateurs des Assises nationales, notamment le Front Siggil Senegaal, ne reconnaissent pas la légitimité du Président. Ce dernier même a posé cela comme préalable…

Ce n’est pas un argumentaire ; ce sont des prétextes fallacieux. Il (Me Wade) a toujours proclamé urbi et orbi qu’il n’a jamais reconnu le gouvernement de Diouf, parce qu’il est mal élu. L’opposition a parfaitement le droit de dire que le président de la République est mal élu, parce qu’elle n’est pas d’accord avec son élection. Pour autant, si elle ne l’avait pas reconnu, est-ce qu’elle lui aurait adressé une lettre en disant : «Monsieur le président de la République» ? Mais non ! Il y a un fait qui est politique et un autre institutionnel. Ne serait-ce que de ce fait, personne ne met en doute qu’il est président de la République. Pour l’opposition, il l’est de fait et de droit. Comment l’opposition peut être sérieuse en disant qu’elle ne le reconnaît pas ? Il est là ; il s’impose par le fait légal et par le fait institutionnel. Donc, la question n’est pas là ; il faut que l’on soit conséquent. L’opposition n’est pas allée jusqu’à créer un gouvernement parallèle. Lui, il était jusqu’à le vouloir chaque fois qu’il y a eu élection, pour autant Diouf l’a reçu et a toujours discuté avec lui ; mieux, Diouf lui a même fait place dans son gouvernement. Ce qui était valable pour Diouf l’est pour lui, à moins qu’il ne considère qu’il soit différent des hommes ; ce qu’il considère d’ailleurs dans sa tête.

L’autre argumentaire qui a été décliné, notamment par la Cap 21, à travers son coordonnateur national, consiste à dire que, par rapport au dialogue, 12 fois le Président a appelé l’opposition. Par conséquent, s’il y a un blocage, la responsabilité en incombe à cette opposition…

Le Président n’a jamais appelé l’opposition au dialogue, mais à une soumission à sa volonté. Et cela, l’opposition ne peut pas l’accepter. Le dialogue doit être conçu autrement que par des rencontres entre les chefs de l’opposition et le président de la République. Le dialogue, c’est d’abord accepter de débattre des questions fondamentales qui engagent l’avenir de la nation. C’est quoi ? On va à une élection : l’opposition demande un dialogue autour du Code électoral, indique ce que relève la Cena comme problèmes dans l’application de la loi électorale. Elle demande qu’on dialogue ; elle n’a pas besoin de rencontrer le président de la République. Les gens de l’opposition ont tout simplement besoin de rencontrer le ministre de l’Intérieur, le ministre de la Justice et les autres pour en débattre. C’est cela le dialogue national, mais pas des rendez-vous au palais ou, à l’époque, des rendez-vous nocturnes à Popenguine. C’est ça qui est mauvais pour une démocratie.

Les politiques ont le sentiment que quand ils parlent entre eux, ils ont réglé tous les problèmes. Ce n’est pas vrai ! Abdoulaye Bathily peut rencontrer le Président Wade vingt fois de suite ; ils peuvent constituer un gouvernement, mais il reste fondamental qu’il y a des questions. Les rencontres au palais de la République peuvent faciliter, mais elles ne règlent pas fondamentalement les problèmes. D’ailleurs, chaque fois qu’il y a eu rencontre à la Présidence de la République, à l’époque même, il y a eu des commissions ad hoc dans lesquelles les gens ont travaillé. Qu’est-ce qui posait le plus de problème au Sénégal, politiquement parlant dans les années 90 ? Abdou Diouf disait que le Sénégal a le meilleur Code électoral du monde. Wade le contestait, à juste raison. Le 14 octobre 91, j’ai couvert une conférence de presse de Abdou Diouf à la suite d’un congrès du Parti socialiste où il disait : «Nous avons le meilleur code électoral du monde.» Feu Ibrahima Fall d’ailleurs a écrit un éditorial à l’époque qui est resté dans ma mémoire, pour dire en fait qu’il avait le sentiment que Abdou Diouf parlait d’un pays autre que le Sénégal, et il avait raison. Qu’est-ce qui s’est passé après ? Abdou Diouf a constitué une commission qui s’est réunie sous la présidence du juge Kéba Mbaye, avec comme adjoint le Pr Kader Boye. Ils ont travaillé pendant des semaines pour sortir un texte qui a fait l’objet pratiquement d’une ratification. Abdou Diouf disait : «Je vais faire adopter le texte sans enlever une virgule.» Il avait tort d’ailleurs de le faire, parce que, après, on a retouché ce Code en 93. Il l’a fait après, tant mieux. C’est ça un dialogue ! Mais, il ne s’agit pas seulement de recevoir Moustapha Niasse qui va faire une déclaration à la sortie ; ça c’est le dialogue spectaculaire et médiatique qui ne rime avec rien du tout et sur lequel on veut nous convaincre, nous Sénégalais. S’il y avait un dialogue sincère, honnête, l’opposition n’aurait pas boycotté les élections législatives. Comment peut-on aujourd’hui continuer de nous faire croire qu’il y a un dialogue ? Il y a une discussion parfois, et des ralliements au président de la République. Ça, les gens du régime sont preneurs au point qu’ils ne savent plus quoi faire des ralliés. C’est l’expression de la force, de la ruse. Un pouvoir incompétent a deux manières de faire : ou il fait dans la violence ou il fait dans la corruption. Depuis 2008, nous n’avons pas changé de règle ; ou c’est la violence, la ruse ou la corruption.

