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Politique

JACQUES HABIB SY FACE A L’OBS « les contradictions entre M. Abdoulaye Wade et M. Idrissa Seck sont de nature politique avec un soubassement financier très évident. »

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JACQUES HABIB SY FACE A L’OBS « les contradictions entre M. Abdoulaye Wade et M. Idrissa Seck sont de nature politique avec un soubassement financier très évident. »
Dans cet entretien Jacques Habib Sy, de Aid Transparency, commente avec nous le livre que cette Ong vient de publier sur les chantiers de Thiès. Tout en se prononçant sur l’actualité dominée par la candidature de Idrissa Seck à la présidentielle de 2007.

Que pensez-vous de la candidature de Idy pour 2007 ?

Je crois que cette candidature a fait couler beaucoup d’encre hier et avant-hier. Il a réussi à ravir la vedette à toutes les communications du 4 avril qui reste un symbole pour toute la nation. Il a tenu un discours d’une très grande subtilité qui montre qu’il a pris la mesure des enjeux (…). Et la candidature de M. Idrissa Seck est une très mauvaise nouvelle pour Wade. Cette candidature va poser beaucoup plus de problèmes au Pds. Il va y avoir aussi un impact sur le processus démocratique en cours et sur les prochaines joutes électorales.
Si d’ici là le pouvoir ne décide pas de faire autre chose ; parce qu’on a entendu Me Abdoulaye Wade dire à M.Seck de ne pas s’engager dans la compétition politique tant qu’il ne sera pas blanchi par la justice.

La commission indépendante d’investigation de Aid Transparency vient de sortir un livre sur les chantiers de Thiès. Pourquoi un tel livre ?

La présence d’une commission indépendante composée d’organisations de la société civile qui sont totalement indépendantes de toutes les parties en cause dans cette affaire était nécessaire. Et puis se pencher sur la question sans passion avec toute la science requise et le recul nécessaire, pour pouvoir démêler l’écheveau. Vous n’êtes pas sans savoir que c’est une affaire qui a défrayé la chronique depuis maintenant près de deux ans. De plus, ça a été l’origine de l’une des crises institutionnelles les plus graves de notre histoire récente. Pour toutes ces raisons, il nous a paru important d’informer l’opinion publique des véritables dessous qui expliquent que cette crise ait pu atteindre de telles proportions. Dans le chapitre introductif, vous parlez des sources d’un conflit politique, expliquez-nous un peu… Nous avons tenu à faire la genèse de l’affaire en montrant qu’au fond depuis plus d’un an, M.Idrissa Seck après avoir été demis de ses fonctions, avait observé le silence le plus total. Certains avaient dit que c’était un silence assourdissant. On avait vu beaucoup de ses partisans au sommet, commencer à prendre des positions sur son avenir politique. Ce n’est qu’après la sortie du président de la République au Cices devant les femmes de son parti l’accusant nommément d’avoir été coupable de détournement, que M.Idrissa Seck est sorti de sa réserve et a sorti la déclaration que nous savons. Par conséquent, nous estimons que les contradictions entre M. Abdoulaye Wade et M. Idrissa Seck sont de nature politique avec un soubassement financier très évident. Dans l’une de ses dépositions et lors d’un entretien que j’ai eu personnellement avec M.Idrissa Seck, il s’est plaint de ce que la détérioration de ses relations avec M.Abdoulaye Wade, en dehors du fait qu’on lui a fait croire qu’il voulait son fauteuil et qu’il travaillait pour lui-même, il y a la question de la gestion des fonds politiques.

Effectivement, il y a une partie dans le livre où Idrissa Seck dit que ses difficultés avec Wade ont commencé lorsque ce dernier lui a demandé de laisser la gestion des fonds politiques à son fils ?

Exactement, il lui aurait répondu, et toujours selon Idrissa Seck que M. Karim Wade ne fait partie ni de la nomenclature politique du Pds, ni de la nomenclature administrative de l’Etat. Et que par conséquent il n’était pas judicieux qu’il lui soit confié cette responsabilité. Mais au-delà, ce qui est important c’est qu’il y a une très grande question de principe qui est posée à l’ensemble de la classe politique et, en premier, au Pds.

Quelle est cette question ?

C’est la suivante : est-il normal dans un pays aussi démuni que le Sénégal classé parmi les 20 pays les plus pauvres du monde, qu’on puisse voter chaque année 650 millions de nos francs en fonds politiques au chef de l’Etat, 650 millions sur lesquels il ne rend compte de rien. Et qu’on lui dise : « vous faites ce que vous voulez avec cet argent ».

