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Politique

ENTRETIEN… Pr Arouna Ndoffene DIOUF, directeur des Programmes à l'Université de Caroline du Nord : " Nos prévisions, c'est d'atteindre 500 000 électeurs de la diaspora "

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ENTRETIEN… Pr Arouna Ndoffene DIOUF, directeur des Programmes à l'Université de Caroline du Nord : " Nos prévisions, c'est d'atteindre 500 000 électeurs de la diaspora "
On reproche souvent à la matière grise sénégalaise établie à l’étranger de ne pas sacrifier ses intérêts financiers pour rentrer travailler pour le ses du pays. Or, pour le professeur Arouna Ndoffène Diouf, la faute n’est pas à chercher systématiquement chez les experts de la Diaspora. Dans l’entretien qu’il nous a accordé dans son hôtel parisien, le directeur des Programmes à l’Université de Caroline du Nord fait état des barrières qu’il a eues à rencontrer, lorsque le Président Wade a sollicité son expertise, il y a trois ans. Toutes les propositions qu’il lui a envoyées pour sortir les Ics de leur léthargie, pour atteindre l’autosuffisance alimentaire, ou encore pour assainir les eaux du Sénégal, ont  été «laissées dans les tiroirs». Parce que, croit-il, il a refusé de battre campagne pour le Président.

Propos recueillis par Thierno DIALLO (Correspondant permanent en France)

Vous devez être un des rares Africains à diriger les programmes d’une université américaine.  Comment en êtes-vous arrivé là ?

Comme tous les émigrés ou presque, je suis arrivé à New York avec 60 dollars dans la poche. Et le lendemain, je me suis réveillé avec 15 dollars. Donc, de là jusqu’à ma position actuelle, c’est un parcours très dur et qui a valu des années d’efforts, d’énormes sacrifices. Ça n’a pas été toujours très confortable, mais Dieu merci, avec les prières de nos parents, nous sommes arrivés là où nous sommes aujourd’hui. Après avoir fait la plonge, travaillé dans des industries, et tous les genres de métiers. Cependant, toute ma concentration était portée sur les études, parce que je crois en l’éducation. En arrivant aux Etats-Unis, mon objectif était donc, avant tout, de m’éduquer, d’obtenir des diplômes. A partir de là, j’ai obtenu tout ce que j’ai eu aujourd’hui. Et, académiquement, ça m’a donné ce rang de diirecteur des Programmes dans l’une des Universités (Caroline du Nord : Ndlr) les plus distinguées des Etats-Unis.

Vous avez donc débarqué aux Etats-Unis en tant qu’émigré et non en tant qu’étudiant ?

Bien sûr ! Et c’est ce qui fait notre différence avec tous les autres qui bénéficiaient de bourses d’Etat ou bien de la position privilégiée de leurs parents qui les ont amenés à l’extérieur.  Nous n’avons pas eu cette chance. Nous n’avions pas de parents très riches qui pouvaient assurer nos études à l’extérieur. Nous nous sommes battus sur le terrain jusqu’à arriver là où nous sommes arrivés aujourd’hui.

Pourquoi ne rentrez-vous pas maintenant pour servir le Sénégal qui doit avoir besoin de votre expertise ?

