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Politique

INTERVIEW D’ABDOU ELINKINE DIATTA, PORTE-PAROLE DU MFDC : « Le préalable à toutes négociations, c’est la tenue d’assises inter-Mfdc à Paris »

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INTERVIEW D’ABDOU ELINKINE DIATTA, PORTE-PAROLE DU MFDC : « Le préalable à toutes négociations, c’est la tenue d’assises inter-Mfdc à Paris »
Abdou Elinkine Diatta, ce nom n’est pas inconnu des Casamançais. Ancien combattant de la branche armée du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc) « Atika », Abdou Elinkine avait rejoint le maquis vers les années 1984. Aujourd’hui devenu porte-parole du mouvement irrédentiste, Abdou poursuit son combat. Nous l’avons rencontré vers Mangoukouro, sur la route d’Oussouye. Dans cet entretien, il fixe des préalables aux négociations gouvernement/Mfdc, à savoir, la tenue d’assises inter Mfdc à Paris. Il décrie, par ailleurs, la manière dont le dossier Casamance est géré par certains dont Latif Aïdara qu’il accuse d’être « derrière toutes manipulations au palais de la République concernant la gestion du dossier Casamançais »

Quelle appréciation faites-vous de la situation actuelle avec les violences sur la population, notamment de l’incident des coupeurs d’oreilles ?

Je pense que c’est une situation était prévisible. Si l’on se réfère aux derniers accords de paix, l’on peut affirmer qu’ils n’ont pas tenu compte de la volonté et des propositions des deux entités. Cet accord de paix n’a pas pris en charge les préoccupations du Mfdc, pas même une petite virgule. Vous voyez vraiment vers où l’on va et je pense que cela explique en partie la situation que nous vivons présentement.

Vous dites que les préoccupations du Mfdc ne sont pas prises en compte dans les derniers accords de paix. Pouvez-vous être plus explicite ?

On parle d’accord lorsque les parties antagonistes font des propositions et s’accorde sur un juste milieu. Or, dans cette affaire, les autorités Sénégalaises ont imposé au Mfdc un accord et elles ont tout fait pour le faire passer. Voyez ce que cela donne, on passe nettement à côté du processus de paix. Vous avez parlé des braquages. Je suis désolé, la question qu’on se pose, c’est que ces braquages se passent toujours dans les mêmes endroits et surtout non loin des cantonnements militaires. Ce qui est extraordinaire.

Le Mfdc est accusé dans ces braquages. Que répondez vous à cela ?

Celui qui veut noyer son chien l’accuse de rage. Comme je l’ai évoqué, les braquages se passent toujours non loin des cantonnements militaires. Alors je vais vous raconter une histoire. Quand j’étais moi-même combattant, une fois, il y a eu ces histoires de braquages dans le Goudomp et à cette époque nous nous sommes chargés de venir voir qui fait quoi. Et quand nous avions arrêté les auteurs, qui n’étaient autres que des bandits, nous les avions emmenés au commissariat et deux jours après ils les ont relâchés. On les a encore repris et encore remis au commissariat. Il y a eu plein d’événements pareils que nous ne pouvons pas expliquer ici . A Ziguinchor, les années passées, il y avait le problème des mines qu’on posait partout. Même dans les écoles et on a pris ces malfaiteurs la main dans le sac. Nous attendons toujours le verdict. Où sont-ils passés ? Vous voyez un peu qui fait quoi ?

En vous écoutant, on a comme l’impression que vous rejetez la faute des violences sur l’armée ?

Effectivement, nous y avons joué un rôle. Mais ce que nous faisons, nous le faisons pour le bien des populations. Ce serait une contradiction de violenter cette même population et si l’on s’inscrit dans la logique de ce mouvement qui a pris départ là où vous êtes bien assise. C’est là à Mangoukouro. Rappelez vous que le 26 décembre 1982, ce sont des personnes qui sont partis les mains vides et nous avons veillé ici le 25 et d’aucuns palpaient pour voir si on avait pas de cailloux ou une arme blanche. Ce mouvement était pacifique mais dommage, comme aimait le dire Abbé Diamacoune : « c’est le Sénégal qui nous a imposé la guerre ». Quand les manifestants marchent désarmés, on ne peut pas tirer sur eux. Effectivement ce sont ces bavures qui se sont multipliées et qui continuent jusqu’à nos jours.

Pourtant à chaque fois qu’il y a horreurs, crimes, l’opinion publique s’en prend à vous ?