Pensez-vous que ces deux méthodes puissent continuer à fonctionner, avec aujourd’hui la violence exercée sur les journalistes…

(Il interrompt)
Elle a toujours fonctionné pour les esprits faibles, mais jamais pour les esprits consistants, qui incarnent et agissent sur la base de principes. Cela ne fonctionnera jamais pour faire décrocher le Parti socialiste, la Ld, l’Afp, de l’opposition. C’est possible de le faire fonctionner avec des petits partis qui n’ont aucune envergure dans le pays. Je n’aimerai pas les citer, mais tout le monde sait que ces méthodes peuvent fonctionner avec ceux qui ne peuvent même pas élire un député à l’Assemblée nationale. D’ailleurs, pourquoi il y a autant de ralliés, et on continue à dire qu’il n’y a pas de dialogue ? C’est parce que ces gens qui ont rallié sont juste là pour régler des problèmes qui leur sont propres et propres à leur parti et non ceux du Sénégal. On continue à dire qu’il n’y a pas de dialogue, qu’il est bloqué. Oui, il est bloqué parce que ce n’est pas la bonne méthode. On débauche, négocie et amène des gens. C’est tellement vrai qu’on entend les gens dire tout le temps : «Il nous faut la part du gâteau ; nous n’avons pas de ministres, etc». A l’Assemblée nationale, ce sont les mêmes calculs. Cela ne peut pas être autrement ; c’est la réalité de la politique que nous avons.

Que pensez-vous de cette attitude des contempteurs des Assises nationales consistant à identifier celles-ci à une Conférence nationale ?

Et si même c’est une conférence nationale, pourquoi devrait-on dire que c’est mauvais ? Une conférence nationale n’est pas nécessairement mauvaise. Si cette conférence consiste à réclamer le départ du président de la République aujourd’hui, j’y suis personnellement opposé, parce que c’est illégitime. Cependant, si c’est pour dire les conditions dans lesquelles le pouvoir a été installé, si ce qu’il est en train de faire va dans le sens d’un avenir meilleur pour les Sénégalais, pourquoi pas ? C’est si comme s’il y avait quelque chose, quelque part, de très grave, de dangereux derrière la Conférence nationale. Ce serait le cas si les gens disent que le président de la République doit être mis entre parenthèses, qu’un gouvernement est installé pour une transition, en dehors du président de la République. Or, ce dernier a été élu et le Conseil constitutionnel l’a proclamé. Il faut que l’on arrête d’agiter le chiffon rouge, de nous faire croire que l’opposition est en train d’ourdir un complot d’Etat. Cet argument ne vaut rien. Quand on n’a pas d’argument, on invente des arguties. Si tout ce que l’on dit des Assises nationales était vrai, personne n’y aurait accordé un intérêt. Mais ces Assises constituent inévitablement un moment très fort de l’histoire politique du pays, c’est pourquoi ils (les gens du régime : Ndlr) en parlent autant. On ne peut pas les réduire à néant. Lui (Me Wade) n’a jamais réussi à le faire, quand Abdou Diouf était là, à rassembler autour de lui, autant de personnes ; et je ne peux pas dire qu’à l’époque il n’était pas populaire. Peut-être même qu’il était plus populaire que les opposants actuels, mais il n’a jamais pu le faire. Et ce n’est pas parce qu’il n’avait pas voulu le faire.

