« Mes chers camarades,
Je voudrais brièvement partager avec vous quelques réflexions que m’inspirent les crises récemment survenues dans le monde arabe et en Afrique.
Comme beaucoup d’entre vous, j’ai été surpris par la soudaineté et l’ampleur des mouvements de protestation qui ont emporté les régimes en place en Tunisie et en Égypte, font vaciller les pouvoirs en place en Lybie, en Syrie et au Yémen et ébranlent les monarchies du Maroc et de la Jordanie. En effet, aucun signe extérieur tangible ne laissait présager, quelques mois ou semaines auparavant, une colère populaire aussi profonde et une situation aussi explosive dans ces pays. Mais au fond et à l’analyse, ces explosions de révoltes sont symptomatiques de la force du sursaut citoyen lorsqu’il est porté par un véritable élan démocratique. Et il est heureux que ces révolutions aient été portées par un élan démocratique et non islamiste comme le prédisaient certains.
La leçon principale qu’il faut en tirer et qui nous interpelle tous, c’est le large fossé entre le pouvoir et le peuple d’une part et, d’autre part, entre la stabilité sociale de façade portée par des succès économiques factices et la profondeur de la désillusion populaire ainsi que les aspirations à plus de liberté des peuples. En effet, les échecs économiques et les blocages politiques amplifiés par un déni de démocratie ont favorisé l’émergence de nouvelles formes d’expression citoyenne. Dans le cas de ces pays, elles ont revêtu un caractère protestataire massif, avec des actions collectives pacifiques (marches, sit-in, grèves, séquestrations) ou violentes (dégradation de biens publics et privés, affrontements physiques, guerres).
Si dans ces pays, les aspirations au changement s’articulent autour de la démocratie, du respect des libertés, de la garantie du pluralisme et de la bonne gouvernance, il reste que l’incertitude demeure aussi bien en Tunisie qu’en Egypte sur l’issue de ces révolutions citoyennes.
En Tunisie, certes la transition vers une démocratie a été engagée par les nouvelles autorités mais des questions restent sans réponse notamment sur la nouvelle Constitution et sur les échéances électorales à venir.
En Égypte, le jeu ambigu de l’Armée, qui fait tout pour désarmer les forces démocratiques avec l’idée de conserver ses positions de pouvoir, laisse planer le doute sur une issue conforme aux aspirations du peuple égyptien.
Il faut tout de même déplorer l’attitude controversée de la communauté internationale dans les crises dans le monde arabe.
D’abord, dans les cas de la Tunisie et de l’Egypte, la perception largement répandue, c’est que la communauté internationale s’est détournée du sort de ces deux pays et ne les accompagne pas assez dans cette phase à la fois cruciale et fragile de transition qui, si elle s’enlise, peut favoriser son contrôle par des forces obscurantistes qui, aujourd’hui, sont mieux organisées que les forces démocratiques émergentes.
Ensuite, tous les observateurs ont pu constater le jeu du « deux poids, deux mesures » dans le traitement de la crise en Lybie et dans les crises en Syrie et au Yemen. Si pour la Lybie, la réaction de la communauté internationale a été diligente et énergique pour empêcher le massacre du peuple libyen, l’on arrive toujours à saisir son inertie face à la détresse des peuples syrien et yéménite.
Mes chers camarades,
En Afrique au sud du Sahara, l’évocation du « printemps arabe » nous renvoie à la décennie des années 90 lorsque les Conférences Nationales apparaissaient dans le champ politique africain et ouvraient la voie à des perspectives prometteuses en matière de démocratie. Cette période est historiquement intéressante pour l’Afrique en ce qu’elle semblait marquer le recul d’une conception autoritaire, patrimoniale et personnel du pouvoir.
Parallèlement, elle postulait la mise en œuvre de réformes qui consacrent une ère nouvelle porteuse d’espoir : celle de la démocratie et des libertés.
Aujourd’hui, plus de vingt ans après ce printemps démocratique, force est de constater que cette période n’a pas permis d’opérer les ruptures et les mutations décisives espérées. En vérité, les signes de démocratisation apparus dans certains pays africains ont été rapidement annihilés et détournés.