(…) Au temps de Abdou Diouf, plus précisément en 1998, j’étais venu au Sénégal pour faire des prélèvements d’eaux dans beaucoup de régions. Je les ai fait analyser dans des universités, telles que l’Université de Pennsylvanie et l’Université de Californie. Mes collègues, après avoir vu les résultats scandaleux, m’avaient demandé si cette eau n’est destinée aux animaux. J’ai immédiatement écrit un rapport où je faisais savoir au gouvernement sénégalais de Abdou Diouf, qu’il n’était plus permissible de laisser les populations boire cette eau. Je n’ai jamais eu de réponse. J’ai réintroduit cette lettre deux à trois fois. Finalement, j’ai laissé tomber. Et quand l’Alternance est arrivée, j’ai reconduit ces mêmes rapports. Le ministre de l’Agriculture Habib Sy m’a répondu qu’il valait mieux donner cette eau aux populations que de les assoiffer. Ça, c’est un des freins au développement, parce qu’on n’écoute pas les experts qui sont à l’extérieur et qui veulent servir le Sénégal. Aussi, nous étions confrontés tout le temps à des politiciens. Il y a des gens qui veulent venir investir ou apporter leur expertise, mais c’est souvent les politiciens qui sont novices et qui n’ont aucune connaissance dans des matières bien déterminées, qui constituent des barrières pour ces derniers. Aussi, j’ai été approché par le Président Wade qui m’avait demandé de venir travailler avec lui. Et vu que j’avais un contrat avec l’Université de Caroline du Nord, je lui ai dit que je préférais lui apporter mes contributions. Je lui ai fait un programme en cinq points. Le premier, c’était comment sauver les Industries Chimiques du Sénégal (Ics), par la vente des phosphorites qui sont les tas de déchets issus de l’exploitation des phosphates entassés entre Mboro et Taïba Ndiaye. La vente de ces phosphorites pouvait générer entre 3 à 5 milliards annuellement. Cela aurait pu donc permettre de combler certains trous des Ics, et amortir même le déficit qu’elles vivent actuellement. La deuxième contribution que j’avais proposée au Président portait sur une possibilité d’atteindre l’autosuffisance alimentaire par l’exploitation des eaux superficielles. Aux Etats-Unis, je donne toujours cet exemple : il y a un fleuve six fois plus petit que le fleuve Sénégal et qui fournit en eau potable pour irriguer l’agriculture dans à peu près six Etats. Si vous considérez la population de ces six Etats, c’est une population onze fois plus nombreuse que celle du Sénégal. Et si l’on sait que ce fleuve est 350 fois plus pollué que le fleuve Sénégal, ce dernier peut aisément nous fournir une eau potable, mais aussi une eau d’irrigation. En exploitant donc cette eau, on aurait pu atteindre l’autosuffisance alimentaire, car on aura eu suffisamment d’eau pour irriguer les terres. Le troisième programme portait sur la valorisation des sables dunaires. Il y avait aussi un autre programme sur l’inondation et l’assainissement des eaux au Sénégal. J’ai donné tous ces programmes au Président depuis 2005. Mais vu que, jusqu’à présent aucun de ces programmes n’a été réalisé, ils ont tout simplement été jetés au fond du tiroir. Et j’ai même fait plus : j’ai amené des bailleurs de fonds pour financer ces programmes. J’ai des amis bailleurs milliardaires, des Américains, des Espagnols, qui sont venus au Sénégal, qui ont parlé avec le gouvernement. Mais il n’y a eu aucun suivi à ces efforts.

De votre côté, avez-vous personnellement relancé le Président sur la suite qui a été donnée à vos contributions ?

Plusieurs fois même. Mais, le Président ne pensait qu’à recruter un politicien. Certainement derrière son idée, il avait une intention de m’enrôler pour que je fasse campagne pour lui. Malheureusement, tout le monde n’est pas fait pour les mêmes ambitions. Je n’ai jamais eu d’ambition politique, ou de faire la politique pour qui que ce soit. Ce qui m’intéresse, c’est le développement du Sénégal. Et vu le flux de l’émigration, faire des projets qui pourraient retenir nos frères et sœurs. Parce que là où je suis passé dans l’aventure, je voudrais qu’aucun Sénégalais ne passe par là. C’est pourquoi, j’ai fait ces programmes de développement pour non seulement créer des emplois, mais aussi générer des revenus et retenir les enfants au Sénégal.

Depuis quelques semaines, vous sillonnez l’Europe pour aller à la rencontre de la Diaspora sénégalaise. Quel est le sens de cette tournée ?

Le message que je porte, c’est de dire à tous les émigrés sénégalais qu’il est temps qu’ils se conscientisent, qu’ils sachent que ce n’est que par leur engagement dans l’arène politique qu’on peut changer les choses. On ne peut plus, aujourd’hui, rester et croiser les bras, fermer les yeux sur les réalités qui se passent chez nous. Aucun de nous, depuis une vingtaine, une trentaine d’années, n’a reçu un appel de ses parents au Sénégal lui demandant de réduire l’aide qu’il envoie au pays. Cela est dû au fait que la vie devient de plus en plus dure. Il n’y a pas de programmes de développement assez viables ayant généré des revenus et amené une prospérité à tous les Sénégalais. Donc, mon message est de dire que le Sénégal est aujourd’hui malade à tous points de vue, économique, social, éducatif, politique, etc. Quand je vais au Sénégal, je sillonne l’intérieur du pays. Les gens ont le sentiment que seuls les émigrés constituent une porte de sortie, un espoir. L’objet de ma tournée est donc d’appeler tous les Sénégalais de la Diaspora à supporter ma candidature, au moins une fois.

