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Politique

ENTRETIEN AVEC JEROME GODART : 'KARIM WADE EST UN REDOUTABLE HOMME D'AFFAIRES'

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ENTRETIEN AVEC JEROME GODART : 'KARIM WADE EST UN REDOUTABLE HOMME D'AFFAIRES'
Entre Karim Wade qu'il décrit comme un homme d'affaires redoutable, et son père, le président de la République, qui s'est révélé à lui comme un homme de décision, Jérôme Godart parle aussi du Premier ministre Macky Sall, dans la seconde partie de l'entretien qu'il nous a accordé en exclusivité. Il y révèle également que c'est à partir de la fin de l'année 2004 que le président Wade a pris conscience de l'énormité des dégâts aux Ics et réfute que ses relations avec Karim Wade qui datent du temps où ce dernier travaillait dans le secteur bancaire à Londres, aient influé sur la signature de contrats entre sa société Offnor et les Ics en avril et mai 2005. Entretien à bâtons rompus avec ce jeune homme d'affaires de... 31 ans qui a plongé un peu plus les Ics dans la mélasse par ses saisies conservatoires sur les comptes bancaires de la société en France et qui a pignon sur rue à Chypre.

Wal Fadjri : Votre groupe Offnor est accusé d'être une société écran créée avec la bénédiction de la famille du président Abdoulaye Wade. Qu'en est-il exactement ?

Jérôme Godart : Dans l'histoire d'Offnor, il n'y a aucune transaction avec le Sénégal sur plus de cinq années d'existence de la société. Si cette société avait été créée sur ordre et pour le compte de la famille Wade, Offnor aurait eu beaucoup d'activités sur le Sénégal ces cinq dernières années. Ce qui n'est pas le cas. Les premiers contrats entre Offnor et le Sénégal remontent à avril et mai 2005, ce sont ceux établis avec les Ics. C'est donc une information fallacieuse qui est facile à réfuter en observant tout simplement l'activité commerciale de la société Offnor depuis sa création. En fait, certains essaieraient de politiser le débat.

Wal Fadjri : C'est quand même grâce à la famille Wade que vous avez pris contact avec les Ics ?

Jérôme Godart : Non, ce n'est pas grâce à la famille Wade. Je revendique une profonde amitié et un profond respect pour la famille Wade. Et je pense que la famille Wade a le même respect et une reconnaissance professionnelle pour moi. Que s'est-il passé ? Le président Wade a pris conscience de l'énormité du dossier des Ics à partir de la fin de l'année 2004. Et le président Wade et son administration ont essayé d'entourer le nouveau directeur général des Ics, Ousmane Ndiaye, de gens de confiance, de gens intègres et de gens ayant les connaissances techniques et commerciales nécessaires pour pouvoir aider les Ics à sortir de la situation difficile dans laquelle elles étaient tombées. Il est à noter qu’à cette époque (en avril et mai 2005, Ndlr), ni le nouveau Dg des Ics, ni l'Etat du Sénégal, ni moi-même n'avions une vue détaillée de l'ampleur des dégâts.

Wal Fadjri : N'est-ce pas parce que, comme l'avancent certains, vous êtes un ami de Karim Wade, que vous avez bénéficié de marchés aux Ics ?

Jérôme Godart : Non, je n'ai pas bénéficié de marché aux Ics. J'ai lu effectivement des articles qui m'ont révulsé, notamment l'article sur les boues que j'ai achetées à 60 dollars. Mais, dans ce dossier, des consultations ont été faites par les Ics. Les meilleures offres tournaient aux alentours de 52 et 53 dollars Fob. D'autres sociétés ont proposé des volumes d'achat qui étaient bien inférieurs au contrat qui a été signé pour 300 000 tonnes. Les Ics n'étaient même pas conscientes d'avoir cet actif puisqu'elles avaient des boues et n'en connaissaient ni la valeur ni les possibilités d'écoulement. Et c'est moi qui, voyant la situation des Ics et voyant qu'elles avaient un emprunt obligataire qui arrivait à maturité en mai 2005, ai proposé de commercialiser ces boues. C'est ainsi que 300 000 tonnes de boues ont été achetées pour un montant de 60 dollars à la tonne. C'est quand même 18 millions de dollars qui dormaient, depuis près de 15 ans, sur les terrains des Ics parce que ces boues n'étaient pas commercialisées. Les boues sont, en fait, des résidus. Quand on produit de l'acide phosphorique, il y a ce qu'on appelle des impuretés qui sont des boues qui se déposent au fond des cuves et qui sont récupérées. Ces boues ont la caractéristique d'avoir une moyenne de 18 % d'acide phosphorique soluble dans l'eau. Ce qui fait qu'elles ont la valeur que représentent les 18 % d'acide phosphorique qu'elles contiennent. Il est certain qu'on peut faire un calcul très simple qui coupe court à toute polémique. Le prix du marché international de l'acide phosphorique est d'environ Usd 360 par tonne, soit une équivalence sur base prix des boues de Usd 60.- de Usd 333.- par tonne. Les Ud 27.- par tonne sont le différentiel que représentent les coûts de manutention et de traitement du produit à destination, plus une remise pour motiver l'industriel sud américain à prendre un tel produit. Vous voyez bien qu'il n'y a eu ni intervention, ni amitié, mais simplement une réalité de marché.