Donc la gestion des fonds politiques vous semble poser problème ?

Elle pose de sérieux problèmes parce que si vous prenez un pays comme la Namibie par exemple, on vote des fonds pour le chef de l’Etat et l’on spécifie à quoi doivent servir ces fonds-là. Ces fonds ne doivent pas être un « machin » qui permet au chef de l’Etat de pouvoir à tout moment peser sur le processus politique, subvertir les votes, acheter les consciences et être en campagne politique permanente. Non. Il y a un listing précis de ce à quoi doit servir les fonds politiques. Mais en plus, en fin d’année, en fin d’exercice budgétaire, le chef de l’Etat est tenu de rendre compte de l’utilisation de ces fonds devant la Cour suprême. Une Cour suprême indépendante bien entendue.

Quelque part dans le livre, plus exactement à la page 47, l’ex-Pm dans sa déposition devant la Dic, a dit qu’entre avril 2003 à avril 2004, il a eu à gérer plusieurs dizaines de milliards de francs, quel est votre commentaire là-dessus ?



Effectivement. Cela a été la plus grande surprise parce que nous sommes allés sans a priori. Vous vous rappelez que pendant des mois et des mois, on a mis à la Une de tous les journaux, des fuites qui ont été savamment organisées, montrant des chèques qui auraient été signés par M.Idrissa Seck. Je vous signale que ces chèques n’ont jamais été portés à l’attention des juges d’instruction. Ce qui veut dire que c’était de faux chèques qui ont été établis pour amuser la galerie. Deuxièmement, il y a eu un battage médiatique autour de cette affaire. On a parlé d’abord de 46 milliards, après on a dit que c’était 17 milliards. Mais personne ne s’est interrogé à l’époque s’il y a une matérialité dans ces détournements. Or nous, d’après le travail que nous avons fait, nous avons procédé à l’examen des pièces. Les pièces qui nous intéressent, les sources primaires de renseignements, ce sont ce qu’on appelle le cahier de prescription technique particulière, ainsi que le bordereau des prix. Ce sont les deux documents qui lient les entreprises à l’Etat. Ce sont ces deux documents qui permettent de dire que l’Etat s’est mis d’accord sur telles conditions et les adjudicataires, les entreprises se sont mises sur ces conditions-là. Et cela est consigné dans le détail, dans ces cahiers de prescription particulière. Il y a également un bordereau des prix qui pour chaque intrant de production, spécifie bien les prix à partir desquels, on est en train de prendre le marché. Par conséquent, si l’Etat devait faire opposition par rapport à ces prix-là, ce n’est pas a posteriori. Ca ne peut être qu’avant. C’est-à-dire qu’avant cela il y a eu la Cnca ( la Commission nationale des contrats administratifs), il y a eu le représentant du président de la République, l’Ige, la Task Force. Ne l’oubliez pas, il y a des bureaux d’études, qui tous agissent au nom de l’Etat pour protéger, défendre les intérêts de la collectivité et les intérêts de l’Etat. Toute cette chaîne de responsabilité était présente à tous les stades de l’exécution des travaux .

Donc, il n’y avait pas moyen de faire des surfacturations ?

Il n’y a aucun moyen possible de faire des surfacturations. D’autre part, on dit qu’on fait tel prix et durant l’exécution du contrat, on peut avoir un autre prix plus élevé. Ou bien alors, on donne un prix très élevé qui ne correspond pas au prix actuel.

Mais dans les deux cas, les personnes qui sont assermentées et qui sont là au nom de l’Etat, quel est le rôle qu’elles jouent ?

Dans sa déposition, la Cnca n’a eu à constater aucune surfacturation, il y a les différents entrepreneurs, il y a ce que le juge Yakham Lèye est en train de voir au niveau du 5ème cabinet pour dire s’il y a eu des manquements à la loi. Je ne suis pas devin, il y a un procès en cours, il faut respecter le processus judiciaire en cours, mais je puis vous assurer que l’accusation formulée par l’Ige et selon laquelle il y a des entreprises fictives, personne n’a réussi à la démontrer . Ce que vous venez de dire, c’est tout le contraire du rapport de l’Ige sur les chantiers de Thiès ?

