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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

INDIGNE PAR LES RICHESSES DU PDS : Bathily raconte les misères de la campagne de Wade en 2000

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INDIGNE PAR LES RICHESSES DU PDS : Bathily raconte les misères de la campagne de Wade en 2000

Tristesse. Indignation. Incompréhension parfois. Un flot de sentiments bouillonne dans le cœur et l’esprit du Pr Abdoulaye Bathily, secrétaire général de la Ld/Mpt, surtout lorsqu’il déroule le film de son compagnonnage politique de plus de 15 ans avec le Président Wade, pendant les épreuves de lutte dans l’opposition. C’est que pour lui, l’exercice du pouvoir aura bien changé ce dernier qui a renié ses convictions et trahi ses promesses de naguère. Et le tableau sombre que le Sénégal vit aujourd’hui désole le Pr. Bathily, surtout en rapport avec la gestion opaque du processus électoral et la perspective des lendemains socio-économiques qui ne chantent pas avec la mise en place de ce qu’il appelle une stratégie de décroissance accélérée par le gouvernement. Entretien…

Objectivement, à travers tous les problèmes liés fichier électoral, est-ce que les conditions sont réunies pour aller à des élections qui vont déboucher sur une transparence totale ?

Le ministre de l’Intérieur dit que les listes électorales seront disponibles à partir du 30 septembre. C’est impossible pour la bonne et simple raison que des gens qui se sont inscrits, il y a plus d’un an, n’ont pas leurs cartes d’électeur ou d’identité. C’est le constat tant à Dakar qu’à l’extérieur. De manière générale, le rythme de leur production est tellement lent qu’il sera impossible d’avoir des listes à jour le 30 septembre, que des citoyens puissent, sur cette base, faire les recours nécessaires.

Ce sera la pagaille totale. Il sera inacceptable, pour nous, qu’on publie des listes électorales incomplètes en disant aux autres : «Attendez, vos cartes vont venir !»

A la dernière réunion de la Cpa, nous avons pris en considération tous ces manquements. Nous allons y consacrer un mémorandum. Il est certain que s’il n’y a pas de fiabilité pour le processus électoral, notamment des listes complètes, à jour, qui reflètent les circonscriptions, nous ne pouvons pas accepter qu’on aille à des élections. Et nous avons averti le gouvernement depuis très longtemps.

Tout se passe comme si le gouvernement et Abdoulaye Wade ne veulent pas aller aux élections. Toutes sortes de difficultés ont été accumulées. Nous allons faire le point et nous allons mener la bataille. Nous demandons l’audit du fichier électoral. C’est indispensable. Nous ne pouvons pas aller à des élections sans cet audit. La Cena est incompétente, n’a aucun esprit d’initiative. Elle ne fait rien pour la transparence du scrutin ; nous ne pouvons pas nous fier à elle, car elle ne sait même pas ce qui se passe et ne peut pas faire l’audit du fichier électoral.

Nous ne pouvons pas nous fier au ministre de l’Intérieur pour nous dire : «Voilà un fichier». Donc, la question de la transparence est une condition pour aller aux élections. Abdoulaye Wade, lui-même, avait l’habitude de dire que les crises les plus graves surviennent, en Afrique, à partir d’élections non transparentes. Je me rappelle bien, en octobre 99, dans le cadre de la Coalition Alternance 2000, les problèmes que nous avions soulevés par rapport au fichier électoral d’alors. Toutes ces questions reviennent, malheureusement, à l’ordre du jour: le manque de transparence, pire qu’en 99.

Nous avions quand même l’Onel qui travaillait mieux en 98-99 que cette Cena qui aurait dû être une avancée, mais qui est en fait un recul. Pour l’audit du fichier, les partis politiques étaient habilités à aller au ministère de l’Intérieur. Nous contrôlions ce qui se passait. Cette fois-ci, il n’en est rien.

Si Abdoulaye Wade ne veut pas aller aux élections, quelle sera alors l’attitude de l’opposition ?

Les élections sont dues et constituent un élément important dans la vie d’un pays. Le pays doit pouvoir, à dates régulières, conformément aux dispositions constitutionnelles, choisir ses dirigeants. L’économie, l’éducation en dépendent. Le gouvernement, responsable des élections, doit s’occuper des préoccupations des citoyens. Nous ne pouvons pas accepter que Ablaye Wade veuille, par des artifices, prolonger son mandat. Il l’a déjà fait avec les députés.

Et au cas où la situation de fait ne pourrait pas conduire à des élections, le 27 février ?

