Jeudi 25 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

Imam Mbaye Niang sur les terrains de l’aéroport : ‘Il y a un deal entre l’Etat, l’Anoci et Mbackiyou Faye’

Single Post
Imam Mbaye Niang sur les terrains de l’aéroport : ‘Il y a un deal entre l’Etat, l’Anoci et Mbackiyou Faye’
L’Imam Mbaye Niang, qui maîtrise les questions aéroportuaires, est celui qui a soulevé le lièvre dans l’affaire dite des terrains bradés de l’aéroport Léopold Sédar Senghor. Le député qui dit détenir les preuves de l’illégalité de cette transaction, affirme qu’il y a un deal entre l’Etat, l’Anoci et le sieur Mbackiyou Faye. En effet, l’Etat avait demandé ce terrain aux autorités aéroportuaires au nom de l’Anoci pour la construction de villas dans le cadre du sommet. Mais voilà que la cité présidentielle n’a jamais vu le jour et le terrain s’est retrouvé entre les mains d’un privé qui dit l’avoir acquis en contrepartie de la construction de la Statue de la Renaissance. Gravissime, selon Imam Mbaye Niang.

Wal Fadjri : Vous avez interpellé, la semaine dernière, le ministre de l’Economie et des Finances sur le terrain de l’aéroport qui a été cédé à un promoteur privé. Pouvez-nous nous retracer l’origine de cette affaire que vous semblez maîtriser en tant cadre de l’Asecna ?

Imam Mbaye Niang : S’il s’agit du terrain dont j’ai parlé la semaine dernière devant le ministre de l’Economie et des Finances, il s’agit bien de parcelles qui se trouvent dans l’enceinte de l’aéroport Léopold Sédar Senghor. A l’intérieur de la clôture de sécurité, il y a un mur de sécurité que l’Asecna a construit pour sécuriser ces espaces dans lesquels on ne doit pas habiter. Je dois préciser que cette clôture date de très longtemps.

Si on remonte l’histoire de ce terrain cédé, ça date d’avant l’organisation du sommet de l’Oci. En effet, la présidence de la République du Sénégal avait adressé une lettre aux autorités aéroportuaires pour leur demander de mettre à sa disposition des terrains qui lui permettront de construire des villas Vip dans le cadre de l’organisation de ce sommet. Dans des cas comme celui-là où l’Asecna est propriétaire du terrain, en vertu des conventions que le Sénégal a signées avec la France et les autres pays membres de l’Asecna, son avis technique était indispensable. Si l’Asecna dit non, le terrain ne peut pas être attribué. Par conséquent, une commission de servitude devait statuer sur la main levée sur ce terrain. La commission est composée de l’Anacs, de la Haute autorité de l’aéroport et de l’Asecna. Alors, quand ils ont reçu la lettre de la présidence de la République leur demandant de libérer le terrain, ils ont effectivement réuni la commission de servitude. Seulement, l’Asecna n’était pas représentée à cette réunion. La main levée sur le terrain a donc été prononcée par une commission qui a statué de façon irrégulière. La démarche a été ainsi entachée d’irrégularités dès le début de cette transaction parce que l’Asecna qui est détentrice du titre foncier n’était pas au courant, n’a pas donné son avis, alors que son avis est indispensable. C’est dans ces conditions que la main levée a été prononcée et le terrain a été libéré.

D’ailleurs, la présidence avait bien précisé en indiquant qu’il s’agissait de la partie ouest, à côté de la route de Ouakam. Le nombre d’hectares n’était pas précisé, mais tout le monde sait qu’on n’a pas besoin de 30 hectares pour construire des villas Vip. A l’époque, j’avais bien interpellé le ministre de l’Economie et des Finances lors du vote de la loi de finances rectificative 2007, puisque 10 milliards avaient été réservés pour la construction de ces villas présidentielles sur ce site. On était à trois mois de l’organisation du sommet de l’Oci et j’avais bien dit au ministre qu’il était impossible de construire ce type de villas en trois mois. Ensuite, je lui avais fait remarquer que le site choisi pour ces logements présidentiels était mal placé. Il se situe à 200 m de la piste de l’aéroport et aucun président ne se serait hasardé à loger dans ces villas surplombées tout le temps par des avions.

Au final, ce n’est plus l’Anoci qui exploite le terrain que la présidence avait sollicité. Mais c’est maintenant un privé qui dit être le propriétaire de ce terrain. Qu’est-ce qui a donc pu se passer entre-temps pour que le terrain qui était destiné à l’Anoci, se retrouve entre les mains d’un investisseur privé ? Voilà toute la nébuleuse.