Partout sur le continent africain, la démocratie est affectée par une crise de crédibilité et de fiabilité avec pour corolaire la récurrence des remises en cause des acquis démocratiques qui se manifeste par des modifications partisanes des normes d’accession et de dévolution du pouvoir, notamment de la Constitution et de la loi électorale. Plus récemment est apparue la tentation d’une dévolution dynastique du pouvoir illustrée par les subterfuges utilisés par certains chefs d’Etat africains pour installer leur enfant-héritier dans l’espace public et politique (le Togo et le Gabon hier, les projets avortés en Lybie et en Égypte, le Sénégal aujourd’hui).
C’est vous dire qu’aujourd’hui en Afrique, la démocratie, pourtant considérée comme une voie privilégiée pour la paix, est paradoxalement source d’instabilité politique et sociale. Les périodes électorales sont toujours des moments de tensions. L’illustration la plus récente nous vient de la Côte d’Ivoire où c’est à la suite de l’élection présidentielle, annoncée pourtant comme déterminante dans le processus de réconciliation nationale, que le pays a basculé, à nouveau, dans un conflit particulièrement violent.
Même si certains Etats, à l’image du Ghana et du Cap Vert, s’illustrent dans le progrès démocratique alors que d’autres font l’apprentissage de la démocratie (Guinée), il y a lieu de souligner qu’un pays comme le Sénégal, réputé pour sa tradition démocratique, s’enfonce chaque jour dans un recul démocratique.
Cela peut vous paraître paradoxal. Mais, au Sénégal, c’est le régime issu d’une alternance démocratique exemplaire qui est en train de déconstruire les piliers de notre système démocratique. En onze ans de pouvoir, le Président Abdoulaye Wade a reporté cinq fois des dates constitutionnelles et légales d’élections.
En onze ans de pouvoir, le Président Abdoulaye Wade a unilatéralement modifié 18 fois la Constitution à des fins partisanes.
En onze ans de pouvoir, Abdoulaye Wade a tellement caricaturé les institutions de notre pays, il les a tellement vassalisées que des institutions législatives comme l’Assemblée Nationale et le Sénat n’ont de pouvoir que le nom. En effet, l’Assemblée nationale, avec une majorité godillot aussi factice qu’illégitime, et le Sénat, dont les 65 membres sur les 100 qu’il compte, nommés par décret du Président de la République, s’illustrent régulièrement dans l’infamie en adoptant des lois scélérates, telles la loi amnistiant les auteurs d’assassinats de membres d’institutions, les différentes lois portant report des élections, ainsi que les nombreuses lois portant modification de la Constitution.
Et pour combler le tout, le Président Abdoulaye Wade, dont le parti a perdu toutes les grandes villes du Sénégal lors des élections locales de mars 2009, s’est engagé dans un déni de la souveraineté populaire en redécoupant les collectivités locales pour ainsi dissoudre, moins de deux ans après leur élection, les conseils locaux démocratiquement élus et les remplacer par des délégations spéciales nommées par lui.
Mais la ligne rouge aura sans doute été ce projet de loi portant l’élection simultanée du Président de la République et du Vice-président mais qui, en réalité, masquait une forfaiture par le rabaissement de la majorité requise qui passe à 25% des suffrages exprimés. C’est contre l’adoption de ce projet de loi que le peuple sénégalais a massivement manifesté le jeudi 23 juin 2011. Cette manifestation, initiée par des organisations de la société civile et des personnalités indépendantes, des organisations de jeunes et des partis politiques d’opposition, avait pour objectif de protéger la Constitution contre une nième manipulation politicienne.
La réaction déterminée des populations a certes fait reculer le pouvoir en place mais il faut savoir que le Sénégal est aujourd’hui un pays hautement inflammable à cause des provocations d’Abdoulaye Wade et de sa volonté de perpétuer son régime et de promouvoir son fils pour une succession dynastique.
Mes chers camarades,
Je vais conclure en déplorant le jeu ambigu de la communauté internationale et l’insuffisance du soutien que les pays de tradition démocratique, apportent à l’énergie que les élites et les opinions publiques africaines mobilisent dans le combat démocratique. Je dois même dire que la Communauté internationale porte une grande responsabilité dans la situation désastreuse de la démocratie sur le continent africain.