Il faut qu’il organise ces élections à date échue ! Aujourd’hui, il n’est pas encore trop tard pour s’y atteler, dans l’intérêt du pays. Dans son intérêt aussi. Cet homme de 83 ans doit quand même penser à laisser à la postérité le souvenir de quelqu’un qui a dirigé un pays pendant sept ans et qui l’a laissé dans la stabilité. Il le doit à l’Histoire. Je lui lance un appel solennel. Il a eu une chance historique, exceptionnelle. Il faut qu’il laisse cette image à la postérité.

Le président Wade n’est-il pas lui-même prisonnier de clans autour de lui pour sa succession ; ce qui expliquerait cette situation ?

Peu importe, pour nous, qu’il soit prisonnier ou pas. C’est lui qui a été élu en 2000, dans les conditions d’un scrutin transparent, sans appel. Sur le plan national et international, il en a bénéficié. L’image du Sénégal s’en est trouvée grandie. Il doit tout faire pour transmettre le témoin dans les mêmes conditions, sinon dans des conditions meilleures. Aujourd’hui, malheureusement, tout son comportement nous ramène en arrière. C’est vraiment triste.

Avec le recul, quelle analyse vous faites de la décision du ministre de l’Intérieur d’augmenter le cautionnement des partis de 25 millions pour la présidentielle et de 15 millions pour les législatives ?

Cela montre que, véritablement, Ablaye Wade n’est pas animé du souci de faire avancer notre démocratie. Il est animé d’une obsession : se faire reconduire comme président de la République, à n’importe quel prix, et à n’importe quelle condition. C’est malheureux, du point de vue de la morale, pour son image.

En 99, pour les élections de 2000, Ablaye Wade ne pouvait pas rassembler 40 millions pour débuter sa campagne. J’en sais quelque chose. Au niveau de la Ca 2000, chaque fois, il nous disait, à partir de Paris : «Je donnerai 100 000 francs par communauté rurale pour que vous organisiez la pré-campagne.» Ensuite, il est revenu pour dire : «Je n’ai pas eu l’argent ; je vais peut-être envoyer 50 000 francs.» Jusqu’au début de la campagne, il n’avait pas le rond. Au début de la campagne, lorsqu’il fallait faire le devis pour les différentes manifestations, on a demandé aux Ablaye Faye, Ousmane Badiane, au niveau de la Commission de la Ca 2000, de nous faire des propositions. Pour une manifestation, il fallait 2 millions, 1 million ou 3 millions. Quand le devis est arrivé, Ablaye Wade était dans tous ses états. N’ayant pas l’argent, il disait : «Les gens ne sont pas quand même réalistes, on n’a pas ces moyens-là.» Je le revois encore. Lui, moi et Idrissa Seck étions assis côte à côte. On a dit : «Non, ce n’est pas raisonnable. Là, on ne peut pas faire face à un méga-meeting du Parti socialiste» J’étais de ceux qui avaient proposé, puisqu’on n’a pas cet argent-là, d’inventer autre chose. Je lui ai dit : «Ablaye Wade, tu entres dans ta voiture ! Nous faisons le tour des grand-places, des marchés, dans les quartiers. On va créer une dynamique. C’est ça qui est important. On va entrecouper ces manifestations avec des déclarations radio-télévisées du candidat». J’ai estimé que c’était la meilleure formule. De toutes les façons, faute d’argent, il fallait bien s’adapter. On a commencé par la banlieue, Yoff, Ouakam, avant de monter sur Dakar. En arrivant au marché Sandaga, c’était presque l’apothéose. Deux jours après, on a dit : «Ah, ça, c’est la marche bleue !» Donc, on a fait contre mauvaise fortune, bon cœur. On a fait la meilleure campagne électorale. Voilà quelqu’un qui n’avait pas ces moyens-là, et qui, aujourd’hui, demande à des candidats de débourser 25 millions par-ci, 15 millions par là. Du point de vue de la morale, c’est répugnant.

Ensuite, concernant Ablaye Wade, vous pouvez convoquer toute la campagne de 2000. Combien de 4x4 il y avait dans son cortège ? Très peu. A part sa Mercedes bleu marine, il y avait une L 200 où il y avait les calots bleus. J’avais ma vieille 4x4. Puisqu’on était ensemble, on a fait quelque 3 000, 5 000 km, pendant les deux tours. Ma voiture suivait. Quand j’étais avec lui, dans sa Mercedes, à des endroits, quand la route était mauvaise, on ne pouvait pas y rester, le châssis étant bas. On descendait pour prendre ma 4x4. Après, quand on dépassait, le chauffeur Diané nous rejoignait et l’on changeait de voiture. C’est ce même Abdoulaye Wade et son Pds qui, aujourd’hui, parlent de 300 4x4 qu’ils ont achetées ? Et puis, combien de centaines de millions ils donnent à leurs fédérations ? D’où vient cet argent ?