Ce qui s’est passé ne peut pas être légal. D’abord, ce qui a été pris, ce n’est pas la surface autorisée. Ensuite, le terrain avait été attribué à l’Anoci pour la construction de villas. Sur les 30 hectares qui ont été spoliés, ces messieurs ont déjà vendu 12 hectares à l’Ipres pour un montant de 27 milliards. Et sur les 18 qui restent, ces promoteurs privés veulent construire une cité de 270 villas R+1 qui vont coûter chacune 150 millions. Faites un petit calcul pour être édifié sur le pactole que vont amasser ces messieurs. C’est 67 milliards. On nous dit qu’en contrepartie, l’Etat n’a que les 12 milliards pour prendre en charge la construction de la statue qui se trouve à la Place du Souvenir africain.

Wal Fadjri : Mbackiyou Faye qui a été cité comme étant l’acquéreur du terrain, a affirmé l’avoir acquis en contrepartie de la construction de la statue. En clair, il a accepté de financer les travaux à la place de l’Etat du Sénégal qui a préféré lui donner ce terrain qui, selon lui, ne se trouve pas dans la zone aéroportuaire.

Imam Mbaye Niang : Le terrain se situe bien dans la zone aéroportuaire. Ce sont eux qui ont dressé un mur qui délimite les 30 hectares qu’on leur a attribués. Ce mur n’existait pas. Ces terrains sont bien dans l’emprise de l’aéroport. Vous ne pourrez trouver cela dans aucun pays du monde : construire une cité par un Etat ou une Institution reconnue de l’Etat à 100 m d’une piste, ça n’existe nulle part dans le monde. Des gens qui ne comprennent rien de l’aéronautique peuvent le faire, mais on va les obliger à quitter. Sinon, on peut même aller jusqu’à détruire des maisons juxtaposées à des installations de l’aéroport. Cela s’est passé au Sénégal, il y a quelques années, parce que les logements constituaient un danger pour la sécurité aérienne.

Wal Fadjri : La polémique s’est définitivement installée autour de cette affaire de terrains. Comment faire pour éclairer la lanterne des Sénégalais sur les véritables dessous de cette transaction ?

Imam Mbaye Niang : Il y a un de mes collègues députés (Mamour Cissé, Ndlr) qui propose la mise sur pied d’une commission d’enquête. Je suis entièrement pour. Il faut juste réunir un certain nombre de signatures requises pour la mise sur pied de cette commission afin d’éclairer les Sénégalais sur ce scandale. Il est évident qu’il y a eu un deal entre l’Etat, l’Anoci et les acquéreurs de ce terrain. C’est pourquoi je n’en veux pas à Mbackiyou Faye qui dit avoir acquis ce terrain par le biais de l’Etat. J’en veux à ceux-là qui sont à l’origine de ce deal. Comment ce terrain qui était une propriété de l’Anoci, s’est retrouvé comme par miracle entre les mains de Mbackiyou Faye en échange à la construction d’une statue ? Voilà ce que je veux savoir. Et ce sont des autorités étatiques qui peuvent bien être identifiées.

Wal Fadjri : Le représentant du Fmi Alex Segura vous invite à brandir les preuves que vous détenez sur cette affaire pour aider à faire la lumière. En détenez-vous ?

Imam Mbaye Niang : M. Segura a raison. Et nous allons donner les preuves. Ce n’est pas la peine d’aller loin, car je suis en train de vous donner les preuves qu’il y a eu un deal sur cette affaire. C’est la présidence qui a écrit à la Direction de l’aviation civile pour qu’on lui cède ce terrain destiné à la construction de villas Vip. L’Anoci n’a pas eu à effectuer ce projet. Et voilà que le terrain en question qui lui était destiné, est désormais la propriété d’un certain Mbackiyou Faye. C’est grave.

Wal Fadjri : Quelles seront les conséquences de la vente de ces terrains sur les activités aéroportuaires.

Imam Mbaye Niang : Des conséquences incalculables. D’autant que ce n’est pas seulement ce terrain qui est spolié. Il y aussi les deux pôles d’envol de la piste qui sont aujourd’hui occupés. Ce qui fait que les pompiers de l’Asecna n’ont plus de terrain pour s’entraîner. C’est dire que l’existence de ce terrain est indispensable. Sur la Vdn, beaucoup de terrains ont été récupérés et cela gêne dangereusement le fonctionnement de l’aéroport.

Avec cette affaire, l’aéro-club qui fête cette année ses 75 ans va disparaître. Et pourtant, c’est sur ce terrain de l’aéro-club que s’entraînent les pilotes.

N’oublions pas que l’aéroport Léopold Sédar Senghor n’est pas encore déplacé. Il ne faut pas que les gens se mettent dans la tête que l’aéroport va être déplacé et organisent une course vers ces terrains. Pour déplacer une piste, il y a une procédure qui peut durer des années. Un aéroport peut être fermé, mais les pistes restent toujours. Et même si on déménageait à Diamniadio, les pistes de l’aéroport doivent rester intactes jusqu’à ce que la procédure de déclassement soit entamée.