Wal Fadjri : Quelles sont vos relations avec Karim Wade dont on dit que vous êtes un ami ?

Jérôme Godart : J'ai rencontré Karim Wade à l'époque où il était dans la banque. Il y a un respect mutuel entre lui et moi. J'ai beaucoup d'estime pour ses qualités, ses compétences, pour le Karim Wade banquier. Mais j'ai toujours, dans ma vie professionnelle, scindé l'amitié avec le monde des affaires, et le monde des affaires avec le pouvoir politique. Maintenant, que le dossier des Ics puisse être détourné, à des fins politiques, je le comprends, je le conçois, mais ça ne me regarde pas. Je n'entends pas me mêler à la politique sénégalaise, ni à la politique en général, quelle qu'elle soit, je suis un homme d'affaires. Nous devons tous nous concentrer sur le problème des Ics, des travailleurs, de l'économiquement viable et oublier les futilités. Il y a des urgences…

Wal Fadjri : N'avez-vous pas déjà reçu des menaces ou des pressions au cours de ce conflit commercial vous opposant aux Ics ?

Jérôme Godart : Non. En tout état de cause, je ne prends pas la pression. J'ai un manque à gagner et des pertes à rattraper. Je suis très occupé sur d'autres dossiers. Il est certain que le dossier Ics est géré aujourd'hui par mes avocats qui me rapportent chaque jour des progrès enregistrés.

Wal Fadjri : Le fils du président Wade, Karim ne vous a-t-il pas une fois appelé pour essayer de connaître la nature de vos relations avec la presse sénégalaise ?

Jérôme Godart : Effectivement. J'ai été accusé d'être en contact avec la presse sénégalaise. Mon seul contact avec la presse sénégalaise était tout simplement un droit de réponse qui avait été fait d'ailleurs chez Walf, votre quotidien, à propos d'articles qui portaient atteinte à ma personne. Ces articles n'étaient pas en phase avec ce que je suis, ce que je représente et les valeurs qui, chez moi, sont profondément ancrées. Ces valeurs sont des valeurs de droiture et de respect. Il est donc certain que quelques articles dans la presse m'avaient un petit peu dérangé. On m'accusait de passe droits et d'autres choses de cette nature qui sont tout à fait faux. Voilà pourquoi je m'étais exprimé lors d'un droit de réponse paru dans votre journal. J'ai peut-être été un petit peu franc et direct. Je pense que la volonté et la crainte de Karim, qui est un homme d'affaires redoutable, était justement de ne pas politiser le débat, mais de se concentrer sur l'essentiel, le redressement des Ics et le règlement des conflits commerciaux liés à ce dossier.

Wal Fadjri : Si Karim est redoutable en affaires, apparemment, vous n'êtes pas non plus un enfant de chœur ?

Jérôme Godart : C'est en toute bonne foi que j'ai œuvré sur ce dossier des Ics. J'ai œuvré en bonne conscience dans l'intérêt des Ics. Je suis aussi un homme d'affaires. Sous ce rapport, j'ai œuvré aussi avec des perspectives de résultat pour le Groupe Offnor qui m'a mandaté sur ce dossier. Quand on voit le contenu de certains articles, c'est pure fiction. Je passerai les détails… Il est certain qu'on se doit de réagir face à de telles accusations.

Wal Fadjri : Avez-vous pris contact avec les pouvoirs publics pour des négociations en vue de trouver des solutions à l'amiable de votre contentieux avec les Ics ?