En portant le cautionnement à 40 millions, l’image ou le message que l’on envoie, c’est que dès qu’on est au pouvoir, on peut s’enrichir. En effet, manifestement, aucun d’entre eux n’a produit cet argent par un travail fiable, au cours de ces dernières années.

Comment il se fait que le Pds, qui n’avait pas d’argent en 2000, puisse en amasser tant aujourd’hui ? Je n’invente rien ; ce sont eux-mêmes qui le disent publiquement. Moralement, c’est inacceptable dans un pays comme le Sénégal.

Vous n’êtes donc pas convaincu de l’argumentaire consistant à dire que ce cautionnement est destiné à mettre fin à l’anarchie dans la prolifération des partis?

Cela n’a même pas de sens. En 2000, il y avait combien de partis politiques ? J’entends certains parler de candidats fantaisistes. Quels sont les candidats fantaisistes qu’on a vus ? Ceux qui ont mené la campagne bouffonne en 93 et en 2000 on les connaît. Donc, la question n’est pas là. Ce n’est pas par l’argent que l’on doit sélectionner les candidats. En démocratie, ce sont les idées et la confrontation des programmes qui doivent compter. On ne doit pas donner l’image qu’on est élu ou l’on doit être élu parce qu’on a de l’argent. Ensuite, au niveau du ministère de l’Intérieur, combien de partis ont été reconnus depuis 2000 ? Sur quelle base ? Aujourd’hui, il y a des partis qui font campagne, publiquement, sur les thèmes contraires aux dispositions de la Constitution. Ils devaient être rappelés à l’ordre par le ministère de l’Intérieur. Des partis mobilisent sur la base de l’ethnie, de la race ou de la religion. Tel groupe ethnique ou religieux s’est réuni pour soutenir tel candidat. Tel candidat prêche en violation flagrante de la Constitution, non seulement de la laïcité, mais de la bienséance, sachant que de tels comportements pourraient conduire à l’éclatement de notre pays. Donc, cela est de la responsabilité d’abord d’Abdoulaye Wade et de son ministre de l’Intérieur. Et puis, dans tous les pays démocratiques, le nombre de partis, en tant que tel, est un faux pro-blème. Ce sont les urnes qui font la sélection. On peut avoir 50 candidats, ce n’est pas le problème. Ensuite, le cautionnement n’a rien à voir avec les élections en tant que telles. C’est l’Etat qui doit prendre en charge les élections. La Constitution reconnaît les partis politiques qui concourent à l’expression du suffrage. Cela veut dire quoi ? Que l’Etat a un droit, un devoir même d’organiser les élections pour que le partage soit fait entre les partis dans des conditions de transparence, de clarté, à travers le scrutin.

Aujourd’hui, au Sénégal, contrairement à beaucoup de pays démocratiques, il n’y a pas de financement public des partis. La seule participation de l’Etat au fonctionnement financier des partis, c’est en période électorale. Or, les Ong et la presse reçoivent les financements de l’Etat. Jusqu’ici, les partis ne reçoivent aucun financement de l’Etat, à moins que ce ne soit ceux qui sont au pouvoir.

Lors d’un débat sur Rfm avec l’un de vos responsables, Badiane, Amadou Lamine Sall du Pds explique que l’argent de son parti provient des cotisations de ses responsables et militants libéraux. Vous n’êtes pas convaincu par cet argument ?

Qui sont ces responsables du Pds? On les connaît tous, ainsi que leurs profils. Où ils étaient jusqu’en 2000 ? On a travaillé avec eux. J’ai la liste. Où ils sont ? Quelles sont les cotisations qu’ils donnent ? En six ans, on n’a qu’à regarder le salaire de chacun d’entre eux. Les calculs sont vite faits. Depuis 2000, ils sont en campagne électorale ; il n’y a pas une semaine où il n’y a pas de meeting à coups de millions. La télé est là pour recenser comment cela se passe. Donc, qu’ils ne nous racontent pas des histoires, des contes d’enfants ! On sait comment cela se passe. C’est un argument qui ne sera reçu par personne.

La question, aujourd’hui fondamentale, ce n’est pas si les gens peuvent payer ou non. Ce débat concerne l’image même de notre démocratie. Il n’y a pas, aujourd’hui, dans notre sous-région, un cautionnement plus élevé qu’au Sénégal. Qu’est-ce qui le justifie ? Rien ! Ce n’est pas notre situation économique. On nous compare à la Rdc, qui a quand même des moyens plus importants. C’est incomparable.

Et puis, jusqu’en 2000, on s’est mis d’accord, par consensus, que le cautionnement sera ainsi. En 2000, aux élections législatives, on a dit qu’il faut le maintenir. Mais, quand bien même on décide d’augmenter, il faut justifier et ce ne devait pas être dans ce rapport-là. J’espère que, pour la crédibilité de notre système, le gouvernement va revenir là-dessus.

