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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

Entretien avec Djibo Leyti Kâ - Je ne polémiquerai pas avec des types comme Idrissa Seck

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Entretien avec Djibo Leyti Kâ - Je ne polémiquerai pas avec des types comme Idrissa Seck

- Les hommes politiques  doivent être transparents avec leur bulletin de santé

De retour de la France il y a quelques mois après avoir soigné des ennuis de santé, le secrétaire général de l’Union pour le renouveau démocratique s’est remis dans le bain de la politique et de ses responsabilités ministérielles.M. le ministre d’Etat, vous étiez en France il y a quelques mois pour vous soigner. Apparemment, vous vous portez bien maintenant et vous avez repris le travail.
Je rends grâce à Dieu. Je rends vraiment grâce à Dieu !
Vos ennuis de santé sont derrière vous.
Cela, je ne peux pas le dire car il n’y a que Dieu qui le sait. Mais encore une fois, je rends grâce à Dieu.
Vous souffriez de quoi exactement ?
Excès de fatigue, comme cela peut arriver à chacun d’entre nous. Vous savez, nous les Sénégalais, en tout cas les Africains, nous ne savons pas travailler. Nous travaillons tout le temps. Moi, je n’ai jamais pris de congé. Et je ne comprends pas pourquoi étant Directeur de cabinet de Senghor pour qui le congé était sacré, je n’ai jamais, autant que je me souvienne pris un congé de plus d’un mois. Ce n’est pas bien. Le corps humain, comme un moteur d’avion, a besoin de repos. J’ai craqué. C’est tout. J’avais une tension extrêmement élevée, mais je me suis ressaisi et je rends grâce à Dieu. Je suis devenu plus discipliné, plus méthodique.
Ah parce que vous ne l’étiez pas !
Non, je ne l’étais pas. Je fais mon mea culpa. J’aurais pu être mieux organisé mais je ne l’étais pas. Voilà.
Pour un disciple de Senghor, c’est curieux quand même.
On apprend toujours dans la vie. Oui, c’est curieux. Je croyais encore avoir 25 ans d’âge ! Il arrive un moment où on craque. Surtout à l’âge de la cinquantaine ou de la soixantaine, le corps est très fragile. J’en tire les leçons.
Justement, concernant l’état de santé des hommes politiques exerçant des responsabilités publiques, n’est-il pas temps que règne la transparence autour des bulletins médicaux ?
Si. Cela ne me dérangerait pas d’autant plus que c’est une exigence démocratique. La transparence est inhérente à toute bonne volonté. Il faut que nous soyons transparents par rapport à nous-mêmes, par rapport à notre entourage, par rapport à l’Etat et par rapport aux citoyens. En toute chose, et je le pense franchement. Ce n’est pas uniquement du point de vue de la santé, mais aussi du point de vue de la gestion et du comportement. Cependant, nous devons être également des hommes libres.
L’un n’empêche pas l’autre.
Exactement.
Es-ce qu’une incapacité physique avérée, à un certain niveau de la gestion de pouvoirs publics, doit être une raison suffisante pour écarter des affaires des hommes politiques ou autres ?
C’est évident. Et ce serait dans leur propre intérêt, sinon c’est irrémédiable. Quand une incapacité atteint un certain degré, on entre dans le domaine de l’irrécupérable. Je ne vois pas pourquoi on mourrait à la tâche en faisant semblant de faire comme si de rien n’était. Je me souviens que le Président Senghor avait un rythme de travail très élevé, mais il se reposait. Et quand il s’est rendu compte qu’il ne pouvait plus supporter le même quantum de travail horaire hebdomadaire, il a dit «je vais quitter le pouvoir». Il est vrai malgré tout qu’il avait déjà tout planifié plusieurs années auparavant.
Est-ce la fatigue ou l’impossibilité de supporter les charges de l’Etat et de la République qui est la raison fondamentale l’ayant poussé à céder le pouvoir à Abdou Diouf ?
Je ne dis pas qu’il était fatigué, je sais qu’il avait tout planifié parce que, avant la crise de 1962, il s’était déjà fixé une date butoir, celle de 1965. N’eût été la crise, il serait parti plus tôt. Les circonstances en ont décidé autrement.
On pose la question car dans un journal local, paraissant à l’époque en Normandie, le Président Senghor avait soulevé d’autres raisons pour expliquer sa retraite du pouvoir.
Et qu’est-ce qu’il avait répondu ?
