FALLOU TOURÉ SUR LE PASSE FRANC-MAÇON DE WADE : «L’essentiel, c’est que Wade a été reçu par Serigne Bara»

Chargé de la communication des travaux de Touba, 1er vice-président du conseil rural de la ville sainte et conseiller spécial du président de l’Anoci, Karim Wade, Serigne Fallou Touré a accepté de se confier à L’Observateur. Il avance, entre autres, que le fils du président de la République n’instrumentalise pas le mouridisme à des fins politiciennes.

Vous êtes conseiller spécial de Karim Wade. Ce dernier est actuellement au-devant de la scène, on lui prête des ambitions présidentielles. N’est-il pas en train d’instrumentaliser le mouridisme pour parvenir à ses fins ?

Il faut savoir que Karim Wade, comme beaucoup d’autres disciples, est un talibé mouride. Il est venu au Magal faire le pèlerinage comme tout Sénégalais. Instrumentaliser le mouridisme, je ne le crois pas. Karim ne fait qu’aider son père à accomplir sa mission. Je pense que n’importe quel enfant du monde devrait aider son père, comme il le fait. C’est tout le travail que fait Karim actuellement. En témoignent les actes de bienfaisance à l’endroit de la population. Je peux vous dire, d’ailleurs, que le khalife général des mourides est très content de Karim Wade qui a envoyé à Touba des bâches à eau pour atténuer les effets de la pénurie de ce liquide précieux. Serigne Bara sait qu’il est toujours présent à l’occasion des grandes manifestations de la ville sainte.

Ne craignez-vous pas que demain Karim soit éclaboussé par les aveux de son père, révélant son passé franc-maçon ?

Non, je ne le crois pas. Car ça c’est un épiphénomène. Et le fait que le président (ndlr, Abdoulaye Wade) lui-même ait dit qu’il était un maçon, durant sa jeunesse, n’est pas important. L’essentiel est qu’il a été bien reçu à Touba et par le khalife Serigne Bara et par les populations de la ville sainte.

En tant que talibé mouride, quel regard jetez-vous sur cette édition du Magal ?

Comme tout mouride, je suis très content du déroulement du Magal 2009. Vous remarquerez qu’il y a eu beaucoup de monde. Et beaucoup de talibés et disciples sont venus assister à ce Magal avec beaucoup de ferveur. Et j’ai remarqué qu’il y a plus d’affluence encore par rapport à l’année dernière. Cela conforte l’adage qui dit que «Serigne Touba amoul tankou ganaw, tankou kaname la am» (le mouridisme progresse mais ne recule jamais). Et je peux vous attester que tous les talibés sont heureux d’être venu à Touba.

Comment se porte l’héritage de Serigne Saliou Mbacké ?

Le legs de Serigne Saliou Mbacké est bien gardé. Il se retrouve entre de bonnes mains. Celles de Mouhamadou Lamine Bara Mbacké.

Malgré sa disparition, on a remarqué que le défunt Serigne Saliou est toujours dans les cœurs. Son mausolée attire toujours du monde et de l’émotion. Comment expliquez-vous l’attachement viscéral des fidèles envers le saint homme ?

Serigne Saliou est un homme d’une dimension exceptionnelle. Il a cultivé le respect et l’estime chez tous les Sénégalais, quelle que soit leur confession. C’est un homme envers qui les Sénégalais ont beaucoup d’attachement. Un homme d’une dimension religieuse très poussée, avec une pratique de l’orthodoxie mouride. Il était un travailleur acharné et, en lui, on voyait toutes les qualités d’un bon mouride : avoir la foi en l’islam et le culte du travail. Il était aussi un humaniste et j’ai eu la chance d’être à ses côtés. D’ailleurs, c’est lui qui m’a nommé vice-président du Conseil rural de Touba. Et je peux vous dire qu’être à côté de Serigne Saliou demeure une chance de par son humilité, sa grande sympathie envers ses talibés. Serigne Saliou manque beaucoup aux talibés. Je me rappelle une des missions qu’il m’avait confiée, à savoir l’affaire des Baye-Fall de Rufisque (ndlr, litige foncier entre des Baye-fall et des habitants du quartier Léona Champ des Courses, début juin 2005). Il était très peiné et gêné dans cette affaire. Car ce qu’il voulait, c’est l’entente entre les musulmans. Et cet incident ne l’a pas beaucoup plus, et la paix est revenue très vite. Il a marqué quand même le mouridisme. C’est pourquoi, jusqu’à présent, les gens pensent à lui.

Parlant de Serigne Saliou, tout le monde savait qu’il accordait une grande importance aux travaux de la ville sainte et de la mosquée. Maintenant que vous assurez la communication de ces chantiers, pouvez-vous nous faire l’état des lieux de ses travaux ?