Au niveau de la Cpa ou de la Ld, qu’est-ce que vous envisagez de faire par rapport à cette question précise ?

Nous allons protester. Avec Ablaye Wade et son régime, c’est la politique du fait accompli ; il n’y a pas de dialogue, de discussions. C’est lui qui prend toutes les mesures. Il est en train de faire pire que ce qu’il reprochait au Parti socialiste en 2000. Lors des trois fameuses rencontres que nous avons eues dans le cadre de l’alternance, nous avons essayé d’amener Wade et son parti à discuter pour créer la Direction politique unifiée (Dpu) de l’Alternance. Dans le débat, à un moment donné, la question du financement des partis a été abordée. Je leur avais dit que, dans tous les pays démocratiques, on va vers un financement public des partis, mais il faut le faire de manière objective. Nous devons réfléchir aux mécanismes, voir sous quelles conditions l’Etat doit financer les partis. Cela ne doit pas être : «Je crée mon parti, on me donne de l’argent». Dans ce cas, ce serait la porte ouverte à des dérives. Ce n’est pas normal que n’importe qui crée un parti pour obtenir de l’argent. Mais, au moins, après chaque élection, au prorata du pourcentage des voix obtenues, un parti peut avoir une enveloppe, comme on le fait avec la presse, par exemple. En effet, si les partis concourent à l’expression du suffrage, ils drainent des citoyens dont ils sont porteurs des aspirations. Comme pour la presse, les Ong, la société civile qui participent à la démocratie, il est normal qu’il y ait des subventions pour les partis, mais chaque année, il faut en faire l’audit. Qu’il y ait une comptabilité publique puisque c’est l’argent des contribuables. Qu’on sache si le secrétaire général d’un parti met l’argent dans sa poche ou, je ne sais quoi, pour épouser une deuxième ou une troisième femme (rire). Ou bien aller en émigration clandestine (rire). Il faut mettre en place une commission. Sinon, cela donnera l’impression que, une fois au pouvoir, on amasse de l’argent. Il n’y a pas de transparence, s’il n’y a absolument rien du tout. Wade a rejeté tout d’un revers de main. Nous sommes jusqu’à présent dans cette situation. Donc, nous allons nous battre, et l’on verra ce que cela va donner. Et puis, c’est aussi un problème des citoyens, car il s’agit des conditions de l’exercice de la démocratie. Ils doivent exiger qu’il y ait quand même un minimum pour la compétition démocratique, ce que les Anglais appellent level fild playing. Si le terrain n’est pas juste pour tous les joueurs, si l’un doit escalader avec le ballon, alors que d’autres descendent, cela ne peut pas marcher. Il n’y aura pas de jeu égal, équitable.

Seriez-vous, à la Ld, en mesure de payer ce cautionnement à cette barre si élevée ?

Pour nous, c’est immoral et inacceptable. Maintenant, ce n’est pas la première fois que la Ld participe aux élections. Notre représentativité ne fait plus de doute dans le pays. La question n’est pas dire si on peut payer ou non. La Ld a des milliers de militants régulièrement domiciliés dans le pays et ayant un minimum. Chaque fois qu’ils ont un défi à relever, ils le feront. Si on leur dit de payer 40 000 francs en six mois, ils peuvent le faire. Il suffit de faire un petit calcul, mais le problème ne se situe pas à ce niveau. Le problème est que même si la Ld peut payer la somme, c’est inacceptable qu’Ablaye Wade en arrive là. Nous le dénonçons sur les plans, politique et moral. Je trouve immoral qu’il veuille imposer cela aujourd’hui à d’autres partis, simplement parce qu’il est au pouvoir, après ce qui s’est passé, les conditions dans lesquelles il y a accédé, les difficultés financières qu’il a vécues.

Sur l’arrestation des Dias, n’avez-vous pas l’impression qu’il y a une compilation d’actes qui tendent à créer une situation d’insécurité pour les partis politiques?

Tout le monde le constate. C’est quand même malheureux qu’Ablaye Wade, qui a été élu pour le renforcement de la démocratie et des libertés en arrive, aujourd’hui, à être celui-là même qui a le plus emprisonné les libertés. Nous n’avons pas fait l’alternance pour faire des règlements de compte, même contre les tenants de l’ancien pouvoir. Nous devions certainement faire mieux que les autres. En 2000, notre serment était de donner plus de liberté, de droits aux gens. Mais, vous avez vu les conditions d’arrestation de Jean-Paul Dias et de son fils. C’est quand même incroyable, sous Ablaye Wade, qu’on aille jusqu’à convoquer des écoutes. Dans mes cauchemars les plus fous, je ne peux l’imaginer, moi, Abdoulaye Bathily, qui ai cheminé pendant plus de 15 ans avec cet homme.