En substance, qu’il n’avait plus les mains libres pour gouverner.
Je ne crois pas que Senghor ait dit cela. (Rires).
J’ai vu le document.
Ce que je sais et beaucoup d’autres Sénégalais le savent autant que moi, c’est qu’avant 62, il avait prévu de partir en 65. Mais, lorsque les événements se sont imposés, il ne pouvait pas partir. Il a décidé de reprendre les choses en main. Il avait raison. Il s’était néanmoins fixé un délai au-delà duquel il ne pourrait plus rester à la tête du pays, malgré les pressions de toutes sortes. C’était un homme hors de portée des pressions et du lobbying.
En parlant de Senghor, il y a à côté Mamadou Dia auquel vous avez rendu hommage lors de son décès. Avec les témoignages divers d’hommes politiques, d’historiens et de témoins des événements de 1962, ne peut-on pas considérer définitivement l’ancien président du Conseil comme une victime de Senghor ?
Je dois avouer que j’ai connu Mamadou Dia tardivement. En 1978 alors que j’étais Directeur de Cabinet du Président Senghor, je le rencontre pour la première fois à Rufisque au cours d’un gamou de feu El Hadj Ibou Sakho. C’était la première fois que je le voyais de si près et que je lui serrais la main. Donc, je puis dire que je ne l’ai pas connu en réalité. C’est en 1998 que je suis allé le rencontrer chez lui à la Sicap, avec Modou Amar, pour parler des élections législatives du mois de mai de cette année-là. Cependant, je connais son œuvre, vous pensez bien que j’ai beaucoup lu le concernant. C’est un grand africain, un nationaliste conscient de ses responsabilités et il a pris toutes ses responsabilités à l’époque, avec tout ce que cela impliquait comme risque. On ne peut ni gouverner sans risque ni faire de la politique sans risque.
Est-ce qu’il été victime de Senghor ?
Je ne le crois pas. Je ne peux porter de jugement sur les événements de 1962 car j’étais en classe de Cm2.
Avec le recul, vous avez forcément un élément de réponse.
Avec le recul, oui. Je sais ce que je sais mais je ne le dirais pas.
Avec l’empreinte que Mamadou Dia a imprimée dans ce pays, trouvez-vous normal qu’aucun hommage officiel ne lui ait été rendu, d’une manière ou d’une autre, même si sa famille l’a voulu ainsi ?
Il faut respecter la volonté de sa famille ! Et la dernière volonté du défunt.
N’auriez-vous pas compris que le drapeau national soit mis en berne ou qu’un jour férié soit décrété ?
Peut-être que lui-même ne l’aurait pas voulu ainsi ! Moi je m’en tiens à la thèse développée par sa famille, c’est-à-dire organiser ses funérailles de façon très sobre, sans aucune manifestation populaire, comme cela a été fait en définitive. Et pourtant, le peuple sénégalais lui a rendu hommage dans l’intimité.
Jusqu’à présent, l’Etat du Sénégal ne lui a pas rendu hommage.
C’est un autre débat. Il n’aurait pas voulu que ce soit politisé. Vous savez bien qu’au Sénégal, on est prompt à politiser tous les événements. On est friand de politique. (Rires).
Il craignait peut-être que le Président Wade, en premier, récupère l’événement qu’a été sa disparition.
Je ne peux pas me prononcer dessus. C’est une hypothèse à laquelle je ne peux pas apporter de réponse. Même pas un commentaire. Je ne connais pas ce qu’ont été leurs relations. Je sais que Wade a été son avocat, c’est d’ailleurs la seule chose que j’en sais.
Il a tenté de le réhabiliter tout de même, sans succès !
Sans aucun doute, mais les contingences déterminent beaucoup de choses dans le cours de l’histoire.
Pour en revenir aux principes de transparence, il y a le dérapage budgétaire dans le gouvernement qui a mis à mal le Trésor public. Est-ce que cela n’est pas dû justement à un déficit de transparence dans la gestion des biens et deniers de l’Etat ?
C’est une affaire trop sérieuse pour être abordée de cette façon là. Vous savez aussi qu’il y a eu des exagérations à ce sujet. Moi je mets en cause l’expression même «dépenses hors budget», car je ne vois pas comment on peut effectuer des dépenses hors budget qui ne sont pas prévues dans la loi de finances. A la rigueur, on peut parler de dépassements budgétaires. Mais «dépenses hors budget» et «dépassements budgétaires» sont deux concepts différents.
Pourtant, on a bien parlé de dépenses hors budget.
