(FIN) Entretien avec… Moustapha DIAKHATE, membre du Pds et ex-coordonnateur de Wacook Alternance : 'Depuis trois ou quatre ans, Talla Sylla est entre des agresseurs et des charognards’

Dans le second et dernier jet de notre entretien, Moustapha Diakhaté livre ses sentiments sur le fonctionnement actuel de son parti, sur le débat autour de la légitimité de l’Assemblée nationale. Ami et compagnon des années de braise de Talla Sylla, Moustapha Diakhaté commente l’annonce faite par ce dernier de se retirer de la scène politique.

Walfadjri : Comment avez-vous accueilli le retrait politique de Talla Sylla qui, semble-t-il, est votre ami ?

Moustapha DIAKHATE : Evidemment, l’annonce du retrait de Talla Sylla m’a fait mal. D’abord, c’est un ami. Je suis allé le voir à Thiès un samedi et le samedi suivant, je l’ai accompagné à l’aéroport pendant qu’il était en partance pour la France. Maintenant, aujourd’hui, ma préoccupation c’est que Talla se soigne et recouvre sa santé. Je suis sûr que s’il recouvre sa santé, Talla Sylla ne peut pas aller à la retraite à cet âge-là. Actuellement, il faut qu’on le laisse se soigner. En fait, depuis trois ou quatre ans, Talla est entre des agresseurs et des charognards, c’est-à-dire ceux qui l’ont blessé et ceux qui veulent récupérer ces blessures à des fins politiques. Moi, je ne suis ni d’un côté, ni de l’autre puisque je suis un ami de Talla au vrai sens du mot, je suis, aujourd’hui, l’un des cinq Sénégalais à disposer de son numéro de téléphone pour pouvoir le joindre là où il est en France. Et, aux dernières nouvelles, il se porte mieux. Prions pour que cela continue ainsi et je vous assure que s’il se rétablit, il reviendra dans l’arène politique.

Walfadjri : Quel est votre avis sur le fonctionnement actuel de votre parti, le Pds ?

Moustapha DIAKHATE : Aujourd’hui, après la réélection d’Abdoulaye Wade, il nous faut réinventer une autre pratique militante interpellative et exigeante. De mon point de vue, ce sont les responsables du parti qui bloquent cette nouvelle vision. Les militants, quant à eux, sont partants et disposés à œuvrer dans ce sens-là. Malheureusement, ces derniers n’ont pas les moyens et les prérogatives de les mettre en œuvre. D’autres et moi, sommes entrain de travailler pour voir comment disposer d’un espace qui puisse nous permettre de porter haut le discours de renouveau du Parti démocratique sénégalais .

Walfadjri : L'absence d'une démarche participative au Pds dont vous parlez, n'est-elle pas due au fait que ce parti est, en quelque sorte, le patrimoine personnel de Me Wade ?

Moustapha DIAKHATE : Ça, c'est de sa faute ! Abdou Laye Vadé n'a pas créé le Pds, il en est membre fondateur avec d'autres personnes. C'est à dessein qu'il a installé le parti dans une décomposition généralisée, aussi bien au niveau organisationnel que fonctionnel. Parce qu'en mettant en veilleuse le congrès, la Convention nationale, le bureau politique, le comité national, le secrétariat national, pour être précis, en s'asseyant sur les statuts et règlement intérieur du parti, Wade s'est mis seul. Alors, étant seul, évidemment il gère le parti comme il l'entend et toute personne qui veut avoir une promotion dans le Pds cherche à entrer dans sa sphère sentimentale. Ce qui fait que le militantisme et l'efficacité politique ne les intéresse plus. Donc, la situation déplorable dans laquelle se trouve le parti, lui (Me Wade, Ndlr), en est, en grande partie, responsable. Et ce n'est pas avec ce saupoudrage de refondation-là que le Parti démocratique sénégalais va sortir de ses difficultés.

Walfadjri : Pour en revenir à l'Assemblée nationale, pensez-vous qu'elle est légitime, vu le très faible taux de participation aux dernières législatives dont elle est issue ?

