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Politique

ENTRETIEN AVEC OUSMANE NGOM (MINISTRE DE L'INTERIEUR): "Des forces occultes instrumentalisent les étudiants"

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ENTRETIEN AVEC OUSMANE NGOM (MINISTRE DE L'INTERIEUR): "Des forces occultes instrumentalisent les étudiants"

Alors conseiller du président de la République, Me Ousmane Ngom avait été le premier à demander des comptes à Idrissa Seck dans l'affaire dite des chantiers de Thiès. Devenu ministre de l'Intérieur, il n'a pas dérogé d'un iota à ce qu'il appelle sa "doctrine" dans ce dossier, nonobstant la libération… provisoire de l'ex-Premier ministre. C'est que pour Me Ngom, "Idrissa Seck a commis des crimes économiques avec les chantiers de Thiès". Sur les violences consécutives à la manifestation non autorisée des étudiants, vendredi dernier, le ministre de l'Intérieur déclare, avec certitude, dans l'entretien exclusif qu'il nous a accordé, que "des forces occultes instrumentalisent les étudiants pour déstabiliser le pouvoir". Et les cagoulards, selon Me Ngom, ont été bien identifiés.

Wal Fadjri : Une certaine opinion vous accuse d'avoir, vous et le ministre de la Justice, Cheikh Tidiane Sy, poussé le chef de l'Etat à mettre Idrissa Seck en prison. Avez-vous joué un rôle dans l'incarcération de l'ex-Premier ministre ?

Me Ousmane Ngom : C'est vraiment utiliser des raccourcis trop importants que de faire de telles déclarations. Parce que, encore une fois, en prenant une mesure aussi grave et aussi importante consistant à soumettre le dossier de M. Idrissa Seck à la justice, le chef de l'Etat a pris la pleine mesure du problème. Il ne pouvait pas se fier à des sentiments ou au subjectivisme de telle ou telle autre personne. D'autant que des choses extrêmement graves ont été reprochées à M. Idrissa Seck et qui concernent des faits encore pendants devant la justice. Par conséquent, son incarcération n'a rien à voir avec tel ou tel autre ministre de la République. C'est l'Etat, en tant que tel, qui a un problème avec M. Idrissa Seck.

Wal Fadjri : Dès lors, comment appréciez-vous sa libération ?

Me Ousmane Ngom : Ce n'est pas parce qu'il a bénéficié d'une liberté provisoire et d'un non-lieu partiel que ma doctrine a changé en ce qui concerne l'appréciation que j'ai de la gravité des faits reprochés à M. Idrissa Seck. Cette doctrine ne date pas d'aujourd'hui, elle ne date pas de ma présence au ministère de l'Intérieur.

Wal Fadjri : Est-ce cette doctrine que vous aviez manifestée en demandant publiquement, avant même que le chef de l'Etat ne transmette le dossier d'Idrissa Seck à la justice, des comptes à l'ex-Premier ministre sur les chantiers de Thiès ?

Me Ousmane Ngom : Je l'avais fait en assumant toutes mes responsabilités, comme je continue de le faire aujourd'hui. M. Idrissa Seck a commis des crimes économiques avec les chantiers de Thiès. Quelle que soit la magnanimité du président de la République à son égard, on ne peut pas l'absoudre comme ça, passer tout cela par pertes et profits et en finir. C'est une affaire qui concerne les Sénégalais et l'Etat du Sénégal. Elle devrait être poursuivie jusqu'au bout. Et, de toute manière, la justice n'a pas encore dit son dernier mot. C'est pourquoi, il ne faut pas aller trop vite en besogne. La liberté provisoire fait partie de notre arsenal juridique. Mais, cela n'a jamais voulu dire que la personne qui en bénéficie, est totalement et définitivement blanchie. Elle est encore entre les mains de la justice.

Wal Fadjri : Est-ce la magnanimité du chef de l'Etat ou une décision indépendante de la commission d'instruction qui a fait libérer Idrissa Seck ou les deux à la fois ?

Me Ousmane Ngom : Le chef de l'Etat s'est prononcé de façon très claire sur cette affaire. L'Etat a son mot à dire à travers son représentant au niveau du procès, mais ce n'est pas à lui qu'appartient le dernier mot. Il peut donc se prononcer dans une affaire. Il peut poursuivre quelqu'un comme il peut ne pas s'opposer à une décision ou à une projection de décision de la justice. Mais cela ne veut pas dire, dans le second cas, qu'il s'agit d'une absolution totale et définitive.

Wal Fadjri : Parlons des violences à l'université de Dakar, consécutives à la manifestation des étudiants. Les forces de l'ordre sont accusées d'avoir violé les franchises universitaires et molesté des étudiants. Que répondez-vous à ces accusations ?