Je sais. J’aimerais bien que vous vous adressiez à mon collègue de l’Economie et des Finances (Rires). En fait, il n’y a pas eu manque de transparence. Il y a eu plutôt excès de transparence car n’eût été la révélation par le ministre des Finances de l’existence de cas relatifs à cela, l’opinion n’aurait pas été au courant, malgré la sagacité de la presse sénégalaise. Dans tous les cas, c’est une preuve de transparence. Il faut rendre hommage au ministre des Finances parce que cette affaire va participer à enraciner la discipline budgétaire.
Cette exigence de discipline a conduit à des polémiques sur les chiffres réels des dérapages budgétaires… (Il coupe)
La politique s’en est mêlée. La politique se mêle de tout et de rien. En l’occurrence, beaucoup de gens ont parlé de choses qu’ils ignorent totalement. J’ai entendu un chiffre qui m’a fait sauter au plafond : 500 milliards. C’est extraordinaire ! Et cela vient d’un ancien ministre de l’Economie et des Finances. Je vous assure que ce chiffre là n’existe nulle part, il ne peut même pas exister. Je pense que cette affaire a été politisée, les politiciens se sont engouffrés dans la brèche … Les politiciens sénégalais aiment tout sauf l’économie parce que c’est une matière sérieuse. Et pour en parler, il faut en connaître les concepts et la pratique. Or, la plupart d’entre eux sont loin de tout cela, de l’économie. Ce sont des politiciens professionnels, ils ne sont pas des économistes. Ce n’est pas de leur faute. C’est soit des techniciens du Droit, soit des techniciens d’autres disciplines, des historiens, des géographes (Rires)…
Vous êtes de ce lot sans doute.
 Non je ne suis pas là-dedans. Pour parler d’économie et de finances, il faut en être expert, ce qui n’est pas le cas des politiciens.
Est-ce que ce n’est pas cette expertise quasi déifiée qui favorise l’absence de contrôle, par exemple politique, sur l’économie ?
Mais l’économie est une technique, et la technique, cela s’apprend. Vous ne pouvez pas vous improviser économiste ou financier, même pas médecin.
Mais quand les économistes sont capables de tels dérapages hors budget, cela pose problème.
Ce n’est pas la même chose. Les chiffres faramineux qui ont été avancés, manifestement, relèvent de l’exploitation politicienne pour discréditer et faire mal au gouvernement. Mais autant cela aurait pu discréditer un Etat, autant cela peut discréditer celui ou ceux qui tiennent un tel discours. Puisqu’ils parlent de ce qu’ils ignorent, moi j’estime que ce débat là ne mérite pas d’être assumé. Tout finira par être clair, et la chose étant ce qu’elle est, la réalité a été clarifiée et le débat s’est arrêté faute de débatteurs.
Sur cette même affaire, il y a des ministères qui ont été indexés. Vous avez géré des ministères qui ont mobilisé une part importante du budget. Y a-t-il eu des dépassements budgétaires en ce qui vous concerne ?
En tous les cas, des ministères, j’en ai gérés beaucoup.
Je parle plutôt de l’Economie maritime et de l’Environnement.
Je ne peux pas dire qu’il n’y a pas eu de dépassements budgétaires mais, cela n’a pas atteint une certaine ampleur. Même s’il est de un franc, un dépassement budgétaire n’est pas normal. C’est condamnable. Moi j’ai eu un dépassement budgétaire de 300 millions de francs Cfa. Et je l’ai justifié. Donc, je suis à l’aise. L’engagement que j’ai pris, comme d’ailleurs tous les autres ministres, c’est d’être plus vigilant la prochaine fois. Toutefois, c’est très difficile ! Si vous avez par exemple des agences ayant de l’autonomie financière, avec un budget qui n’est même pas annexé à votre propre budget, qui bénéficie d’une dépense de transfert, c’est-à-dire d’une subvention de l’Etat, mais qui a une autonomie totale de gestion qui engage sa responsabilité sous l’autorité d’un Conseil de surveillance, je vous assure que le ministre en est très loin. C’est la même chose pour les hôpitaux et pour l’université, c’est encore pire. Or, ce sont tous des démembrements de l’Etat. C’est en cela que les ministres sont responsables des actes qu’ils n’ont pas posés. Alors, s’il y a amalgame, il tue parce qu’il fait mal. On ne cherche pas à sérier les problèmes dans ce genre de situation. Doit-on remettre en cause l’autonomie financière des structures décentralisées ? Je crois que ce serait un recul quand même. Pour les sociétés nationales, il est recommandé une gestion libre et de type privé. C’est cela la concurrence et l’efficacité, dit-on. C’est vrai, cela s’avère exact quelques fois. Malheureusement, cela donne lieu à ces choses. Quand les gens s’endettent, ils engagent l’Etat. Quand ils font des dépenses extrabudgétaires, donc non prévues dans leur propre budget, ils engagent également la responsabilité de l’Etat parce qu’il arrivera un moment où l’Etat doit rembourser. Tu as compris (rires) ?
