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Politique

[ Commentaire ] Infanticide au palais de la République

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[ Commentaire ] Infanticide au palais de la République
Par Mamadou Oumar Ndiaye (Le Témoin)
 
NETTALI - Il s’agit d’un infanticide pur et simple. Un crime odieux dont l’auteur, qui n’est autre que le président de la République lui-même, mérite d’être traduit devant les Assises… du Front Siggil Sénégal dont on nous annonce régulièrement la tenue. Une cour présidée par l’ancien directeur général de l’Unesco, M. Amadou Makhtar Mbow. Car ne voilà-t-il pas que moins d’une semaine après avoir mis au monde un beau bébé tout mignon que chacun avait envie de prendre dans ses bras, le Président noie le mignon nouveau-né… sous une pile de sacs de riz en provenance de l’Inde ?

Ah, qu’il était joli le bébé de Me Abdoulaye Wade ! Tellement adorable qu’il nous faisait penser à la chèvre de M. Séguin, un amour de petit enfant que tous les Sénégalais, sauf les politiciens de l’Opposition, bien sûr, et quelques grincheux d’organisations paysannes, avaient adopté. Un bébé au nom si original et exotique de Goana, qui était l’acronyme de Grande Offensive Agricole pour la Nourriture et l’Abondance. Devant la crise alimentaire aiguë à laquelle est confronté le Sénégal, pour ne pas parler de famine, ce mot qui fâche, elle était pertinente en effet cette idée consistant à lancer une politique volontariste de production de riz non seulement dans les 240 000 hectares irrigables de la Vallée du fleuve Sénégal, mais aussi dans le bassin de l’Anambé. Une idée qui rejoignait ce que nous écrivions dans ces mêmes colonnes dans notre édition n° 902 en date du 02 avril dernier. Près d’un demi-siècle après notre accession à la souveraineté internationale, en effet, nous scandalisions-nous, le Sénégal importe toujours sa denrée alimentaire de base, le riz. Rien qu’en 2007, notre pays en avait acheté un million cent mille tonnes de riz pour une valeur de 175 milliards de francs cfa. Une saignée de devises incroyable, même si, il est vrai, tout cet argent qui sert à acheter du riz à l’étranger n’est pas perdu pour tout le monde.

La demande en cette céréale étant très forte, et le marché mondial peinant désormais à la satisfaire, des hommes d’affaires nationaux, et non des moindres, ainsi que de simples particuliers, en étaient déjà à étudier sérieusement la possibilité de se lancer dans la production de riz. Il y en a même qui s’apprêtaient à demander aux conseils ruraux l’affectation d’hectares de terres afin qu’ils se lancent dans la production de cette spéculation. D’autres, ayant le flair pour les affaires juteuses, avaient déjà anticipé et introduit des dossiers au niveau des banques afin de se lancer dans le business de la culture du riz. Las, voilà que quelques jours après cette annonce solennelle faite à partir du Méridien Président de lancer la Goana, le président de la République sort une autre déclaration qui signe l’arrêt de mort de son beau bébé. Cette déclaration assassine qui matérialise l’infanticide, c’est celle qui informe le bon peuple sénégalais que l’Inde va nous offrir 600.000 tonnes de riz chaque année pendant les six prochaines années. Autrement dit, presque tous les besoins du pays seront couverts par la nouvelle grande puissance asiatique, le pays du Mahatma Gandhi, qui a réussi sa révolution verte dans les années 60.

L’Inde assurant l’alimentation des Sénégalais à un prix défiant apparemment toute concurrence, à quoi bon se décarcasser et prendre des risques pour produire du riz dans la Vallée ou dans l’Anambé ? Car ces exportations de surplus indiens, c’est le meilleur moyen de tuer la production agricole locale, de la même manière que les exportations de surplus européens ont tué dans les années 70 et 80 les productions agricoles vivrières des pays africains, notamment ceux du Sahel. Pensez-vous qu’une seule banque va prendre le risque de prêter de l’argent à un opérateur économique pour qu’il cultive du riz tout en sachant que la probabilité est grande de mévente liée à l’inondation du marché par du riz indien ? Croyez-vous qu’un particulier va injecter ses économies dans le même business alors que le marché est si incertain ? Car, le Président a dit exactement le contraire de ce qu’il aurait dû déclarer pour inciter les gens à adhérer à la Goana et à la traduire en actes. La Goana qui, contrairement aux déclarations de bon ton de l’Opposition, est une excellente idée qui a des chances de réussir si les contraintes liées au foncier, notamment le statut des terres, sont levées. Ce qu’aurait dû dire —ou faire— le gouvernement —, c’est ceci : contingenter les importations de riz, les diminuer année après année en fonction de l’augmentation de la production locale. Il aurait même pu subordonner l’autorisation de l’importation à la production d’un certain tonnage. Dans tous les cas, il fallait s’inscrire résolument dans une logique de réduction des importations de riz de manière à favoriser non seulement la production locale de cette céréale, mais aussi celle de toutes les spéculations vivrières, et notamment le mil, le sorgho et le maïs. Hélas, le Président a choisi la solution de facilité consistant à continuer d’importer, voire à tendre la main à des pays dits amis afin qu’ils nous donnent de quoi nourrir nos populations.