Qu’est-ce que cela vous fait d’entendre aujourd’hui les gens parler du président des Assises Amadou Makhtar Mbow en des termes qui interrogent sa nationalité, son itinéraire politique au sein du Parti socialiste ?

Cela m’aurait fait mal, si c’était des gens structurés qui le font. Ceux qui le font, d’abord, cela ne m’étonne pas d’eux. Si vous n’avez pas d’arguments, dans un débat contradictoire, vous vous montrez particulièrement violent, parfois physiquement, moralement et intellectuellement. Chacun défend ses points de vue avec les arguments dont il dispose. Comme ils ne disposent que de l’argument de la violence et des propos dégradants, ils sont obligés de recourir à ce type d’argument. Vous auriez entendu d’autres dans le même parti utiliser d’autres arguments plus fins, plus structurés, plus démocratiques et plus consensuels. Je respecte parfaitement ceux qui utilisent des arguments dans le camp du gouvernement, consistant à dire que «l’opposition veut en arriver à une conférence nationale qui démet le président de la République». C’est un argument politique. Mais aller interroger la nationalité de Mbow qui a été le Directeur général de l’Unesco, ministre de la République du Sénégal, né dans ce pays, qui a tout fait pour lui en matière d’éducation, qui a tout fait, d’ailleurs, pour le monde, s’attarder dans des considérations de cette nature, franchement, moi je n’écoute même pas ce type d’argument.

Oui, on peut le concéder à des hommes politiques, mais quand des intellectuels évoquent l’argument des financements des Assises nationales par une puissance étrangère, cela ne vous choque pas, ne vous étonne pas ?

La différence entre vous et moi, c’est que vous êtes trop généreux pour accorder le titre d’intellectuels à beaucoup d’individus. Ils sont certes instruits, mais du point de vue de la conception que je me fais de l’intellectuel, ils ne le sont pas. Donc, je suis assez indulgent avec eux, si jamais je les considérais comme des intellectuels. C’est sans prétention aucune. Un intellectuel est celui qui est capable de se détacher, de faire projeter une réflexion, sans aucune forme de considération. Puis, même si c’est une puissance étrangère qui a financé, et alors ? Une puissance étrangère peut être convaincue, par des arguments ou par la nécessité de le faire ; elle finance parce qu’elle a intérêt à ce que ce régime parte. Quel est le seul parti politique de l’opposition qui n’a pas eu, à un moment donné, un soutien et un accord avec une puissance étrangère ? Ce n’est pas le Pds du tout ! Quelle honte il y a à dire qu’il y a un pays qui a aidé les partis politiques à le faire ? Tous les opposants de l’époque allaient ou chez Bongo ou chez le Président Obasanjo demander de l’argent pour financer leurs activités. Pourquoi aujourd’hui, on dirait à Tanor Dieng qu’il n’a pas le droit de le faire ? Les Etats-Unis, la France peuvent être convaincus que c’est une chose qui va dans leur sens, dans le bon sens et que c’est un intérêt pour le Sénégal, qu’ils le soutiennent Moi, j’aurai applaudi et fait un éditorial pour dire bravo. Je ne vois même pas pourquoi ils se cacheraient pour le faire, en dehors des constellations diplomatiques qui sont liées à leurs intérêts personnels.

Justement, par rapport aux constellations diplomatiques, on a remarqué ces temps-ci que certains ambassadeurs des pays occidentaux, des représentants de la Banque mondiale et du Fmi sont sortis de leur réserve pour alerter. La situation du pays serait-elle arrivée à un niveau tel que ces gens sortent de leur réserve ?