La responsabilité de l’Etat a impliqué justement ce devoir de contrôle et d’audit pour la transparence.
Exactement ! L’inspection générale des finances a passé en revue tous les comptes et a découvert ces choses. Elle les a rendues publiques. Donc, c’est l’Etat lui-même qui a dit ce qui s’est passé. C’est transparent. On aurait pu camoufler ou chercher à camoufler…
C’était difficile car c’était de l’argent dû à certaines entreprises qui demandaient leurs créances.
Pas nécessairement ! Vous savez, on peut aussi polémiquer. Non je crois que cela a été transparent de la part du ministère de l’Economie et des Finances. Je m’en suis félicité. On doit être discipliné. Quand je dis «on», c’est à la fois les ministères et leurs démembrements. Les ministres doivent exercer leurs attributions de tutelle. En dehors des textes, il n’y a pas de tutelle. La tutelle est différente du pouvoir hiérarchique qui, elle, représente l’administration centrale. La tutelle est organisée par des textes selon des modalités particulières. La tutelle financière, c’est le ministère des Finances, la tutelle technique, c’est le ministère technique.
Dans le dossier, révélé par Le Quotidien, relatif à l’avion «perdu» de la Marine nationale, pour dire le moins, le président de la République a adressé des demandes d’explications à ceux qui y ont été mêlés. Il a semblé totalement pris de court alors que vous aviez la tutelle sur cet appareil. Comment peut-on imaginer qu’un ministre en arrive à déléguer tous ses pouvoirs concernant la gestion d’un bien public ? 
Ce dossier, je l’ai trouvé au ministère de l’Economie maritime. Je ne dis pas cela pour dégager ma responsabilité car l’administration est continue. Mais franchement, je l’ai trouvé là. Il était même en voie de conclusion. Ma responsabilité en tant que telle est très limitée. Pour répondre précisément à votre question, vous savez, ce genre de dossier technique, tous les avions des ministères comme l’Agriculture, la Pêche, pour la surveillance des côtes, pour les Parcs nationaux, sont gérés par l’Armée de l’Air. Je n’ai aucun commentaire à faire sur notre Armée nationale qui a prouvé son professionnalisme.
Quand il s’agissait d’aliéner un patrimoine de l’Etat, votre responsabilité était plus engagée dans le fond. N’aviez-vous pas dans votre Cabinet des techniciens en mesure de s’intéresser plus étroitement à cette affaire.
Donc je constate que je n’ai pas été clair. Quand je venais au ministère de l’Economie maritime, ce dossier était en voie de règlement définitif.
Vous n’avez fait qu’approuver ?
Je n’ai rien approuvé.
Qu’avez-vous fait alors ?
Je ne me souviens pas avoir fait quelque chose. Vraiment. Ce n’est pas une fuite de responsabilités à laquelle je me livre, c’et la réalité que je vous décris là. Je ne connais même pas l’historique de cette affaire. Disons que j’en ai eu un lointain aperçu puisque c’était terminé quand je venais. Je suis arrivé en avril 2004, et l’affaire date des années 2002-2003. C’était trop tard.
Vu la suite que cette affaire a eue, n’y a t-il pas lieu de revoir le mode de gestion de ce genre de bien de l’Etat ? En tant qu’homme politique, ne faut-il pas en tirer des leçons ?
Sans aucun doute. Je pense que dans ce genre d’affaires, il faut quand même faire attention car certains ministères ont besoin de moyens pour faire face à certaines situations. Par exemple, la surveillance côtière a besoin de vedettes ; elle les a acquises, elles sont au nombre de quatre et il y a un avion. Mais, je ne pense pas que les personnels civils aient la possibilité de gérer ces engins qui demandent une technicité spéciale.
Cela ne répond pas à ma question. Est-ce qu’il y a lieu de changer ledit mode de gestion.