Wal Fadjri : Vous avez participé à l’inter-Commission des lois et finances du Parlement qui a reçu Karim Wade ce mardi. Qu’avez-vous retenu de son bilan sur la gestion de l’Anoci ?

Imam Mbaye Niang : Il n’y a rien eu de neuf. Tout ce qu’ils (Karim et Baldé, Ndlr) nous ont dit, a déjà été relaté dans la presse. Les chiffres, la démarche et tout. Au fait, l’objectif de Karim Wade et de Baldé, c’était de démontrer la transparence de leur opération. D’ailleurs, ils ont parlé de succès éclatant pour l’organisation de l’Oci. C’est sans surprise qu’on a vu ce qui s’est passé parce qu’à l’Assemblée, c’est la majorité mécanique qui n’a fait que manifester son soutien à Karim par des prières, des applaudissements et autres louanges. Nous, parlementaires de l’opposition, nous avons essayé de poser des questions, mais les réponses qu’on nous a servies étaient sans surprises. Je leur ai clairement dit qu’ils sont là pour une évaluation. Cela se fait par un rapprochement entre les objectifs initiaux et les réalisations. L’article premier du décret qui a mis en place l’Anoci, avait fixé les objectifs de cette agence. Le premier objectif était d’organiser le sommet dans la cité Oci. Cette cité n’a pas vu le jour. Ils étaient obligés d’organiser le sommet au Méridien Président là où les socialistes l’avaient organisé, il y a presque 15 ans. Sur ce point, on ne peut pas parler de réussite.

Dans les objectifs, il est bien dit qu’il fallait accompagner le secteur privé national et international. En tout cas, pour ce qui est du secteur privé national, nous avons vu une entreprise qui s’appelle Jean Lefebvre mettre au chômage plusieurs Sénégalais. Ce qui n’aurait jamais pu être le cas si cette entreprise avait été accompagnée comme les autres.

On parle également de cohérence entre les projets de l’Anoci et l’existant. C’est-à-dire que les projets de l’Anoci ne devraient pas gêner ceux qui étaient déjà là. Mais j’ai donné l’exemple du tunnel de Soumbédioune que tout le monde juge inopportun. Ce tunnel cause d’énormes dégâts à des Sénégalais qui gagnaient tranquillement leur vie. J’ai cité aussi en exemple les travailleurs du village artisanal de Dakar. A cause de ce tunnel, le village artisanal est devenu inaccessible.

Par ailleurs lorsqu’on organisait ce sommet, la plupart de ces ouvrages n’étaient pas terminés. Et aujourd’hui, on continue à construire. Donc, sur ce volet infrastructure, Karim Wade ne peut pas parler de succès éclatant. Pour ce qui est de l’organisation en tant que telle, tous les participants n’étaient pas contents sur pas mal de choses : la tenue des hôtesses, le bal de clôture, le spectacle sons et lumières. Tout cela n’est pas islamique.

On parle de la corniche. Mais on ne peut pas dépenser 432 milliards pour régler le problème de 0,5 % des Sénégalais. Je le dis parce que nous ne sommes pas plus de 0,5 % des Sénégalais à bénéficier de cette corniche. C’est inopportun dans un pays où des populations pataugent dans l’eau, dans un pays où beaucoup de familles ne mangent pas à leur faim.

Wal Fadjri : Les parlementaires de l’opposition ont-ils cherché à connaître ce que l’Anoci a fait de ce pactole de 432 milliards ?

Imam Mbaye Niang : Oui, mais ce qu’on nous a dit, c’est que l’Anoci n’a rien géré et que tous ses comptes se trouvaient dans des banques. Ça, ce sont les normes de gestion. Mais j’ai demandé par exemple combien ont coûté les cocotiers sur la corniche. Ça a fait rire la salle mais, à la réponse, tout le monde s’était rendu compte de la pertinence. En effet, on m’avait dit que ces cocotiers avaient coûté un milliard et demi. Ce que Baldé a confirmé en avouant qu’ils avaient coûté un milliard 400 millions.

Au fait, ce qui peut vraiment prouver que la gestion de l’Anoci est transparente, c’est l’audit externe. Il faut que les responsables de l’Anoci acceptent d’être audités par des structures externes composées de la société civile, des parlementaires et d’autres experts qui sont là. On ne peut pas se fier à l’audit interne d’une entreprise qui a signé un contrat d’un milliard avec l’Anoci et qui est partie prenante de la gestion. Un tel audit ne peut pas être crédible.



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email