En tout cas politiquement, c’est évident. Quand une démocratie vieille comme le Sénégal n’est pas capable d’organiser une élection pour que tous les partis politiques y prennent part et aillent à l’Assemblée nationale, n’est-ce pas suffisant pour que les gens alertent ? Je crois que oui. Il y a quand même un paradoxe dans l’attitude de nos dirigeants. Quand les Etats-Unis et la France émettent des félicitations et des encouragements, ils sont tout prêts à les prendre et à s’en glorifier. Quand ceux-là émettent des réserves, alors ce sont des insultes. Autant on accepte qu’ils nous aident, qu’ils nous donnent leur argent, qu’on prend leurs félicitations, autant on devrait être sensible à leurs critiques. Et en plus, ces gens-là critiquent ce qui mérite bien d’être critiqué. Et parfois même, c’est parce qu’ils sont arrivés à la limite de l’inconcevable qu’ils se mettent à les critiquer. Les gens oublient que Mugabe a massacré des Bébélés de Josuan Komo dans les années 80-88. Personne n’a levé le petit doigt pour en parler à l’époque, parce qu’ils le couvraient. C’est ainsi que font les occidentaux ; on ne doit pas s’étonner. Mais aujourd’hui, quand ils arrivent à une limite, ils se disent que même leur opinion publique nationale ne comprendrait pas qu’ils se taisent. Ils sont obligés de parler, ne serait-ce que pour leur opinion publique. Quand j’entends, par exemple, toutes les critiques qui sont émises à l’égard du représentant du Fmi, mais il a signé un certain nombre d’accords avec le Sénégal ! C’est le Fmi qui donne sa garantie, quand le Sénégal fait des emprunts que le Sénégal sur le plan international. Et ça fait partie des engagements du Sénégal. Quand le Fmi regarde et pense qu’il y a des problèmes dans notre pays au plan de la gestion de l’économie, il doit le dire. Il a raison de se protéger contre les créanciers du Sénégal. Il dit : «Attendez je donne ma garantie, mais attention cette garantie n’est pas illimitée, il faut que j’attire votre attention sur ce qui se passe dans le pays.» C’est pourquoi, d’ailleurs, les responsables du Fmi n’ont pas de statut diplomatique dans leurs représentations, parce qu’ils ont un droit de regard entre guillemets et un droit de critique. Si c’était un diplomate, on aurait déclaré Alex Segura, persona non grata. Mais il n’est pas un diplomate, lui. Il est comme une société privée qui implante sa représentation au Sénégal. On peut l’expulser, puisque le Sénégal est souverain, mais il n’est pas soumis au statut diplomatique. Heureusement d’ailleurs, pour une fois que la Banque mondiale et le Fmi veulent bien regarder ce qui se passe chez nous, alors qu’ils ont été tout le temps complices de la gabegie, des corruptions et des détournements qui sont opérés dans nos pays, au moins, cette fois-ci, ils le disent, bien que mollement et timidement : «Attention !» Je dis complices, simplement parce qu’ils ont toujours fermé les yeux, non jamais rien dit, alors qu’ils savent très bien combien d’argent est détourné dans ce pays, où il va, quel prêt a été utilisé à d’autres fin. Ils savent bien les chantiers-là, l’argent englouti et comment cela a été fait. Qu’ils émettent une fois des réserves par rapport à ça, tant mieux ; c’est bien. On ne peut pas attendre l’Inspection générale d’Etat pour le savoir.

Oui, aujourd’hui, avec toutes ces pénuries, cette flambée des prix, etc. relèvent-elles du structurel ou de la responsabilité des gouvernements ?

Il y a ce qui relève de considérations structurelles et ce qui relève de la responsabilité des uns et des autres, par rapport à la manière de conduire leurs charges. Le ponce-pilatisme est quand même extraordinaire ! Quelle est la responsabilité d’un Etat ? C’est de gérer correctement un pays. Quand ça marche, c’est l’Etat qui gère très bien ; quand ça ne marche pas, c’est l’International qui justifie les problèmes. Mais, qui peut-on convaincre avec ce type d’arguments ? La politique fiscale définie par le Sénégal, et qui grève substantiellement la facture énergétique, n’est pas le fait des puissances internationales, du prix du baril de pétrole. Le régime refuse de renoncer à une fiscalité extrêmement importante sur l’énergie qui est importée. La fiscalité du Mali étant plus avantageuse, le consommateur paye moins cher le litre de gasoil ou d’essence. C’est la même chose en Côte d’Ivoire. Il faudrait quand même que les gens admettent leur responsabilité.