Je ne sais pas. Certainement. Viendra un moment où on tirera, s’il y a lieu, toutes les leçons de toutes ces erreurs là ou de tous ces manquements. C’est évident.
Ne faut-il pas rapprocher la tutelle politique de la gestion technique ?
Je ne crois pas. La tutelle d’un ministre est fondamentalement politique, au sens noble du mot. Mais, les problèmes techniques relatifs aux avions, aux bateaux, etc., cela doit être géré en dehors de la politique. A chacun son rôle. Si tout est bien clarifié, il n’y aura pas de problème. Ce qui pourrait créer problème, c’est que des hommes comme moi se prennent pour des aviateurs alors qu’ils ne comprennent rien à l’aviation.
Où des mécaniciens !
Où des mécaniciens. Cela n’ira pas loin. Les connaissances techniques avérées sont le plus sûr moyen de se couvrir.
On peut considérer votre position comme celle d’un homme politique qui voudrait se dédouaner car il doit y avoir un contrôle politique tout de même.
Mais un ministre a l’entière responsabilité politique de ce qui se passe dans son département. C’est clair. Quel que soit, par ailleurs, ce qui pourrait arriver. Le ministre est d’abord un homme politique au sens noble du terme, encore une fois. Je ne parle pas de partisan.
Après le ministère de l’Economie maritime, vous avez pris le contrôle de l’Environnement. On voit que certaines attributions comme l’aquaculture vous ont été maintenues. Est-ce à dire que le président de la République regrette de vous avoir muté ?
(Rires) Je suis heureux là où je suis. Je vais là où on me demande d’aller. N’oubliez pas également que j’ai aussi les Bassins de rétention. Pour les valoriser, il fallait l’aquaculture entre autres attributions. Mais l’environnement est un tout et le chef de l’Etat a bien fait de le mettre avec les bassins de rétention et les Lacs artificiels. Je crois beaucoup à cette mission. Nous avons un plan quinquennal de production de 100 000 tonnes de poissons et de produits aquacoles divers. C’est un challenge et nous avons les capacités techniques de réussir. Le nouveau directeur général de l’agence de l’Aquaculture, monsieur Amath Wade, est un économiste avéré, et les ingénieurs du Génie rural qui ont en charge les bassins de rétention sont des personnes absolument qualifiées. Un protocole d’accord a été signé en ce sens entre l’agence de l’Aquaculture et les Bassins de rétention.
A un moment donné, vous étiez très remuant dans la prise en charge industrielle des sachets plastiques. Puis, votre collègue du Commerce a sorti un arrêté qui en interdisait l’importation. Cet arrêté a été tellement combattu par les organisations du secteur qu’il a finalement été retiré. Est-ce à dire que ce combat contre les déchets plastiques est loin d’être gagné ?
Cette bataille, je suis en voie de la gagner. Nous allons remporter une grosse victoire contre les plastiques qui sont non seulement dans les villes mais aussi dans les villages sénégalais, et même dans la sous-région. C’est un fléau sous-régional ! J’ai visité un pays comme la Tunisie où vous ne trouvez aucun sachet plastique dans la rue ! Ce que les Tunisiens ont réussi, nous allons exactement le faire car il ne sert à rien de réinventer la poudre. Quand un projet réussit dans un pays africain, il faut l’adapter chez soi. Je cherche donc des promoteurs privés qui transforment industriellement le plastique en granulés que nous pourrons exporter en Chine et au Japon. A la demande du Président Wade, j’ai écrit récemment au président de la Commission de l’Uemoa pour une concertation sous-régionale autour de cette question. En attendant, nous sommes au Sénégal, en train d’élaborer un programme qui devra être porté par des privés avec l’appui de l’Etat. Nous créerons ainsi des emplois et des richesses. Mon ami «Decroix» Diop a été plus courageux que moi en prenant l’arrêté auquel vous avez fait allusion. Cet arrêté a eu le destin qu’il a eu. Moi, je préfère emprunter une autre voix, mais tout est complémentaire. Nous sommes décidés à prendre ce dossier à bras le corps, et je crois que nous allons y arriver à terme. Je me donne un an à partir de janvier 2009 pour régler le problème du plastique au Sénégal. Le président de la République m’a écrit avec des instructions très précises. Maintenant, ce dossier est clairement domicilié au ministère de l’Environnement.
On voudrait maintenant une petite évaluation de ce que vous avez appelé «alliance stratégique» avec le Président Wade depuis votre entrée dans le gouvernement. Avez-vous réellement pesé sur les politiques gouvernementales ?
