Exfiltration de Salif SADIO en Côte d'Ivoire : Ses proches dénoncent une intoxication

Où se trouve, réellement, le commandant autoproclamé du maquis casamançais ? Répondre à cette question relève d’une vraie quadrature du cercle. Des sources le donnent en séjour de villégiature dans la Lagune Ebrié alors que ses proches, abordés à Banjul, soutiennent le contraire. Pour ces derniers, l’irréductible indépendantiste est toujours dans le maquis où ses hommes continuent de livrer bataille aux hommes de Magne Diémé, non loin de la frontière gambienne.

(Correspondance) - ‘Le chef d’Etat major d’Atika est toujours dans le maquis. D’ailleurs, comment pouvait-il abandonner ses hommes qui livrent bataille à ceux de Magne Diémé et s’en aller’, s’interroge un de ses lieutenants qui dispose d’un pied-à-terre à Banjul et qui croit dur comme fer que les informations relayées ces derniers temps, par la presse sénégalaise, relèvent de ‘l’intoxication’ et ne participent que d’une ‘campagne du gouvernement sénégalais ourdie dans le but de démoraliser nos troupes’.

Pourtant, des sources se réclamant des services secrets sénégalais et même Ousmane Ngom, le ministre de l’Intérieur - qui soutient attendre de pied ferme Salif Sadio - pensent le contraire. Se confiant à un confrère, ces sources ont dernièrement soutenu que le plus radical des combattants du Mfdc aurait embarqué à bord de l’avion présidentiel ivoirien après son séjour éclair à Banjul à l’occasion de la fête du 22 juillet marquant le douzième anniversaire du coup d’Etat de Jammeh et serait depuis logé dans un grand hôtel d’Abidjan où ‘il attend de recevoir un milliard et demi de francs’ pour, certainement, renforcer sa capacité de nuisance contre le Sénégal. ‘Salif récupéré par Gbagbo’, titrait même à sa ‘Une’ L'Observateur. Cette information est-elle vraiment fondée ? A première vue, elle semble tenir dans la mesure où Gbagbo, qui soupçonne Wade d’être un des parrains de la rébellion ivoirienne, tiendrait là une réponse ‘du berger à la bergère’.

Seulement, cette information laisse perplexes les observateurs de la crise casamançaise. Et, ce qui les rend encore plus perplexes, c’est que ce nouveau développement dans la crise casamançaise intervient quelques jours seulement après les bonnes intentions exprimées par Yahya Jammeh et Macky Sall, lors de la commémoration du coup d’Etat qui a porté le lieutenant Jammeh au pouvoir (il n'y a qu’en Afrique d’ailleurs où on continue de fêter des coups d’Etat bien qu’une résolution de l’Union africaine condamne fermement ce mode d’accession à la magistrature suprême). C’était tellement parfait au point de donner l’impression aux plus sceptiques que l’homme au grand chapelet a vraiment changé et que, cette fois-ci, le Sénégal et la Gambie allaient filer le parfait amour.

Accusés, Banjul et Abidjan font jusque-là montre d’un mutisme qui laisse libre court à la spéculation. C’est comme si les présidents gambien et ivoirien, pourtant mis à l'index par nos confrères, ont décidé de faire leur l’adage : ‘le chien aboie la caravane passe’. Cependant, sous le couvert de l’anonymat, un agent de la toute puissante Nia (services secrets gambiens), pense que ‘cette affaire ne mérite pas que l’on s'y arrête car elle est dénuée de fondement’. Et de poursuivre : ‘Vous savez, les journalistes croient tout savoir, mais parfois ils ont tout faux. D’ailleurs, les choses se clarifieront d’elles-mêmes et, donc, il n y a pas besoin d’amplifier cette information’.

Pourtant, Banjul qui, fin mars, avait accusé Dakar d’être derrière le coup d’Etat manqué de Ndour Cham - où est-il d’ailleurs, l’auteur présumé de ce fameux putsch que Jammeh a de justesse déjoué ?- entretient Salif Sadio dont bien des éléments constituent l’ossature de la garde rapprochée de Yaya Jammeh. Comment donc interpréter ce silence d’enterrement à Banjul comme à Abidjan dans une aussi embarrassante affaire ? En tout cas, la diplomatie a ses voies qui, généralement, demeurent impénétrables.

Salif Sadio à Abidjan ou à Banjul, l’équation quant à une issue rapide de la crise casamançaise reste entière. ‘Le gouvernement doit dialoguer avec toutes les factions du Mfdc’, reste le leitmotiv d’une large frange des membres du Mfdc et, au-delà, les Casamançais. Abdoulaye Diédhiou, opposé à la logique exclusiviste de l’abbé Diamacoune et de son clan, disait il y a peu à Mbaye Jacques Diop, médiateur désigné par l’Etat sénégalais : ‘La paix en Casamance ne peut se faire dans l’exclusion’. Et saisissant la balle au bond, un autre lieutenant du commandant Sadio s’interroge : ‘En disant qu’il attendait Salif Sadio de pied ferme, Ousmane Ngom contribue-t-elle à la recherche de la paix en Casamance’. Pour ce lieutenant de l'ex-chef d'Atika, la branche armée du Mfdc, son chef demeure une pièce maîtresse dans des négociations pour une paix véritable en Casamance. ‘Personne ne peut l’exclure ou encore l’indexer et croire qu’il peut aussi simplement trouver une issue à la crise. L’arrestation de Sadio, encore moins son élimination, ne changeront rien à la donne si l’on ne va pas à des véritables négociations’, lâche-t-il.

Plutôt que de faire dans des atermoiements qui font perdre du temps et surtout beaucoup d’argent, les populations de Casamance ne rêvent que d’un cadeau du gouvernement : ‘la paix’. La paix pour mettre un terme à un conflit vieux de vingt ans. La paix pour en finir avec ce cortège funèbre de maux qu’alimentent les affrontements en Casamance, les mines et les attaques des supposés ‘bandits armés’. La paix pour enfin développer la région !