Jeudi 25 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

Entretien avec Amath DANSOKHO : 'WADE a voulu faire de Karim le ministre des Finances'

Single Post
Entretien avec Amath DANSOKHO : 'WADE a voulu faire de Karim le ministre des Finances'

Amath Dansokho ne croit pas que le président Wade ait abandonné son projet de se faire succéder par son fils. Pour s'en convaincre, il rappelle que ce dernier avait déjà voulu faire de Karim Wade le ministre des Finances dans le premier gouvernement de l'alternance avant que Moustapha Niasse ne l'en dissuade.

Analysant la défaite de l'opposition à l'élection présidentielle du 25 février dernier, Amath Dansokho n'a pas été tendre avec celle-ci dans l'entretien qu'il nous a accordé. Le secrétaire général du Pit soutient que si ses candidats ont été battus c'est, en grande partie, parce qu'elle a tourné le dos au mouvement populaire et a accepté de travailler selon l'agenda de Me Abdoulaye Wade qui a faussé le jeu démocratique en amont. Et pour éviter le même revers lors des élections législatives du 3 juin, l'opposition bat le rappel de ses troupes et compte surtout, affirme Amath Dansokho, mettre à exécution sa menace de boycott de ce scrutin si le fichier électoral n'est pas corrigé.

Wal Fadjri : Pour d'aucuns, le président de la République prépare son fils, Karim Wade, à assurer sa succession, malgré les dénégations du concerné. Quel est le cas de figure le plus plausible selon vous qui connaissez Abdoulaye Wade pour l'avoir longtemps pratiqué ?

Amath Dansokho : Je trouve cela assez extravagant, comme beaucoup de choses, d'ailleurs, que fait le président Abdoulaye Wade. Il met en relief son fils même s'il a déclaré, récemment, que celui-ci n'avait pas le profil de l'emploi. Parce que, selon lui, il lui manque la connaissance de la société sénégalaise, il ne maîtrise pas la langue wolof, mais surtout il est d'éducation française. C'est ce que Wade a dit. Je refuse souvent de parler des enfants de Wade. Je considère que ce sont des Sénégalais et qu'ils ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que tout autre citoyen. Je ne le dis pas parce que moi-même j'ai des enfants métis. Je le pense sincèrement. Ce n'est pas ce que je conteste. J'ai de la pudeur à parler des enfants de Wade. Ils sont très gentils avec moi et je ne suis pas en compétition politique avec eux. Et leur ‘sénégalité’ n'est pas à contester sous quelque rapport que ce soit.
Mais je ne peux pas croire que Wade ait écarté définitivement son fils de sa succession. Deux ans après son élection, j'ai ouï dire depuis que ce projet était en gestation. Que Wade était en train de lui mettre le pied à l'étrier. J'y crois. C'est une hypothèse vraisemblable. Parce que quand Wade dit que son fils ne sera pas son héritier, c'est pour faire savoir que ce n'est pas lui qui va le choisir, mais c'est le peuple qui le fera. D'ailleurs, on est en train de constituer, depuis deux ans déjà, des comités de soutien en faveur de Karim Wade, notamment au niveau de la banlieue de Dakar. Qui dit qu'avec ce qui s'est passé lors de l'élection présidentielle du 25 février dernier, nous ne serons pas submergés par une clameur soutenant que Karim Wade a le meilleur profil parmi les potentiels successeurs de Wade. Et on mettra à contribution des chefs religieux auxquels on donnera beaucoup d'argent et qui diront que c'est un bon musulman et qu'il connaît parfaitement le Coran. Wade met déjà en place le processus de financement de la campagne de 2012.

Wal Fadjri : En quoi faisant ?

Amath Dansokho : Les 14 milliards Cfa qu'il réclame à Idrissa Seck, par exemple. Wade a déclaré que les 7 milliards étaient destinés à la campagne de 2007 et le reliquat à celle de 2012. Et, il y a aussi les responsabilités qu'il (Karim, Ndlr) occupe à la tête de l'Agence nationale de l'Organisation de la conférence islamique (Anoci) qui vont lui permettre de tisser des relations dans le monde arabe. Mais, également, cela servira à envoûter les chefs religieux. Wade ne cherche pas trop à le promouvoir dans le monde occidental, parce que là-bas c'est plus compliqué.

Wal Fadjri : Comment réagissez-vous face à cette initiative que vous prêtez à Wade ?