Même si c’était oui, je ne vous le dirais pas. Quand le président de la République me demande mon avis, je le lui donne et je ne veux plus savoir ce qu’il en fait. La décision lui appartient. Et à lui seul. C’est la solitude du pouvoir. Mais en aval de la décision, s’il me consulte et il arrive qu’il me consulte sur des sujets précis, je donne mon avis et je me retire. C’est comme cela que j’ai appris à travailler. S’agissant de l’alliance stratégique avec le Pds, nous avons réalisé beaucoup de choses entre nos deux partis. Nous avons consolidé la démocratie, c’est clair. Pour la première fois au Sénégal, deux partis politiques, l’Urd et le Pds, se sont retrouvés autour d’un document pour partager et signer un accord. Cela a été fait de façon transparente, et le mot revient encore, en public, pas en catimini. Nous avions des propositions de réforme que nous avons posées sur la table. La délégation du Pds alors conduite par le Président Wade lui-même a discuté avec la délégation que je conduisais, avec un nombre égal de membres. Et nous sommes arrivés à un accord sanctionné par un communiqué conjoint. C’est à ce moment là que nous sommes devenus membres du gouvernement et de la majorité présidentielle. Nous assumons cela, nous cheminons ensemble tout en restant différents. C’est un accord stratégique parce qu’il porte sur la durée, sur des objectifs visant à consolider la démocratie, à contribuer au développement de notre pays. Pour nous, étaient prioritaires l’agriculture, l’éducation, la santé… Toutes les urgences avaient été prises en compte dont la commercialisation de l’arachide. Aujourd’hui, franchement, nous sommes satisfaits de la manière par laquelle nous avons opéré. C’est pourquoi j’avais décidé de ne pas me présenter à la présidentielle 2007. Il fallait soutenir le Président Wade, notre parti l’a investi. Nous nous sommes battus à ses côtés pour relever le défi de la victoire au premier tour. Nous l’avons réussi. Ensuite, nous avons fait des listes communes aux législatives, nous avons eu des sénateurs. Au total, nous sommes satisfaits de ce compagnonnage que nous allons poursuivre car, c’est le Sénégal qui y gagne.
L’opinion n’a pas forcément une bonne lisibilité de ce compagnonnage. En quoi consistaient les réformes que vous aviez posées sur la table des discussions avec le Pds ?
Cela va être long. C’est un gros document élaboré par nos experts. Je ne peux pas le lire intégralement. A l’époque, le système de commercialisation de l’arachide qui est la base de notre économie posait problème. Il fallait trouver des solutions car les années 2001, 2002, 2003 et 2004 avaient été des impasses successives. Pour éviter un renouvellement, il fallait marquer un point d’arrêt et trouver les meilleures solutions possibles. Cela a été fait !
Les organisations paysannes ne voient pas les choses de la même manière.
Oui, mais vous savez que les organisations paysannes sont ce qu’elles sont. Et récemment, elles ont eu des difficultés de communication avec le ministre de l’Agriculture. Surtout le Cncr. Je me félicite que tout soit rentré dans l’ordre, néanmoins vous savez très bien aussi qu’entre ce qu’elles disent et la réalité sur le terrain, la différence est énorme quelques fois. Ce sont des poches qu’elles prennent et elles généralisent ! Nous aussi, nous sommes des paysans. Je peux parler, moi, au nom des paysans, éleveurs, pêcheurs. Comme vous dites, je vois que l’opinion ne voit pas bien, mais si elle voulait vraiment voir, elle verrait très bien de quoi je parle.
Malgré tout, on peut avoir l’impression que l’Urd s’est fondue dans le Pds depuis que Djibo Kâ est devenu ministre de Wade. On ne vous sent plus marquer votre présence sur le terrain.
Nous sommes ensemble. Par exemple, il y a 17 Collectivités territoriales dans le département de Linguère. Nous les avons partagées en perspective des élections locales. Ici, c’est le Pds qui est devant, là c’est l’Urd qui est devant. Et à l’arrivée cela n’a pas changé. Et puis, l’Urd ne s’est pas fondue dans le Pds…
Nous avons seulement parlé d’impression.