Aujourd’hui sur près de 1 400 milliards que représentent les recettes de l’Etat, on se rend compte que le 1/3 est tiré des recettes tirées du pétrole. Or, on nous a toujours fait savoir que c’est à cause de la flambée du prix du baril du pétrole sur le plan international. Est-ce que les Sénégalais n’ont pas payé finalement la facture à la place de l’Etat ?

Je ne suis pas économiste. La seule chose que je peux savoir, c’est qu’un budget est une nomenclature de dépenses et de recettes. Tous les budgets dont on nous a parlé depuis l’arrivée de ce régime ne sont pas sérieux. Le budget n’est contrôlé par personne et n’est soumis à la sanction d’aucune instance. On n’a pas voté de loi de règlement concernant les différents budgets depuis le départ de Diouf. Aucune loi de règlement ne vérifie l’exactitude du budget, la conformité de son exécution avec les dispositions… Je ne crois pas à toutes ces recettes dont on nous parle. Les 40% sont affectés à l’Education nationale sur le papier, mais dans les faits, c’est quoi ? Personne n’est capable de nous dire si le budget a été exécuté correctement. Est-ce que les 800 milliards de recettes qui ont été prévus sont effectifs ? Je ne sais pas, mais ce dont je suis certain, c’est qu’il y a un gâchis formidable dans ce pays, un gaspillage inégalé depuis l’indépendance. On a réfectionné un avion pour 32 milliards de francs prélevés sur le budget. Moins de cinq ans après, on parle encore de l’achat d’un autre avion. Maintenant, les considérations statistiques, le budget qui a augmenté, je le laisse à leurs appréciations. Je sais également qu’à l’heure actuelle au Sénégal, on subventionne le gaz et le riz. Je sais que le Sénégal ne peut pas le faire ; ça ne va pas continuer. J’attends de voir une loi de règlement à l’Assemblée nationale, qui me dit que le budget de l’année dernière a été correctement exécuté. Cette loi-là, personne n’en dispose. La Banque mondiale n’en dispose pas. La Cour des comptes a été créée, mais jusqu’à présent elle n’a jamais préparé, depuis au moins 8 ans, une loi de règlements présentée à la sanction de l’Assemblée nationale.

Comment percevez-vous cette façon récurrente du régime de recourir aujourd’hui à des emprunts obligataires ?

C’est même des emprunts obligatoires. Un emprunt obligataire est une souscription volontaire d’institutions ou de particuliers. Mais sur tous les emprunts obligataires qui sont lancés sur le marché, on oblige toutes les institutions financières dépendantes directement du Sénégal de souscrire à l’appel. Or, il y a une question de confiance dans la souscription en emprunt obligataire. Les gens font confiance à l’économie d’un pays, à ses capacités de remboursement, au caractère sain de ses finances publiques. Mais quand on lance un emprunt après qu’on ait dit à toutes les institutions : «L’Ipres, les Assurances, il faut souscrire», je ne suis pas convaincu par cet emprunt obligataire.

Pour revenir un peu sur vous, sur vos activités…Vous avez écrit plusieurs livres qui n’ont pas été tendres sur la manière de gérer le pays. Est-ce que la censure sur votre livre sur l’assassinat de Me Sèye a été levée ?

Non et aucun libraire n’importe plus un livre écrit par Latif Coulibaly au Sénégal. Sauf pour le dernier roman que j’ai fait et qui a été importé par Clairafrique, mais qui est resté plusieurs semaines à l’aéroport avant d’être disponible au Sénégal.

Qu’avez-vous fait alors ? Estimez-vous avoir été soutenu dans ce combat par les Sénégalais ?