Vous arrive-t-il de chercher une explication à cette attitude, d’entrer dans l’intelligence de ses actions et de ses initiatives ?

Oui, au départ, mais j’avoue que je suis tellement dérouté que je n’y arrive plus. C’est une foule de questions qui se bousculent dans ma tête, quand j’y réfléchis. Je renonce finalement à trouver une explication rationnelle. Je me rappelle, le 22 août 85, lors de la fameuse marche anti-apartheid, j’étais président en exercice de l’Alliance démocratique sénégalaise. On s’est donné rendez-vous devant la poste de la Médina, à 15 heures. La marche était interdite ; on nous l’a signifié. On a quand même décidé le forcing. Nous sommes arrivés. Séance tenante, les gens m’ont pris ; lui, il a été encadré par ses calots bleus pour rentrer chez lui. Le lendemain, il est allé dans son cabinet, en face du Commissariat central. La police lui a sommé de sortir. Il a refusé pour dire qu’il est dans son cabinet d’avocat. A l’époque, j’étais en garde à vue, au commissariat central. De ma fenêtre, attenant au bureau du commissaire, je voyais tout le manège, dans la rue en bas, puisque son cabinet faisait face. Au moment où le commissaire Kane voulait charger, il a dû se rendre. On l’a pris pour le conduire au Commissariat central. Qu’est-ce qu’il n’a pas dit contre la police, cet Abdoulaye Wade, pendant notre détention d’abord à la Police centrale, ensuite quand nous avons été déférés au parquet, mis sous mandat de dépôt, pendant une semaine ? Il a soutenu qu’on n’a jamais vu pareil. Nous avons dit que tout cela était antidémocratique. Et je vois ce même homme dire, aujourd’hui, que la police doit être respectée. D’accord, les institutions doivent être respectées, mais il y a les conditions d’exercice de la vie politique dans tous les pays. Tel ou tel propos, il faut le mettre dans le contexte de la vie politique. Et, en passant dessus d’ailleurs, on les banalise. Qu’est-ce qu’il n’a pas dit ? Nous avons des archives sonores et écrites sur tous les propos qu’il a tenus. Beaucoup de ses propos résonnent en moi. Mais, est-ce que, à tout bout de champ, on l’a arrêté, mis dans des conditions d’humiliation ? Non ! Il y a eu certes l’affaire Me Sèye, qui est très grave, qui est encore là. Donc, c’est incompréhensible, les conditions dans lesquelles Jean-Paul Dias a été arrêté, les voies de faits dans sa maison, l’arrestation de son fils, le procès, la détention et, maintenant, son transfert à Tambacounda. Pourquoi Tambacounda ?

Justement, en tant qu’historien, vous avez un peu connu l’affaire Mamadou Dia…

(Il coupe). Encore une fois, c’est quelque chose qui devait être dépassée dans notre histoire. Pendant la période coloniale, on amenait des gens en pénitence à Kédougou, à Bakel, à Tambacounda, à Oussouye. Qu’en 2006, Ablaye Wade considère ces régions-là comme des régions de pénitence, c’est une honte ! «Allez-y à Tamba, vous allez souffrir ! » C’est inacceptable, non pas parce que je suis ressortissant du Sénégal Oriental ou de Tambacounda ; je suis un citoyen sénégalais. Mais, politiquement, c’est inacceptable parce que c’est un message que l’on envoie aux populations de cette région : «Votre région est une région de pénitence ; on vous envoie les récalcitrants». Ceux qui ont pris cette décision ne mesurent pas tout l’impact psychologique de leur décision sur ces populations. On a dû le faire -je ne le justifie pas- au contraire, à l’époque, j’étais jeune, mais je m’érigeais contre ça. Entre 62 et 2006, les choses ont quand même évolué. En 88, quand Boubacar Sall a été condamné, à un moment donné, on disait qu’on allait l’envoyer à Kédougou, mais le pouvoir d’alors s’y est opposé. Boubacar Sall a été gardé à la prison centrale. Donc, depuis 62, il n’y a plus eu de déportation de prisonniers politiques dans une région considérée comme une pénitence. C’est encore avec Ablaye Wade qu’on voit pareille chose. Donc, un autre signe patent du recul de la démocratie. J’espère qu’ils vont rectifier cette mesure très rapidement.

Récemment Vision socialiste qui a interpellé la Cpa et Abdourahim Agne du Parti de la réforme (Pr), suite à sa sortie de cette coalition, a semblé mettre la question sur la table. Il s’agit de celle du programme de la Cpa. Véritablement, où en êtes-vous par rapport à cette question ?