Amath Dansokho : Ce n'est pas acceptable. Et je ne pense pas que les Sénégalais accepteront ça.

Wal Fadjri : Le fait de confier à son fils les grands travaux de l'Etat comme, récemment, l'aéroport de Diass s'inscrirait-il dans cette logique ?

Amath Dansokho : C'est justement ce que nous reprochons à Wade. C'est le fait de trop impliquer son fils dans les affaires de l'Etat. Dans les sociétés civilisées, les familles des chefs d'Etat sont impliquées très rarement dans la gestion de l'Etat. Vous me direz que Chirac a sa fille qui est sa conseillère en communication, qu'Eltsine avait sa fille qui faisait partie, avec son mari, des oligarques, qu'en Syrie, Hassad a intrônisé son fils, que Moubarack est en train de préparer son fils. Mais, ce sont des exemples qui sont contraires aux mouvements des sociétés vers la démocratie. J'ai la conviction que le fait, pour un chef d'Etat, d'impliquer les membres de sa famille, ne favorise pas la transparence.

Wal Fadjri : Mais, le Sénégal est régi par des lois et il y a la Constitution. Comment Wade pourrait-il s'y prendre s'il voulait installer son fils aux commandes du pays ?

Amath Dansokho : Il a augmenté trente sièges à l'Assemblée nationale. Désormais, nous aurons un Parlement avec 150 députés, 30 de plus par rapport à l'ancien qui en comptait 120. En plus, Wade a déclaré qu'il veut renforcer sa position à l'Assemblée nationale. Il entend, sans doute, y parvenir avec le même procédé que celui qui lui a permis d'avoir le succès, entre guillemets, lors de la présidentielle. Wade veut se donner une marge telle que même s'il y a des défections dans ses rangs, il pourra changer la Constitution. Ainsi, il pourra donner un poste d'attente à son fils qui lui permettra d'assurer l'intérim en cas de vacance du pouvoir. Et, avec la procédure électorale qui existe, le tour est fait.

Wal Fadjri : Vous pensez à un poste de vice-président ?

Amath Dansokho : On peut imaginer qu'il devienne Premier ministre. Le 3 avril 2000, au cours de nos consultations pour former le gouvernement, quand on est arrivé au poste de ministre des Finances que convoitait Landing Savané, Wade a dit : ‘Non, ça c'est un poste réservé à un spécialiste des finances’. Ensuite, il a déclaré que son fils avait fait de l'Ingénierie financière. Il a voulu tout de suite faire de Karim le ministre des Finances. C'est Moustapha Niasse qui est intervenu pour lui dire de faire attention et que c'était trop tôt. Il s'est ressaisi pour nommer Makhtar Diop à ce poste. Par conséquent, il ne faut pas exclure qu'il fasse de lui son successeur. Il lui donne de plus en plus des responsabilités tentaculaires. Les travaux de l'Oci suffisaient. Le Sénégal regorge quand même de beaucoup de compétences. Nous avons, au moins, une vingtaine de polytechniciens en France et ceux d'ici ne sont pas moins valables pour conduire de tels travaux. Mais, maintenant, tout est confié à Karim Wade. Et j'ai remarqué que Macky Sall est l'objet de plus en plus d'attaques venant de l'intérieur du Pds. C'est comme ça que les choses avaient commencé avec Idrissa Seck. Il y a des gens qui étaient chargés d'aller l'insulter, devant son bureau, tous les jours. Alors, si on enlève Macky Sall, qui sera le prochain Premier ministre ?

Wal Fadjri : Mais, le Pds ne manque pas de cadres qui n'ont pas dit leur dernier mot.

Amath Dansokho : Je ne conteste pas qu'il y ait au Pds des gens capables de conduire le Sénégal. Leur politique est exécrable, mais ce n'est pas la compétence qui leur manque. Mais Wade a installé un gouvernement pléthorique comme pour dire : Kou nek na mos tuti (Que chacun goûte un peu au gâteau : Ndlr). Mais, le véritable problème du Pds et du gouvernement, c'est que Wade est incapacitant. Je répète bien, incapacitant. Quand vous êtes à côté de lui, vous êtes incapable immédiatement. Parce qu'il ne vous laisse pas travailler. Cet homme aurait pu avoir le gouvernement le plus performant. Nous sommes à peine 12 millions, mais il a des conseillers plus nombreux que ceux de Bush qui a près de 400 millions de personnes dans son pays, en plus de ses responsabilités mondiales sans commune mesure. Le Sénégal est un nain à côté des Etats-Unis, mais Wade a plus de 120 conseillers. La présidence de la République est même devenue un mouroir de ministres. Dès qu'on est exclu du gouvernement, on est conseiller spécial du chef de l'Etat.