Des gens qui ont mis des mines dans des écoles ne peuvent pas hésiter à couper les oreilles des innocents et tout cela pour mieux discréditer le mouvement au niveau international. Nos valeurs culturelles casamançaises s’inscrivent dans le respect des droits humains. C’est sacré.

La population Casamançaise a besoin de paix. Ne pensez -vous pas que votre premier ennemi reste « votre population » avec les violences qu’on vous attribuent. Pour les rassurer, qu’est que vous préconisez ?

Vous dites que la population reste notre premier ennemi. Non,Non. Parce que nous luttons pour son bien être. C’est du côté des autorités sénégalaises qu’il faut aller voir les ennemis de nos populations. Ce n’est pas pour rien qu’on peut prendre des gens non armés et les faire passer à la guillotine Est-il permis de faire toute sorte de crime pour que ce gouvernement du Sénégal puisse triompher sur la population Casamançaise ? Non et c’est pour cela que nous luttons.

Quelles appréciations faites-vous des ONG basées au niveau de la Casamance et qui disent travailler pour le développement et le processus de paix dans la région ?

Je me rappelle une fois quand on faisait les premières assises des combattants, nous avions fait des déclarations où l’on disait que les ONG se frottaient les mains d’une manière gloutonne sur les capitaux qui tombaient en Casamance. Voilà, c’est très simple. 97 ONG en Casamance vous êtes ici, avez vous vu le développement ? Vous l’avez senti quelque part ? Les Capitaux arrivent, on ne sait pas où ça passe. On vous donne d’une main, mais pour aussitôt le retirer de l’autre. Mais ceci n’est pas sérieux à commencer par l’Etat et c’est lui qui tient le pouvoir. Je prends un exemple : on parlait de la reconstruction de la Casamance. Est-ce qu’elle a été construite. On vous montre des cases qui ont été construites en banco . Qu’est-ce qu’elle représente par rapport aux constructions du « plan jaxaay ». Combien a-t-on dépensé par rapport à la reconstruction de la Casamance. Pour une population qui a souffert pendant 25 ans, c’est n’importe quoi.

Et les multiples factions au sein du MFDC ?

C’est l’Etat qui a créé des MFDC imaginaires comme j’aime à le dire aux journalistes. Et ces derniers passent leurs temps à faire du bruit et ce n’est pas pour rien qu’on aime pas tendre le micro à Abdou Elinkine qui est du MFDC originel. C’est le MFDC de Maître Abdoulaye Wade qui n’est pas uni parce que c’est une affaire de gros sous, mais le Mfdc de l’Abbé Diamacoune est bel et bien uni. Aujourd’hui ce mouvement est bien structuré. Nous avons des comités au niveau des villages et au niveau des arrondissements. Ces villages se retrouvent pour former des sous- sections et ces sous-sections se regroupent pour former des sections départementales. L’Etat à côté cherche à nous diviser mais, nous ne nous laisserons pas manipuler et nous dirons les choses exactement telles quelles sont. Il y a des gens qui ont été préfabriqués par le gouvernement pour prétendre crier à la face du monde que nous sommes divisés. Ceci n’est pas vrai.

Vous voulez dire que le mouvement a été infiltré et manipulé ?

On constate qu’au moment où l’on nous parle de la division du Mfdc, pendant ce temps, au niveau du pouvoir, les gens se disputent pour gérer le dossier casamançais. Est-ce que présentement vous pouvez même nous dire qui détient le dossier ? Et des personnes s’entre-tuent au niveau du palais. Pourquoi ? Parce que c’est un dossier juteux. On ne sait même pas si c’est Mbaye Jacque Diop ou si c’est Farba Senghor ou encore Latif Aidara ou même le Général Fall où je ne sait qui ? Ce n’est pas une division ça ? Pourquoi sont-ils si divisés ? C’est un problème complexe et chacun d’eux crée son ministre en Casamance et le fait agir. Si le dossier est donné à quelqu’un, des forces occultes s’agitent pour le torpiller. Finalement, je dis que ces lobbyings qui existent à la présidence, ils ont leur représentant ici en Casamance. Voilà le triste constat.

Parmi ces « messieurs Casamance », qui est le plus en vue ?

Il est très difficile de le dire, mais j’affirme que le maestro de toute la tripote, c’est « Latif Aidara. Celui-la est derrière toutes les manipulations.

Les relations entre Salif et César ont-elles évoluées ?

Je crois que c’est une affaire interne. Je suis désolée, mais ça concerne le mouvement.

Qu’est qui est prévu pour les négociations entre MFDC et l’Etat ?