Je ne cherche pas à être soutenu. On ne touche pas à Latif, mais à quelque chose de plus substantiel : le droit des Sénégalais de lire ce qu’ils ont envie de lire, d’être informés. Ce n’est pas à moi que ça s’adresse fondamentalement. Je n’ai pas investi un sou pour ce livre-là, mais ma capacité de travail et de réflexion, c’est tout. Il y a un éditeur qui l’a fait et qui n’a pas le privilège d’être distribué au Sénégal. Moi, j’en ai terminé le jour où j’ai décidé de publier ce livre-là, après plusieurs péripéties d’ailleurs.

Il semble que vous n’avez pas toujours laissé cette activité qui consiste à écrire et réfléchir sur les problèmes du pays et de l’Afrique en général. On annonce un brûlot que vous écrivez sur le pétrole ?

Ça me permet de faire une précision de taille : ce n’est pas exact. J’ai participé modestement et bénévolement, dans le cadre d’un regroupement d’intellectuels d’ici et d’ailleurs, qui avaient pour ambition d’essayer de comprendre pourquoi il y a autant de problèmes autour du pétrole en Afrique. J’avais en charge quelques pays de la sous-région. Après, on a fait un rapport global, qui n’est pas public, mais à usage d’une institution. Ensuite, cela m’a donné envie de comprendre de avantage cette question : la pauvreté, le pétrole. Et mon pays n’est même pas concerné. Brûlot contre qui ? C’est faux, cela n’a rien à voir avec un brûlot. Par contre, on va expliquer pourquoi certaines ressources pétrolières ne sont pas exploitées, pourquoi tous les espoirs ont été déçus comme les cas de la Mauritanie, du gisement que le Sénégal partage avec la Guinée Bissau, le Tchad. Je pense qu’ils ont lu dans un livre «Dakar, l’insoumise» pour le dire. C’est vrai que j’en suis à l’étape de collecter des informations pour en faire un livre tout à fait simple, sans aucune forme de considération.

Dans la même veine, par rapport à un manuscrit de votre livre on vous aurait proposé entre 100 et 500 millions ?

Dit ainsi, ça peut faire autre chose. Il est effectivement vrai que, quand j’étais en pleine finalisation de mon manuscrit, la police s’en est emparé, en tout cas certaines personnes au Sénégal l’ont sur Internet, des gens sont venus me voir, au moins deux ministres dont l’un est en activité, l’autre conseiller du Président, qui m’ont dit d’évaluer le manque à gagner que ce livre m’aurait coûté. Je l’ai estimé entre 100 et 500 millions. Ils m’ont dit qu’ils peuvent trouver des gens puissent m’offrir cette somme pour que je renonce à la publication ; c’est ça la vérité. J’ai des témoins qui sont là. Certains se sont permis de venir me voir et de me dire, j’avais rendez-vous avec «qui de droit» (rires) et qui était prêt à me recevoir. J’ai répondu que je n’étais pas convaincu que c’était lui qui avait demandé de le faire. Cependant, j’étais tout à fait convaincu qu’une fois que je donne mon accord, ils iront là-bas pour dire: «Latif est prêt à venir et demander pardon.» J’ai dit que si je dois être reçu par l’institution ou la personne nommée, je le ferais au vu et au su de tout le monde, le jour et au palais de la République. J’irai, -comme je ne demande pas d’audience- en ayant dans ma main une lettre écrite par lui, m’invitant. C’était trop prétentieux de ma part, mais c’était la seule manière pour moi de dire non à cette offre. Voilà, il n’y a pas autre chose.

Il y a votre livre sur le pillage de la Lonase et pour lequel vous êtes en procès. Où en êtes-vous ?

Je devais aller d’ailleurs à une conférence aux Etats-Unis, mais je ne peux y aller, car je suis convoqué devant le juge encore et le 17, j’ai le procès. Les procès sont là,; on fait face. J’ai gagné une première manche ; je vais voir ce que va donner la prochaine manche. J’attends avec sérénité, en étant conscient que toutes les hypothèses sont possibles.