D’abord, en raison de l’ineffectivité des sanctions prévues contre les pays qui ne respectent pas un minimum de normes démocratiques. Ensuite, par une insuffisance, voire même parfois par un défaut de prévention et d’anticipation.
Or, la situation actuelle en Lybie présente des risques de dissémination des armes dans la bande soudano-sahélienne avec toutes les conséquences possibles sur le terrorisme qui sévit dans cette zone.
La Communauté internationale doit comprendre que la démocratie est le choix des populations africaines, un choix contre lequel malheureusement les régimes en place opposent l’arbitraire, l’autoritarisme et l’unilatéralisme pour perpétuer leur règne. Il importe alors de soutenir ces populations africaines dans ce choix.
La dévolution démocratique du pouvoir reposant sur un processus électoral transparent et crédible, permet l’exercice légitime et paisible du pouvoir politique, condition sine qua non de la solidité des institutions républicaines, de la stabilité des États africains et du développement.
En ce qui concerne notre grande famille politique, nous ne devons pas nous désintéresser de ce qui se passe en Afrique et dans le monde arabe d’abord parce que la démocratie est notre idéal de combat et ensuite par conviction si nous souhaitons que ces pays s’engagent définitivement dans la voie démocratique.
C’est pourquoi, j’espère que la présente réunion de notre Conseil nous permettra de tirer les enseignements de l’attitude de notre organisation dans les cas de la Tunisie, de l’Égypte et de la Côte d’Ivoire où les partis au pouvoir, au moment des crises, étaient membres de l’Internationale socialiste. Notre organisation est interpellée dans ses valeurs, ses principes et sa démarche. La responsabilité des partis frères de la Guinée et du Niger, le RPG et le PNDS, qui viennent d’accéder au pouvoir dans leur pays respectif et les espoirs placés en eux pour la promotion de nos valeurs démocratiques, n’en sont que plus grands ».
20 Commentaires
Zeuleu_assane Diouf
En Juillet, 2011 (11:12 AM)Tanor Gbagbo
En Juillet, 2011 (11:17 AM)Mougne
En Juillet, 2011 (11:35 AM)Amadoo
En Juillet, 2011 (11:46 AM)Joe
En Juillet, 2011 (11:47 AM)Deg
En Juillet, 2011 (11:55 AM)Muss
En Juillet, 2011 (12:06 PM)Peulh
En Juillet, 2011 (12:35 PM)Yazz
En Juillet, 2011 (12:37 PM)Undefinded
En Juillet, 2011 (12:53 PM)Kham-kham
En Juillet, 2011 (13:17 PM)Ndela
En Juillet, 2011 (13:20 PM)MERCI M. TANOR DIENG
C'EST BIEN CE QU'ON ATTENDAIT DE VOUS
Saltigué
En Juillet, 2011 (13:44 PM)Lyns
En Juillet, 2011 (14:33 PM)Citoyien
En Juillet, 2011 (14:45 PM)Je me rappel pas avoir entendu que toi ou ton partii ait fait que que chose pource pays a part passer son temps a critiquer sans meme chercher ou propose une solution. pourquoi vous avez peur des elections ?
Yazz
En Juillet, 2011 (14:55 PM)QUI DIT MIEUX QUI DIT MIEUX QUI DIT MIEUX QUI DIT MIEUX QUI DIT MIEUX QUI DIT MIEUX QUI DIT MIEUX QUI DIT MIEUX QUI DIT MIEUX QUI DIT MIEUX QUI DIT MIEUX
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Dodo
En Juillet, 2011 (00:16 AM)Bill
En Juillet, 2011 (00:18 AM)Bill
En Juillet, 2011 (00:36 AM)Ancien Diambar Casque Bleu Sen
En Juillet, 2011 (11:41 AM)BENNO SI JAMAIS FAIT L ERREUR DE METTRE TANOR TETE DE LISTE POUR LES ELECTIONS COMME LEUR CANDIDAT JE PENSE BENNO VA LE REGRETTE PARCE QUE CE N EST POUR RIEN QUE LES SENEGALAIS ONT ENLEVE LE PS DU POUVOIR POUR LE REMPLACER PAR LES PARTIS DE L OPPOSITION.
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