Wal Fadjri : Vous aviez menacé de porter plainte contre le président Wade. Où en est ce dossier ?

Amath Dansokho : Je voudrais d'abord dire que je n'ai rien à me reprocher. Quand j'ai été attaqué par Guirassi, c'est Wade lui-même qui a demandé aux conseillers municipaux s'ils pouvaient témoigner de ce qu'il venait de dire. Personne n'a parlé. Quelqu'un s'est levé pour dire à Guirassi : ‘Cesse de raconter des histoires’. Wade, en personne, lui a dit : ‘Amath, je le connais très bien, personne au Sénégal ne peut dire qu'il est mêlé à des histoires d'argent’. Mais quelques minutes après, en plein meeting, comme si quelque chose lui avait traversé l'esprit, Wade a déclaré que je suis accusé d'avoir détourné 17 millions. Peut-être qu'il s'est dit que c'est un moyen de faire pression sur cet emmerdeur d'Amath Dansokho. Parce que, le 9 novembre dernier, quand il m'a reçu, j'avais encore décliné une offre pour un poste de ministre d'Etat cumulativement avec celui de conseiller spécial du président de la République. Je lui avais fait savoir que je ne pouvais accepter ce poste parce que je donnerai l'impression d'aller à la soupe. Il m'a dit : ‘Amath, toi, personne ne peut dire que tu vas à la soupe parce que tu ne t'es pas enrichi avec tes fonctions de ministre’. C'est pourquoi j'ai dit que c'est un menteur lorsqu'il a porté des accusations contre ma personne.
Cela dit, à propos de la plainte, je suis en train de consulter les juristes. Evidemment, je ne peux pas le poursuivre pour les propos qu'il a tenus à Kédougou pendant la campagne électorale. Et pour les déclarations qu'il a faites après, il paraît que, dans ses fonctions de président de la République, on ne peut pas le poursuivre. Mais, semble-t-il, je peux lui envoyer une sommation interpellative. Je ne sais pas ce que cela va donner. J'ai beaucoup de respect pour les magistrats, mais la justice est ce qu'elle est au Sénégal. Je ne suis même pas sûr de pouvoir trouver un huissier qui ira remettre à Wade cette sommation. Ndiogou Wack Seck du journal Il est midi m'a agressé, je l'ai traduit en justice et il est condamné à me payer 500 000 F Cfa. Mais personne n'ose aller lui dire de payer. Un seul huissier avait accepté de faire exécuter cette décision de justice, mais il a finalement renoncé. Parce qu'il paraît que ce monsieur bénéficie d'une protection de la présidence de la République. Même la gendarmerie dit qu'elle n'a pas assez de pouvoir pour faire appliquer cette décision. J'en ai parlé à l'Assemblée nationale devant le ministre de la Justice, Cheikh Tidiane Sy, mais rien. Si M. Seck est intouchable, a fortiori Wade.
Je ferai, évidemment, ma sommation interpellative contre Wade, mais je suis sûr que je n'aurai aucun huissier pour la lui porter. Je suis en train de voir, par rapport aux lois de l'Ohada, si je peux avoir un huissier dans l'espace Uemoa. Je ne peux pas faire autrement parce que la magistrature sénégalaise est truffée de gens qui sont achetés par Wade. Mais, la bataille est en cours pour renverser la tendance. Il y a l'Amicale des magistrats qui n'a pas baissé les bras. Et dans peu de temps, vous les entendrez. Il est temps, parce que la situation est inadmissible. C'est Wade qui distribue les sentences en lieu et place des tribunaux. Il déclare qu'il va vendre la permanence du Parti socialiste, qu'Idrissa Seck ira en prison, que Tanor et Moustapha Niasse seront poursuivis...

Wal Fadjri : Mais, n'a-t-il pas le droit en tant que chef de l'Etat de préserver les intérêts du pays ?