Nous avons fait une réunion sur le programme. Les leaders sont venus ; peut-être certains ne sont pas venus. Abdourahim Agne n’était pas là-bas, ce jour-là ; il a délégué des gens. Quand même, il faut dire la vérité telle qu’elle est. Depuis plusieurs mois, on avait confié à Ousmane Tanor Dieng et à un groupe de plénipotentiaires la rédaction d’un programme commun de la Cpa. Pendant des mois et des mois, cette commission a travaillé. Ils ont décidé de nous apporter le fruit de leur travail. Nous avons convoqué une réunion avec tous les leaders. Ils nous ont exposé l’avant-projet. Chacun a fait les observations générales qu’il croyait devoir faire. Nous avons fait un chronogramme, et dit que ce programme ne doit pas seulement être le nôtre, en tant que partis politiques. Puisqu’il s’adresse à des citoyens, nous devons pouvoir identifier des segments de la société sénégalaise vers lesquels nous devons aller pour recueillir leurs points de vue, afin de les intégrer à ce programme. Ce chronogramme a été arrêté très clairement ; nous en avons parlé à la presse. Nous sommes dans ce processus. Je ne vois pas quel est ici le problème. Que reste-t-il à faire ? Une fois qu’on aura les contacts avec tous les segments, la société civile, les opérateurs économiques- on a dressé une liste, on va finaliser ce programme, le valider. Il y a d’autres questions qui restent. On doit parler des investitures, les présidentielles, les législatives, comment la Cpa abordera ces questions. Nous sommes quand même à six mois des échéances électorales. Quand même, c’est normal qu’une coalition ou un parti qui va à des élections choisisse le moment de rendre public son programme et ses modalités. Avant les six mois et à un moment que nous aurons choisi, ce programme sera rendu public. Il n’y a aucun problème !

Les principaux partis qui composent la Cpa s’y connaissent en matière de chose publique. Certains ont exercé le pouvoir pendant très longtemps ; vous avez d’anciens ministres ou directeurs de société qui connaissent la vie nationale pour avoir exercé des responsabilités. Même nous, en tant que Ld, nous avons quand même une expérience de gestion de notre pays, à deux reprises sous le régime socialiste et après l’alternance. Nous avons capitalisé cette expérience-là. Moi, en matière d’environnement, je pense quand même que je peux en parler d’autorité, aujourd’hui. Quand Mamadou Ndoye parle d’éducation, il peut en parler d’autorité. Quand Yoro Deh parle du monde du travail, pareil ; tout le pays l’a vu à l’œuvre. Quand Seydou Sy Sall parle d’aménagement du territoire, il peut en parler d’autorité, tout le monde l’a vu à l’œuvre. C’est à eux qu’on va demander s’ils ont un programme. Quand même, il faut être sérieux ! Nous sommes des gens responsables. Les uns et les autres tirant les leçons de leurs expériences, il ne s’agit pas de revenir pour copier ce que nous avions fait dans le passé. En ce qui concerne maintenant le Parti socialiste, il y a eu une sanction en 2000. Donc, il n’y a pas à se presser, outre mesure, sur ces questions. Nous sommes tout à fait confiants. C’est une mauvaise querelle que l’on nous fait.

Que répondriez-vous à ceux qui sont dubitatifs quant à la possibilité pour l’opposition d’aller ensemble autour d’un candidat à la présidentielle et autour d’une liste unique aux législatives ?

Les gens peuvent être dubitatifs. C’est normal. En 2000, c’étaient les mêmes problèmes que les gens posaient. Mais, c’est quoi aussi la réalité ? Pour les présidentielles, au niveau de la Cpa, nous avons dit qu’il faut tirer les leçons de ce qui est en train de se passer aujourd’hui : tous les pouvoirs remis à un seul homme dans cette Constitution. Malheureusement, on n’y avait pas prêté attention. Tant que l’individu est équilibré, prend des décisions avec beaucoup de maturité et de réflexion, peut-être que cela n’a pas tellement de conséquence. Mais, aujourd’hui, on a vu le danger ; donc, il faut limiter ces pouvoirs-là. Il vaut mieux confier le destin d’un pays à une équipe qu’à un seul homme. Quand l’homme se trompe, le pays est à la dérive. Aujourd’hui, vous avez vu toutes ces mesures à l’emporte-pièce ; cela donne pratiquement le tournis, chaque jour que Dieu fait.