Pourquoi ne pas attendre l’approche de la Présidentielle de 2012, pour faire cette tournée ?

On ne peut réunir les Sénégalais en une ou deux années. Mon parcours sera très long. J’ai aussi un engagement au niveau des Etats-Unis, parce qu’en tant que directeur des Programmes, j’ai non seulement des professeurs qui répondent à mes programmes avec un suivi d’évaluation, mais des étudiants qui soutiennent des Thèses. Vu tout cela, le temps est bien venu pour moi de commencer très rapidement une campagne de sensibilisation dans l’optique de la Présidentielle de 2012. Nous nous sommes donc levés dès maintenant pour être dans les délais. Et puis, on ne sait pas si les élections se tiendront en 2012. Aucun Sénégalais ne peut garantir cela. Ça peut se faire dans trois mois, en 2012, ou après 2012. L’essentiel, pour nous, est que, cette fois-ci, la Diaspora ait un candidat qui soit prêt à temps.

Allez-vous créer un parti politique pour cela ?

Pour le moment, nous ne partons pas sur la perspective de créer un parti politique. Nous naviguons dans une mouvance dénommée L’Alternative citoyenne. Peut-être qu’à l’approche des élections, vu les enjeux du moment, nous n’hésiterons pas, si la demande est assez majoritaire pour transformer le mouvement en parti politique, à le faire.

Qu’est-ce qui vous différencie de ces candidats de la société civile à la Présidentielle 2007, et qui avaient été largement distancés par les candidats politiques ?

Nous, nous appelons la Diaspora, et nous n’avons pas dit que nous allons partir au nom de la société civile. Nous sommes dans une mouvance citoyenne. La différence aussi se situe sur le fait que leur base politique est au Sénégal, alors que la Diaspora constitue notre base. Nous ferons de sorte que chaque émigré puisse avoir un mini électorat à l’intérieur du Sénégal. Nos prévisions, c’est d’atteindre 500 000 électeurs de la diaspora. Si chacun de nous garantit 3 à 5 électeurs au pays, ça ferait plus de voix qu’Abdoulaye Wade en 2007. Les mathématiciens et les experts de notre mouvement ont fait des évaluations rationnelles qui peuvent nous amener à espérer que, cette fois-ci, la diaspora élira à la Présidence un émigré.

Pensez-vous détenir le monopole de cette diaspora, si l’on sait que tous les candidats ont également une stratégie particulière envers cette même réserve de voix ?

Justement, notre campagne est basée sur des résultats. Nous ne dénonçons pas Abdoulaye Wade ; nous montrons des résultats, nous montrons la capacité du Sénégal. Vous avez vous-même assisté à ma conférence (le 21 juin à la Sorbonne : Ndlr) où je disais que le Sénégal a reçu, en huit ans, plus d’argent qu’en 40 ans. Où sont les résultats de cet argent ? Donc, nous nous baserons sur des démonstrations réelles, pour montrer qu’il y a une mauvaise gestion de la part de nos dirigeants. Les hommes qui sont à la tête des institutions ne sont pas ceux qu’il faut, et qu’il y a une certaine dilapidation de nos ressources de gauche à droite qu’on ne contrôle pas, etc. A la différence des autres candidats, nous ne rentrerons pas dans la polémique politique politicienne, nous rapporterons des faits, des informations.

Vous avez l’air optimiste. Qu’est-ce qui vous fait croire que les Sénégalais soient prêts à élire un non politique à la Présidence, qui de surcroît, vit à l’étranger ?

Les Sénégalais ont marre des politiciens. Il y a eu d’abord 20 ans avec Senghor qui n’a rien produit. Ensuite, presque 20 ans de Diouf qui n’a non plus rien apporté. Et pour Wade, la majorité des Sénégalais pense que ses huit ans sont pires que ce que le Sénégal a connu pendant les 40 ans du régime socialiste. Il faut donc un changement radical des mentalités, de la façon de gérer notre pays, etc. C’est ce que nous voulons apporter au Sénégal. En 2007, l’argent avait joué un rôle primordial dans la Présidentielle. Les deux candidats arrivés en tête étaient d’ailleurs les plus armés financièrement.

Avez-vous pris ce facteur en compte ?