Amath Dansokho : Absolument ! Sa fonction essentielle, c'est de défendre les intérêts du Sénégal et des Sénégalais. Il peut porter plainte au nom des intérêts de l'Etat qui sont mis en cause. Mais, la sentence, seuls les tribunaux doivent la prononcer. Wade est un juriste qui ne connaît pas la loi, comme il est un économiste qui ne maîtrise pas les lois de l'économie. Dans le gouvernement, il y a des ministres qui ont été condamnés par la Cour des comptes avec, pour certains, la précision qu'ils n'ont plus rien à faire dans l'administration publique.

Wal Fadjri : Qui sont ces ministres ?

Amath Dansokho : Ils se reconnaîtront dans mes propos. Wade a violé la loi en les intégrant dans son gouvernement parce qu'il avait besoin de transhumants qui, politiquement, lui sont utiles. Pour revenir à mon cas à Kédougou, celui qui m'a accusé a été condamné à trois mois de prison ferme par la juridiction de Tambacounda. Il a transhumé au Pds qui lui a assuré une protection.
Wade n'a pas assuré sa fonction de contrôle des ressources publiques. Tout ce déluge de sous que nous avons connu, ces milliards qui virvoltent au-dessus de nos têtes, c'est une bulle financière qui va se casser, bientôt. Il en sera ainsi de l'argent sale qui est utilisé dans ce pays à une échelle invraisemblable et qui détruit notre économie. Wade a abandonné la sphère de production. Toutes nos productions sont par terre. L'Agriculture, la Pêche, l'Industrie, le Tourisme... tout est par terre.

Wal Fadjri : Les Sénégalais ne sont pas de cet avis qui ont réélu Wade dans leur écrasante majorité...

Amath Dansokho : Oui, les Sénégalais ont réélu Wade, mais ce n'est pas compliqué à expliquer. On sait que, dans tous les pays, la misère est la meilleure alliée du conservatisme. Si le contraire était vrai, les millions d'Indiens qui sont nés dans la rue depuis dix générations, auraient mille fois fait la révolution. Mais, ils n'y pensent même pas. Parce que pour penser à la révolution, il faudrait connaître d'abord le bonheur. Allez dans les campagnes, tout le monde a la peau sur les os. Même ici, en ville, nos femmes ont perdu de leur superbe par rapport aux années 70 et 80. J'ai été à Gounass et le seul mot que les femmes ont à la bouche, c'est : ‘Nous ne mangeons plus à notre faim’. Parce qu'elles n'ont plus de revenu.
Wade devait créer un climat propice pour les investisseurs, il ne l'a pas fait. Au contraire, ces derniers sont soumis à des rançons de sorte que dès qu'ils arrivent au Sénégal, ils plient aussitôt bagages. Il y en a qui étaient même venus de la Côte d'Ivoire chassés par la guerre civile.

Wal Fadjri : Qui rançonne les investisseurs ?

Amath Dansokho : Des gens qui sont au pouvoir. Les investisseurs sont soumis à des prélèvements incroyables. D'ailleurs, la part de l'investissement national a diminué au Sénégal. Même les nationaux ne veulent plus investir dans leur propre pays parce qu'ils sont tout le temps rançonnés. C'est une race de rapaces qui est là, des Rastignac dont la devise est : ‘Enrichissez-vous’. Le peuple est ainsi affamé et, pendant les élections, on leur apporte de l'argent. On m'a rapporté le cas d'un ministre qui, le jour de l'élection présidentielle, est allé aux écoles I, II et V de Pikine pour acheter les cartes des électeurs. Au vu et su de tout le monde, il ne s'en cachait même pas. Les gens venaient faire la queue pour avoir 10 000 F Cfa. Cette somme, c'est rien. Mais je n'ai pas de jugement de valeur par rapport aux Sénégalais parce que je n'ai pas connu la misère dans ma vie, mais eux, par contre, ils la vivent dans leur majorité. J'imagine que c'est douloureux d'avoir son bébé entre les mains et de ne pas avoir de quoi le nourrir. Quand on est dans une situation aussi shakespearienne : être ou ne pas être, et on vient nous proposer 10 000 F Cfa, on prend sans hésitation. Imaginez que dans une famille, trois ou quatre personnes reçoivent 10 000 F Cfa, cela fait une jolie somme qui peut faire vivre la famille pendant un mois.
Pourquoi les Sénégalais ont comme observé une journée de deuil national le lendemain des élections ? C'est parce que la plupart d'entre eux ont eu honte d'avoir voté pour Wade. Et lui-même sait que les Sénégalais ont honte. S'il avait régulièrement gagné, ses partisans auraient manifesté leur joie. A preuve, le 3 avril 2000, lors de sa prestation de serment, tout le peuple s'était donné rendez-vous au stade. Mais, cette année, il y a une sélection rigoureuse des invités. Peut-être que même moi, malgré mon statut de vice-président à l'Assemblée nationale, je ne serai pas accepté. C'est la crainte des brassards rouges. Et puis, il y a eu d'autres méthodes qui ont été utilisées pour fausser les élections.