Moustapha DIAKHATE : On dit souvent que les absents ont toujours tort. Ceux qui ont choisi de ne pas se présenter aux élections en ont le droit. Cependant, ils ne doivent pas dire que l'institution parlementaire est illégitime, encore moins illégale. Les élections du 3 juin ont été transparentes et libres. Ces facteurs font partie du baromètre de la démocratie moderne. Maintenant, le fait que c'est peu de Sénégalais qui se sont déplacés pour aller voter est un défi supplémentaire par rapport à ces députés. C’est à eux de construire leur propre légitimité et, je pense qu'en se concentrant sur le Sénégal et son développement, ils y parviendront. Il est impératif d'adopter une rupture dans le fonctionnement de cette Assemblée. Les députés doivent arrêter de parler d'eux-mêmes et de ne s'occuper que de leurs intérêts. Ils ne parlent pas du chômage des jeunes, des difficultés du monde agricole, des droits de l'Homme qu'on bafoue, des crises scolaires, de l'Environnement, de la cherté de vie. Tout cela ne semble pas être leur préoccupation. C'est pour cela que les Sénégalais les ont sanctionnés. Maintenant, ils ont là une chance de redorer leur blason en osant aller dans le sens d'une rupture positive. A cela s'ajoutent d'autres défis. En effet, les députés doivent se battre pour la modification de certains textes, par exemple extirper des mains du président de la République la possibilité de dissolution de l'Assemblée nationale. Ça pose problème à mon niveau. Dans un régime présidentiel avec séparation des pouvoirs, je crois que l'Exécutif n'a pas le droit de dissoudre une Assemblée nationale. Ce qui me semble le plus important, c'est le contrôle au détail près que doit exercer le pouvoir législatif sur l'Exécutif, le Parlement doit contrôler si le budget national a été judicieusement et correctement. Si l'actuel Parlement agit ainsi, nul doute qu'il deviendra crédible aux yeux des Sénégalais et méritera sa place dans le dispositif institutionnel du pays. Avec deux groupes parlementaires, l’un de la majorité présidentielle et Walfadjri : l’autre proche de cette majorité, est-ce-que cela peut contribuer au crédit de cette Assemblée ? Moustapha DIAKHATE : Je ne sais pas ce qu’ils feront demain mais ça ressemble plus à une filiale du groupe Pds. Je souhaite qu’il n’en soit pas ainsi. (Haussant les épaules). On verra bien.

Walfadjri : Aviez-vous été approché pour les investitures ?

Moustapha DIAKHATE : Ah non, jamais de la vie ! (Il répète). Vous savez, les investitures ont été faites par quelques personnes qui se sont enfermées au Méridien Président pour confectionner les listes. Le jour où les militants vont investir directement les candidats, je serai candidat à l’investiture et, certainement, je vais passer mais pas par des parrainages ou des parachutages. Ces gens-là ont été promus parce qu’ils ont des parrains, moi je n’en ai pas au Pds et je n’en veux même pas. Ça me coûte ce que ça me coûte mais je l’assume.

Walfadjri : Etes-vous pour la continuité du mandat de Wade ?

Moustapha DIAKHATE : Moi, si j’ai à lui demander, c’est qu’il fasse tout pour que ce qu’il a entamé soit consolidé et que ce mandat-là, soit un mandat de correction des erreurs qui ont été commises durant son premier septennat. Parce qu’il y a eu beaucoup d’erreurs de conception, beaucoup de fautes de gestion, beaucoup de scandales financiers et énormément de politique politicienne. Abdoulaye Wade doit être quelqu’un qui ferme un cycle historique qui a commencé avec Senghor, qui s’est poursuivi avec Diouf et qui doit s’achever avec lui. Wade doit œuvrer pour faire du Sénégal un pays émergent où la démocratie est définitivement ancrée avec le respect des libertés politiques, économiques et syndicales. Cela doit se faire avec les fils de ce pays, compétents et intègres. Je souhaite franchement que le président Wade - en tout cas je l’y invite - assure la transition vers ce Sénégal nouveau à jamais débarrassé du clientélisme politique, de la corruption et d’autres fléaux qui empêchent son développement.

Walfadjri : Croyez-vous à un grand parti de droite, à l’image de l’Ump en France ?

Moustapha DIAKHATE : Je précise d’abord que moi, je ne suis pas de droite, le Pds, non plus, n’est pas un parti de droite. Dans son programme fondamental, le parti ne l’est pas. C’est à partir des besoins des citoyens et des ambitions qu’on a pour son pays qu’on formule une offre politique. Le parti dont je rêve doit être un parti libéral qui laisse s’exprimer les libertés et qui œuvre pour la solidarité nationale. On doit éviter de s’aligner à droite ou à gauche parce que ce sont des concepts exportés et hérités de la France. Nous devons avoir un cadre qui s’appelle le Sénégal avec de nouveaux repères qui permettront de dire qu’un parti est de telle sensibilité ou telle autre et non de gauche ou de droite.

Walfadjri : Que pensez-vous de la démarche actuelle de l’opposition qui veut venir à bout de Me Wade ?

Moustapha DIAKHATE : Cette opposition se contente seulement de critiques mais ne propose rien. Le débat de fond, c’est que la classe politique - l’opposition comme le pouvoir - doit s’asseoir autour d’une table pour discuter, non pas de strapontins à partager, mais des défis qui interpellent tous. Chacun doit pouvoir faire des concessions si tant est que c’est l’intérêt du pays qui le préoccupe. Il est, aujourd’hui, nécessaire que tous les fils de ce pays qui ont de la compétence et de la vertu, les mettent au service de la nation. Et le président de la République doit faciliter le dialogue et œuvrer dans ce sens.

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