La situation économique est totalement à vau-l’eau, aujourd’hui. C’est comme si on avait mis en place une stratégie de décroissance accélérée. Tout le monde sait que cette année, la croissance ne sera même pas à 3%. C’est une stratégie de décroissance accélérée par toute une série de mesures absolument incroyables. La situation de l’énergie le montre très clairement. Tous ces délestages, depuis combien de mois ? Quel sera leur impact sur l’économie nationale, jusqu’au vendeur d’eau fraîche qui ne vit que de la vente de ce produit ? Je ne parle même pas des grandes entreprises, de ce qui se passe dans les bureaux. Tout est au ralenti, depuis des mois, avec ces délestages de l’électricité. Les Ics, n’en parlons pas ! Le monde rural s’est écroulé ; le tourisme s’est effondré. Quel est le secteur qui tient debout, aujourd’hui ? Il n’y en a pas ! Et tout cela parce qu’il y a des décisions à l’emporte-pièce, prises par un seul homme. Le gouvernement n’a plus de prise. Aujourd’hui, il n’y a pas de gouvernement. Regardez la télé, il n’y a pas de gouvernement ! C’est le Président, un seul individu qui décide de tout, qui pense, qui exécute pour tout le monde. Quand un pays en arrive à cet âge-là, c’est dangereux.

Pour nous, le problème n’est pas qu’il faille nécessairement qu’il y ait un seul candidat. Pour un scrutin à deux tours, qu’on ait deux à trois candidats à la Cpa, quel est le problème ? Au deuxième tour, tout le monde va soutenir le candidat de la Cpa le mieux placé. Pourquoi il faut tout de suite qu’il y ait nécessairement un seul dès le premier tour ? Il faut réfléchir simplement. Certains peuvent soutenir qu’il faut peut-être mobiliser tout le potentiel. Il y en a qui pensent ainsi, car ce n’est pas évident avec un seul candidat, dès le premier tour, que l’on puisse faire le plein de voix contre le candidat qu’il ne faut pas faire élire. Maintenant, pour les législatives, on arrivera à une liste unique. Il n’y a aucun problème là-dessus.

Vous avez, évoquant la situation économique particulièrement catastrophique du pays avec la crise de l’énergie, les Ics, bref beaucoup de secteurs de l’économie, parlé de stratégie de décroissance accélérée. Face à cela, les indignations seules de l’opposition suffisent ?

Non ! Ce n’est pas seulement l’indignation. Il y a un processus de maturation. Les Sénégalais sont ainsi. Quand on suit la psychologie des gens, ils s’indignent certainement, mais chacun prend la décision à son niveau. Il ne faut pas se faire d’illusion. Je préfère que cela soit ainsi : le jour du scrutin que chacun exprime son indignation par l’urne. Si cela prend d’autres formes, le pays peut en pâtir. Je n’ai jamais été pour la stratégie : «Je m’indigne, donc je casse tout.» Nous voulons une démocratie apaisée. Quand il y a un mécontentement, les gens n’ont qu’à l’exprimer par des voies démocratiques. C’est par la conviction, l’éducation que les gens vont tirer les leçons. Aujourd’hui, ces milliers de gens qui se sont inscrits disent : «Na gnu khar rek («On n’a qu’à attendre seulement» : ndlr). Ces gens-là, on va les faire partir. Ils vont partir comme ils étaient venus». C’est rassurant et je suis satisfait de cette option. En Afrique, compte tenu de l’état de nos sociétés, une descente dans la rue avec toutes les conséquences, peut amener à des dérapages incontrôlables. C’est ainsi que, petit à petit, des pays ont sombré dans la confusion. Je ne le souhaite pas pour le Sénégal. On est à six mois, chacun n’a qu’à prendre la résolution, le jour du scrutin, de traduire en acte son indignation.

Pour rester sur les questions sociales, en tant qu’historien et intellectuel, vous savez que le Sénégal a toujours été un pays d’émigration. Mais, quelle lecture vous faites du nouveau phénomène des départs massifs des jeunes qui disent : «Barça ou Barsak» ? Et que pensez-vous de la solution du gouvernement avec le Plan Reva ?

Fondamentalement, cette ruée des jeunes vers les pirogues, cette plongée dans les profondeurs abyssales, comme dirait Senghor, traduisent leur immense déception d’abord par rapport aux promesses d’Ablaye Wade. Il avait mis la barre tellement haut : «Mon septennat sera consacré aux jeunes». Il faut convoquer les images de la campagne électorale de 2000. Combien de mains levées de ceux qui n’ont pas de travail ? Pendant la prochaine campagne, il n’osera pas faire la même chose, car il sait le résultat. Il a promis tellement de choses, au bout du compte rien. Certes, des milliards ont été dépensés au nom des jeunes, et il faut faire l’audit du Fonds national de promotion de la jeunesse. Entre le ministre de la Jeunesse et l’ancien directeur du projet, il y a des discours différents. Ce cas est significatif de l’échec de la politique en matière d’emplois, de stabilisation de cette jeunesse. En fait, l’espoir est déçu au niveau de ces jeunes. Et les réactions sont à la mesure de ces déceptions. C’est suicidaire pratiquement. Cette tragédie est triste, aujourd’hui, parce qu’on n’a jamais vu pareil dans notre histoire nationale.