Seulement, l’Urd n’insulte pas. J’ai remarqué que lorsqu’on ne fait pas de déclarations fracassantes, on n’intéresse pas la presse. Qu’à cela ne tienne, nous ne ferons pas de déclarations fracassantes sans aucune raison. Si nous disons que l’Urd est plus vivante que jamais, mai c’est illustré ! Nous avons organisé récemment deux meetings successifs dans les départements de Kaolack et Gossass. C’étaient des manifestations monstres. Le 9 novembre, nous avons fait un grand meeting de rentrée des femmes de l’Urd, c’était extraordinaire ! Qu’est-ce que les gens veulent de plus ? Nous allons continuer mais nous ne ferons pas de déclarations à l’emporte-pièce. Nous sommes des responsables, nous maîtrisons notre discours et nos thèmes de campagne ou de propagande de notre parti. L’Union pour le renouveau démocratique a le vent en poupe actuellement. Partout où vous allez au Sénégal, vous avez des rénovateurs et des rénovatrices mobilisés. Les investitures ont été de grands moments de mobilisation de notre parti. Là où nous sommes tombés d’accord avec des partis autres que le Pds dans la majorité présidentielle, nous sommes allés ensemble. Là où nous ne sommes pas tombés d’accord, l’Urd a présenté ses propres listes. Sur l’étendue du territoire national. Attendez les résultats, on verra. Au total, l’Urd ne s’est pas fondue dans le Pds, je ne vois pas pourquoi elle se fondrait dans le Pds parce que nous n’avons pas fondé un parti politique pour le fondre dans un autre parti. Nous avons créé l’Urd pour la conquête démocratique du pouvoir et son exercice si le Sénégal le veut. Nous allons y arriver In Cha allah !
Poursuivre le compagnonnage avec le Pds où construire une alternative social-démocrate crédible avec Niasse, Tanor, Robert Sagna, etc., où va votre préférence ?
Nous sommes engagés largement, vigoureusement dans le rassemblement des socio-démocrates sénégalais. Récemment, nous nous sommes rencontrés, et nous allons nous nous revoir la semaine prochaine (Ndlr : l’entretien a eu lieu lundi dernier).
Vous avez rencontré qui ?
Attendez. (Rires). Nous avons eu une rencontre à trois, Mamadou Diop, Abdourahim Agne et moi-même. Souty Touré était partant mais il se trouvait à Kothiary, dans le département de Tambacounda. J’avais lancé un appel à tous les partis socio-démocrates sénégalais afin que l’on se rassemble lors du meeting des femmes précisément. Moi, je suis transparent. Je pense que c’est une exigence démocratique et de clarté. Cela va beaucoup clarifier le jeu politique au Sénégal. Cela n’exclue pas notre alliance avec les libéraux. Dans le monde d’aujourd’hui, les libéraux sociaux sont en alliance partout ou presque avec les socio-démocrates. Personne ne peut plus gouverner tout seul maintenant. Ces deux blocs sont naturellement appelés à être des alliés, mais il faut des blocs forts. C’est pourquoi, je crois beaucoup à la reconstitution de la famille social-démocrate, j’y travaille depuis que j’en ai exprimé le désir, de même que les autres. C’est le début d’un processus irréversible.
Agne, Mamadou Diop, Souty Touré. Et les autres, Tanor Dieng, Moustapha Niasse, Robert Sagna… ?
Je vous dis que nous sommes au tout début d’un processus ! Nous allons nous élargir au fur et à mesure, après quoi, nous verrons les modalités pratiques d’annonce publique de ces retrouvailles. Tout le monde y croit, est disposé à aller dans le sens que j’ai indiqué.
Au regard des profondes divergences qui vous opposent au Parti socialiste, pour ne citer que ce cas, n’allez-vous pas vers un échec programmé ?
C’est vous qui parlez du Parti socialiste, pas moi. J’ai parlé des socio-démocrates. S’il y a des membres du Ps qui partagent la même volonté que nous, nous irons ensemble. Nous ne forcerons la main de personne. Mais pourquoi parlez-vous d’échec ? Laissez-nous commencer d’abord !
Vous savez bien que vous ne vous entendez pas avec Tanor Dieng.
Le Sénégal nous dépasse tous. Il est au-dessus de chacun d’entre nous. Moi, je suis conscient du fait que ce pays nous appartenant, il faut que nous oublions nos petites personnes pour aller vers l’essentiel. L’essentiel aujourd’hui est de rassembler notre famille, et j’y crois beaucoup, comme d’autres.
Vous allez tenter ce rassemblement en attendant que Wade reste au pouvoir pendant cinquante ans ?