Nous voulons changer les mentalités concernant l’utilisation des fonds politiques dans l’arène politique. Ce n’est pas normal que cet argent qui était prévu pour des programmes censés créer des emplois, générer des revenus aux enfants, soit destiné à l’achat de 4x4 et à la distribution d’enveloppes aux coordinations du parti au pouvoir. Nous allons donc combattre cela. Mais en le combattant, nous voulons conscientiser nos membres du mouvement citoyen que ce n’est pas avec l’argent de l’Etat qu’on doit faire de la politique, mais avec l’argent des contribuables qui, volontairement, ont cotisé pour supporter notre mouvement. Nous encourageons cette façon de faire de la politique, à l’instar des grandes démocraties. Par exemple, quand Barack Obama se déclarait candidat, il n’avait pas les centaines de millions qu’il a aujourd’hui et qui ont été cotisés par des gens qui croient en lui et en son projet. C’est la meilleure façon qui nous permettra, arrivés au pouvoir, de bannir et d’éliminer ces fonds politiques obscurs, qui ne sont là que pour corrompre les citoyens à qui ils appartenaient en première instance.

Lors de votre conférence à la Sorbonne, on ne vous a pas une seule fois entendu parler des Assises nationales. Cela veut-il dire que vous n’êtes pas concerné?

Je ne peux pas cautionner les Assises, dans la mesure où 90% des personnes qui les ont inspirées, sont des gens de l’ancien régime qui ont fait du Sénégal ce qu’il est devenu…
Mais, ils le font en partenariat avec le mouvement citoyen et ce ne sont pas eux qui les président…
Quel mouvement citoyen ? Ils ont lancé un appel et les gens sont venus comme ça. Objectivement, si on parle de coalition, celle-ci s’est faite derrière les Niasse et les Tanor. Et ces gens-là ont été responsables de la situation actuelle du Sénégal. Je ne peux pas faire une alternative citoyenne avec des gens qui ont participé à la destruction du tissu social, économique et éducatif du Sénégal. Aujourd’hui, le Sénégal a besoin d’hommes nouveaux, des gens propres. Moi, je pense que ces vieux politiciens, il est temps qu’on les remercie et qu’ils aillent à la retraite pour laisser la place à une nouvelle génération composée du mouvement citoyen.

Ces Assises sont tout de même pertinentes dans la mesure où elles cherchent à sortir le Sénégal de sa «maladie» que vous-même avez diagnostiqué tantôt.

Je vais vous dire les contradictions de ces Assises. Les initiateurs de ces Assises n’étaient-ils pas les mêmes qui ont boycotté les législatives ? Ils ont boycotté les législatives parce qu’ils ne reconnaissaient pas l’élection du Président. Et quelques moins après, ils appellent ce même Président à prendre part aux Assises. Il y a donc une contradiction. Il aurait donc fallu qu’ils fassent une déclaration pour dire qu’en 2007, nous avions commis l’erreur de ne pas reconnaître le Président, maintenant nous le reconnaissons et nous l’invitons à s’asseoir avec nous.

Pourquoi en faire un grand débat parce que le Président refuse de participer aux Assises ?

C’est ces genres de contradictions qui ont amené le Sénégal à la position qu’il occupe aujourd’hui, c’est-à-dire le septième pays le plus pauvre d’Afrique.

En tant qu’universitaire, quel regard portez-vous sur la crise que traverse le système scolaire et universitaire du Sénégal ?

L’enseignement dans sa totalité a hérité de deux maux. Le premier, c’est l’héritage de la grève qui a été inculquée dans l’enseignement par l’actuel Président. C’est lui qui incitait tout le temps les gens à partir en grève. C’est un héritage que Wade subit amèrement aujourd’hui. Il n’avait pas donné un bon enseignement civique, un bon exemple. Le deuxième mal, c’est la négligence du système éducatif par l’ancien régime qui a fait preuve d’une léthargie dans la gérance du système. La simple solution, c’est de tenir des assises sur l’Education nationale. Cela suscitera l’apport de contributions d’experts, d’élèves, d’étudiants, de parents d’élèves, et de toutes les couches concernées par le secteur. L’idée est donc de chercher des solutions qui vont être proposées à la commission…

Mais ça fait partie de ce que les animateurs des Assises nationales se sont fixés comme objectifs…

Je répète qu’ils sont les responsables de l’état actuel de l’Education. Comment peuvent-ils donc proposer des solutions ? Nous, nous voulons venir avec de nouvelles idées et des experts dans le domaine. Le but, c’est de ne pas en faire un objet politique, mais d’en faire un problème national et apporter des solutions patriotiques.



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