Au lieu de prendre conscience de cet échec, de reprendre les choses, d’essayer de les faire à hauteur d’homme, de faire son mea-culpa, on fait la fuite en avant, dans des choses qui n’ont rien à voir avec les préoccupations des jeunes. Il ne faut pas se faire d’illusion ; ces jeunes qui vont à la mer viennent de toutes les régions. Chaque fois que je suis dans les tournées, je vois des cérémonies funéraires dans plusieurs régions du pays, parce que ce sont des jeunes venus de plusieurs coins du Sénégal, d’Est en Ouest, du Nord au Sud. Ils en ont entendu parler et vont clandestinement vers les pirogues. C’est pourquoi ce deuil frappe toute la nation sénégalaise, aujourd’hui. C’est une véritable tragédie nationale. Ce n’est pas par des mesures administratives ou répressives que l’on peut régler le problème. Le mal profond, à la racine, c’est qu’on a promis de manière démagogique des choses que l’on n’a pas pu réaliser. On a fait des choses au nom de la jeunesse qui ne sont pas arrivées jusqu’à elle. En plus, il y a l’indignation des jeunes devant la façon dont le pouvoir actuel se comporte, notamment avec toutes ces dépenses de prestige, chaque jour. Vous croyez que 150 milliards à la Corniche, c’est une priorité, aujourd’hui, au Sénégal, par rapport à cette tragédie des jeunes ? Ce sont de jeunes paysans qui n’ont pas pu vendre leurs arachides, leurs tomates, leur riz à un prix rémunérateur. Ce sont des jeunes pêcheurs dans un secteur de la pêche bouché. Ce sont des jeunes dans le secteur touristique, qui n’ont plus de perspective, beaucoup d’hôtels étant fermés. Le taux de remplissage est trop faible, aujourd’hui. Tous les professionnels du tourisme savent que ce secteur est sinistré. Jeunes paysans, jeunes dans les services, dans l’industrie avec l’effondrement des Ics et son phénomène de boule-de-neige dans beaucoup d’entreprises : tout cela réuni les a conduits vers la mer.

On doit mettre l’accent sur les dépenses publiques qui peuvent stabiliser cette situation. Les jeunes entendent tout le temps parler de milliards ; ils ne voient et ne sentent rien. Evidemment, ils se sont dit : «Ces gens-là nous abandonnent ; nous aussi, nous allons faire ce que nous pouvons faire.»

Le Plan Reva ne peut même pas faire rêver. Ce n’est pas de ce plan dont les paysans ont besoin. Si on avait acheté leurs arachides, leurs tomates, leur riz à un prix rémunérateur, si on avait réfléchi à ces stratégies, on n’en serait pas là, aujourd’hui. Si on n’avait pas sinistré le tourisme, on n’en serait pas là actuellement. Même les jeunes qui vendent des sachets d’eau fraîche, dans les rues, ne peuvent plus le faire. La réalité, c’est que ce pouvoir est incapable de réfléchir à une stratégie alternative. De toute façon, c’est trop tard.

Quel message, lanceriez-vous à ces jeunes en particulier ?

D’abord, en tant qu’acteur de l’alternance, je fais mon mea-culpa ; je leur demande pardon d’avoir suivi un homme qui leur a tout promis et qui, au finish, n’a rien fait pour eux. Je leur demande pardon, parce que j’étais là quand le candidat Ablaye Wade leur promettait monts et merveilles. Je me rappelle, pendant la Marche bleue, à l’Université, j’étais là et Wade disait : «Je prends à témoin Abdoulaye Bathily qui est là, que vous connaissez, qui est professeur dans cette Université, avec celui-là, Landing Savané;» Il citait tous les gens qui étaient avec nous dans la voiture. «Nous allons construire le Sénégal, vous donner des emplois», disait-il. Au finish, voilà ce que cela a donné.

Maintenant, je ne ferai jamais de promesses démagogiques. Dans le cadre du programme alternatif de la Cpa, nous allons examiner attentivement ces questions, mais il n’y a pas lieu de faire des promesses mirobolantes. Au moins, on doit intégrer cette leçon. Nous allons faire des propositions concrètes dans les secteurs économiques qui pourront permettre, je ne dis pas de régler tous les problèmes, mais d’engager le Sénégal dans une autre voie.

 



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