Me Ousmane Ngom : Ce qu'il faut d'abord préciser, c'est que les forces de l'ordre n'interviennent jamais de façon délibérée dans l'espace universitaire. Lorsqu'il y a une intervention de celles-ci au niveau de l'université, il y a forcément une cause. Deux cas de figurent peuvent se présenter. Lorsque l'ordre public est rompu ou menacé gravement au niveau de l'espace universitaire, le recteur ou son représentant demande aux autorités gouvernementales d'intervenir dans l'espace universitaire pour rétablir l'ordre et protéger la sécurité des biens et des personnes. Ce qui est la mission naturelle du ministère de l'Intérieur. Qu'il s'agisse de l'espace universitaire ou ailleurs. Partout où la sécurité des biens et des personnes est menacée, le devoir du ministère de l'Intérieur est d'intervenir pour rétablir cette sécurité.

Wal Fadjri : Mais, avant que cela ne dégénère, il s'agissait tout juste d'un coup de gueule des étudiants qui s'insurgeaient contre la nourriture pourrie à eux servie.

Me Ousmane Ngom : Si ces manifestations se limitaient uniquement à l'espace universitaire, c'est-à-dire à l'intérieur du campus universitaire, le problème se poserait moins, encore qu'il pourrait se poser. Mais, comme vous le savez, chaque manifestation d'étudiants déborde sur la voie publique, sur l'avenue Cheikh Anta Diop ou sur la corniche. Et c'est ce que les étudiants ont encore fait. Moi, je suis un juriste, qui plus est, un avocat, avant d'être ministre de l'Intérieur. Je suis d'abord, plus que quiconque, attaché à l'expression des libertés. Des libertés publiques comme des libertés individuelles. Je ne suis pas du tout répressif. Au moment même où les étudiants envahissaient l'avenue Cheikh Anta Diop en y mettant toutes sortes d'obstacles et en jetant des pierres à qui venant, nous étions en train, avec toutes les forces de sécurité disponibles à Dakar, d'encadrer une grande marche de protestation organisée par des associations islamiques et des collectifs de la société civile, partie de la Grande Mosquée jusqu'à la place de l'obélisque. Cette manifestation était autorisée et encadrée par les forces de l'ordre. Voilà une illustration du respect, par le gouvernement, de l'expression des libertés. Mais, la manifestation des étudiants étant non déclarée et, par conséquent, non autorisée, notre devoir était donc de rétablir l'ordre. Nous ne l'avons même pas fait spontanément. Nous l'avons fait à la demande des autorités universitaires et notamment à la demande du directeur du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud) qui a constaté, non seulement les violences commises par les étudiants sur le personnel, mais aussi le saccage des locaux dudit centre. Des voitures ont même été brûlées et un vigile qui avait essayé de les empêcher d'accéder aux locaux du Rectorat a été aspergé d'essence. C'est en ce moment qu'un appel alarmant du directeur du Coud nous a été lancé pour une intervention à l'intérieur de l'université, précisément au niveau de la direction du Coud. Nous y avons répondu favorablement.

Wal Fadjri : Mais l'intervention des forces de l'ordre a été jugée violente et les photos prises ainsi que les images de la télévision nationale le prouvent.

Me Ousmane Ngom : Cette intervention ne peut pas être jugée violente. Elle a été à la mesure des violences commises par les éudiants. Sur l'avenue Cheikh Anta Diop, des véhicules ont été brûlés et même des bus de Dakar Dem Dik ont été saccagés. On ne me dira pas que les passagers de ces bus avaient des grenades lacrymogènes qu'ils lançaient sur les étudiants. Au même moment, la direction du Coud était attaquée par les étudiants. Et jusque-là, nous n'étions pas intervenus dans l'espace universitaire. C'est le directeur du Coud qui nous a, par la suite, lancé un appel au secours. Et nous sommes intervenus pour rétablir l'ordre. Au début, nous nous sommes limités à l'espace du Coud. Mais, les étudiants ont poursuivi les actes de vandalisme à l'intérieur de l'université jusqu'au campus pédagogique.

Wal Fadjri : C'est donc, selon vous, ce qui explique ce que les étudiants qualifient de violation des franchises universitaires. Quand les forces de l'ordre peuvent-elles entrer à l'intérieur de l'université ?