Les gens parlent de négociations, mais avant de négocier, il y a des préalables. Nous nous disons avant de négocier, il faut des assisses inter MFDC à Paris. Si L’Etat chantonne au niveau des radios pour dire que le MFDC ne parle pas d’une seule et même voix, nous, à notre niveau demandons des assises inter MFDC. Que l’Etat se prononce d’abord sur cette question. Je pense que c’est le chemin le plus court pour que le MFDC parle d’une seule et même voix.

Et quels intérêts pour ces assises inter-MFDC ?

Ces Assisses vont permettre de régler les différents problèmes du MFDC et sera l’occasion pour une rencontre entre l’aile intérieure, l’aile extérieure et les combattants. Je pense qu’à partir de là, on parlera de l’unité et c’est à partir de ce moment seulement qu’on pourra se prononcer sur les négociations entre le mouvement et l’Etat.

Pourquoi Paris et non au Sénégal pour les négociations entre MFDC et l’Etat ?

Pourquoi l’Etat traîne-t-il les pieds depuis plusieurs années et s’entête à vouloir discuter ici au Sénégal pour prétendre être juge et partie. Il y a la puissance colonisatrice qui est partie prenante et quand on parle de négociations, nous, nous disons que nous voulons des assises d’abord puis des négociations en France devant la puissance colonisatrice.

D’aucuns annoncent un mouvement de vos troupes vers le Sud. Si tel est le cas pensez vous que la Guinée serait prête à vous accueillir ?

Depuis le début du mouvement jamais au plus grand jamais il y a eu un cantonnement en territoire Guinéen. Nos cantonnements ne sont pas en Guinée-Bissau. Moi qui vous parle, je suis combattant, j’ai été au maquis le 31 décembre 1984. A cette époque, il n ‘existait au maquis que trois fusils de chasse. Si l’armée n’a pas pu nous déloger à l’époque , ce n’est pas aujourd’hui qu’il va le faire pour que d’aucuns parlent de mouvement vers le Sud.

Y a- t-il un problème de leadership dans le maquis entre César et Antoine Diamacoune ?

C’est archi faux. Un mouvement indépendantiste fonctionne comme un Etat. C’est le politique qui commande le militaire et partout dans le monde entier c’est le politique qui prévaut sur le militaire. L’Etat fait tout pour distraire la population, toujours créer les histoires les plus fausses pour mettre dans la tête des gens que le mouvement du MFDC est divisé. A chaque fois l’Etat nous raconte des paroles en l’air et ça devient de plus en plus pire.

Vous êtes un homme de culture. Parlez-nous de votre vie artistique ?

La culture est une affaire héréditaire. Mon père fut l’un des premiers musiciens modernes de la Casamance à travailler avec les instruments modernes. A cette époque, on ne parlait pas de guitare mais de Banjo, d’accordéon au lieu de saxo. Mon père a manié tous ses instruments. De fait, comme la relève s’est faite au niveau de la famille, ce sont les derniers qui sont restés qui ont révolutionné un peu la danse Kagnalène en mettant les saxos et les tumbas et c’est devenu une mode en Casamance. Mais cela vient de chez moi. C’est pour vous montrer que c’est une affaire de famille. Très tôt j’ai commencé à chanter.

Et vous avez démarré la musique avant le mouvement ?

Effectivement, j’ai démarré dans musique avant le mouvement et je me suis produit dans de nombreuses manifestations avec des amis.

Et comment parvenez-vous à allier votre vie d’artiste et celle de combattant ?

Ce sont des problèmes que tous les artistes Casamançais rencontrent. Le combat pour discriminer la Casamance a été mené sur tous les plans économiquement, politiquement et même culturellement. Le meilleur moyen de dominer un peuple, c’est de l’acculturer. C’est un combat qui est mené depuis des années. Il y avait de grands groupes dont l’Espérance Jazz et l’UCAS. Mais ils n’ont pu faire du chemin.

Quels sont les genres musicaux que vous jouez ?

Je fais un peu de tout ; tout ce qui est rythme diola et selon le feeling

Vos projets ?

Devenir le grand artiste de la planète celui qui sera chargé de véhiculer la culture Casamançaise un peu partout dans le monde. Surtout de jouer dans des camps de concentration. Mon plus grand projet est de jouer dans les grands centres de réfugiés. Le jour, où je serai une grande star de la musique, je rêve de mettre de côté un peu de mes recettes pour aider les victimes de guerre à travers le monde.

A quand la sortie du 1er opus ?

C’est un problème de moyens. J’essaie de me débrouiller comme tous les petits artistes de la Casamance, en attendant les producteurs.



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