Jérôme Godart : Je ne négocie plus. Les avocats se sont saisis du dossier et des directives et des instructions très claires ont été données aux conseils d'Offnor. Il s'agit d'être ferme tout en étant flexible à la fois. Notre objectif n'est pas de détruire, mais a toujours été de construire en partenariat, et notre objectif aujourd'hui est de trouver des solutions qui soient des solutions intelligentes et supportables. J'insiste néanmoins sur le fait que nous avons subi des pertes, que nous avons des commissaires aux comptes, qu'il y a des actionnaires chez Offnor qui est une société commerciale qui se doit de présenter des bénéfices, et qu'une perte comme celle que nous avons subie en 2005 sur les Ics, doit être réparée. Faute de quoi, j'ai personnellement, mais aussi la direction de Offnor, avons des comptes à rendre aux actionnaires et aux commissaires aux comptes. C'est donc une situation que nous devons gérer avec beaucoup d'intelligence et beaucoup de prudence. Par contre, la porte n'est pas fermée, et nous entendons être très flexibles dans le sens où nous n'avons aucune animosité contre les Ics ou le Sénégal, bien au contraire. Maintenant qu'il y a des dossiers qui ont été lancés en justice, les avocats font leur travail. L'avenir nous en dira un peu plus.

Wal Fadjri : Le président Wade tient beaucoup à ce que les Ics soient sauvées. Vu vos relations d'amitié avec la famille Wade, seriez-vous prêt à relever le défi de sauvegarder les intérêts des Ics, mais aussi des 2 500 travailleurs ?

Jérôme Godart : J'ai énormément de respect pour le président Wade et pour tout ce qu'il a fait. Il est certain que si le président Wade me le demande, je serai en mesure de répondre favorablement à sa demande, mais dans l'intérêt de la société que je représente.

Wal Fadjri : Si le président Wade vous demandait par exemple d'être plus flexible, lui répondriez-vous favorablement ?

Jérôme Godart : Comme je vous l'ai dit, des instructions qui ont été données aux avocats d'Offnor de montrer le maximum de flexibilité. Encore une fois, notre objectif n'est pas de détruire, mais de se voir rembourser une perte qui a été causée. Nous sommes tout à fait ouverts et flexibles à tout accord quel qu'il soit, pour autant que les intérêts d'Offnor seront préservés.

Wal Fadjri : Des sources concordantes révèlent que le Premier ministre, Macky Sall, vous a rencontré lors d'un de ses derniers voyages à Paris. Quel a été le contenu de votre audience ?

Jérôme Godart : S'il y a eu une audience, je dis bien s'il y a eu audience, c'est que celle-ci était sous réserve des droits du Sénégal et des droits d'Offnor. S'il y a eu audience, c'est une audience qui était confidentielle. Et la confidentialité de cette entrevue, si elle a eu lieu, est très importante dans le sens où elle pourrait préserver un éventuel accord à l'amiable. Je n'en dirai pas plus.

Wal Fadjri : Vos relations avec Macky Sall sont alors au beau fixe d'autant plus qu'il a eu à recevoir des dirigeants d'Offnor à déjeuner chez lui, en présence d'Ousmane Ndiaye et de Karim Wade.

Jérôme Godart : Il y a eu effectivement des contacts avec le Premier ministre. Je ne parlerai pas de relation amicale mais tout simplement d'entrevue qui avait pour objectif d'informer le Premier ministre en tant que dirigeant de l'administration sénégalaise, des avancées, des progrès et de ce qui avait été fait sur le dossier Ics puisque c'était un souci majeur de l'administration sénégalaise. L'Etat avait conscience d'une situation des Ics qui était très grave. Et il voulait répondre au mieux et trouver des solutions. Il était donc tout à fait normal que les représentants d'Offnor rencontrent le Premier ministre pour lui expliquer le travail accompli, les idées et les accords conclus avec les Ics. Pour ce qui est du déjeuner, sans me tromper, c'est ce qui fait votre pays... L'hospitalité…

Wal Fadjri : Est-ce la rencontre entre Offnor et le Premier ministre qui a débouché sur ce partenariat avec les Ics ?