Il est un autre domaine dans lequel le président de la République est en porte-à-faux par rapport à ses déclarations. Il s’agit de celui du sport et, en particulier, du football. Alors que son gouvernement vient de mettre sur pied un Comité de normalisation de cette discipline ayant à sa tête le financier et industriel Mamadou Diagna Ndiaye, Wade a posé un acte qui donne au mouvement "navétanes" les moyens de s’affranchir de toute tutelle et de poser les jalons de son autonomie. En donnant 15 véhicules 4X4, une subvention de 30 millions de francs susceptible d’être portée à 100 millions, en conférant une reconnaissance au plus haut niveau de l’Etat à ce mouvement, le chef de l’Etat non seulement fait un enfant dans le dos de M. Diagna Ndiaye, mais encore il introduit le ver de l’insoumission dans le fruit du Comité de normalisation. Lequel aura du mal à brider un mouvement dont les dirigeants viennent de se donner pour nouvelles missions de traduire en actes la vision agricole (à supposer bien sûr qu’il en ait une) du président de la République. Et d’aider son épouse dans l’atteinte du taux de couverture vaccinale universelle de la poliomyélite. Or, ce qui a toujours fait la force du mouvement "navétanes", c’est son caractère apolitique même si tous les partis politiques avaient à cœur de l’infiltrer afin de l’influencer. Malgré cela, il avait toujours su conserver jalousement son autonomie, y compris lorsque l’ancien ministre des Sports, M. Issa Mbaye Samb, avait suscité une scission en son sein en créant une mouvance proche du Parti démocratique sénégalais (Pds). Et voilà que les propres dirigeants du mouvement vont faire allégeance au président de la République, lui offrant l’occasion de "Komsomoliser" ; ce cadre d’expression de la jeunesse. Naturellement, en devenant une sorte de "Komsomol" (le mouvement de jeunesse affilié à l’ex-Parti communiste de l’Union soviétique, Ndlr), le navétanes va générer aussi bien des apparatchiks qu’une Nomenklatura avec des dirigeants ex-chômeurs roulant désormais en 4X4 et vivant sur un grand pied grâce aux subventions généreusement accordées par le président de la République. Ce faisant, on aura fini de détourner ce mouvement, ainsi que la structure qui le fédère, l’Oncav (Organisme national de coordination des Activités de Vacances (Oncav), de sa mission originelle. Cette mission consistait tout simplement à occuper de manière saine les jeunes pendant les grandes vacances scolaires. Il s’agissait de les encadrer à travers des activités sportives et culturelles, mais aussi des compétitions marquées par le fair-play. Bien que le football ait pris progressivement le dessus sur toutes les autres activités, le "National pop" a globalement réussi sa mission même si, ces dernières années, il s’est plutôt signalé par des éruptions de violences qui ont fait beaucoup de morts à travers le territoire national comme le rappelle notre collaborateur Serigne Saliou Guèye dans son article à l’intérieur de ce journal. Plus grave, d’activité de vacances qui devait s’arrêter à l’ouverture des classes afin que les élèves et les enseignants qui les encadraient puissent reprendre les cours, les "navétanes" ont empiété sur l’année scolaire au point de se disputer à présent jusqu’au mois de février ! Au détriment, bien sûr, du championnat officiel qui, comble de l’absurde, débutait ses compétitions au milieu de l’année scolaire ou, pire comme on nous le propose cette saison, à la veille des grandes vacances ! C’est le monde à l’envers. En principe, le mouvement "navétanes" n’avait pas vocation à se substituer au championnat officiel auquel il devait tout au plus servir de courroie de transmission et de vivier, voire d’appoint. Or, après avoir fini par le tuer de diverses manières dont le refus des meilleurs joueurs de disputer des matchs en championnat pour pouvoir porter les couleurs de leur quartier (et faire tomber ainsi les filles !), cette activité dite "de vacances" où l’usage des "khons" est poussée à son paroxysme est en passe de prendre la place du championnat national. Avec la bénédiction du président de la République. Toutes ces choses nous avaient d’ailleurs conduit, dans notre avant-dernière édition, à nous insurger contre l’organisation d’un championnat officiel dont les compétitions démarreraient au mois de mai. En même temps, nous suggérions de faire revenir le mouvement navétanes à sa mission originelle d’activité de vacances, mais aussi de vivier pour le championnat officiel. Avant cela, dans notre édition n° 894 du mercredi 06 février, nous mettions en garde contre l’impérialisme conquérant des navétanes. Hélas, le président de la République a choisi d’en faire un "Komsomol" au risque d’euthanasier notre football qui se débattait déjà dans un coma particulièrement douloureux…

Mamadou Oumar NDIAYE - LE TEMOIN



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