Wal Fadjri : Mais, l'opposition n'a-t-elle pas une grande part de responsabilité dans sa débâcle, pour s'être trop focalisée sur des questions pas du tout essentielles aux yeux des Sénégalais ?

Amath Dansokho : Il n'y a pas de doute. Je le dis avec d'autant de liberté que j'avais tiré la sonnette. S'il y a une défaite qui ne m'a affecté, c'est bien celle du 25 février dernier. Quand on a annoncé les résultats, l'effet que cela a fait sur moi, c'était comme une goutte d'eau sur une dalle. Parce que la défaite était inscrite, selon moi, dans la réalité de ce que nous faisions. Lors de la présentation du programme commun de la Cpa, j'avais dit qu'il ne fallait pas aller trop vite en besogne pour dire qu'on a déjà gagné. Qu'il ne fallait pas sous-estimer le pouvoir qui est en place. Les tenants du pouvoir ont tout changé. Ils ont changé le visage de l'appareil d'Etat, ils ont rassemblé des ressources énormes et ils ont mobilisé des forces parallèles pour faire la violence. Mais, nous n'avons pas tenu compte de ces donnes.
Nous n'avons pas, non plus, pris la pleine mesure des signaux que nous avaient lancés les Sénégalais aux élections locales de 2002. Avec le Cpc, nous avions eu 48 % des suffrages et nous n'étions pas présents dans tous les bureaux de vote. Le peuple nous avait donné un avantage certain. Mais, en février 2007, il ne savait plus ce que l'on faisait. On se bornait tout juste à sortir des communiqués sur les problèmes des Sénégalais, par acquis de conscience. Nulle part, on ne nous a vus près des gens, nulle part on ne nous a vus ensemble comme du temps du Cpc lorsque l'on parcourait le pays. Même à Dakar, nous n'avons pas une seule fois fait une tournée ensemble. Ce n'est pas une question de moyens. Chaque parti de la Cpa peut au moins mobiliser plus de cinq véhicules. Ce n'est pas la peine d'entrer ici dans certaines considérations.

Wal Fadjri : Il y a eu, aussi, la cassure de la Cpa...

Amath Dansokho : Et cette cassure a évidemment tout achevé. Les Sénégalais ont vécu cela douloureusement parce que, pendant des années, ils ont cru que nous irions ensemble. Lors de la dernière manifestation de l'opposition, jusque sur les grilles du ministère de l'Intérieur, les gens nous demandaient de rester unis. Parce qu'ensemble, disaient-ils, nous aurions gagné les élections. J'étais pour l'unité la plus forte, mais on a vu ce qui s'est passé par la suite. J'avais toujours dit que ces élections étaient exceptionnelles en ce sens qu'elles étaient le couronnement de la politique de remodelage social total et global de Wade qui a monté une nouvelle oligarchie.

Wal Fadjri : Mais, l'opposition était-elle vraiment prête à aller à ces élections ?

Amath Dansokho : Nous avions un programme qui est globalement bon. Mais la politique, c'est une épreuve de force. Abdou Diouf savait, dès octobre 1999, qu'il allait perdre les élections. Lors du retour de Wade, nous avions mis plus de cinq heures de temps entre l'aéroport et son domicile au Point E. D'ailleurs, Diouf ne voulait pas être candidat. Entre les deux-tours, il savait que c'était perdu pour lui parce que le mouvement populaire était très fort. Seulement, nous avons tourné le dos au mouvement popupaire. Je ne vous en donne pas l'explication, mais je l'ai.

Wal Fadjri : Mais, en 1999, la question de leadership du l'opposition était réglée.

Amath Dansokho : Effectivement. Nous avions un chef que personne ne contestait. Mais, lors de la présidentielle du 25 février, nous n'avons même pas pu régler cette question. Et pourtant c'était facile. La Constitution, les projets de réforme des institutions que nous avions envisagés, donnaient de la place à tout le monde. J'avais dit, dans une interview, que la question capitale de l'opposition, c'est de savoir si elle est là pour résoudre les problèmes des Sénégalais ou si les Sénégalais sont là pour résoudre le problème de chef de l'opposition.