Jérôme Godart : Les protocoles avaient déjà été signés avec l'approbation du Conseil d'administration des Ics. Cette réunion avec le Premier ministre était une réunion pour rendre compte du travail qui avait été accompli sur le dossier des Ics, avec les perspectives de solution et de redressement. Il a été question, lors de cette rencontre, des marchés internationaux, de la commercialisation des produits, de nouvelles orientations commerciales possibles, etc. Je dirais que la rencontre avec le Premier ministre était un entretien purement professionnel. Il était tablé sur le dossier des Ics.

Wal Fadjri : Comment le Premier ministre avait-il accueilli cette réunion ? Autrement dit, quels enseignements avait-il tiré de cet entretien purement professionnel ?

Jérôme Godart : Il l'avait accueilli favorablement. Le Premier ministre avait pris conscience et il a toujours d'ailleurs conscience de la situation des Ics. Des actions ont été prises récemment avec la création du comité (Comité interministériel de restructuration des entreprises publiques et para-publiques). Mais le Premier ministre avait un souci majeur qui était l'endettement des Ics. Les Industries chimiques du Sénégal se sont retrouvées avec des prix de revient qui étaient a fortiori très élevés. Compte tenu de l'endettement, le souci du Premier ministre était que les Ics soient en mesure d'avoir une meilleure maîtrise de leurs prix de revient que leurs concurrents directs qui sont moins endettés. Le Premier ministre et Karim Wade s'étaient par ailleurs montrés très curieux et friands d'informations sur la concurrence des Ics. Je crois que le Premier ministre avait accueilli très favorablement les nouvelles orientations.

Wal Fadjri : Comment appréciez-vous la récente sortie du président de la République sur la situation des Industries chimiques du Sénégal ?

Jérôme Godart : Cette sortie est légitime. Je me suis réjoui de la position prise par le président Wade parce que la société (les Ics, Ndlr) est dans une situation dramatique. C'est ainsi un pan important de l'économie du Sénégal qui est aujourd'hui mis en danger. Et il y a besoin, pour les Sénégalais et l'administration sénégalaise, de comprendre le pourquoi du comment et de faire la lumière sur cette affaire. La position du président Wade est tout à fait légitime en tant que chef d'Etat et actionnaire puisque n'oublions pas que l'Etat sénégalais est actionnaire à 47 % du capital des Ics. Je reconnais là l'homme de décision.

Wal Fadjri : Quand envisagez-vous de retourner au Sénégal ?

Jérôme Godart : Je l'espère très prochainement parce que le Sénégal me manque énormément. En touriste… (Rire).

Wal Fadjri : Aviez-vous l'habitude de passer vos vacances au Sénégal avant votre partenariat avec les Ics ?

Jérôme Godart : Bien sûr. J'ai dû me rendre sept ou huit fois au Sénégal. Jusqu'en fin 2004, mes visites n'étaient que des visites touristiques puisque je venais me reposer au Sénégal, aux Almadies, par exemple…

Wal Fadjri : Qu'est-ce qui vous empêche actuellement d'y retourner pour une visite touristique ?

Jérôme Godart : Rien ne m'en empêche, mais j'ai un emploi du temps très chargé. J'ai un manque à gagner et des pertes à rattraper qui prennent beaucoup de mon temps.

Wal Fadjri : Le moment n'est-il donc pas propice à un repos au Sénégal avec l'affaire Ics ?

Jérôme Godart : Il n'y a pas de moment propice. Il y a un conflit purement commercial qui m'oppose aux Ics. Je ne suis pas interdit de séjour au Sénégal que je sache. Je n'ai rien n'à me reprocher vis-à-vis du Sénégal, et donc il est certain que c'est plus une question d'emploi du temps chargé et d'obligations professionnelles, qu'autre chose.

Wal Fadjri : Etes-vous prêt à rencontrer les travailleurs qui souhaiteraient aller à la rencontre de M. Godart pour discuter avec lui ?

Jérôme Godart : Bien sûr, parce que, pour moi, les travailleurs sont les Ics. Et aujourd'hui, c'est grâce à leur concours que les Ics peuvent être reconstruites, restructurées et se remettre en marche. Il est donc certain que je suis tout à fait ouvert à toute entrevue, quelle qu'elle soit, avec les travailleurs des Ics pour autant que ce soit basé sur la bonne foi, sur une volonté réelle de restructurer un outil de travail qui, je le répète, est un outil de travail que je considère comme concurrentiel dans le monde des fertilisants d'aujourd'hui. (Fin)



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