Absolument. Et alors pour terminer sur cette question, disons que les six experts qui ont été commis par l’Ige, il n’y en a pas un seul qui soit spécialisé sur les questions de routes. On parle de la route, parce que la Vcn représente un marché de plus de 14 milliards qui a beaucoup défrayé la chronique. Or, il n’y a pas un seul spécialiste sur cette question et pire, ils n’ont pas cru devoir montrer quelles étaient les bases de leurs calculs. Or si vous ne démontrez pas les bases de votre calcul, vous ne dites pas non plus quel logiciel vous utilisez, vous parlez de quoi, vous êtes en plein dans le vide. Voilà les circonstances dans lesquelles les surfacturations ont été calculées soit-disant. Soit les experts ont agi sur les prix . Soit sur les quantités . Troisièmement : pourquoi, le Président Wade décide maintenant, alors que le procès n’est pas encore fini, d’augmenter le budget en direction de Thiès ? .

Pour la reprise des travaux des chantiers de Thiès ?

Oui avec pour la reprise des travaux et avec les mêmes entreprises, il y a quelque part contradiction. C’est insupportable ! Ce qu’il faut simplement relever c’est que je suis désolé de le dire, mais M. Wade n’a aucun respect pour la magistrature. Parce que si tel était le cas, il n’aurait pas procédé à de nouveaux investissements tant que la situation actuelle n’aurait pas été clarifiée et vidée d’un point de vue judiciaire.

Vous rejetez l’argument des surfacturations, vous dites que le rapport de l’Ige est téléguidé, à l’arrivée vous remettez même en cause la validité de l’acte d’accusation voté contre Idrissa Seck ?

L’acte d’accusation pose un problème de validité comme vous le savez déjà sur le plan simplement formel. Le nombre de députés qui ont voté l’acte d’accusation est inférieur du point de vue de la loi au nombre qui aurait dû être-là et qui aurait dû voter. Parce qu’il y a une majorité qualifiée qui devait voter cet acte d’accusation. Deuxièmement, le plus important c’est que l’acte d’accusation est fondé sur le rapport de l’Ige. Puisque le rapport de l’Ige a été distribué aux présidents de groupe parlementaire comme étant la base formelle de l’accusation portée par l’Etat et comme étant des preuves irréfutables. Donc ce qu’on dit et M. le président de la République s’étant rendu compte de l’erreur qu’il avait commise, a eu à dire publiquement d’ailleurs que ce rapport de l’Ige n’était pas un acte formel d’accusation et ne constituait même pas un début de preuves. Parce que le juge n’a pas besoin de ce genre de documents pour chercher la vérité.

Le droit lui donne les moyens de procéder à des enquêtes circonstanciées et d’utiliser des personnes assermentées pour pouvoir faire le travail en toute indépendance.

M.Sy il se dit dans certains milieux que vous avez un problème personnel avec Me Wade ?

Ecoutez ! c’est drôle ce que les gens peuvent colporter. Non. Je n’ai aucun problème personnel avec Me Wade. Je crois que nous n’avons pas de rapports du tout avec Me Wade. C’est le Président de tous les Sénégalais, et comme tout Sénégalais, je regarde ce qu’il fait et j’émets des opinions là-dessus. Mais cela n’a rien à voir avec mes opinions personnelles. L’autre chose que je voudrais dire c’est que la seule fois que j’ai rencontré le président de la République c’est lorsqu’il m’avait demandé de bien vouloir piloter la réforme du secteur de l’audiovisuel. Vous avez vu le livre que nous avons publié à cet égard. Parce qu’avant même que la réforme n’ait pris corps, le Président avait déjà pris ses décisions, ce qui nous paraissait inacceptable sur le plan professionnel. Puisqu’à ce jour, nous n’avons jamais reçu d’acte, disons d’accusé de réception, montrant qu’au moins, des patriotes qui avaient travaillé gratuitement, (nous avons autofinancé toute cette entreprise sur un rapport de 350 pages), pour nous remercier.

Il paraît que c’est depuis lors que vos problèmes ont commencé, et que vous ne ratez aucune occasion pour tirer sur lui et que vous prenez toujours fait et cause pour Idrissa Seck ?

Ah non, ce n’est pas exact de dire cela ! Pour ceux qui me connaissent., qui connaissent mon parcours depuis maintenant trente ans, d’abord je n’ai pas l’habitude d’être acoquiné à quelque pouvoir que ce soit. Depuis Senghor, Diouf je me suis toujours opposé avec la même verve. Aujourd’hui avec le pouvoir de l’alternance, je me rends compte qu’avec les dérives qui sont là il ne faut pas baisser les bras, il faut continuer à défendre la bonne cause. Pour ce qui est de Idrissa Seck je ne le connais pas personnellement, je l’ai rencontré tout récemment pour la première fois quand il était en prison. Je l’ai rencontré parce que je suis le directeur d’une organisation qui doit témoigner pour rendre compte fidèlement à l’opinion. Je suis sans états d’âme dans mes rapports avec les politiciens. Ce sont des rapports courtois et de travail.



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