Wal Fadjri : Le problème de leadership reste entier. Qu'allez-vous faire pour les élections législatives ?

Amath Dansokho : Il reste entier. Mais je ne crois pas que nous participerons à ces élections. La question préalable, c'est d'avoir un système électoral capable d'assurer la libre expression du vote, un scrutin fiable, sans tricherie. Ce à quoi nous étions parvenus dans la foulée du mouvement populaire en 1999. Mais, cette année, nous avons accepté de travailler selon l'agenda de Wade et nous n'avons pas été capables d'en sortir et d'adopter une démarche à nous pour le mettre au pied du mur. C'est ce qui a amené les résultats que nous avons connus à la présidentielle.

Wal Fadjri : Comment l'opposition peut-elle sortir de l'écheveau d'autant qu'elle semble être à la remorque du président Wade ?

Amath Dansokho : Comment voulez-vous que l'on m'accuse de prévarication et que je me taise. On peut me traiter de tous les noms d'oiseau, mais je n'accepte pas que l'on m'accuse d'être un prévaricateur. C'est pourquoi j'ai répondu à Wade. J'ai dit à mes enfants que je ne cherche pas de l'argent. S'ils veulent hériter, ils trouveront des livres, mais je ne chercherai pas de l'argent à entreproser dans des banques, surtout s'il s'agit de l'argent d'autrui. C'est ma conception de la vie, mon choix idéologique et politique qui me l'interdit. Il est vrai que c'était une diversion de la part de Wade, mais il fallait des mises au point.

Wal Fadjri : Certains partis de l'opposition, dont le vôtre, ont agité le boycott des prochaines législatives. Irez-vous jusqu'au bout ?

Amath Dansokho : Nous y travaillons. Nous sommes d'accord que la tâche centrale, c'est la lutte pour instaurer des procédures démocratiques et expurger du Code électoral tous les changements qu'il y a introduits pour s'assurer une victoire à la présidentielle. Nous voulons une Ceni dans laquelle l'administration ne jouera plus aucun rôle. Parce que la fraude s'est faite en amont, lors des inscriptions. Pendant deux mois, au début des inscriptions, les commissions n'étaient peuplées que par des membres du Pds. Ils ont donné au palais les moyens de créer un fichier clandestin.

Wal Fadjri : En compagnie de qui comptez-vous faire pression sur le chef de l'Etat pour l'amener à accepter ces changements ?

Amath Dansokho : Avec le peuple sénégalais et nous y travaillons avec certains partis politiques de l'opposition. Chaque jour, dans tous les secteurs, on note des mouvements de colère. Depuis Dakar dem dikk jusqu'au secteur de l'éducation, tout est en mouvement. Wade n'a même pas bénéficié d'un jour de grâce après sa réélection.

Wal Fadjri : Idrissa Seck vous a rendu visite. Quel était l'objet de votre rencontre ?

Amath Dansokho : Il a l'habitude de venir me voir pour échanger parce qu'il m'accorde du crédit par rapport à mon expérience politique. Mais on n'a pas parlé d'alliance. Je lui ai exposé la démarche du Pit et d'autres partis de l'opposition, notamment par rapport aux élections législatives. Et nous allons continuer les discussions.

Wal Fadjri : Mais, n'est-ce pas vous qui accusiez Idrissa Seck d'être un grand voleur, durant la campagne électorale ? Comment pouvez-vous aujourd'hui prendre langue avec lui ?

Amath Dansokho : C'est très compliqué cette question. Je lui ai dit que s'il croit qu'il est innocent, il n'a qu'à se battre parce qu'avec Wade, c'est une lutte permanente. Et puis Wade l'a blanchi, l'a accusé encore, pour le blanchir une nouvelle fois, avant de l'accuser une fois de plus. Ce que je n'arrive pas à comprendre dans cette histoire, c'est qu'Idrissa Seck ait pu aller en prison sans Wade. Parce qu'il s'agit quand même des fonds politiques placés sous la responsabilité directe du chef de l'Etat. Il va falloir que Wade nous explique d'abord comment ces fonds se sont retrouvés entre les mains d'Idrissa Seck. (A suivre)



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email