Ce procès pourrait être mieux clarifié, si les institutions qui sont chargées de la corruption et de la transparence avaient voulu y participer. On a l’impression que depuis lors, ces institutions sont paralysées…

C’est extraordinaire que vous me posiez la question ! Votre journal (Le Quotidien contre Oumou Wane Mayé : Ndlr) est poursuivi d’ailleurs dans cette affaire là, car vous avez osé révéler le contenu du rapport de la Commission et pourtant tout ce que vous avez écrit, est vrai. Je suis le principal concerné. Il ne faut pas que les Sénégalais oublient que mon livre était destiné à la Commission nationale de lutte contre la corruption. Ses membres ont effectivement fait un rapport. J’en étais informé, c’est normal ; c’est moi qui les ai saisis. La moindre des choses était de m’appeler, même si c’est destiné au Président de la République, et de me dire quel était l’aboutissement de mon affaire. Et j’ai pu certifier que dans le bureau du Président, et même en présence de certains membres, que c’est exactement ce que vous avez écrit qui se trouve dans ce rapport-là.

N’y a-t-il pas une volonté de museler la vérité, car pour la clarification dans un pays qui se réclame de la transparence, n’aurait-il pas fallu mettre le rapport à la disposition au moins de l’opinion ?

Non, ils ne le feront pas, car cette institution n’est qu’un alibi. Elle ne fera pas le travail qu’on attend de la Commission malienne ou de la Commission nigériane. Comme il était de bon ton et de mode à l’époque de mettre ces institutions en place, mais on l’a mise en place en la musèlant, en disant que le rapport n’est destiné qu’à l’usage du chef de l’Etat qui en fait ce qu’il veut. Le mot dit ce qu’il veut dire… Ce rapport sur la Lonase est un rapport accablant. Mais comme cette institution ne voulait plus voir dans la presse, «la Commission blanchit tel», ils ont réussi le coup avec vous ; ils vous ont «sourcés» et ont flûté le document dans votre presse. Et maintenant, ils vous laissent face au juge. Et là, vous avez fait un travail remarquable qui leur donne un semblant de respectabilité et de travail sérieux. C’est ce qu’ils cherchaient. Après, ils ne vous donneront pas de rapport ; je suis certain que vous serez seuls face au juge.

Quel sentiment vous éprouvez vis-à-vis de…

(Il interrompt). Ce n’est pas une institution digne de son nom. D’ailleurs, dans mon livre même, je dis que je ne leur fais pas confiance, mais c’est un dernier recours auquel je me prête, parce que le traitement qu’ils avaient réservé aux autres dossiers, pour moi, c’était la même chose. La preuve qui entend encore parler du rapport sur la Lonase ? Il a servi à quoi ? Rien.

Il y a eu un aveu de taille par rapport à cela, car après ce rapport, quand on a fait réagir le Directeur de la Lonase, l’argument derrière lequel il s’est réfugié, est qu’il a agi sous ordre du Président.

J’ai tellement dit, tellement écrit sur cette affaire, que je n’ai même plus envie de l’évoquer ; je l’évoquerai devant le juge. Non pas que le dossier ne m’intéresse plus, mais c’est quand même extraordinaire dans ce pays, qu’on puisse en être là aujourd’hui. Qu’on ait des faits aussi accablants, aussi graves, et plus d’un an, tout le monde fait comme si c’était normal. Et les Sénégalais ont épuisé leur capacité d’indignation. Personne ne s’indigne plus et ce qui est le plus anormal dans le pays, est considéré maintenant comme la normalité. C’est ça le problème.

Mais si le cas de la Lonase suit cet itinéraire, où est la transparence ?

C’est vous qui parlez de transparence ; le premier souci des autres, c’est justement le manque de transparence. Vous savez très bien que le fils du Président de la République et dirigeant de l’Anoci ne peut pas être transparent. Il est sûr de son impunité. Si c’était le fils de personne, on aurait pu avoir l’Inspection générale d’Etat (Ige) là-bas. Idrissa Seck qui était le fils de personne a eu l’Ige. Sûrement Macky Sall l’a eue, Salif Bâ et d’autres l’ont eue. Mais lui (Karim), je doute qu’il l’ait.

Il y a quand même des Sénégalais qui siègent au niveau du Comité de surveillance de l’Anoci ?

Ils ne sont informés que sur ce que les gens décident de leur donner comme information, pas plus que ça. J’ai beaucoup de respect pour eux, mais allez écouter les membres indépendants de ce comité de surveillance. Vous les avez interrogés ? Ils n’en savent pas souvent plus que vous.

A suivre

 



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