Vous avez parfaitement raison. Serigne Saliou avait initié les travaux de Touba. Comme vous le savez, on avait lancé un appel d’offres pour les chantiers de la ville sainte, mais il s’est trouvé qu’une bonne partie des travaux a été reprise par l’Etat, à travers le Programme spécial de modernisation de la ville de Touba. D’autre part, le Khalife Général des Mourides Mouhamadou Lamine Bara Mbacké continue une partie des travaux, notamment la réhabilitation de la mosquée, des routes qui sont autour de la mosquée, le pavage des routes qui vont autour des «pinthies» (places publiques). Ce sont ces travaux qui sont en cours de réalisations. Il y a aussi un projet de route qu’on appelle à Touba, la ceinture 30, c'est-à-dire une route qui aura une largeur de 30m, et qui va ceinturer la ville. Ce sont les grands projets actuellement du Khalife. Pour les autres, les études sont en cours et les travaux vont bientôt démarrer. Tout celà entre dans le souci du Khalife de faire de Touba une ville non seulement moderne, mais aussi ouverte au monde.

Des travaux d’assainissement sont aussi en cours. C’est le volet qui relève de la compétence de l’Etat avec la construction de châteaux d’eau, de forages et le traçage de 50 km pour l’adduction d’eau. Il y a aussi l’élargissement de l’autoroute Touba-Mbacké, une route aussi qui relie l’héliport au rond-point de Mbacké. Tous ces travaux en cours, vont faire de Touba une ville moderne. Il faut savoir aussi que tout ce qui se fait à Touba vient en appoint par rapport à ce que fait le khalife. Car il faut comprendre que les khalifes de Serigne Bamba ont pour mission de moderniser la ville de Touba, pour que les mourides, qui ont quitté leurs villages, puissent y vivre heureux, et qu’en période de grands évènements, comme le Magal, les pèlerins puissent se sentir bien dans cette ville sainte. Il ne faut pas oublier que les talibés participent à la modernisation de la ville. Même s’il est vrai que le gouvernement du Sénégal a fait beaucoup d’efforts. Comme vous pouvez le constater dans la loi des finances, plus de 20 milliards ont été votés pour la modernisation de la ville sainte. Et 100 milliards pendant 5 ans, entre 2007 à 2012.

Certains disent que l’Etat fait uniquement de la propagande. Il fait beaucoup de bruits pour rien. Sinon, comment expliquez-vous le retard accusé par certaines parties des travaux ?

Pourtant les travaux avancent. Seulement, il faut comprendre qu’avec cette crise mondiale, c’est sûr que cela va se répercuter dans le financement des chantiers. Avec le ralentissement économique, c’est sûr que les financements vont se ressentir. Mais le volet de l’Etat est exécuté à 46% et sur les 115 km de route prévue, il y a 52 km qui ont été réalisés. Donc, il y a des choses qui sont concrètes. Avec le château d’eau exécuté à Gouye Mbind et le réservoir d’eau de 6m3 à Tindodi. Certes, il y a eu un ralentissement dû à la crise internationale, mais la volonté de l’Etat est là, elle est manifeste.

Dernièrement, nous avons vu Serigne Bass Abdou Khadre, à qui l’on avait confié la coordination des travaux, demander au khalife de le décharger. Certains y voient un cafouillage, une incompréhension entre lui et une partie de la famille du Khalife. Est-ce votre avis ?

Je peux vous affirmer qu’il n’y a rien entre la famille de Serigne Bara et Serigne Bass Abdou Khadre. Serigne Bassirou est un petit frère de El Hadji Bara. Il travaille en bonne intelligence avec les enfants de ce dernier. Donc, il n’y a aucun problème à ce niveau. Il s’est trouvé qu’il y a eu l’organisation du Magal qui lui a été confiée, et il était tellement chargé qu’il a pensé déléguer les travaux à Serigne Mourtada ibn Serigne Bara, pour pouvoir mieux se concentrer sur le Magal.

Pouvez-vous nous donner des explications sur la participation de Baol Construction, des entreprises chinoises et d’une façon générale, de la coordination des travaux ?

Vous savez, il y a deux travaux. Ceux de l’Etat qui sont confiés à un consortium Henan-Chine-Svtp, et coordonné par l’Agence autonome des travaux routiers. L’Aatr a permis un bon avancement des travaux. Il y a un autre volet de travaux qui concernent le Khalife général des mourides. Pour ce qui est des travaux de l’Etat, le programme se déroule normalement. Certes, il y a eu un certain ralentissement, mais cela relève du passé. Comme vous l’avez vu les chantiers ont très bien redémarré. En ce qui concerne les travaux de la mosquée, c’est Baol Construction qui s’en occupe. Elle travaille en partenariat avec Ert qui s’occupe de la partie électrification. Pour la réhabilitation des voiries et pavages autour de la mosquée, c’est Eiffage. Et l’entreprise Sotracom s’occupe des routes qui vont vers les «pinthies».