Mais c’est légitime qu’il dise qu’il va rester cinquante ans au pouvoir. Chacun travaille pour rester au pouvoir le plus longtemps possible. Démocratiquement parlant, bien sûr ! S’il reste cinquante ans au pouvoir, qu’à cela ne tienne si le Sénégal en décide ainsi. Les Sénégalais auront pris leurs responsabilités.
Parlant de vous, monsieur Idrissa Seck n’a pas été tendre, vous caractérisant publiquement comme un exemple type du politicien tortueux. Est-ce que son parcours récent dans le cadre de ses démêlés avec le président de la République vous suggère aujourd’hui une opinion sur lui ?
Vraiment rien ! Je ne peux pas être aussi méchant que lui.
Vous l’aviez trouvé méchant ?
Non, je n’ai rien dit. Quand il me qualifie de tortueux, «sama akha dal na ko daal» (Ndlr : le sort m’a vengé contre lui).
Ah oui !
(Rires)
Le plus drôle, c’est qu’il disait ne pas vouloir travailler dans un attelage où il y aurait Djibo Kâ. Aujourd’hui, il est revenu au Pds et vous, vous êtes dans le pouvoir.
Il ne s’est pas posé la question de savoir ce que pense Djibo Kâ de son retour éventuel au Pds.
Vous en pensez quoi ?
Ras. Je le dirai le moment venu. Vous savez, je ne suis pas pressé. Chaque chose en son temps.
Et vous vous voyez dans un gouvernement, assis à la même table que Seck ?
Chaque chose en son temps ! Cette réponse là, je la réserve.
Tout de même, quelqu’un qui vous traite de tortueux…
Laissez-le.
C’est un propos assez grave qui remet en cause forcément votre moralité, votre comportement politique…
C’est peut-être sa culture qui est comme cela. En ce qui me concerne, je ne suis pas comme ça. Mais ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit.
Nous retranscrirons fidèlement vos propos…
Je crois beaucoup en Dieu, je suis tolérant, mais je n’oublie pas. J’ai emmagasiné beaucoup de choses que je sortirai le moment venu. Ne soyons pas pressés.
Là, vous êtes dans un processus de vengeance froide, on dirait.
Non, non. J’ai dit que je dirai des choses le moment venu. Ce n’est pas une menace. Dieu m’a aidé à obtenir beaucoup de choses sur beaucoup de gens, et en cas de besoin je les sortirai. Je ne peux pas polémiquer avec des gens de cet acabit quand même !
Vous avez passé cinq ans à travailler avec Wade. Avec le recul, quel est à votre avis le talon d’Achille du gouvernement, s’il y en a ?
S’il en existait, je ne vous l’aurais pas dit. C’est à lui que je me serais adressé. A huis clos. Je suis solidaire de tout le gouvernement, de ce qu’il fait, et je me vois responsable du bilan dans sa globalité. Je n’exclus rien car je suis partie prenante de toutes les décisions qui ont été prises. J’assume tout.
Jusqu’aux morts dans les commissariats, les événements dramatiques de Kédougou…
J’assume tout, tout ce que le gouvernement a fait pendant que j’en suis membre. Je fonctionne ainsi, je suis entier. Mais quand je ne suis pas d’accord, je dis que je ne suis pas d’accord.
Vous aviez demandé une enquête indépendante sur ce qui s’est passé à Kédougou. Vous n’avez pas été entendu.
Je n’avais pas dit «indépendante». J’avais simplement demandé au gouvernement d’entreprendre une enquête pour en déterminer les causes profondes et situer les responsabilités pour que jamais cela ne se reproduise chez nous. Cela a été fait.
Le gouvernement peut-il être juge et partie dans cette affaire ?
Le tribunal s’est déjà prononcé sur cela. Je crois que l’enquête a déjà eu lieu et elle revêt plusieurs formes. Le gouvernement n’est pas juge et partie, il est gouvernement du Sénégal. Il est responsable de tout ce qui se passe au Sénégal, quel que soit la gravité des événements. Il ne peut pas se dessaisir d’un dossier aussi important pour la Nation.
Est-ce que les interventions du ministre de l’Intérieur n’ont pas pesé sur le verdict sévère des magistrats qui ont jugé cette affaire ?
Pourquoi ?
Parce qu’il disait que les militaires avaient bien fait leur devoir.
Il a raison ! Les militaires ont fait leur devoir. La défense de l’ordre public incombe en particulier au ministre de l’Intérieur, au gouvernement en général. L’ordre public est un tout pour les populations, pour leurs biens, pour leur intégrité physique et morale.



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