Me Ousmane Ngom : Il y a beaucoup de gens, notamment les étudiants, qui parlent de violation des franchises universitaires, mais qui ne savent même pas ce que cela recouvre. En réalité, les franchises universitaires sont réglementées par un texte de loi bien précis portant le n° 94-79 du 24 novembre 1994. Que dit cette loi ? La loi dit en son article 2 qu'"en application du régime des franchises et libertés, l'espace universitaire est placé sous le statut d'autonomie de police administrative". Au second alinéa de ce même article, on peut lire que "l'espace universitaire comprend les facultés, les unités d'enseignements et de recherche ainsi que les instituts et établissements d'enseignement supérieur relevant des universités". L'article 3 de la loi précise que "le statut d'autonomie de police administrative implique que les forces de l'ordre ne peuvent intervenir dans l'espace universitaire, tel que défini à l'article 2 de cette loi, qu'à la demande du recteur de l'université ou de son représentant dûment habilité à cet effet". En l'espèce, c'est le représentant du recteur, notamment le directeur du Coud, qui nous a lancé un appel au secours parce que des violences et des dégradations graves étaient en train d'être commises dans l'enceinte de l'université. En outre, il faut signaler que la loi sur les franchises universitaires prévoit aussi des cas d'urgence. "En cas d'urgence, le recteur ou son représentant peut demander l'intervention des forces de l'ordre sous réserve d'en informer sans délai l'Assemblée de l'université", dispose la loi en son article 5. Mais, il y a même un troisième cas de figure. C'est l'article 6 sur les franchises universitaires qui règle ces questions. Cet article stipule : "Lorsque la vie ou la liberté individuelle des personnes présentes dans l'université ou lorsque la sécurité des biens mis à la disposition de l'université sont en danger, d'une manière grave immédiate, le recteur doit demander l'intervention des forces de l'ordre. En cas d'inaction du recteur ou d'empêchement, l'intervention des forces de l'ordre est de droit. Elle doit cesser dès que les menaces ayant justifié l'intervention ont disparu".

Wal Fadjri : A vous en croire, l'intervention des forces de l'ordre à l'intérieur du campus universitaire serait parfaitement légale.

Me Ousmane Ngom : Ce que nous avons fait, nous l'avons fait dans un cadre tout à fait légal et justifié. L'ordre public était gravement rompu à la suite de violences et de dégradations importantes perpétuées par les étudiants dans l'espace universitaire. La sécurité des personnes et des biens était également menacée. Les étudiants se promenaient avec des bidons d'essence. Et un vigile qui a voulu les empêcher de brûler le bureau du recteur, a été aspergé d'essence et menacé d'être immolé par le feu. Alors quelle violence plus grave que ça on peut avoir ? C'est dire donc que ce qui a été fait à l'université de Dakar, l'a été dans le cadre des lois et règlements. Et ce que nous avons fait ce matin (hier matin : Ndlr) avec le déploiement des forces de l'ordre tant à l'extérieur qu'à l'intérieur du campus est tout à fait conforme à la loi. D'autant plus que, avec ce qui s'est passé vendredi, le conseil restreint de l'université s'est réuni en urgence pour demander, mais officiellement, que le gouvernement prenne ses responsabilités et les mesures de protection et de sécurisation des personnes et des biens dans l'espace universitaire. En vérité, il faut que la culture de la violence cesse à l'université. Quelle que soit la justesse des revendications des étudiants - nous avons été tous à l'université - elles ne peuvent justifier les violences et les dégradations graves que nous avons connues.

Wal Fadjri : Mais, on parle d'infiltration lors de la manifestation des étudiants. Qu'en est-il exactement ?

Me Ousmane Ngom : Il est clair qu'il y a des suspicions graves d'infilration et de caporalisation du mouvement étudiant. Des forces occultes instrumentalisent les étudiants et leurs mouvements à des fins inavouées de déstabilisation du pouvoir. Nous le savions déjà depuis un certain temps. Des enquêtes approfondies sont en train d'être menées. Nous en avons eu la confirmation avec les arrestations qu'il y a eues à l'occasion des événements du vendredi. Plus d'une demi-douzaine de personnes ont été arrêtées alors qu'elles n'étaient pas des étudiants et n'avaient donc rien à faire dans l'espace universitaire. Ces personnes sont encore entre les mains de la justice et les investigations vont se poursuivre. Egalement, nous savons que des gens mal intentionnés vont nuitamment à l'université pour remettre même de l'argent à des organisations estudiantines à des fins de déstabilisation du pouvoir.

Wal Fadjri : Vous dites avoir identifié ces personnes. Qui sont-elles ?

Me Ousmane Ngom : Certaines d'entre elles ont été clairement identifiées. D'autres le seront incessamment. Mais, pour des raisons d'efficacité, vous comprendrez bien que je ne puisse en dire davantage.

Wal Fadjri : Selon vous, ne faudrait-il pas revoir la loi sur les franchises universitaires ?

Me Ousmane Ngom : Cela mérite effectivement réflexion. Et les autorités universitaires, à ma connaissance, sont en train de réfléchir sur une réforme des textes de loi sur les franchises universitaires et sur une nouvelle réorganisation de l'espace uiniversitaire. Pour qu'il y ait plus de stabilité et de calme à l'université.

Wal Fadjri : Des violences ont également été notées à l'université de Saint-louis, aujourd'hui (hier : Ndlr). Et un étudiant aura été grièvement blessé par balle réelle, d'après les dernières informations non encore confirmées...

Me Ousmane Ngom : Les étudiants de Saint-Louis, dans un élan de solidarité avec ceux de Dakar, ont initié une manifestation. Il s'en est suivi des altercations avec les forces de l'ordre et un étudiant a été blessé. Mais, ce n'est pas une balle réelle qui l'a atteint, mais plutôt un éclat de grenade lacrymogène. Cela a été établi lorsque l'étudiant blessé a été conduit à l'hôpital.

 



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